Retour du rassemblement devant le CRA de St-Exupéry

[Article initialement publié sur le site Rebellyon.info]

En réponse à l’appel au secours diffusé le lundi 15 avril et en soutien à tous.tes les prisonnier.es, un rassemblement a été organisé devant le CRA de St-Exupéry réunissant plus d’une soixantaine de personnes. Voici un retour du rassemblement du mardi 23 avril.

Samedi 13 avril, des personnes détenues ont tenté de s’évader du CRA de St-Exupéry. Suite à ces tentatives d’évasion, les flics se sont vengé.es en réprimant les personnes emprisonnées au CRA. Iels ont infligé des punitions collectives : gazages, tabassages, maintien en cellule… Lundi 15 avril, une personne détenue a tenté de se suicider. Les personnes à l’intérieur se sont révoltées et l’une d’elles a lancé un appel au secours et à mobilisation qui a été diffusé le lendemain.
En réponse à cet appel et en soutien à tous.tes les prisonnier.es, un rassemblement a été organisé et une soixantaine de personnes ont répondu par leur présence.

Déroulé du rassemblement
18h15 : les flics se mettent en place, ils sont une dizaine à l’entrée principale et 6-8 devant l’entrée du cargoport qui longe le CRA.

19h : Arrivée du cortège composé d’une soixantaine de personnes. Les banderoles sont déployées (« Ni PAF, ni Rafle, Ni Prison, Ni Expulsion »), des slogans sont scandés (« Freedom, Houliya, Liberta », « Tout le monde déteste la police », « No border, No Nation, Stop Deportation », « Carte de séjour, carté d’identité, ce ne sont que des papiers, il faut les brûler ») sous le bruit des casseroles et des tambours. On lit l’appel à rassemblement, les prisonnier.es nous entendent et répondent en criant.

19h45 – 20h15 : On appelle des personnes enfermées, plusieurs personnes prennent la parole dans différentes langues (italien, portugais, allemand, anglais, français, arabe…). Ils parlent des conditions d’enfermement, de leur parcours et de toutes les violences qu’ils ont subi et subissent.

Après 20h15 : A l’intérieur, ils chantent des slogans « Liberté, liberté », que l’on reprend ensemble. Ils essaient de se rassembler mais les flics les gazent et les enferment en cellule collective. Ils les ont privé de repas.

20h45 : on bouge devant l’entrée principale à leur demande. Les flics nous suivent. D’autres keufs de la paf et de la nationale sortent du CRA, ils s’équipent. Iels sont en tout une vingtaine.
On se rapproche des grillages, on reprend « liberté liberté », ça dure quelques minutes puis les flics arrachent les banderoles et nous aspergent de spray de gel lacrymo poivre et piment. Iels nous chassent à coups de tonfa et d’insultes sur 400m.

Témoignage d’un prisonnier du CRA de Lyon Saint-Exupéry, mars 2019

Je sais pas si tes copains t’ont expliqué mais j’ai entendu dire que tu t’étais ouvert les mains et je voulais savoir si tu voulais expliquer pourquoi tu avais fait ça et pour qu’on le passe à la radio.

Bah j’ai fait ça parce que j’ai des enfants ici et qu’ils veulent m’expulser au pays. Je comprends pas pourquoi ils veulent m’expulser au pays, j’ai un enfant de quatre ans et un enfant de cinq ans et ils veulent m’expulser au pays. Ils m’ont fait un premier vol et le deuxième vol, je l’ai refusé et voilà ! Et là, je me suis charclé et j’attends, j’attends pour mon jugement et je regarde, quoi.

D’accord et tu as fait ça quand ?

Bah j’ai fait ça, enfaite c’était vendredi dernier. Au lieu de me ramener faire des points de suture, ils m’ont foutu là, ils m’ont ramené à l’isolement, ils m’ont gardé toute la nuit là-bas.

Ils t’ont amené à l’infirmerie quand même ou pas ?

Bah rien du tout, ils m’ont nettoyé juste le truc, et j’ai au moins treize points de suture, ils m’ont rien fait.

D’accord tu t’étais ouvert où ? Les poignets ?

Bah j’ai neuf points à peu près dans la main et treize points dans les pieds.

Donc ils t’ont quand même fait des points ?

Ouais. Bah ils ont vu, la CIMADE. Ils sont passés, une association aussi, ils sont passés. Bah ils ont pris l’ouverture, à deux millimètres et quelques. Il y a une ouverture, à peu près, elle est à treize millimètres. Normalement, c’est des points de suture, c’est ce qu’ils m’ont dit, mais, l’infirmière, elle m’a rien dit. C’est le docteur qui a dit : « ouais, ben mettez-le à l’isolement. »

 Donc tu as été mis à l’isolement, et là tu es sorti de l’isolement ?

Ouais.

Bah, je te remercie pour ton explication.

Il y a pas de souci. Mais à part ça, c’est le bordel aussi, là. L’infirmière ici, ils font n’importe quoi aussi, pareil. Et comme à le Forum, ils aident pas les gens, ici, ils expliquent rien aux gens, les gens, ils appellent la CIMADE et les gens de la CIMADE qui passent ici, ils aident un petit peu. Mais le Forum, il y a un bureau de le Forum, c’est pour aider les étrangers. Ils aident rien du tout. Il y a une infirmière aussi, ils font pas leur boulot comme il faut, c’est comme le médecin, c’est comme tout le monde. Les gens, ils ont attrapé des maladies, ils ont la gale et tout, ici, l’infirmière elle s’en fout. Il y en a un la dernière fois qui a fait une crise ici, aussi, pareil. Ils s’en foutent aussi. Ils leur donnent des médicaments, n’importe quoi, vraiment, ça sert à rien du tout.

Soirée de soutien contre les frontières et leurs prisons ! Discussions et projection le dimanche 21 Avril

« Dimanche 21 Avril à l’Amicale du Futur, de 18h à 23h, des interventions, une projection du court métrage « l’Autre côté », des témoignages écrits, des tables de presse et une cantine végane de Libération Animale Solidaire… Bref, toutes les infos pour rejoindre concrètement les luttes contre les frontières et leurs prisons.

Pour les exilé.es racisé.es, la frontière se matérialise dans la forme la plus cruelle, incarnant un racisme systémique : chasses à l’homme dans les montagnes causant la mort de plusieurs d’entre elleux, rackets, ratonnades… Loin des privilèges blancs, les frontières sont une réalité absurde et mortelle que les gouvernements européens infligent aux populations souvent issues de leur colonisation. Leur existence est combattue par celleux qui les traversent à leurs périls, et par des militant·es qui les soutiennent.

Mais une fois les montagnes franchies, le harcèlement continue, et l’état enferme dans les CRA « les illégaux », ces humain·es peu à peu déshumanisé.es par l’arsenal répressif judiciarisé. Le harcèlement continue à travers la traque des flics, la criminalisation des étranger.es par la justice, et leur enfermement dans les CRA.

Le CRA c’est quoi ? C’est “pire que la prison” selon les témoignages. Les Centres de Rétention Administrative sont les lieux où l’on enferme des hommes des femmes, des enfants, au seul motif qu’ielles n’ont ni la bonne nationalité, ni les bons papiers pour avoir le droit de vivre là où ielles le souhaitent. “On n’est pas des criminels”.
En 2016, 1189 personnes ont été incarcérées au CRA de Saint-Exupéry, 211 en sont sorti·e·s. Les autres ? Déporté·e·s ou envoyé·e·s en prison pour plus tard… les déporter.

Dimanche 21 Avril à l’Amicale, de 18h à 23h, des interventions, une projection du court métrage « l’Autre côté », des témoignages écrits, des tables de presse, et une cantine végane de Libération Animale Solidaire…. Bref, toutes les infos pour rejoindre la lutte concrètement.

En soutien aux personnes détenu.es au CRA de Saint Exupéry, une boîte à dons sera à votre disposition, et vous pouvez dès maintenant prévoir de ramener à cette soirée :

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- URGENT : des téléphones sans appareil photo (avec chargeur, surtout si ce n’est pas un chargeur universel)
- ballon de foot
- dentifrice
- gel douche
- shampooing
- sous-vêtements neufs (homme ou femme du 36 au 44)
- chaussettes chaudes
- chaussures homme 42/43
- pulls
- biscuits
- magazines (à l’intérieur il n’y a rien à faire d’autre que de
regarder la télé)
- thunes en liquide »

 

Liens vers les sites :

https://amicale.online/2019/04/09/soiree-soutien-contre-les-frontieres-et-leurs-prisons/

https://rebellyon.info/Contre-les-frontieres-et-leurs-prisons-20527

Appel au secours de l’intérieur du CRA

« -Ok donc y a deux jours y en a qui ont essayé de faire une tentative de s ’évader. Il y en a trois qui ont réussi et trois qui se sont fait attrapés, ont été grave blessés. Ils ont été quarante-huit heures en garde à vue et ils ont passé en quarante-huit heures et aujourd’hui ils rentrent au centre, et aujourd’hui il y a quelqu’un tout à l’heure qui a monté sur la porte où il y a le barbelé. Et il s’est suicidé avec le barbelé. Et il s’est étranglé avec le barbelé. Et la police ils on rien fait c’est nous qu’on l’a descendu. La police ils ont mis à peu près 25 minutes juste pour ramener une échelle. Ils étaient même pas loin à 200 ou 300 mètres. Nous on a voulu le récupérer malgré tout y a les portes entre nous, donc on s’est grimpé tout le monde et on a essayé de descendre mais sauf que eux ils nous a gazé ils nous a frappé ils nous a violé, laisse tomber. Ici tout le monde ils ont pété un plomb, tout l’monde ils ont commencé à brûler, brûler les chambres, à brûler les matelas, à brûler tout. Donc ici les gens ils sont traités comme des chiens, si il y a moyen de nous aider, ici on est des êtres humains on est pas des animaux, voilà notre seul délit qu’on a pas de papiers, c’est notre seul délit notre seul problème dans cette vie. Vous pouvez appeler les associations, ou appeler les médias ou appeler les journalistes, ou toutes les personnes qui sont là pour l’humanitaire, pour de vrai, il faut qu’ils soient là pour nous, pas de cinéma, pas de spectacle, pas de théâtre, ici c’est des êtres humains, on n’a pas besoin de théâtre, on n’a pas besoin de spectacle, on a besoin des gens qui luttent pour nous. C’est un message d’au secours.

-D’accord

-Voilà c’que j’veux dire, et c’est pour ça que aujourd’hui, vraiment, y en a un qui s’est suicidé, y a même pas 20 minutes ou 25 minutes, y a du sang partout, y a des gens ici qui sont prêts à faire même plus que ça parce qu’on est traité comme des chiens. C’est pour ça on fait appel à tout l’monde, c’est un appel au secours ça.

-D’accord et là qu’est-ce que vous faites en ce moment ?

-Là en ce moment on essaie de se calmer mais malheureusement il nous a fermé mais c’est brûlé, y a des chambres qu’ont déjà brûlé, malheureusement y a rien on n’a pas le choix, si on reste ici on va mourir brûler, ou on va s’étouffer avec la fumée. Les gens ici ils peuvent plus enfaite c’est, c’est, c’est… pire que la prison ici c’est la prison politique c’est pas la prison humanitaire ici, c’est pas un centre de rétention, c’est la prison, c’est même pas la prison je sais pas c’que c’est. Faut aider ces gens-là, aujourd’hui on est des êtres humains, des étrangers, il faut les aider. J’peux plus trop parler là« 

[Ceci est une image du CRA de Vincennes où en 2008, des détenu.es ont mis le feu]

Témoignage d’Ani, détenu au CRA de Lyon Saint-Exupéry, février 2019

[…]

Q : Donc tu veux parler de quand tu as voulu appeler ton avocat ?

A : Non, moi j’ai pas appelé l’avocat. Ils m’ont dit que eux-mêmes ils vont appeler l’avocat. Donc j’ai dit « ok, pas de souci ». Donc ils ont appelé l’avocat et l’avocat est venu quelques minutes après. Et l’avocat il a dit [inaudible], donc on s’est vus, on a parlé. Moi j’ai parlé de ma situation à l’avocat. L’avocat m’a demandé si j’ai une adresse. J’ai tout donné. J’ai une adresse où je vis, s’ils veulent appeler ma copine pour vérifier, quelque chose que les policiers n’ont pas accepté de faire, ils n’ont pas fait. J’ai dit « s’ils veulent appeler leurs policiers [inaudible], ils peuvent aller regarder, moi j’ai mon nom sur la boîte d’adresse, et même les factures que ce soit Engie Gaz, le courant, il y a mon nom dessus, avec celui de ma copine. » Ils peuvent tout vérifier, moi j’ai l’adresse. L’avocat il m’a dit « c’est difficile, on verra. » Et jusqu’au soir, rien.

Ils sont venus me voir à 18 heures, ils m’ont dit que si la police n’a pas accepté de me libérer, c’est parce que je n’ai pas fourni de passeport. Si je donnais un passeport, peut-être la police allait m’assigner à résidence. J’ai pas donné de garanties, donc du coup on ne me relâche pas parce qu’ils jugent que je vais partir. Mais moi je lui dis, je vous ai donné une adresse et vous l’avez et le numéro de ma copine, vous l’appelez ou vous me demandez, quelque chose que vous ne voulez pas faire. Donc je ne sais pas quelles garanties je dois vous donner encore. Parce que les informations que je vous donne, vous ne les vérifiez même pas. Et vous voulez une garantie, je vous donne quelle garantie ? Moi, j’ai pas mon passeport, j’ai perdu mon passeport.

Donc ils me disent qu’ils vont m’envoyer en Centre de rétention. J’ai dit « ok, pas de souci. » Donc ils m’ont donné des papiers à signer, je ne voulais pas signer. La dame, elle m’a dit « c’est juste pour dire que la garde à vue est finie chez nous, c’est les gens du Centre de rétention maintenant qui vont t’emmener. » J’ai été naïf, j’ai signé. Et le procès-verbal, j’ai signé sans le lire. J’ai été naïf, ça même aujourd’hui, je le regrette. Et ils m’ont donné une OQTF – obligation de quitter le territoire. Et quand j’ai vu que c’est l’obligation de quitter le territoire, j’ai dit « je signe pas. » Elle m’a dit « ça dépend de vous, si vous voulez pas signer. » J’ai dit « oui, mais j’ai dit je signe pas donc vous n’avez même pas à me répéter. » Donc j’ai pas signé.

Et là, ils m’ont ramené ici. Et quand je viens ici, on me confisque mon téléphone. Je comprends pas. Je regarde leurs lois, leurs conditions de détention, je n’ai jamais vu où c’est écrit quelque part qu’on n’a pas droit aux Smartphones, je n’ai pas vu. Je regarde la loi du Centre de rétention et j’ai pas vu quelque part où c’est écrit qu’on n’a pas le droit aux Smartphones. J’essaie de leur faire comprendre mais ils m’écoutent pas.

Et là, je prends le temps, quand j’ai pu rentrer dans la chambre, je prends le temps de lire le procès-verbal. Ils me disent, dans le procès-verbal, c’est écrit non et j’ai eu le temps de parler avec ma copine au téléphone comme je voulais. J’ai appelé une personne. Ils m’ont demandé si je veux faire venir quelqu’un quand j’étais en garde à vue, j’ai dit non, que je ne voulais. Alors que c’est eux qui m’ont dit non, personne ne peut venir me voir quand j’étais en garde à vue. Maintenant, ils me disent non, dans le procès-verbal, ils écrivent, non, c’est moi qui ai refusé de recevoir la visite. Ça m’a choqué, mais j’ai pas pris en considération.

Donc on est allés devant la juge qui m’a reproché la même chose, parce que je ne donne pas de garanties. Pour eux je dois donner mon passeport qui serait une garantie que je vais partir, parce qu’à chaque moment qu’ils auront besoin de m’expulser, ils peuvent venir me prendre chez moi en sécurité parce qu’ils ont mon passeport. Donc, du coup, ils n’ont pas besoin du laissez-passer de mon Ambassade. Moi j’ai dit « j’ai pas de passeport. » Rien que pour ça, je suis pas libéré donc ils me ramènent en Centre de rétention. On me donne 28 jours et je suis ici depuis le 6 février, donc j’attends.

Q : Et tu es encore en contact avec ton avocat ?

A : Moi, je vais changer d’avocat parce que les avocats commis d’office, c’est pas la peine. Ils ne font rien pour te défendre. Les associations qui sont au Centre de rétention, c’est pareil, même ils te disent « ça sert à rien de faire appel, parce que, que tu fasses appel ou pas, tout compte fait, ça n’empêche pas ton expulsion. » Ça a l’air que c’est un système, ils travaillent tous ensemble, en fait. Ils disent toujours « non, on peut vous aider » mais ils font rien pour aider, donc l’avocat commis d’office, je ne l’appelle pas. Rien du tout. La dernière fois que j’ai fait appel, après, j’ai regretté. Pourquoi ? Parce que je ne veux plus que ce soit l’avocate qui s’occupe de mon cas. Parce que la dernière fois quand on est allé au commissariat, elle nous a demandé tous les documents pour montrer que je vis vraiment avec ma copine. On a tout envoyé. Elle a même demandé à ce que ma copine fasse une attestation d’hébergement sur l’honneur. Elle a tout fait, elle m’a envoyé sa pièce d’identité, elle a même envoyé son passeport qui prouve qu’elle allait me voir à Abidjan des fois. Et on arrive et j’ai dit aux gens de l’association : « dites à l’avocate que quand on va arriver, qu’elle appelle ma copine à la barre pour qu’elle puisse témoigner. » Et on arrive, l’avocate ne fait rien du tout. Moi-même, je vais à la barre pour parler et je me défends contre l’avocate qui est censée me défendre. Du coup moi, je vois ça comme une farce. Je me dis que ça sert à rien d’avoir un avocat, je ne vois pas l’importance .

Q : Oui, mais tu peux changer d’avocat, c’est vrai que les avocats commis d’office sont nuls.

A : Oui, j’ai parlé avec X. X. m’a trouvé une avocate, du coup, j’aimerais que ça soit elle qui s’occupe de mon cas. Je pense que mercredi, elle va croiser X. Elle a donné rendez-vous à X. pour prendre le dossier. Elle, au moins, elle a pris son temps, au téléphone, de m’expliquer la situation. Même quand quelqu’un ne peut pas te faire sortir de là où tu es, mais quand la personne prend le temps de t’expliquer les choses, « voilà comment, ça sera dur, mais voilà… » Ça donne un peu de réconfort !

Tu as une avocate qui te reçoit vingt minutes avant le procès et quand vous finissez le jugement, elle ne prend même pas le temps de t’appeler. Elle attend encore que tu reviennes devant le juge pour te recevoir encore vingt minutes avant que tu passes devant le juge. Elle prend quel temps pour lire mon dossier ? Elle prend quel temps pour me défendre ? Rien ! Vingt minutes ! En vingt minutes, on peut défendre ? On peut être au courant de tout un tas de trucs ? Non !

Q : Et est-ce que tu veux me parler de comment ça se passe dans le Centre de rétention ?

A : C’est ce que je dis à mes amis : pour moi, j’appelle pas ça « Centre de rétention ». Pour moi, c’est une prison. Parce que j’ai déjà rendu une visite à des gens en prison. Et je pense en prison, c’est même mieux qu’ici, voilà. Ici, c’est un semblant de… je ne sais pas comment dire… un semblant de liberté mais qui n’en est pas, voilà. Parce qu’on nous dit qu’on n’est pas en prison, mais ici on est en prison. On n’a même pas de place pour… tu sors de la chambre et tu as l’espace qui est là … je sais pas comment dire…  souvent t’as …  [passages inaudibles] les gens sont tellement sur leurs nerfs que c’est toujours la bagarre entre eux, parce qu’il y a pas d’endroit où… je ne sais pas comment dire… Pour moi, je dirais même qu’en prison, il y a plus d’espace. Et puis tu ne manges pas ce que tu veux. Tu manges des choses que tu n’as jamais vues. C’est pas de la nourriture préparée ici, c’est de la nourriture payée dans les trucs en plastique de supermarché qui sont passés au chauffage, qu’ils chauffent au micro-onde. Si tu veux tu manges, si tu veux pas tu manges pas, c’est pas leur problème, ça n’engage que toi.

Q : Et comment ils sont les gardiens, avec vous ?

A : Il y a des gardiens qui sont sympas. Pour moi, parce que les gardiens ils ne traitent pas tout le monde de la même manière, ça aussi, il faut le dire, voilà ! Donc, je ne peux pas parler pour tout le monde. Pour moi, à 80% la majorité des gardiens sont sympas. La majorité. Par contre, il y a d’autres, quand ils vous voient, ils ont l’impression qu’ils voient des animaux devant eux. Et pour eux, c’est des personnes sans importance, ou sont un petit peu plus qu’un prisonnier. Sinon, il y a des gardiens qui parlent avec nous, qui nous donnent des conseils, des choses à faire. Souvent même, il y en a qui n’aiment pas que leurs collègues parlent  «  Fais confiance à telle association ; à telle association ». [passage inaudible] Souvent on fait comme ça. Souvent les gardiens ils sanctionnent pas. Comme un qui vient d’arriver, il y a même un gardien qui lui a pris des habits parce qu’il n’en avait pas. Il lui a envoyé des habits le vendredi ou jeudi, encore, il lui a ramené des habits, c’est des habits qu’il a pris au magasin pour le lui amener, voilà. Il y a des gardiens qui sont sympas, ils lui donnent sans que ses amis le sachent. Il y a des gardiens qui sont sympas, mais par contre, il y a d’autres, c’est pas  la peine.

Au Centre, les gens viennent nous voir, ils nous amènent souvent des gâteaux, des biscuits chauds. Ils refusent souvent. Ils refusent que ça rentre et je ne comprends pas pourquoi. Pourquoi on n’a pas droit aux choses qu’on veut ? On n’envoie pas des choses pour se tuer, on n’envoie pas des choses pour, non. C’est de la nourriture qu’on envoie. Pourquoi on nous dit pas qu’on nous ramène de la nourriture ? Ça, j’arrive pas à comprendre. Il y a des choses que j’arrive pas à comprendre. Pourquoi on nous dit pas qu’on nous ramène de la nourriture ?

Pourquoi on ne veut pas qu’on ait accès à l’internet ? Ça, je n’arrive pas à comprendre parce que moi, ma copine, elle a payé un téléphone et le problème avec le Smartphone il dit que c’est la caméra, ok, donc elle a payé un téléphone, elle est allée chez un réparateur, elle a enlevé la caméra, devant comme derrière, elle a tout enlevé. Elle a envoyé le téléphone mais ils ont refusé que ça rentre parce que c’était un Smartphone. Vous refusez que ça passe, maintenant, nous on fait comment pour communiquer avec les parents ? Vous voulez nous ramener au pays et on ne peut pas communiquer avec les parents au pays. On fait comment ? Aujourd’hui tout le monde avec Messenger ou Whatsapp, on communique avec les parents au pays. Comment on fait pour communiquer avec les parents ? Tu peux pas prendre les unités prépayées, ça coûte cher, quoi ! Si tu prends du crédit pour appeler en Afrique, ça coûte très cher ! Du coup, c’est par internet qu’on communique. Et là, vous nous refusez ça ! On fait comment avec les parents ? On dit comment qu’on arrive ? Voilà !

Moi je dis  » si vous me ramenez pas, pourquoi vous nous entassez là les uns sur les autres « . Souvent il y en a qui dorment par terre, ou d’autres qui sont cinq dans les chambres. Ça sert à quoi ? Si vous n’avez pas les moyens de vous occuper de nous en Centre de rétention, envoyez-nous chez nous ou laissez-nous en liberté. Moi, j’ai juste demandé qu’on me laisse trente jours, que moi-même, j’organise mon voyage, moi-même, je paie mon voyage, je rentre. Qu’on me donne l’obligation de quitter le territoire, ok il y a pas souci, mais qu’on me donne juste au moins le temps que je réunisse mes affaires, parce que j’ai des affaires à Paris, que je n’ai pas pu faire venir ici, et moi-même je prends mon billet et je quitte le territoire. C’est pas un souci. Mais on refuse et on m’amène là. Vous m’amenez là, c’est que vous avez les moyens de vous occuper de moi. Je mange pas ce que je veux, je fais pas ce que je veux, ça c’est une prison ! Du coup, c’est quoi la définition du mot « prison » ? C’est une punition ! Donc là, c’est une punition.

Q : Tu me disais que vous étiez nombreux à l’intérieur ?

A : Quand ils ramènent une autre personne, nous on refuse, parce qu’on ne veut pas être plus de quatre dans la chambre. Il y a des gens qui sont cinq avec deux qui dorment par terre. C’est quatre lits dans les chambres. Donc s’il sont cinq, il y en a qui sont obligés de dormir par terre.

Q : Donc il y a plus de monde dans le Centre de rétention que ce qu’il y a de places ?

A : Ah oui !

Q : Et toi, tu es déjà allé à l’infirmerie ?

A : Ah oui ! Même hier, je suis allé à l’infirmerie. L’infirmerie, c’est rien du tout. C’est juste un nom. Si tu as besoin de paracétamol, oui, tu peux aller à l’infirmerie. Si tu as besoin de soins, vraiment, de soins qu’il faut, alors ça ne vaut pas la peine d’aller à l’infirmerie parce qu’il y a rien du tout. Même le médecin et les infirmières n’ont rien comme matériel pour s’occuper de nous. Moi, j’ai mal à l’orteil, j’ai mon orteil du pied qui me fait mal, je sais pas pourquoi. Voilà, actuellement je n’arrive même pas à porter la chaussure fermée. Donc je suis allé à l’infirmerie et la dame elle m’a vu quarante secondes et elle m’a donné une pommade avec le pansement, c’est tout. J’ai dit j’ai mal. Et ce qu’elle m’a donné, ça m’a rien fait.

Q : Il y a d’autres choses que tu voudrais raconter ?

A : Oui, je ne sais pas si vous avez parlé avec elle, il y a une fille, je ne sais pas pourquoi, elle est du Congo et on veut l’envoyer en Angola. Ça c’est des choses, on comprend pas, ici. On a l’impression qu’ils font du business avec les Ambassades. Parce que moi, depuis que je suis arrivé, il y a deux ans, qu’ils sont venus me trouver là, qu’ils sont allés à l’Ambassade et moi depuis, on ne m’amène pas à l’Ambassade. On me dit « on va t’amener à l’Ambassade pour aller parler avec ton Ambassade pour ton laissez-passer. » Et est-ce je suis envoyé à l’Ambassade depuis que je suis là ? Non ! Rien du tout ! On m’a pas encore envoyé à l’Ambassade. Il y a des gens qui sont arrivés qui ne sont même pas allés à l’Ambassade et du jour au lendemain, on leur dit l’Ambassade a donné le laissez-passer.

Q : Ah oui, ils sont pas allés à l’Ambassade et ont quand même reçu un laissez-passer.

A : Oui, on n’arrive pas à comprendre. Depuis le départ, on nous coupe du monde, on ne sait pas ce qui se passe dehors et nous on est là, c’est pas facile, on est enfermés.

Retour sur le rassemblement anti-PAF du 1er avril

[Article initialement publié sur le site Rebellyon.info]

Retour sur le rassemblement anti-PAF place Guichard le 1er avril à 18 heures.

La police aux frontières (P.A.F.) traque et rafle les sans-papiers. Gestionnaire des Centres de Rétention Administrative (C.R.A.), elle les enferme, les torture et les déporte.

Il y a quelques semaines, les détenu.e.s du CRA de Saint-Exupéry ont dénoncé les conditions de rétention et les violences subies au quotidien dans un communiqué. En soutien, une centaine de personnes s’est rassemblée place Guichard derrière la banderole « Ni PAF, ni rafle, ni prison, ni expulsion ». Rythmé par les slogans anti-CRA, anti-frontières et anti-PAF, la manif prend joyeusement la rue de la Part-Dieu en direction des bureaux de la PAF. Très rapidement un cordon de CRS se dresse face au cortège. Quelques slogans plus tard, les manifestant.e.s bifurquent pour rejoindre les voies du tram et redescendent jusqu’à la PAF en empruntant la rue Garibaldi. La circulation est momentanément bloquée. Devant le bâtiment de la PAF, les CRS préparent leur matos : ils sortent matraques, spray au poivre et une grenade de désencerclement. La manif continue dans le quartier jusqu’à revenir sur la place Guichard. Suite à une intervention à l’AG du lundi soir, des gilets jaunes se joignent au cortège en scandant : « Gilets jaunes, sans-papiers, solidarité ! » Tout le monde repart en direction de la PAF, rejoint le cours Servient. Affolée, une dizaine de keufs se place devant le tribunal de grande instance. Le cortège déambule en direction de l’avenue de Saxe avant de se disperser vers 19h50. Les flics et la BAC rôdent dans le quartier, contrôlent une personne et en interpellent une autre.