Violences policières au CRA de Lyon. Témoignage de Amarildo, 18/12/20

Moi je suis très mal. Je m’appelle Amarildo. Ici c’est de la merde. ici c’est une grosse merde. c’est pas possible de rester là.

– ça fait combien de temps que tu es ici ?
Je suis ici depuis un mois. Trente et un jours. J’ai fait beaucoup de prison et je suis ici (1). Je veux sortir. Je suis libérable, on me garde ici, ça sert à rien. Je comprends pas pourquoi.

– tu es allé au tribunal ?
Au tribunal madame a dit « bonjour, 28 jours » (2), et basta. Elle te laisse pas parler. Elle te dit « ça va, bonjour », y’a rien. t’as compris ? elle te dit « bonjour, 28 jours ». y’a pas d’avion. si y’a un avion, tu vas dégager.

– t’as pas eu d’avion ?
non. ça fait un mois que j’attends.

– comment ça se passe dans le centre de rétention ?
le centre de rétention… comment ça se passe? ça se passe très mal ici. La police nous tape. elle est violente. Elle est violente.

– pourquoi elle vous tape?
parce que toi tu demandes « donne moi le briquet », lui il sort, il te dit… comment on dit ? [quelqu’un derrière : « il a étranglé quelqu’un. il l’a étranglé. »] Je te jure c’est comme ça.

– Il a étranglé quelqu’un ?
oui. [Quelqu’un derrière : « quelqu’un a demandé un briquet et le policier l’a étranglé. il l’a étranglé. il l’a amené au mitard ! »].

– il est allé au mitard après ?
Oui, isolement. nous on dort ici comme des chiens. nous on mange ici comme des chiens. [quelqu’un derrière : « Les chiens mangent mieux que nous »]. Les chiens mangent mieux que nous. La vie de ma mère. C’est ça la situation.

[Il passe le téléphone.]

Ouais bonjour. y’a quelqu’un il a demandé un briquet au policier, les policiers de la nuit, c’est des racistes. il est sorti, il l’a étranglé. Il l’a étranglé et il l’a amené au mitard. on a peur, des fois même pour demander un briquet pour allumer une cigarette, on a peur de demander un briquet. [une voix derrière : « on a peur, c’est vrai ! »].

– y’a personne qui vous aide dans le CRA ? Les gens de Forum (3), l’infirmerie… ils vous aident pas ?
Non, ils peuvent rien faire. eux ils s’occupent de leur boulot.

– est-ce que vous avez envie qu’on publie aussi ce que vous venez de raconter ?
oui, y’a pas de souci, ouais ouais. merci.

18/12/20

 

(1) C’est le principe de la double peine : à l’issue d’une peine de prison, les personnes sans-papiers peuvent être emmenées directement de la maison d’arrêt au centre de rétention.

(2) La juge l’a condamné à 28 jours de rétention.

(3) Forum Réfugiés, l’association qui officie au CRA de Lyon pour « l’accompagnement juridique » des prisonnièr·es, mais qui en réalité travaille main dans la main avec la police.

Déni de soins, mitard, violences policières, conditions d’hygiène… Témoignage de Yassine, prisonnier au CRA de Lyon-Saint-Exupéry

Bonjour, je m’appelle Yassine. Je témoigne sur le CRA de Saint-Exupéry. On est pas bien ici. C’est sale, c’est dégueulasse. Le nettoyage c’est pas bien. Les chambres elles sont sales. Ils ont montré que le nouveau bâtiment à la télé. Quand vous êtes venu·es [les journalistes] ils ont montré que le nouveau bâtiment (*). le quartier jaune, le quartier orange, le quartier bleu, ils ont pas montré. ils sont tout sales, dégueulasses, ils ont montré le bâtiment qui les arrange. Les autres bâtiments où on dort ils sont tout sales, les murs ils sont sales, c’est n’importe quoi. ils ont montré que le bâtiment qui les arrange. même l’infirmerie, le mur il était jaune, ils ont dit « ah il faut qu’on fasse la peinture blanche parce que la couleur elle est pas bien ». ils ont montré que le bâtiment neuf. voilà. les autres bâtiments ils les ont pas montrés, les bâtiments où on dort. on est mal ici, on est maltraités, on est pas bien, on est pas libres. normalement on peut aller où on veut. Au Maroc les Français ils viennent sans visa, et nous ils nous expulsent, ils nous renvoient au bled, ils nous renvoient au Maroc, normal, tranquille, comme ils veulent. c’est pas juste ça. j’ai toute ma famille ici, toute ma famille en France, j’ai personne au Maroc. ça fait 8 ans que je suis en France.

– ça fait combien de temps que t’es ici ?
ça fait un mois et 22 jours. Je suis passé au tribunal. J’ai toute ma famille ici en France. Mes parents, mes frères, mes sœurs, toute ma famille. J’ai même pas un membre au Maroc. Et ils veulent m’expulser au Maroc. y’a pas la décision du tribunal pour m’envoyer au Maroc. Et là ils veulent me faire le test pour m’expulser. Y’a pas la décision, ça c’est pas juste. J’ai toute ma famille ici. Je vais faire quoi au Maroc moi ? Le CRA c’est sale. C’est comme des racistes, leur police des frontières là, c’est comme des racistes. on est maltraités, on est pas bien, voilà. C’est de la merde ici. Mon ami il est à côté de moi il me dit c’est de la merde.

– les policiers tu dis qu’ils sont racistes? ils font quoi, ils sont violents avec vous, ils vous insultent…?
ouais ils gueulent la nuit pour montrer les cartes. Ils viennent, ils nous mettent des coups de pieds pour nous réveiller. pour nous réveiller ils nous mettent des coups de pied, c’est pas normal. c’est pas la liberté, c’est pas l’égalité ça. ils nous traitent comme des étrangers de merde, voilà.

– mais pourquoi ils veulent vous réveiller la nuit?
parce que la nuit ils viennent compter les gens. Ils comptent les gens.

– c’est quoi la carte qu’ils vous demandent?
ils donnent une carte, y’a ton nom, ta vie, tout, ta date de naissance… comme une carte d’identité. ça se passe mal, on est pas bien, même la bouffe qu’ils ramènent c’est périmé, elle est gonflée, on mange de la bouffe périmée, c’est pas bien.

– et vous avez des visites ? ils vous laissent faire des visites ?
les visites normalement ils ferment la porte, là ils laissent la porte ouverte, ils nous surveillent, pour qu’on rentre rien. ils nous surveillent, ils nous fouillent. ils nous laissent pas faire la visite tranquille. Mon pote il a un ami, ils le laissent pas faire la visite.

– pourquoi ils le laissent pas?
parce qu’il a parlé mal avec un policier, ils l’ont mis au mitard.

– dès qu’ils sont pas contents ils vous envoient au mitard?
quand tu parles mal ils t’envoient au mitard, c’est simple. on dort sur la ferraille, y’a pas de couvertures, y’a rien. même pas un matelas. ils te donnent même pas à manger. un jour ils m’ont emmené au mitard, ils m’ont pas donné mon traitement, ils m’ont laissé comme un chien dans la cellule.

– ils vous font rester longtemps?
24 heures. ils te donnent pas à manger, ils te laissent sur le métal, sur la ferraille.

– hier aussi tu disais qu’ils vous donnaient des médicaments?
moi je suis suivi à l’hôpital X. je prends des traitements […]. j’ai un médicament à l’extérieur, et là ici ils veulent pas me le donner. je sais pas pourquoi. ils le donnent à tout le monde et moi ils veulent pas me le donner. j’ai mal au dos à cause du travail. j’ai cher mal aux dents, ils veulent pas m’envoyer au dentiste. ils veulent pas m’envoyer au dentiste. je peux même pas manger, j’ai mal aux dents. je peux même pas manger. j’ai les dents toutes cassées.

– ils te laissent pas voir le médecin?
non y’a pas de dentiste ici.

– mais le médecin il peut pas t’aider?
il donne juste de l’ibuprofène pour le mal.

– t’as envie de parler d’autre chose?
on est pas bien ici, on est enfermés, on voit pas la famille. on est tristes. on se sent comme… on est pas comme les autres, on est pas comme vous. parce qu’on a pas les papiers, on a pas le droit de rien. on se sent pas bien, on se sent mal, on se sent cher mal mal mal. mal au cœur. on a pas le droit de travailler, on a pas le droit de rien du tout. ça fait depuis 2013 que je suis en France, ça fait 8 ans. normalement au bout de 5 ans ils donnent les papiers. ça fait 8 ans, ils veulent pas me donner les papiers.

– ce soir y’a une manifestation à Lyon pour la régularisation des sans-papiers !
d’accord, merci. on se tient au courant.

 

témoignage recueilli le 18/12/20.


(*) le 14 décembre, la sénatrice EELV du Rhône Raymonde Poncet Monge est venue « par surprise », accompagnée de journalistes, visiter le CRA de Lyon. La raison de sa visite était de « se rendre compte de la situation sanitaire du centre », et notamment vérifier que le respect des normes s’était bien « amélioré » depuis la visite d’un autre sénateur des Verts en novembre dernier. Au JT de France 3 le soir même, l’évènement a donné lieu à une véritable validation de la gestion de la crise sanitaire par les flics dans le CRA.

Parloir sauvage en soutien aux prisonnièr·es du CRA de Lyon-Saint-Exupéry

L’État continue à enfermer et mettre en danger la vie des prisonnièr·es malgré les nombreux témoignages des personnes enfermées en CRA, les mobilisations importantes de la Marche des solidarités partout en France en octobre 2020 et la manifestation pour la fermeture des centres de rétention du 28 novembre dernier à Lyon.

Soutenons les luttes des personnes enfermées et exigeons la fermeture des centres de rétention, la fin de l’enfermement et des expulsions !

Deux jours avant l’Acte 4 des Sans-Papiers, rendez vous le mercredi 16 décembre 2020, devant le CRA de Lyon Saint Exupéry pour répondre à l’appel des prisonnièr·es et montrer notre solidarité !

Les CRA sont des prisons où l’État enferme les personnes qu’il considère comme irrégulières sur le territoire français parce qu’elles n’ont pas les « bons » papiers. L’objectif officiel de l’État, par l’intermédiaire de la PAF (police aux frontières), est de maintenir ces personnes enfermées pour organiser leur expulsion. Les prisonnièr·es peuvent être emprisonné·es jusqu’à 90 jours au cours desquels iels subissent des violences physiques et psychologiques. Les violences policières, tortures, insultes et humiliations sont quotidiennes. A cela se rajoute la possibilité pour l’État de les condamner à de la prison ferme pour toutes sortes de prétextes : notamment le fait de résister à la déportation, ou en ce moment par exemple, le fait de refuser de faire un test covid.

Début novembre, des personnes enfermées au CRA de Lyon ont été testées positives au covid 19. Les prisonnièr•es ont entamé une grève de la faim pour exiger leur libération immédiate.

Actuellement, beaucoup de frontières sont fermées. Quand l’expulsion n’est pas possible, les CRA montrent leur vrai visage : l’État continue de faire payer aux sans papiers leur présence en les maintenant enfermé·es, mettant leur vie en péril en temps d’épidémie mondiale.

La gestion criminelle de la crise sanitaire s’ajoute aux conditions de détention habituelles (insalubrité, promiscuité, nourriture infecte, justice répressive, manque de soins, déni du droit de visite, violences policières en toute impunité…).

Dans le contexte général de stigmatisation et de criminalisation des personnes étrangères, l’État fait le choix de durcir davantage ses politiques racistes et carcérales. Le CRA continue de se remplir. L’Etat français fait pression sur d’autres gouvernements pour expulser toujours plus et assoir sa violence néo-colonialiste, assumant un chantage aux visas notamment pour l’Algérie, la Tunisie et le Maroc.

L’ouverture de plusieurs nouveaux CRA est programmée. À Lyon, la construction d’un deuxième centre de rétention a commencé depuis plusieurs mois à quelques centaines de mètres du CRA actuel, sur un terrain appartenant à Vinci. Le budget estimé est de 12,5 millions d’euros, sa surface de 3200 m2, et sa capacité d’enfermement de 140 places. D’autres entreprises privées collaborent avec l’État et travaillent à maintenir le système des CRA tout en se faisant du fric. À Lyon, le marché de la construction du nouveau CRA a été attribué à Eiffage, assisté par l’entreprise ICAMO, qui s’y connait déjà en construction de taules vu qu’elle a géré des chantiers pour d’autres prisons notamment à Saint-Quentin Fallavier.

En soutien aux luttes des personnes sans papiers enfermées et isolées, mobilisons-nous pour la fermeture définitive des centres de rétention et contre la construction du deuxième CRA de Lyon !

Régularisation de tous·tes les sans papiers !

Ni expulsions, ni prisons,

Virus ou pas, à bas les CRA !

 

Rdv le mercredi 16 décembre à 18 heures devant le CRA de Lyon, rue du Royaume-Uni à Colombier-Saugnieu.

 

Rassemblement déclaré en préfecture, organisé par le Genepi Lyon et le collectif Lyon anticra.