Place nette: le nettoyage social raciste à l’oeuvre

Sous la « propreté » et la « sécurité », le racisme

Depuis le dernier trimestre de 2023, des opérations de police nommées « Place Nette »  se déroulent dans des quartiers populaires dans toute la France, à l’initiative de Darmanin. Ces dispositifs déploient des centaines de flics dans l’espace public pour contrôler le plus de personnes possible. Toutes les personnes contrôlées qui n’ont pas de situation administrative régulière sur le territoire sont raflées. Ces opérations concernent de nombreux quartiers de villes moyennes ou grandes sur l’ensemble du territoire : Nîmes, Valence, Garge-lès-Gonesse, Poitiers, Tours, Villeurbanne, Marseille, Nantes, Lyon… Dans la plupart des cas, il s’agit de quartiers liés de pleins de manières à l’histoire de l’immigration.

A travers ces dispositifs, l’Etat prétend lutter contre le trafic de drogue et l’insécurité dans les quartiers :  « Les opérations « place nette » sont réalisées en priorité sur les secteurs difficiles des grandes agglomérations. (…) pour démanteler et empêcher les trafiquants de se réimplanter en portant un coup d’arrêt durable par une action durable. Elles visent à remettre de la sécurité, de la sérénité et de l’ordre public partout où cela est nécessaire. » Ces mots du ministère de l’intérieur sont d’une grande violence et exposent au grand jour les objectifs de la police : il s’agit bel et bien d’actions coup de poing (des descentes de police pour rafler les personnes sans-papiers et pour contrôler les personnes racisées), sans travail de fond sur la réalité sociale de ces quartiers. En effet les résultats mis en avant ne parlent que de chiffres : interpellations, kilos de drogues, de véhicules et d’armes saisies. Ces chiffres ont vocation à effrayer, ces opérations veulent légitimer et nous habituer à la présence policière toujours plus nombreuse et brutale dans les rues. 

Les enjeux de ces opérations sont avant tout racistes et coloniaux : celles-ci ont surtout pour but de contrôler des populations bien précises dans des territoires visés (les fameux « secteurs difficiles », qui sont en réalité les zones délaissées par les politiques publiques depuis toujours). La prétendue « insécurité » que voudrait combattre le ministère de l’intérieur n’est que le reflet des violences systémiques exercées sur les habitant.es majoritairement non blanches et issues de l’immigration de ces quartiers.

 On perçoit bien dans l’appellation de ces opérations le regard que l’Etat pose sur les quartiers populaires : des espaces « sales«  à « nettoyer ». Une rhétorique particulièrement dangereuse, qui une fois de plus stigmatise et déshumanise les personnes qui y vivent. En 2005, Nicolas Sarkozy parlait des cités comme d’endroits à « nettoyer au Kärcher ». Les propos de Darmanin s’inscrivent dans cette lignée : sous ses envies de « propreté » se cache une volonté xénophobe et raciste de réprimer toujours plus les habitant.es des quartiers populaires, désignées comme la cause de tous les maux de la société. Cette rhétorique vient bien rappeller que certaines personnes sont considérées comme « indésirables » parce qu’elles sont pauvres, qu’elles n’ont pas de statut administratif reconnu par l‘Etat, qu’elles doivent pratiquer des activités criminalisées pour survivre, ou qu’elles sont étrangères. 

Le lundi 18 mars 2024, lors d’une visite surprise à Marseille, Macron a annoncé la mise en place des « opérations Place Nette XXL« : « elle[s] mobiliser[ont] de très nombreux policiers sur toute la ville pendant plusieurs semaines. 750 policiers et gendarmes ont investi les quartiers sensibles de la ville et notamment la cité de la Castellane« . Il s’agit de : « frapper plus fort, plus longtemps, plus intensément ». La première opération a déjà commencé à Marseille, mais à terme, plusieurs dizaines de villes seront concernées par ces places nettes XXL.

En région lyonnaise, c’est d’abord le quartier du Tonkin de Villeurbanne qui a été la cible de cette répression policière, à la demande du ministre de l’Intérieur, sous l’autorité de la Préfète de Région Auvergne-Rhône-Alpes Fabienne Buccio et du Procureur de République de Lyon. Un énorme dispositif policier a été déployé : 250 officers de police judiciaire, secondés par une unité du RAID, la CRS 83 et la Police Aux Frontières. Le vendredi 22 mars, Gérald Darmanin a de nouveau annoncé une « brigade de sécurité » qui sera déployée au Tonkin (concrètement 12 policiers en plus qui patrouilleront le quartier), ainsi qu’un budget de 500 000 euros dédié à l’installation de 50 caméras de surveillance dans ce quartier de Villeurbanne. Depuis la fin du mois de novembre, il y a aussi eu des opérations sur la place Mazagran dans le quartier de la Guillotière

La complicité des sociétés KEOLIS et la SYTRAL, les entreprises opérant la direction des transports en commun lyonnais, a permis des contrôles d’identité massif dans les transports. Quand on est sans-papiers, même prendre le bus devient dangereux. 

Les opérations place nette représentent toujours plus d’argent public alloué à la répression, la violence et la brutalité policière, alors que l’on nous répète que l’Etat n’a pas d’argent pour lutter contre le mal-logement, la précarité, autant de problèmes de fond qui ne trouveront jamais de solution tant qu’on misera sur le tout-répressif à l’égard des plus précaires. Résultat de ces opérations :  aucun moyen mis en place pour l’amélioration des conditions de vie de la population, mais des saisies de drogues et des interpellations. Ces interpellations conduisent des personnes à l’enfermement en Centre de rétention administrative ou en prison, pour trafic illicite, ou bien pour séjour « illégal«  sur le territoire. Les CRA sont un rouage de ces processus de répression et renforcent le lien établi par le pouvoir entre criminalité et populations pauvres et d’origine étrangère.  Les personnes y sont enfermées pour être expulsées, mais aussi dans le seul but de leur faire subir la violence inhérente à l’enfermement.L’enfermement a toujours pour but de stigmatiser, réprimer et humilier.

Nous dénonçons les opérations place nette, leur violence raciste, la répression, et nous dénonçons tous les dispositifs policiers qui conduisent à l’enfermement des personnes.

À bas la police
à bas les Cra 
à bas les frontières 
Soutien à toustes les prisonnièr.es

Enfermement et soin sont incompatibles. Réponse à la lettre ouverte du médecin du CRA de Lyon Saint Exupéry.

TW : violence médicales, tentatives de suicide.

 

Il y a quelques semaines, le médecin du CRA de Lyon a démissionné en publiant une lettre ouverte (https://www.rue89lyon.fr/2022/12/20/demission-medecin-centre-retention-lyon-fabrique-violence/) expliquant qu’il ne pouvait plus exercer son métier à cause des « conditions dégradées » dans le centre ces derniers mois. Pourtant cela fait des années que des prisonnier-es du CRA de Lyon témoignent de violences de la part du corps médical. En dénonçant uniquement un manque de moyen et une dégradation de ses conditions de travail, il masque le véritable problème : soin et enfermement sont incompatibles.

Ce témoignage a été beaucoup diffusé par les associations et les médias. De nombreux autres récits – qui contredisent celui-ci – ont été publiés par le passé, sans retenir la même attention, parce que c’étaient ceux des prisonnier-es elleux-mêmes, dont la parole est systématiquement délégitimée ou ignorée par rapport à celle des institutions, dont le corps médical. Accorder plus d’importance à ce témoignage d’un médecin qu’à celle des premier-es concerné-es participe à l’invisibilisation des prisonnier-es, de leur parole et de leurs luttes.

Ce témoignage sert un discours qui légitime l’incarcération en affirmant que les problèmes dans les centres de rétention (et autres prisons) seraient dus uniquement à de mauvaises conditions d’enfermement ou à un manque de moyens et non à l’enfermement en lui-même. Dans les CRA, les médecins n’ont pas vocation à améliorer les conditions de vie des détenu-es, ils font partie du système de maintien de l’ordre. La dégradation des conditions de santé des prisonnier-es est un outil de l’État pour réprimer et contrôler les personnes étranger-es, et les médecins à l’intérieur des CRA en sont l’instrument (voir l’article : https://abaslescra.noblogs.org/le-juge-le-flic-et-le-medecin/).

*

Au CRA de Lyon, que ce soit dans l’ancien CRA ou dans le nouveau ouvert en 2022, les prisonnier-es ont toujours dénoncé de mauvais traitements par les médecins. Ces derniers n’ont jamais réagi pendant des années et ont participé activement aux violences qui y ont lieu quotidiennement.

Le 16 mars 2019, des détenu-es en grève de la faim écrivaient dans un communiqué (https://crametoncralyon.noblogs.org/nouvelle-greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-lyon-et-appel-a-soutien-17-03-2019/) :

« ils nous donnent des médicaments donnés pour les gens vraiment fous sans ordonnance sans rien (comme Diazépam, Lyrica, Valium, Prazépam, Tercian, Zopiclone, Théralène, Subutex) et même les infirmières elles sont courant de tout. Les gens ils font la grève mais elles leur donnent des médicaments pour les intoxiquer même y en a des pères de famille ils se charclent ici il a des points de suture ils l’ont laissé comme ça au confinement sans qu’on le soigne y a quelqu’un aussi il a une maladie du foie il obligé qui soigne »

En avril 2019, Yanis, détenu au CRA, dénonçait aussi le recours systématique à des traitements lourds pour mieux contrôler les prsionnier-es (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-yanis-detenu-au-cra-de-st-exupery-avril-2019/) :

« Concernant les soins, il n’y a pas de soins ici, c’est … C’est de la merde. Ya que du Diazepam et tout. Yen a, jsais pas moi, concernant… moi j’ai consulté le médecin l’autre jour, elle m’a donné du Diazepam, moi j’ai, je suis un peu stressé, elle m’a dit « deux Diazepam ».
Et deux Diazepam je sais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là parce que c’est … C’est un anti-dépresseur ou quelque chose comme ça. Moi c’est pas une dépression c’est un petit stress passagère. Mais c’est…
Mais je savais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là, mais du coup ya une euh… une grande euh… Une grande euh… C’est la majorité qui prend ces médicaments là… C’est parce que c’est… C’est exprès qu’ils font ça ou je sais pas… […] Je sais pas pour calmer les gens peut-être, je sais pas… »

À l’automne 2020, un prisonnier tabassé par les flics racontait comment le médecin avait minimisé ses blessures pour couvrir ses agresseurs (https://crametoncralyon.noblogs.org/jai-peur-franchement-vous-me-faites-peur-je-pense-il-suffit-quon-vous-donne-quelques-droits-la-et-vous-allez-commencer-a-tuer-des-gens-vous-temoignage-de-x-tabass/) :

« Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais  il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là, et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. »

En novembre 2020, en pleine épidémie de covid (plusieurs dizaines de prisonnier-es testé-es positifs), les détenu-es dénonçaient l’absence totale de mesures sanitaires, face à quoi le médecin n’a rien fait :

« J’ai dit je suis malade je tousse, ça fait trois jours j’ai la gorge… les gens qui ont le coronavirus ils étaient avec moi, je suis malade. Ils me donnent pas de rendez-vous, non. Ils me parlent mal, même le médecin ici il parle mal, il me dit on n’a pas ça, on n’a pas ça. Si tu parles mal avec lui il va appeler la police. La police va t’amener à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-cra-de-lyon-les-prisonniers-denoncent-leur-situation-alors-que-11-personnes-ont-ete-testees-positives-au-covid-19-temoignage/)

« J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent. après ils m’ont emmené au mitard. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/voila-comment-on-traite-les-gens-on-est-isoles-cest-vrai-quil-y-a-des-cameras-mais-dans-les-chambres-il-y-en-a-pas-dans-les-chambres-il-y-a-que-des-agressions-temoignage-de-x/)

« Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/parce-que-nous-on-est-la-on-est-dans-la-realite-du-virus-le-virus-il-circule-on-est-la-dedans-et-personne-ne-nous-aide-personne-ne-fait-rien-pour-nous-aider-temoignage-de-d-enferme-au-cra-de/)

Ou encore ce témoignage d’un prisonnier dénonçant la réaction du médecin suite à la tentative de suicide d’un co-détenu :

« Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/on-compte-sur-vous-pour-fermer-ce-centre-cest-catastrophe-on-est-trop-touches-temoignage-de-x-prisonnier-au-cra-de-lyon-14-11-20/)

En plus des risques sur la santé physique liés au covid, l’inaction et le mépris des médecins face à l’épidémie dans le CRA ont eu un impact très violent sur la santé mentale des personnes enfermées (stress, peur d’attraper le virus, isolement…).

Si à l’époque les nombreux cas de covid au CRA avaient attiré l’attention des médias et des associations pour quelques temps, ensuite les violences médicales ont continué, dans l’indifférence totale.

En juin 2021, des prisonnier-es en grève de la faim témoignaient (https://crametoncralyon.noblogs.org/ils-shootent-la-plupart-des-personnes-covid-maltraitance-et-violences-policieres-au-cra-de-lyon-temoignages-des-prisonnier%c2%b7es-3-7-06/) :

«  Bah le médecin vous savez, ils sont pas avec nous. Donc du coup, eux ils sont dans leur bureau, ils savent vraiment pas ce qui se passe, ils sont dans leur coin. sauf quand quelqu’un est malade, mal aux dents, n’importe quoi, c’est doliprane quoi. Après ils essaient de donner aussi des… je vais pas vous mentir hein, ils donnent aussi beaucoup des… ce qu’ils prescrivent aussi beaucoup c’est des… comment ils appellent ça déjà? des calmants, anxiolytiques, voilà. Ils shootent la plupart des personnes. »

«  ça se passe mal, ils nous traitent comme des animaux. Ils nous mettent la pression, ils nous narguent, ils nous disent : comme mon ami il a la dent cassée, il est dans sa chambre dans l’isolement [car il est positif au covid], il va mourir, il a parlé avec les flics ils ont dit : « prend un doliprane et allonge toi », il a parlé avec le médecin il a dit « prend un doliprane ». On est malmenés quoi ! on est pas des êtres humains, on est du bétail, on est du bétail voilà. Y’a un copain aussi là il est malade, il est trop malade, il est au mitard ça fait cinq jours.
– Pourquoi il est au mitard depuis 5 jours?
– Parce que il est tombé de son lit, il s’est cassé le bras et y’a eu du sang, ils ont dit : « t’as fait exprès », et ils l’ont mis au mitard. »

Le déménagement dans le nouveau CRA neuf en janvier 2022 n’a amélioré en rien la santé des prisonnier-es, comme avait témoigné l’un d’eux en mai dernier (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-x-on-dit-le-pays-des-droits-de-lhomme-quand-on-se-donne-cette-etiquette-il-y-a-un-degre-de-respecter-les-humains/) :

« Au niveau médical, j’ai eu un début de, je sais pas, parce que je l’avais jamais eu dehors, un début de problème cardiaque. Je faisais déjà de la tension, a plus de 17° de tension, déjà ce n’était pas très bon, pendant plus de 2 semaines. […] Dejà même si c’est dehors, pour un être humain, faire de la tension à plus de 17° pendant 2 semaines, c’est un risque de danger, ça peut causer un problème cardiaque. Et pour celà, au moins on doit avoir un suivi médical, un peu ordonné. Et là, sans toutefois me faire des examens, on me propose de me mettre sous traitement. Et quand je demande pour voir le traitement, c’est des somnifères qu’on me donne ! Et quand tu refuses ça devient un problème ! (inaudible). Tu dois au moins me faire des examens,  me mettre sous traitement, avec un suivi médical bien ordonné qu’on peut défendre. Mais pas me dire directement on va te mettre sous traitement et quand tu regarde ce que tu m’as donné c’est ce que tu donnes, le même traitement, à tout le monde qui est au centre. On retrouve particulièrement les mêmes problèmes, parce que quand tu regardes les comprimés qu’on donne à d’autre gars, tu reviens avec quelque chose qu’il a eu, c’est pratiquement les mêmes comprimés qui sont donnés chaque fois. »

En mai 2021, notre collectif avait déjà alerté de nombreuses structures et associations  (https://crametoncralyon.noblogs.org/il-est-impossible-de-soigner-dans-les-lieux-denfermement/) sur ces pratiques médicales abusives, tout en rappelant l’incompatibilité entre soin et enfermement :

« Au lieu de les accompagner et de leur apporter les soins nécessaires, par définition incompatibles avec l’enfermement, les unités médicales au sein des CRA minimisent les souffrances psychiques et physiques exprimées, et participent ainsi à renforcer la vulnérabilité des personnes concernées. Déjà soumises à la violence administrative et policière inhérente à l’enfermement, les prisonnièr-es sont donc également confronté-es à une violence médicale plus difficile à dénoncer. »

*

La lettre ouverte du médecin démissionnaire du CRA de Lyon n’apprend donc rien de nouveau sur les mauvais traitements subis par les prisonnier-es. En revanche, elle passe sous silence l’hypocrisie du corps médical qui s’est rendu complice et acteur de ces violences pendant des années.
Cette lettre est dégueulasse. Elle légitime en de nombreux points le discours étatique, par exemple en reprenant l’idée raciste et classiste que les prisonnier-es du CRA seraient des personnes dangereuses et violentes, et donc qu’iels seraient en partie responsables de leurs mauvaises conditions de détention.

En se focalisant davantage sur les supposées violences des détenu-es que sur celles structurelles de la détention, cela le conduit à remettre en question la relative « libre circulation » au sein du CRA et à déplorer le fait qu’il n’y ait pas de surveillants, comme en prison, pour « pacifier » la détention. En prenant pour exemple les prisons, il invisibilise et nie là encore la réalité vécue par de nombreuses personnes enfermées dans ces prisons, où, en plus de la violence des matons, les conditions médicales sont tout aussi violentes, comme le documente depuis des années le journal anticarcéral l’Envolée (https://lenvolee.net/).

L’enfermement en soi, ainsi que la menace de déportation, ont des conséquences désastreuses sur la santé des personnes, car ces institutions traumatisent, usent de violences physiques et psychologiques, torturent, sont la cause de tentatives de suicide.  Pour nous il ne peut pas y avoir de « relations normalisées » dans une institution raciste dont la raison d’être sont l’enfermement et l’expulsion, pas plus « qu’attendre sereinement son expulsion » n’est possible ou souhaitable. Les prisonnier-es ne cessent de résister et iels ont raison.

Sous couvert de critiquer le système carcéral, ce genre de discours ne fait que le renforcer, en prétendant qu’il pourrait y avoir une « bonne » manière d’enfermer.

Répétons-le encore une fois : soin et enfermement sont incompatibles. Les CRA et les prisons tuent.

Pour un droit à la santé pour toustes,
Abolition des CRA et de toutes les prisons !

Le collectif Lyon Anticra

Il est impossible de soigner dans les lieux d’enfermement

Dans les CRA les violences médicales sont quotidiennes. Les unités médicales participent au système qui trie, enferme et expulse les personnes sans-papiérisées, et sont directement complices de la PAF. Le soin est par définition incompatible avec l’enfermement.

 

 

Le texte suivant a été envoyé à une liste de structures et d’associations liées au milieu médical et médico-social afin de les alerter sur les pratiques médicales abusives dans le CRA de Lyon Saint Exupéry, régulièrement dénoncées par les prisonnièr.es dans leurs témoignages.

 

« Bonjour,Nous sommes un collectif qui lutte pour la fermeture des CRA, les prisons pour sans-papiers. Nous sommes en contact avec les prisonnièr.es et publions régulièrement leurs témoignages sur notre site.
Nous voulions vous alerter sur la situation à l’intérieur du CRA de Lyon Saint-Exupéry.Depuis que nous sommes en contact avec des prisonnièr.es, tous les témoignages qui abordent la question de l’accès aux soins et des conditions sanitaires au sein de l’UMCRA font état des violences médicales systématiques exercées à leur encontre sous différentes formes : distribution abusive de traitements, notamment psychotropes (anxiolititiques, neuroleptiques…) et substitutifs,refus de la part du médecin d’appeler le SAMU ou les pompiers, refus d’accès à des soins urgents, non prise en considération de symptômes décrits par la personne, posologie arbitraire, rupture de traitement nécessaire..

De toute évidence, le dispostif des UMCRA ne garantit pas le droit fondamental à la protection de la santé, consacré par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946, qui implique, outre la sécurité sanitaire, un égal accès aux soins ainsi que leur continuité. De trop nombreux témoignages mettent en cause la déontologie médicale et indiquent le non-respect de la dignité des personnes enfermées malades. Au lieu de les accompagner et de leur apporter les soins nécessaires, par définition incompatibles avec l’enfermement, les unités médicales au sein des CRA minimisent les souffrances psychiques et physiques exprimées, et participent ainsi à renforcer la vulnérabilité des personnes concernées. Déjà soumises à la violence administrative et policière inhérente à l’enfermement, les prisonnièr.es sont donc également confronté.es à une violence médicale plus difficile à dénoncer.

Les acteur.ices  du médico-social ne doivent pas cautionner la logique répressive et raciste qui existe dans les CRA, et qui est elle-même la cause de souffrances physiques et psychiques pour les prisonnièr.es. Au minimum, il est en votre pouvoir de prendre position publiquement pour dénoncer cette situation.

Vous pouvez lire sur ce blog des témoignages des prisonnièr.es du CRA de Lyon, qui évoquent régulièrement les cas de maltraitances médicales. Le rapport des associations sur les CRA de 2019 évoque également « un droit à la santé de plus en plus sacrifié ». D’autres témoignages sont à lire sur les sites de A bas les CRA et Toulouse Anti Cra.

Lyon anticra, collectif de soutien aux prisonnièr.es du CRA de Lyon et de lutte pour la fermeture des centres de rétention »

La justice cerbère des centres de rétention 1 : le juge des libertés et de la détention

[Article paru sur Rebellyon.info]

Le CRA (centre de rétention administrative) constitue l’ultime étape de la répression contre les personnes étrangères pour les déporter de force et s’assurer qu’ils et elles ne vont pas revenir. Le CRA en lui-même ne peut fonctionner seul. Il fait partie d’un système, dont la justice est actrice à part entière.

Les CRA : criminalisation, emprisonnement et déportation

Les centres de Rétention Administrative (CRA) sont des prisons pour les étranger.es auxquel.les on ne reconnaît pas le droit de séjourner en France. Ils sont pensés pour les enfermer puis les expulser hors du territoire français. Le CRA constitue l’ultime étape de la répression contre les personnes étrangères pour les déporter de force et s’assurer qu’ils et elles ne vont pas revenir. Le CRA en lui-même ne peut fonctionner seul. Il fait partie d’un système, réunissant différentes institutions et différent.es acteurs.rices [1], cherchant à emprisonner, isoler, dégoûter torturer et déporter les étranger.es en dehors des frontières. Le « système CRA » s’assure qu’il n’existe aucune faille qui permette aux personnes étrangères de s’en sortir. Un des éléments majeurs de ce système est l’appareil judiciaire, qui légitime la criminalisation des personnes et leur répression en les inscrivant dans un cadre légal.

La justice fait partie intégrante du « système CRA » ; le vocabulaire et les codes qu’elle mobilise aussi. C’est pourquoi nous avons fait ici le choix de ne pas reprendre des termes juridiques forgés dans le seul objectif de cacher le traitement déshumanisant réservé aux personnes sanspapiérisées et de les réprimer. Ainsi nous utiliserons par exemple le terme de prison à la place de la catégorie administrative « rétention », puisque le CRA est bien un lieu d’enfermement pour des personnes criminalisées par la préfecture, le tribunal administratif, et le tribunal de grande instance. La rétention n’a de sens que pour les acteurs.rices qui la pensent et l’appliquent, sans corrélation avec la situation des personnes qui subissent la punition de l’enfermement au motif d’être étrangères.

Nous emploierons également le terme de déportation pour désigner ce que l’administration nomme faussement « mesure d’éloignement » ou « expulsion ». En effet, le terme de déportation désigne le fait qu’un Etat, pour des motifs politiques [racisme], interne des personnes dans des camps [CRA] pour les expulser hors du territoire national dans un lieu de son choix .

1. Déclenchement de la machine à enfermer et déporter

Lorsqu’une personne est arrêtée par la Police et qu’elle est considérée en situation irrégulière, elle est enfermée dans les locaux de la police aux frontières (PAF). Le ou la préfet.e peut alors décider de son emprisonnement au CRA pour 48 heures, et organiser sa déportation avant même qu’elle soit déférée devant un tribunal. Si la préfecture n’a pas réussi a déporter la personne enfermée durant ce laps de temps, le ou la préfet.e saisit le ou la Juge des libertés et de la détention (JLD) pour prolonger l’enfermement, puis la personne comparaît devant un tribunal. Le ou la JLD a trois possibilités pour statuer  :

  • la prolongation de la détention
  • l’assignation à résidence
  • la non prolongation de la détention

L’audience n’est pas destinée à remettre en cause le placement en détention d’une personne sanspapiérisée mais uniquement à délibérer sur la durée de la détention. Le procès au JLD statue seulement sur la prolongation de l’emprisonnement. Le cadre juridique permet ainsi d’enfermer a priori un.e sans-papier.e pendant 48 heures – auxquelles s’ajoutent les heures d’enfermement passées dans les locaux de la PAF – suite à un simple contrôle d’identité. Le « maintien irrégulier » sur le sol français est effectivement considéré comme un crime légitimant en lui-même l’enfermement instantané, sans même qu’un passage devant un tribunal soit nécessaire.

La loi asile et immigration portée par G. Collomb – alors ministre de l’intérieur et aujourd’hui redevenu maire de Lyon – a été adoptée en août 2018 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Son nom complet est cynique : « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ». La maîtrise de l’immigration, ça veut dire que l’Etat français choisit et sélectionne les personnes autorisées à exister sur le territoire français. Les indésirables seront traqué.es, emprisonné.es et déporté.es. Quant au « droit d’asile effectif », c’est un leurre pour mieux trier, contrôler et assujettir les personnes immigrées. Et « l’intégration réussie », c’est du racisme. Cette loi a renforcé le système CRA : elle double la durée maximale d’enfermement en la faisant passer de 45 à 90 jours, et accroît la possibilité d’expulsion sans décision de justice (le délai du rendu de jugement a été repoussé à 48 heures et il est non suspensif de la déportation).

2. Les audiences en JLD : enfermer pour une expulsion déjà actée

Dans les procès en JLD, la prolongation de l’enfermement est déconnectée de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou de toute autre décision illégalisant la présence de la personne sur le territoire. En effet, lorsque les prisonnier.es la contestent au sein du TGI (tribunal de grande instance), le ou la juge, comme les différent.es avocat.es, coupent court et expliquent que le jugement sur l’OQTF ne relève pas de leur mandat mais de celui du tribunal administratif. Aucune remise en cause de l’OQTF n’est permise alors même qu’elle est la raison qui légalise l’enfermement.

De par cette dissociation, les arguments mobilisés lors des procès en JLD sont jugés au regard de combien cet enfermement facilite et est nécessaire à l’expulsion. L’expulsion n’est jamais remise en cause, d’autant plus que faire appel de son OQTF n’est pas suspensif et peut prendre jusqu’à 6 mois : les sanspapiérisé.es peuvent ainsi être déporté.es alors même qu’iels ont entamé une procédure de recours.

Et même lorsque l’OQTF n’existe plus, cela n’empêche pas la justice de continuer à enfermer et à déporter. C’est le cas des personnes qui ont été arrêtées avec une interdiction de retour dans le territoire français (IRTF). Celle-ci interdit à la personne de revenir sur le territoire français pendant une durée qui peut aller jusqu’à 5 ans. Son délai d’expiration ne commence qu’une fois que les personnes sanspapiérisées ont quitté le territoire. Des étranger.es dont l’OQTF a expiré mais pas l’IRTF sont ainsi illégalisé.es à vie dans la mesure où tant qu’iels ne sont pas sorti.es du territoire, la justice peut les enfermer et les déporter sans qu’une nouvelle OQTF ne soit nécessaire.

Toujours dans l’objectif d’assurer l’expulsion systématique des étranger.es, les autorités françaises sont prêtes à falsifier l’identité des sanspapiérisé.es. En effet, certains pays, comme le Congo par exemple, ne délivrent pas ou peu de laissez-passer. Ainsi, de nombreuses personnes congolaises se voient attribuer la nationalité angolaise pour faciliter l’obtention de laissez-passer, et donc leur déportation. Les audiences en JLD ne permettent pas aux personnes concernées de contester leur assignation à une fausse identité, et donc l’expulsion vers un pays qui n’est pas leur pays d’origine. En effet, la décision d’expulsion est considérée comme acquise par la juridiction du JLD qui n’en autorise aucune remise en question. Tout argument mobilisé pour la contester est ainsi rejeté.

La déportation étant pensée comme objectif à atteindre, lorsque l’enfermement est considéré comme lui étant nécessaire, il n’existe aucun moyen légal de le remettre en cause. Tous ces passages au tribunal donnent ainsi un cadre de disciplinarisation aux détenu.es. Ils donnent l’illusion que quelque chose se joue lors de ces procès, alors même que l’OQTF a déjà acté la possibilité pour l’Etat, les administrations et la justice de se parer de tous les moyens possibles pour détruire et se débarrasser des étranger.es.

3. Les 3 non-issues des audiences JLD 

Trois scénarios sont possibles au terme d’une audience devant le JLD.

  • Peine de prison ferme avec mandat de dépôt  : emprisonnement au CRA

Le ou la juge ordonne que la personne soit maintenue au CRA pour un mois supplémentaire. C’est la situation qui arrive dans la grande majorité des cas. L’objectif de ce procès est d’assurer le moyen légal de prolongation de l’emprisonnement des personnes étrangères.

  • Peine de prison à domicile : assignation à résidence

L’avocat.e de la défense demande l’assignation à résidence. Cela veut dire que la personne, à l’issue de l’audience, est sortie de l’enceinte du CRA mais qu’elle doit pointer au commissariat à une fréquence déterminée par les autorités sur une durée qui peut aller de 45 jours à 6 mois. L’assignation à résidence est conditionnée par des « garanties de représentation », elles-mêmes soumises à l’arbitraire des juges. Les garanties de représentation sont des preuves de ce que les administrations et la justice considèrent comme « conditions de vie stables » en France (papiers d’identité en cours de validité, justificatif de domicile, contrat de travail, de mariage, etc.).

Il est absurde que la préfecture et la justice demandent des preuves de conditions de vie stable à des personnes qu’elles-mêmes instabilisent, en les irrégularisant. Elles imposent un cadre juridique raciste destiné à contrôler les individu.es et qui est d’autant plus répressif pour les sanspapiérisé.es. En effet, les administrations exigent d’elleux des garanties d’intégration alors même qu’elles organisent leur exclusion. Trouver un logement nécessite des papiers réguliers, une connaissance des institutions, mais également une sécurité de revenu qui est légalement impossible à obtenir pour des personnes sans-papiers en France. Et quand bien même la personne a des garanties de représentation, la justice raciste en demandera toujours plus aux étranger.es : elle présuppose que la personne est malhonnête et exige d’elle de prouver sa légitimité à être sur le territoire, sans jamais que ce soit suffisant puisque le but est de l’enfermer et de la déporter.

Dans un système destiné à emprisonner, l’assignation à résidence, que les avocat.es présentent comme une solution, n’est qu’un autre moyen d’enfermer. Du fait du pointage régulier au commissariat qu’elle impose, elle est surtout un moyen de placer les étranger.es dans une situation d’autocontrôle. Pas besoin de construire une nouvelle cellule ni d’employer des matons, l’étranger.e doit lui/elle-même se surveiller. Iel est ainsi mis.e de force à contribution dans le système CRA, dans la privation de sa propre liberté. Être assigné.e à résidence ne correspond pas à une sortie du système CRA. L’assignation à résidence consiste à décaler les violences inhérentes au CRA à l’échelle du domicile. Celui-ci devient en lui-même un espace de frontières au sein duquel la personne est enfermée, chez elle, et doit organiser, par ses propres moyens, sa déportation.

Ainsi, des preuves d’intégration sont exigées par la justice pour mettre en œuvre les expulsions.

En plus du CRA, l’assignation crée une autre prison : le domicile. Si la PAF, la préfecture et le tribunal considèrent que la personne sanspapiérisée ne s’emprisonne pas suffisamment, par exemple parce qu’elle n’est pas allée à un pointage, alors elle est réenfermée au CRA. L’objectif est d’enfermer les étranger.es dans un système qui permet la démultiplication des lieux d’enfermement. Le choix d’un lieu de prison ou d’un autre est laissé au bon vouloir des différentes institutions.

  • Grippage temporaire dans la machine à enfermer : sortie du CRA mais toujours emprisonné par l’OQTF.

Lorsqu’un vice de procédure (interpellation non règlementaire, non notification de ses droits, durée de la garde à vue…) est soulevé et retenu par la ou le juge, cette/ce dernier.e peut décider de ne pas prolonger l’enfermement. La personne est toujours sous Obligation de Quitter le Territoire Français et/ou sous Interdiction de Retour sur le Territoire Français. Il n’est pas question ici de remettre en cause l’enfermement des étranger.es mais de savoir s’il s’est déroulé en bonne et due forme.

Les vices de procédures ne sont souvent mobilisés que lors de la première audience en JLD. Elle fait suite au lancement de procédures administratives et judiciaires qui ont pu faillir au cadre procédural imposé. Lorsque le JLD acte la légalité de la procédure de mise en détention et ordonne la prolongation de l’enfermement, le système judiciaire se verrouille encore davantage, car l’emprisonnement est jugé conforme à la loi. Il n’existe ainsi plus que très peu d’arguments légaux pour plaider en faveur de la sortie du CRA. Dans la mesure où la non-exécution de la déportation est le principal motif légal pour justifier de la prolongation de l’enfermement, celui-ci est presque systématiquement reconduit.

En détaillant ces différentes trames, on comprend que le JLD porte mal son nom : son rôle est toujours d’enfermer, dans les prisons pour étranger.es le plus souvent, ou dans les alentours de la résidence sous surveillance policière quotidienne. Cette mesure est rare, elle est considérée comme « exceptionnelle ». Les micro-procès de prolongation s’enchaînent ainsi sans offrir d’issues : soit on retourne au CRA, soit on sort pour être enfermé à son domicile avec obligation de rendre des comptes à la police, soit on sort du CRA avec l’obligation de quitter le territoire au plus vite.

L’étrangèr.e est pris.e dans un enchevêtrement institutionnel, un dispositif répressif mortifère qui le/la fait passer comme une balle de ping-pong des mains de la police municipale à celles de la PAF, de la PAF à le/la juge avant que ça ne recommence. Même quand la personne sort du CRA, elle est toujours sous OQTF. Iel est toujours vu.e par la justice comme un.e criminel.le qui peut de nouveau être enfermé.e au CRA lors d’un prochain contrôle d’identité. Les trois non-perspectives sont pensées pour réprimer et expulser.

  • La cour d’appel : une voie sans issue

Suite à l’audience en JLD, les détenu.es peuvent faire appel (lorsque la ou le juge/les avocat.es daignent les informer et/ou ne les en découragent pas) dans les 24 heures qui suivent le délibéré du procès. Dans ces cas-là, iels passent 48 heures plus tard à la Cour d’appel, au tribunal des 24 colonnes à Lyon (Rue du Palais de Justice, 69005), les matins à partir de 10h30. L’audience n’est destinée qu’à faire examiner par un second juge les éléments apportés en première instance. En effet aucun.e nouvel.le argument/preuve ne peut, en théorie, être soulevé.e par la défense. Par conséquent, les avocat.es qui choisissent de ne pas plaider lors des premières audiences en avançant qu’iels n’ont pas d’observation et qu’iels s’en remettent à la décision du/de la juge contribuent à sceller le sort des sans-papier.es. Le recours en appel est une illusion supplémentaire pour faire croire aux détenu.es qu’iels ont la possibilité de s’extirper d’un système qui est conçu pour les enfermer. La loi définit tout nouvel élément apporté comme irrecevable, et les avocat.es choisissent de suivre ce droit répressif à la lettre en abandonnant ainsi la défense des personnes sanspapier.es.

Nik la justice qui…

L’objectif des procès JLD est d’assurer la déportation et l’emprisonnement des sans-papier.es dans le CRA. La justice punit et fait payer les sanspapiérisé.es pour s’être maintenu.es sur le territoire en les enfermant au CRA. Ainsi, même des personnes qui n’attendent qu’un vol pour fuir le CRA et l’Etat qui les y a enfermées et détruites sont condamnées, à rester isolées et emprisonnées parce qu’elles sont sanspapiérisées. Elle les condamne donc à la faim, au refus des soins et au shootage par le corps médical, aux mains sadiques de la PAF, aux violences psychologiques de l’enfermement… La justice légalise ainsi la torture, l’isolement et les violences inhérents au système CRA. Elle permet l’appropriation des corps des personnes soumises au bon vouloir de l’administration. Elle leur fait bien comprendre que c’est elle qui décide ce qu’elle fait d’elles et eux, dans l’espace et dans le temps, en les maintenant dans une incertitude inhérente à la répression du système CRA.

… Sous couvert du droit, les juges, les avocat.es de la préfecture et de la défense et les greffier.es organisent l’enfermement, la torture et la déportation des étranger.es.

La lutte en soutien aux sans-papier.es n’a rien à réclamer à la justice puisque c’est elle qui les criminalise et les réprime.

A bas la justice, les CRA et les frontières qui assassinent et soutien à tous.tes les prisonnier.es.