Harcèlement policier au CRA de Lyon : témoignage de A., prisonnier dans un des CRA de Lyon-Saint-Exupéry

– Si tu veux, tu peux commencer par me raconter comment ça se passe en ce moment au CRA ? 

En ce moment, il y a que des provocations, ça provoque, même si t’as rien fait. C’est pour te mettre en isolement, pour te faire des problèmes, pour donner un nouveau regard vers toi. Les gens ne te regardent plus pareil, ils te voient, ils ne te respectent pas. Si t’es pas poli, ils cherchent la petite bête pour te faire galérer ici. Tu fais un truc de travers avec quelqu’un, tu l’énerves, tu l’insultes, tu fais un truc de travers bah ça va te niquer ta rétention. Pendant que t’es là, tu seras pas à l’aise.

– L’isolement c’est 24h, c’est ça ?

Des fois, quand tu fais un truc un peu grave, comme une dégradation d’établissement, tu casses un truc, ils te mettent 24h. Si tu devais sortir l’après-midi, bah ils vont te faire une prolongation de 24h encore, ça fait 48h, ils ont pas le droit de faire ça.

– Quand tu parles de dégradations, c’est quoi ?

Tu casses une porte… la dernière fois moi j’ai arraché un détecteur de fumée, j’ai fini pendant 48h en isolement. À part ça, je me suis fait tabasser, ils m’ont écrasé la tête avec leurs pieds, avec les mains, ils m’ont écrasés les mains avec les pieds, ils m’ont bloqué.

– C’était pendant l’isolement qu’ils ont fait ça ?

Oui, parce qu’il n’y a pas de caméras et c’est les caméras portables, ils les allument quand ils veulent et les éteignent quand ils veulent. Du coup, ils rentrent dedans. Une fois, tu fais une faute, tu réagis une fois, tu tapes la porte, même une fois, ils vont venir, ils reviennent avec des grosses ceintures, ils vont t’attacher avec, t’attacher les pieds, le bassin et les mains. Tu peux plus bouger pendant 3 h.

– Quand tu disais qu’ils essayent de te provoquer pour te mettre en isolement. Tu as des exemples de ce qu’ils peuvent faire pour vous faire réagir ?

Il y a des coins où il n’y a pas de caméras, les gendarmes passent et ils profitent. Par exemple, la dernière fois, l’autre, il me dit « P’tit chien », l’autre, il me dit « Je vais coucher avec ta copine quand elle vient, et je vais prendre son numéro au parloir ». Ça provoque. « Nique ta mère », des insultes, des trucs qui te font péter un câble et tu deviens incontrôlable. À la fin, tu vas l’insulter, tu vas ouvrir ta bouche, il va t’envoyer en isolement, après il va voir le plus gradé ici et il va lui dire « Ouais, celui-là, il m’a fait ça, ça et ça ». Et même quand il raconte ce qu’il s’est passé au plus gradé, au commandant, au colonel, tu vas lui raconter ce qu’il s’est passé et il va te dire « Ah non mes gendarmes font pas ça ! ». Tes gendarmes, excuse moi monsieur, mais la dernière fois, ils m’ont attaché là où ils n’ont pas le droit d’utiliser leurs caméras. Ils m’ont attachés après que j’ai fais le fou pendant 40mn, ils ont galéré à m’attacher. Une fois, j’étais attaché, ils commencent à me mettre des tartes, ils m’ont fait péter un plomb. À la fin, ils viennent, ils se mettent à 10 derrière moi, et il y en a un qui a fait une photo. C’est du foutage de gueule en fait. Quand c’est pas le ramadan, il y a les 3 repas par jour, mais ils te ramènent les repas congelés, le pain tu peux pas le couper, ils les mettent au frigo, ils te donnent pas un repas chaud. Des chips, j’sais pas quoi, des petits trucs, pour pas que tu fasses un malaise.

– La dernière fois, tu m’avais raconté qu’ils mettent des trucs pour vous shooter dans la nourriture ?

Oui. Dans les barquettes, tu vois qu’il y a un trou, il y a des gouttes sur les côtés. Quand je fais le ramadan, je mange pas, là je me sens en forme plus que quand je mange le soir. Je ramène les sacs à manger, je mange, et je sais pas comment expliquer, j’arrive pas à trop marcher à trop bouger, t’as la flemme de faire tout, tu te sens shooté, tout le temps, tu bugues, tu colles sur des trucs pour rien en fait. Pour les médicaments, tu demandes un traitement pour n’importe quel truc, ça te donne une bonne dose, même quand tu prends ces médicaments ça shoote. Tu vas voir l’infirmière pour un traitement d’angoisse ou de stress, tu te retrouves shooté.

– Ça se passe comment quand tu demandes de voir des infirmières ?

Des fois, avec de la chance, la première fois, tu demandes, ça peut être dans un jour. Mais c’est un coup, ils t’appellent pas. J’ai fait la demande il y a 3 jours, mais j’ai pas vu l’infirmière.

– Sans explications ? Ils te disent pas quand tu pourras la voir ?

J’ai demandé à voir un médecin, je suis resté une semaine avec les douleurs. C’est des trucs de ouf en fait.

– Et comment ça se passe quand tu vois une infirmière? comment ils traitent?

Bah en fait ils rigolent, ils parlent gentiment devant toi mais même eux ils sont contre nous. On sait pas ce qu’il se passe. Ils te donnent un truc, même si t’es pas content et que tu retournes la voir pour lui dire « ouais ça sert à rien ça, faut changer, faut faire un truc », ils s’en foutent. Pareil, ils font ce qu’ils veulent. [inaudible]. Dans la zone, ici, c’est la dèche… on va dire que c’est la jungle ici. Des portes cassées… les toilettes elles ont pas de porte, tu mets un drap… les chauffages y en a qui marchent pas. Y a un téléphone dans la zone, il est fait pour contacter des avocats, Forum et… pour faire pleins de trucs… pareil il marche pas. Le téléphone.. bah.. comment je vous explique…  y a un téléphone accroché au milieu de la zone, c’est pour tout le monde. Il marche pas. Ils ont pas le droit de laisser les téléphones comme ça. Des fois.. ils font le nettoyage, ils viennent, ils font le nettoyage et ils laissent même pas des sacs-poubelle pour mettre à l’extérieur… y a pas de sac-poubelle des fois. C’est rare qu’ils mettent des sacs-poubelle… du coup tu sors tu marches dans le couloir et tu trouves des sacs-poubelle à côté des chambres… Ici, c’est invivable en fait.

– Et… est-ce que avec le Ramadan ça pose des complications niveau repas et tout? 

Bah la plupart ici c’est des musulmans. Ca veut dire quoi? Ca veut dire ils mangent pas la viande si elle est pas halal. Déjà ils nous ramènent la viande pas halal. Normalement c’est automatiquement pour les gens qui font pas le Ramadan. Tu le ramènes direct, tu mets pas dans notre sac… pour les gens qui font Ramadan, pour les musulmans par exemple. Mais eux ils s’en foutent et ils cherchent pas à savoir c’est qui qui le fait ou c’est qui qui le fait pas. Et les trucs cuits à la vapeur, y a des bonnes doses de médicaments dedans pour shooter. Des fois tu ramènes 6/7 barquettes, on va dire ah bah [inaudible]. Dessert, entrée et plat principal. C’est un coup tu vas manger juste le dessert. L’entrée et le plat à la poubelle. Des fois les 3, tu peux pas les manger, inmangeables. 

– Inmangeables parce qu’y a des trucs pour vous shooter? 

Non, à part ça, c’est degueu. C’est de la bouffe cuite à la vapeur. Y a pas d’épices dedans, pas de sel. Y a rien du tout. Du coup c’est dégueu et y a des repas ça passe pas. 

– Et du coup vous mangez surtout les trucs qu’on vous ramène?

Oui, on vit avec des madeleines, du Coca, des petits trucs… pour qu’on meure pas. C’est tout. Et c’est comme ça.

– ils t’ont déjà envoyé combien de fois en isolement depuis que t’es là? 

Bah là ça va faire 2 mois que je suis là et je suis allé 9 fois en isolement. Et la plupart du temps je vais en isolement le jour de mes visites, le jour où y a quelqu’un qui va me poser un truc… 

– Ah ouais… et est-ce que t’as l’impression que ça s’empire au fur et à mesure des isolements? Est-ce qu’ils deviennent plus durs envers toi comme ils te connaissent? 

Exactement. Même la dame de Forum elle comprend pas ce qu’il se passe. Comme par hasard le jour de la visite… C’est fait exprès. 

– Et ils t’ont même emmené en hôpital psychiatrique tu m’avais dit? 

Non, j’avais pas dit qu’ils m’avaient emmené en HP. 

– Ah ok, ils avaient utilisé des sangles c’est ça? 

Ouais mais ils m’ont dit si tu continues comme ça tu vas finir en psychiatrie. Alors que je suis normal comme tout le monde… 

– Et c’est toujours les mêmes qui te provoquent ?  

Chaque 30 jours, chaque 45 jours ça change. Ils changent de groupe. 

– Et quel genre d’autres menaces ils te font ? Là ils disaient qu’ils pouvaient t’amener en HP, est-ce qu’il y a d’autres trucs qui te menacent pour te faire peur? 

« Tu vas retourner en prison si tu continues », alors que je fais rien de grave. « Tu vas finir en prison comme t’es venu, et après tu vas retourner ici ». La plupart des gens quand ils sortent de prison, on les ramène ici. 

– Est-ce qu’y a autres choses dont t’as envie de nous parler? De ce qu’il se passe dans le CRA en ce moment ou dans les deux derniers mois? 

Y a encore des trucs mais désolé je peux pas vous le dire, je préfère le garder pour moi. 

– Ok, ouais, pas de souci. 

Du coup ça sera tout.

– Ok ça marche, merci beaucoup.

 

témoignage du 9 avril 2024.

« Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal » : la machine à expulser isole et tue

TW : suicide, violences

Au moins deux personnes retenues au CRA 1 de Lyon se sont données la mort fin 2023. 

Nous avons été mis.es au courant de ces deux suicides par notre ami H. qui vient d’être expulsé après avoir été enfermé au CRA pendant 3 mois. 
Après son transfert au CRA de Lyon mi-novembre, H a été témoin de l’évacuation du corps d’un détenu qui s’était donné la mort dans le bloc orange (le CRA est divisé en plusieurs zones de détention, appelées « blocs ») . La personne avait avalé des lames de rasoir après s’être vue annoncer un vol pour le lendemain. Elle avait déjà refusé un premier vol auparavant. 
H. nous a aussi parlé d’un autre suicide qui a eu lieu peu avant son arrivée et que les autres prisonnierxs du CRA1 lui ont rapporté : cette fois-ci dans le bloc rouge, une personne s’est pendue dans sa cellule et a été retrouvée par ses co-détenus au réveil. 
Ces morts ont été passées sous silence par l’administration du CRA et par Forum Réfugiés – l’association qui intervient au sein du CRA, censée garantir l’accès aux droits des personnes à l’intérieur.
H. nous dit : « Ca donne la haine. Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal ». 
Notre ami a la haine, nous aussi on a la haine face à ces morts qui sont loin d’être des faits isolés. Elles sont le point culminant des violences systématiques et systémiques subies par les personnes retenues dans les CRA. Chaque année, de nombreuses tentatives de suicide ont lieu dans les centres de rétention et dans toutes les prisons, sans compter les morts causées par les violences des flics, ou par manque de soins.
(voir le cas de M., tué par les flics au CRA de Vincennes en mai 2023 *1 ). 
Au CRA1 cela fait plusieurs mois que nous n’avons presque plus de contact avec l’intérieur car les cabines téléphoniques sont hors-service depuis le printemps dernier. Nous avons contacté plusieurs fois l’administration du CRA et les salarié.es de Forum Réfugiés, qui nous ont confirmé qu’il n’y avait plus de cabines en fonctionnement au centre et qu’elles ne seraient pas remises en service, soi-disant pour des motifs économiques; or, les cabines téléphoniques ne sont qu’une goutte dans le gouffre économique que sont les CRA *2. Ainsi, même le supposé droit à la communication des personnes à l’intérieur n’est pas respecté.
Cela constitue une entrave aux « droits fondamentaux«  des personnes incarcérées, qui doivent pouvoir contacter leurs proches à l’extérieur.
Aux CRA de Lyon, les détenu.es n’ont pas accès à leur téléphone personnel, et n’ont pas non plus droit à des téléphones avec caméra. Cela rend difficile (voire impossible) la diffusion de toute forme d’information sur ce qui se passe à l’intérieur du CRA, dont les images sont rares, sauf à risquer la répression des flics comme l’a fait Anis en prenant des photos en cachette *3 ou à arriver par surprise avec une équipe médiatique lorsqu’on est député.e ou sénateur.ice, malgré la résistance des flics *4.
Pourtant, les récents événements nous prouvent encore une fois que la possibilité de communiquer avec l’extérieur est primordiale et nécessaire pour que les violences subies au CRA ne soient pas tues.
Si ces informations ne nous parviennent que trois mois après les faits, c’est bien le résultat d’une volonté institutionnelle de taire la violence du système carcéral et d’empêcher toute résistance. Que ce soit en divisant les prisonnierxs entre elleux par « bloc », en les isolant de l’extérieur en construisant les CRA dans les zones aéroportuaires loin des centres villes, ou en s’attaquant à leurs moyens de communication avec l’extérieur (comme ici, au CRA 1 de Lyon), la machine à expulser met tout en oeuvre pour empêcher la vérité de sortir.
Le CRA est un lieu fermé qui invisibilise les violences : sans H. nous n’aurions jamais appris la mort de ces deux prisonnierxs anonymes. Cela nous pousse forcément à nous poser avec inquiétude la question du nombre réel de morts chaque année au sein des CRA.
Nous avons appelé Forum Réfugiés qui a commencé par nier toute tentative de suicide ou mort survenue au CRA. Nous avons insisté et iels ont fini par évoquer très rapidement une personne qui s’était donné la mort en novembre 2023. Iels nient catégoriquement qu’une deuxième personne se soit suicidée au CRA en 2023. 
Pourtant, H. est formel : il y a bien eu au moins deux suicides au CRA 1 dans les derniers mois de 2023. 
Les CRA, pourtant centraux dans la loi Darmanin et indispensables à sa mise en pratique, ne sont presque jamais évoqués et restent aujourd’hui très peu connus. Des ouvertures de nouveaux centres ainsi que l’augmentation du nombre de places sont prévues dans les prochains mois et les prochaines années, ce qui est particulièrement alarmant au vu de ce qu’on constate dans les CRA déjà existants. Il est urgent de mettre fin à cette entreprise raciste et meurtrière, et de fermer tous les centres de rétention
Nous pensons à ces deux personnes assassinées par la machine à enfermer et à expulser, et à toutes les autres victimes, ainsi qu’à leurs familles, leurs proches, leurs ami.es.
A bas les CRA !
Le collectif Lyon Anticra
2 : voir ici l’analyse économique de la rétention par un salarié de la Cimade https://www.lacimade.org/publication/une-analyse-economique-de-la-retention-administrative-jean-saglio/
Pour plus d’infos : 

Témoignage de Anis, prisonnier au CRA 2 de Lyon-Saint-Exupéry


Anis est au CRA 2 de Lyon-Saint-Exupéry depuis fin octobre 2023. Il vit en France depuis 42 ans. Ce texte est la transcription d’un témoignage audio du 15 décembre 2023. Anis y parle notamment des conditions de vie dans le CRA, des violences policières, de la complicité des médecins et de Forum Réfugiés, de l’insalubrité des bâtiments et du non-respect du droit des détenu·es à communiquer via les cabines téléphoniques, ainsi que des nombreuses démarches qu’il a entreprises auprès de la justice et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour faire respecter ses droits. Force à lui.

– Est-ce que tu veux raconter la situation dans le CRA en ce moment ? Comment ça se passe pour toi et pour les autres ?

– Oui je peux raconter la situation au CRA. Sachant que j’étais déjà là pendant 2 mois cet été, à Lyon. Il me semble que c’était le 18 août, dans le bloc 41 où j’étais, les personnes ont mis le feu. Après j’ai été transféré à Nîmes. Moi je suis arrivé le 18 au soir [à Nîmes], et le 20 il y a eu le feu aussi là-bas, suite à une panne d’électricité. Après, vu que j’étais déjà cet été ici [au CRA de Lyon], il m’était arrivé un problème avec un policier. Il est monté un peu dans les tours donc j’avais porté plainte contre lui. J’avais aussi porté plainte contre un docteur de l’ordre des médecins.

– Ca c’était en août, à Lyon ?

– Oui. C’est le 20 juillet qu’il y a eu l’altercation avec le policier, en fait… gratuitement. Ce qu’il s’était passé c’est que le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté2 s’était déjà rendu, il me semble vers le mois d’avril ou de mai ou de juin, au centre de rétention de Lyon, et il avait fait un rapport par rapport à ça. Donc moi je leur avais aussi apporté un témoignage qui avait été fait le 8 août, et eux ils m’avaient répondu par lettre, non, par mail, le 23 octobre il me semble.

– Tu veux nous dire ce qu’ils t’ont répondu ?

– Je peux te lire le courrier. Juste je le cherche… Là je leur ai réécrit une lettre y’a pas longtemps. Voilà, alors la lettre elle est là. En fait j’étais passée par une amie, j’avais envoyé le mail avec Forum sur sa boîte mail, ce qui fait que quand ils ont répondu ils l’ont envoyé chez elle, et elle me l’a transféré sur ma boîte ici. Donc je te lis :

« Madame,

Je fais suite à votre courrier électronique du 8 août dernier par lequel vous alertez le contrôleur général des lieux de privation de liberté sur la situation de Monsieur Anis, retenu au centre de rétention administrative de Lyon au cours de l’été 2023. J’ai pris connaissance de ce signalement avec attention et je vous prie de bien vouloir excuser le délai au terme duquel j’y donne suite. Le témoignage de Monsieur fait pleinement écho au constat recueilli par mes services lors de la première mission de contrôle de ce centre par le CGLPL, du 13 au 17 mars dernier. Les graves atteintes au droit constatées lors de la visite de cet établissement et de 3 autres centres de rétention administrative à la même date au Mensil-Amelot, à Metz et à Sète ont donné lieu à la publication de recommandations dites « urgentes » au journal officiel du 22 juin 2023. La première ministre, ainsi que le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Santé, en ont été destinataires. Le CGLPL estime en effet, à l’issue de ces visites, qu’il y a urgence à modifier profondément l’approche actuelle en matière de prise en charge des étrangers placés en CRA. Sans une volonté résolue d’assurer le respect des principes qui régissent en droit français le recours à la rétention administrative, sans une élévation des standards concernant les conditions de rétention, et sans une professionnalisation accrue des fonctionnaires en charge de la mise en œuvre de ces mesures, les atteintes sévères à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes retenues se poursuivront. Les pratiques d’isolement et de contention observées au CRA de Lyon ont spécifiquement fait l’objet de la recommandation suivante : « Il doit être mis fin sans délai aux mesures d’isolement et de contention prises à l’encontre de personnes retenues, aucune disposition législative ne permettant le recours à de telles mesures en dehors du cadre des soins sans consentement strictement défini par le code de la santé publique »3. Le témoignage de Monsieur a ainsi particulièrement retenu mon attention. Il en sera tenu compte dans le cadre du suivi des recommandations du CGLPL auprès des autorités locales et nationales. Je prends acte que l’intéressé a déposé plainte pour des faits de violence dont il se dit victime de la part de plusieurs policiers survenus au mois de juillet dernier. En application de la convention suite à notre restitution, je transfère le témoignage de Monsieur au Défenseur des Droits pour compétence. L’une des missions de cette autorité est en effet de veiller au respect des règles déontologiques applicables aux professionnels de la sécurité. J’encourage s’il le souhaite Monsieur à lui transmettre également son témoignage ainsi que toutes les pièces utiles à la compréhension de ses difficultés et des démarches qu’il a entreprises pour les dénoncer : certificats médicaux, réponses des autorités saisies, etc.

En vous remerciant de m’avoir alerté sur cette situation, je vous prie de bien vouloir agréer l’assurance de mes sentiments les meilleurs. »

Donc ça c’est la lettre que j’ai reçue le 23 octobre. Et là le 30 novembre j’ai réécrit au CGLPL en mettant comme objet les conditions de vie au CRA. Tu veux que je la lise ?

– Oui vas-y.

– « Madame-Monsieur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté,

Par la présente, je tiens à attirer votre attention sur les conditions de vie inhumaines au centre de rétention administrative de Lyon-Satolas. Ce sont certains policiers d’une même équipe qui abusent de l’autorité, qui font preuve de violences verbales envers les retenus, qui les bousculent afin de les provoquer pour une confrontation physique. Ces policiers sont couverts par leur hiérarchie au sein du CRA.

De plus, le service médical du centre est par conséquent complice des violences physiques et verbales sur les retenus en ne leur délivrant pas de certificat de constatation médicale. Il est essentiel de garantir la sécurité et la dignité ainsi que le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes retenues. Je vous demande également de faire en sorte que les violences policières soient condamnées et que les retenus se sentent en sécurité en les informant de leur droit de porter plainte en cas d’abus.

Je tiens à vous faire part que les lieux de vie sont insalubres. Les chambres n’ont pas de fenêtres, ce qui expose les retenus, en particulier pendant des périodes de mauvais temps, au froid ainsi qu’à l’humidité, ce qui peut aggraver leur état de santé déjà fragile. Les douches ne sont pas nettoyées quotidiennement ce qui engendre des moisissures, de la crasse au sol. Certains retenus sont restés durant des mois sans pouvoir faire leur toilette du fait qu’il n’y avait pas d’eau à la douche. Concernant les cabines téléphoniques des blocs, beaucoup sont hors service. J’ai saisi le Juge des libertés4 concernant la violation de mon droit de communiquer. Mais le brigadier-chef en la personne de monsieur Jassume Pas* se permet de mentir au juge des libertés en affirmant que toutes les cabines des six blocs sont fonctionnelles alors qu’elles ne le sont pas. Je vous prie de venir constater l’état des cabines téléphoniques ce qui prive les retenus de leur seul moyen de communication avec leurs proches, les autorités consulaires, les avocats, Médecins Sans Frontières, le Défenseur des droits ou le CGLPL.

Les retenus sont également confrontés à signer des papiers en langue française sans que cela soit accompagné d’une traduction ou d’un interprète au sein du CRA 2 lors des décisions rendues par les diverses juridictions : le JLD, le tribunal administratif et la cour d’appel administrative, ainsi que les demandes d’asile, ce qui ne leur permet pas de comprendre les refus ou les verdicts afin de constituer réellement leur défense.

Enfin, concernant les visites, il y a quatre cabines prévues à cet effet, mais seule une reste ouverte, pour 30 minutes. Le CRA 2 englobe les personnes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est une région assez vaste. Les distances parcourues par certaines familles sont de 2 voir 3 heures de route rien que pour l’aller. Les 30 minutes sont insuffisantes. Cette restriction empêche les retenus de maintenir des liens familiaux essentiels pour leur bien-être émotionnel. Je vous exhorte, en tant que Contrôleur des lieux de privation de liberté, à prendre des mesures urgentes afin de remédier à ces conditions inhumaines. Veuillez agréer mes sincères salutations. »
Donc ça c’est la dernière lettre que j’a dû écrire au mois de novembre.

– Ok, bah tu t’es chauffé hein!

– Haha. Bah le problème c’est que ça fait 42 ans que je suis en France, j’ai fait toutes mes études en France, toute ma scolarité et tout… donc après, voilà quoi.

– Est-ce que du coup les flics ils savent que tu écris ces lettres-là ? Ça passe par eux ou ils savent pas ?

– Bah en fait si, ils voient que j’écris des lettres. Mais en sachant qu’ils nous interdisent les stylos. La semaine dernière ils m’ont pris mes quatre stylos. Donc voilà après il faut que j’arrive à retrouver des stylos, et là c’est vrai que ça fait depuis une semaine à peu près que j’ai pas de stylos pour ré-écrire.


– Et par exemple, à Forum Réfugiés c’est quelque chose qu’ils vous proposent, des stylos, des moments pour écrire ou des trucs comme ça ?

– Bah ils ont interdiction de nous fournir des stylos parce qu’ils disent que ça pourrait être une arme, être dangereux, mais pour moi c’est simplement pour pas qu’on écrive quoi.

– Tu peux utiliser des stylos là-bas ou même pas, ils veulent même pas faire ça ? Quand tu vas voir Forum ?

– Le problème c’est que nous on a accès pendant 1 heure à une zone qui s’appelle la « ZAC » et dans cette zone-là on a accès à Forum, on a accès à la bagagerie (ça veut dire que il y a nos habits, des choses comme ça), et le service médical, mais en 1 heure on peut pas écrire quoi que ce soit, parce qu’on est à peu près une vingtaine de retenus pour chaque bloc. Les personnes de Forum souvent sont [inaudible] mais vu que chacun a des problèmes administratifs, ça va être quoi, on va discuter 5 minutes, 10 minutes, et après quelqu’un va commencer à frapper à la porte et tout ça quoi. Donc non c’est pas là-bas qu’on peut se poser et qu’on peut écrire des lettres comme ça quoi.


– Et du coup pour un peu comprendre comment ça se passe la ZAC, c’est une heure pour chaque bloc ou une heure et tous les blocs sont ensemble ?


– Non, c’est une heure pour chaque bloc. Nous on va y aller de 14h à 15h après de 15h à 16h il y a un autre bloc, de 16h à 17h encore un autre et il y en a aussi le matin de 9h à 10h, et de 10h à 11h.

– Et donc du coup toi tu vois jamais les gens d’autres blocs ? 

– Non, c’est vraiment rare très rare… Donc après j’ai écrit aussi une lettre où j’avais déposé plainte le 30 juillet auprès du Procureur de la République concernant les violences. Je peux te lire mon dépôt de plainte. J’avais écrit :

« 
Madame Monsieur le Procureur de la République,



J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur les faits suivants :

Le lundi 24 juillet lors de l’appel pour se rendre au réfectoire afin de prendre notre petit déjeuner, j’ai récupéré mon linge à la buanderie. Entre 7h20 et 7h35 j’engage une discussion concernant mon linge qui a été oublié dans la machine à laver deux jours auparavant. Sans aucune insulte de ma part, le policier aux frontières dont le RIO5 est le 116 1216 me frappe à plusieurs reprises sur mes cervicales. Dès lors le policier dont le RIO est le 134 7696 dit à plusieurs reprises “attention aux caméras”, et il cesse de me porter des coups. J’ai été menotté sans résistance. Des douleurs apparaissent.

Je suis transporté dans la salle d’isolement dépourvue de caméras. J’ai été fouillé et menacé par le policier 134 7696. J’ai demandé à plusieurs reprises à être consulté par le médecin ou des pompiers afin de constater les coups de poings reçus ainsi que les douleurs aux cervicales, aux épaules. Vers 8h30, sept policiers entrent dans la cellule afin de m’attacher les chevilles ainsi que les poignets au lit malgré les douleurs exprimées.

Vers 11h30, étant toujours attaché au lit, une personne se présentant en tant qu’infirmière et dont je n’ai pas pu voir le visage de fait que mon cou était bloqué à droite. L’infirmière n’est jamais parvenue à mon chevet dont le lit se trouve à 3 mètres de la porte, les caméras du couloir d’isolement le prouveront. J’ai réitéré auprès de l’infirmière ma demande de voir le docteur Bessedic ou des pompiers afin d’avoir une minerve que seul le médecin peut prescrire. Je lui ai dit avoir une douleur de 7/10 au niveau des cervicales jusqu’à l’épaule, que la position avec les bras écartés attachés au lit amplifiait ma douleur. Vers 13h30 j’ai demandé à pouvoir accéder aux toilettes. Après l’accord du responsable, je suis détaché. Je leur fais remarquer que je n’ai pas eu de repas ainsi que le petit-déjeuner du matin. Le sachet de repas avait été mis devant la porte à l’extérieur. Donc après avoir réglé mon repas j’ai été encore attaché au lit malgré mon insistance verbale qui exprimait ma douleur, les bras écartés. J’ai été attaché durant 8 heures jusqu’à ce qu’une sangle lâche, sinon je ne sais pas combien de temps aurait duré ce calvaire. J’ai subi 26 heures d’isolement jusqu’au mardi 25/07/2023 où j’ai réintégré le bloc 4.

Le mardi 25/07/2023 lors de l’accès à la ZAC et dans cette même zone je lui ai fait remarquer qu’il ne gardait pas son sang-froid et que heureusement qu’il n’est pas armé car une bavure de sa part aurait pu, peut-être, avoir lieu. Il me répond que me concernant il m’aurait tiré une balle dans le dos.

Le mercredi 26 juillet je suis transporté à l’hôpital pour une radio de l’abdomen alors que je lui fais remarquer que j’ai des douleurs aux épaules et aux cervicales. Il me montre l’ordonnance qui stipule une radio de l’abdomen, le médecin Bessedic m’a prescrit une ordonnance sans me consulter. Le radiologue après avoir consulté le service médical du CRA me dit qu’ils ne veulent pas changer l’ordonnance, que ce sera bien une ordonnance de l’abdomen, malgré que je leur dis que je n’ai rien avalé. Le jeudi 27 juillet, le docteur Bessedic me reçoit et je lui annonce mes douleurs aux épaules ainsi qu’aux cervicales. Il a prescrit une échographie de la zone.

En conséquence, par ses motifs, je désire porter plaindre contre ce policier pour violences physiques. Je précise que pratiquement toutes les zones sont couvertes de caméras de protection sauf la salle d’isolement. Je vous prie de considérer cette lettre comme un dépôt de plainte.

Dans l’attente des suites que vous donnerez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Madame Monsieur le Procureur de la République, l’expression de ma haute considération. 
Fait pour valoir ce que de droit. »

Donc ça c’est ce que j’avais écrit. Parce que, en fait, qu’est-ce qu’il se passe ici au CRA ? les médecins ils sont vraiment pas là pour nous écouter. Moi quand j’ai été attaché… Parce qu’il y avait d’autres personnes auparavant qui avaient été attachées, mais ils restaient attachés jour et nuit ! Et en fait l’après midi quand ils m’ont re-attaché, j’avais trop trop mal parce que j’avais aussi les pieds attachés avec une sangle de chaque côté. Et en fait en faisant des va-et-vient avec ma cheville gauche, je suis arrivé à desserrer la sangle. Je suis arrivé à desserrer la sangle et à partir de là moi si tu veux je leur ai dit comme quoi il y avait la capsule en métal… je leur ai fait simplement croire que je l’avais avalée mais c’était pour qu’en fait on me ramène au docteur et après au docteur je lui aurais dit la vérité. Je lui aurais dit : « Docteur en fait j’avais rien avalé du tout, c’est simplement que j’ai reçu des coups là, là, là, là ». Donc les policiers, eux ils ont falsifié contre moi. Ils ont mis comme quoi j’étais en garde-à-vue alors que je n’étais pas en garde-à-vue, j’étais bien à l’isolement. Et en mettant comme quoi j’étais en garde-à-vue, la garde-à-vue elle est en dehors du CRA donc pour le docteur je suis plus au CRA, je suis à l’extérieur du CRA. Donc ils ont menti par rapport à ça. Donc c’est pour ça, là, sur l’autre lettre que j’ai écrit au CGLPL, j’ai mis comme quoi le service médical en fait il est complice de tout ça parce que il fait pas son travail.

Après j’avais écrit une lettre à l’ordre des médecins mais je pense pas que je l’ai fait ressortir.
 Sinon j’avais saisi plusieurs fois le Juge des Libertés concernant l’annulation du droit d’accès au téléphone. Mais vu que les responsables ici, les chefs et tout ça, ils mentent en disant comme quoi tout marche alors qu’il y avait des modules qui n’avaient même pas de combinés… Donc comment il peut ne pas y avoir de combinés et que ça marche même ? C’est pas possible…


– Bah oui, nous parfois on essaye d’appeler les cabines et la plupart elles répondent pas…



– Oui parce que en fait vous ça va sonner, mais ici ça sonnera pas.

– Parfois ça sonne même pas. Et dans le CRA 1, il y a plus de cabines aussi.


– Mais là encore l’autre jour vous avez eu de la chance, c’est parce que j’avais saisi le juge des libertés quand je suis rentré au CRA par rapport [aux cabines]. Parce-qu’en fait, l’OFII6 ne vendait plus de téléphone portable. Si tu veux je peux aussi te décrire la lettre que j’avais écrite au Juge des Libertés ?


– Ouais ! Parce que l’OFII vend des téléphones portables sans caméra c’est ça ?

– Oui tout à fait. Il y a une affiche que j’avais fait prendre en photo par Forum qui dit que depuis le 26 octobre ils ne peuvent plus vendre de téléphones portables du fait que la société ne fabriquait plus ce téléphone-là, ou quelque chose comme ça.

– Ah oui ok… ça coûtait combien les téléphones ?


– Alors ils coûtent 25 euros avec la carte SIM Lyca, et 10 euros de recharge. Mais ce qu’il se passe c’est que comme on peut pas enregistrer les cartes SIM, au bout d’un mois la carte SIM elle est morte quoi…


Là si tu veux je peux te lire ceci. C’était concernant l’annulation du droit d’accès au téléphone :

« Cher Monsieur le Juge des Libertés,


Par cette présente je tiens à vous signaler que lors de ma rétention à partir du 28 octobre, j’ai pris acte du rappel de mes droits concernant la mise à disposition des cabines téléphoniques en zone de rétention du bloc 7.

En effet à mon arrivée au bloc 7, où j’ai été affecté, il y a 2 postes téléphoniques, un dans le couloir ainsi qu’un autre dans la cour. Celui situé dans la cour est démuni du module d’écoute. Celui situé dans le couloir ne sonne pas lorsque ma famille appelle en composant le numéro suivant. Celui situé en zone commune, nous n’y avons pas accès.

Je tiens également à vous signaler qu’il n’est plus possible d’acheter de téléphone portable auprès de l’OFII.

Concernant mon téléphone personnel qui est muni d’une caméra, je n’ai eu le droit d’y accéder qu’une seule fois lors de l’accès à la ZAC de 14 à 15 heures, afin d’en extraire mes contacts, le dimanche 29 octobre pendant 30 minutes seulement et communiquer les numéros ci-dessus qui finalement ne marchent pas. Je n’ai pas le droit d’accéder à mon téléphone personnel qui est rangé dans le coffre-fort du CRA. Mon père est actuellement hospitalisé à l’hôpital de Saint-Etienne suite à des problèmes de santé. Celui-ci est âgé de 77 ans. J’ai besoin d’être en contact avec lui afin d’être informé de sa situation médicale à chaque instant. De ce fait, je ne peux être contacté ni contacter mes enfants, mes amis, l’avocat, ainsi que Médecins Sans Frontières pour mes problèmes cardiaques, le Défenseur des Droits et le CGLPL. Ma famille et mes amis doivent être inquiets de ne pas pouvoir me joindre. Je vous prie de constater mes dires concernant les postes défectueux, hors service.

Dans l’attente, je vous prie d’accepter Madame-Monsieur le Juge des Libertés, l’expression de mes sincères salutations. »

Par rapport à ça, les juges ils ont voulu me voir. Parce que c’est un droit en fait. Si tu veux je peux te dire ce que la juge a dit. Donc moi je les saisis, je leur explique que les deux cabines [ne fonctionnent pas]… Et ce qui s’est passé, c’est que moi j’avais écrit cette lettre, je l’avais passée à Forum. Et Forum, Julien, le chef, n’a pas fait passer ma lettre ni la photo qui disait que l’OFII ne vendait plus de téléphone portable. Alors que je leur avais donnée. Et Forum je sentais qu’en fait ils disaient : « non mais ça sert à rien de les saisir, on va téléphoner directement à la direction pour qu’ils réparent ». Je lui dis : « mais si maintenant tu saisis la direction et qu’ils les réparent ça sert à quoi que je saisisse le juge ? Ça va servir à rien du tout si demain ils les réparent ! ». Donc j’ai senti, après je lui ai dit comme quoi j’allais écrire à son supérieur par rapport à ça. Il a eu son supérieur qui lui a dit « non ben, saisissez le Juge des Libertés ». Il a saisi le juge des libertés sans mettre ma lettre et sans mettre la photo où l’OFII met comme quoi ils ne vendent plus de téléphones portables pour l’instant. Donc là, la juge a écrit :

« Monsieur a eu la parole en dernier, il explique que les cabines présentent d’importants dysfonctionnements, qu’il n’est pas possible d’acheter de téléphone portable auprès de l’OFII, qu’il n’a pu utiliser son téléphone personnel qu’une seule fois pendant 30 minutes pour son arrivée, celui-ci étant désormais rangé dans le coffre du Centre. Monsieur expose que les trois cabines mises à disposition dans le bloc où il est retenu ne sont pas opérationnelles, l’une étant démunie du module d’écoute, l’autre ne sonnant pas quand sa famille appelle ; à partir du 26 octobre, qu’il n’y a plus de vente de téléphone par l’OFII en raison d’un épuisement des stocks, et qu’après son arrivée au centre il n’a pu accéder qu’une seule fois à son téléphone personnel le 29 octobre.

La somme de ces difficultés fait selon lui obstacle à l’exercice de son droit de communiquer avec les personnes de son choix, une telle violation lui faisant nécessairement grief, ce d’autant qu’il a besoin d’entrer en contact avec sa famille pour avoir des nouvelles de son père, malade, et de ses enfants, mais aussi de prendre contact avec d’autres intervenants pour le suivi de sa situation médicale et administrative.

Si Monsieur justifie par le biais d’une photographie non contestée par l’autorité administrative que l’OFII n’est plus en mesure de vendre des téléphones aux retenus faute de marchandises téléphoniques, force est en revanche de constater qu’il n’apporte pas la preuve des dysfonctionnements qu’il invoque concernant les deux cabines téléphoniques publiques installées dans le bloc où il est placé. Le courrier qu’il communique sur ce point est en effet dépourvu de toute valeur probante s’agissant d’un écrit dont il est lui-même l’auteur. Or, en première instance, à la demande du conseil de l’autorité administrative, le CREP du centre de rétention administratif au sein duquel monsieur est placé, pris en la personne de Jassume Pas*, brigadier-chef, a envoyé un courriel au greffe le 7 novembre à 8h42 au terme duquel il certifie que tous les téléphones des zones de vie du centre de rétention administratif sont à ce jour fonctionnels, et précise qu’au jour de la requête de Monsieur, soit le 4 novembre, ils étaient également en état de marche. (Là c’était un très gros mensonge.) Il ajoute encore que les retenus ont accès à ces téléphones et peuvent aussi, à leur demande, avoir la possibilité de consulter leur propre smartphone pour récupérer des contacts si besoin en bagagerie. Il s’avère, de ce message électronique, que les deux téléphones publics libres d’accès dans les zones de vie du bloc 7 du centre de rétention où il est placé, doivent être considérées comme en état de fonctionnement à défaut d’éléments contraires.

Il est, certes, indéniable que l’impossibilité temporaire de pouvoir acheter des téléphones auprès de l’OFII a pour effet de restreindre l’accès de Monsieur aux moyens de communication permettant d’entrer en contact avec toute personne de son choix, et pour autant Monsieur ne démontre pas se trouver dans l’impossibilité de téléphoner à ses proches et donc d’exercer le droit de communiquer consacré par l’article R744-16 du CESEDA, eu égard à la présence de deux cabines précitées et à la faculté de demander à consulter son téléphone personnel. En l’état, il est faux de considérer que l’exigeant est en incapacité d’exercice du droit de communiquer, qui est respecté, ce qui conduit par confirmation de l’ordonnance de référé au rejet de la demande de main levée formée par Monsieur. »

Donc en fait pour eux, il aurait fallu que je prenne en photo la cabine, pour leur faire voir qu’elle ne peut pas marcher si il y a pas de module. L’avocat du préfet, il s’est levé deux secondes, il a dit « Monsieur il parle mais il n’apporte pas de preuves ». Et il s’est rassis.

– Parce que tu étais à une audience, tu vas vu le JLD exprès pour ça ?

– Oui, parce que j’avais fait appel. Là ce que je t’ai lu c’est quand j’ai fait appel de ça. En gros ils disent que c’est au requérant de ramener la preuve. Et moi je leur avais dit en première instance : « comment vous voulez que je ramène la preuve si j’ai pas de téléphone avec appareil photo ? ». Et la juge c’est pas elle qui va se déplacer pour constater ça, d’autant plus que le brigadier-chef a fait un rapport en disant que toutes les cabines de tous les blocs marchaient, alors que c’est vraiment un mensonge.

– Je sais, on essaie d’appeler souvent et ça marche pas. Et je sais qu’il y a la CIMADE aussi qui voulait faire un communiqué dessus, je sais pas où ça en est.

– Là ils ont remis des téléphones en vente il y a à peu près une semaine. Mais bon après la plupart des retenus ils ont pas beaucoup d’argent, des choses comme ça. 


– Nous on avait parlé avec quelqu’un de la CIMADE qui nous avait expliqué que le commandant de police du CRA lui avait fait faire une visite du CRA et qu’il avait constaté que les cabines ne marchaient pas, et qu’ils voulaient faire un communiqué public là-dessus.

– Après ça dépend quand est-ce qu’ils sont venus… Moi je suis rentré le 28 octobre. Mais après j’étais là aussi cet été, toutes les cabines ne marchaient pas. À chaque fois qu’ils m’ont ramené dans un bloc j’ai toujours saisi le Juge des libertés par rapport à ce droit. La première fois, cet été, l’avocate du préfet a dit comme quoi j’étais entré avec une somme d’argent assez conséquente et que je pouvais acheter un téléphone portable si j’avais vraiment besoin de téléphoner. Et voilà. Mais sinon… En fait la plupart des retenus ils pourraient sortir s’ils connaissaient ce droit-là.

*Nom modifié par nos soins à la demande de l’intéressé.

1 Les CRA sont organisés en plusieurs bâtiments appelés « blocs ».

2 CGLPL dans la suite du témoignage.

4 Le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) est l’un des magistrats qui intervient quand les droits d’une personne sont en jeu. Il statue notamment sur la légalité des décisions de placement en rétention administrative.

5 Numéro d’identification individuel des agents.

6 Office Français de l’immigration et de l’intégration, dont des représentant·es sont présent·es dans les CRA soi-disant pour « l’accompagnement » des personnes détenues.

 

Enfermement et soin sont incompatibles. Réponse à la lettre ouverte du médecin du CRA de Lyon Saint Exupéry.

TW : violence médicales, tentatives de suicide.

 

Il y a quelques semaines, le médecin du CRA de Lyon a démissionné en publiant une lettre ouverte (https://www.rue89lyon.fr/2022/12/20/demission-medecin-centre-retention-lyon-fabrique-violence/) expliquant qu’il ne pouvait plus exercer son métier à cause des « conditions dégradées » dans le centre ces derniers mois. Pourtant cela fait des années que des prisonnier-es du CRA de Lyon témoignent de violences de la part du corps médical. En dénonçant uniquement un manque de moyen et une dégradation de ses conditions de travail, il masque le véritable problème : soin et enfermement sont incompatibles.

Ce témoignage a été beaucoup diffusé par les associations et les médias. De nombreux autres récits – qui contredisent celui-ci – ont été publiés par le passé, sans retenir la même attention, parce que c’étaient ceux des prisonnier-es elleux-mêmes, dont la parole est systématiquement délégitimée ou ignorée par rapport à celle des institutions, dont le corps médical. Accorder plus d’importance à ce témoignage d’un médecin qu’à celle des premier-es concerné-es participe à l’invisibilisation des prisonnier-es, de leur parole et de leurs luttes.

Ce témoignage sert un discours qui légitime l’incarcération en affirmant que les problèmes dans les centres de rétention (et autres prisons) seraient dus uniquement à de mauvaises conditions d’enfermement ou à un manque de moyens et non à l’enfermement en lui-même. Dans les CRA, les médecins n’ont pas vocation à améliorer les conditions de vie des détenu-es, ils font partie du système de maintien de l’ordre. La dégradation des conditions de santé des prisonnier-es est un outil de l’État pour réprimer et contrôler les personnes étranger-es, et les médecins à l’intérieur des CRA en sont l’instrument (voir l’article : https://abaslescra.noblogs.org/le-juge-le-flic-et-le-medecin/).

*

Au CRA de Lyon, que ce soit dans l’ancien CRA ou dans le nouveau ouvert en 2022, les prisonnier-es ont toujours dénoncé de mauvais traitements par les médecins. Ces derniers n’ont jamais réagi pendant des années et ont participé activement aux violences qui y ont lieu quotidiennement.

Le 16 mars 2019, des détenu-es en grève de la faim écrivaient dans un communiqué (https://crametoncralyon.noblogs.org/nouvelle-greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-lyon-et-appel-a-soutien-17-03-2019/) :

« ils nous donnent des médicaments donnés pour les gens vraiment fous sans ordonnance sans rien (comme Diazépam, Lyrica, Valium, Prazépam, Tercian, Zopiclone, Théralène, Subutex) et même les infirmières elles sont courant de tout. Les gens ils font la grève mais elles leur donnent des médicaments pour les intoxiquer même y en a des pères de famille ils se charclent ici il a des points de suture ils l’ont laissé comme ça au confinement sans qu’on le soigne y a quelqu’un aussi il a une maladie du foie il obligé qui soigne »

En avril 2019, Yanis, détenu au CRA, dénonçait aussi le recours systématique à des traitements lourds pour mieux contrôler les prsionnier-es (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-yanis-detenu-au-cra-de-st-exupery-avril-2019/) :

« Concernant les soins, il n’y a pas de soins ici, c’est … C’est de la merde. Ya que du Diazepam et tout. Yen a, jsais pas moi, concernant… moi j’ai consulté le médecin l’autre jour, elle m’a donné du Diazepam, moi j’ai, je suis un peu stressé, elle m’a dit « deux Diazepam ».
Et deux Diazepam je sais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là parce que c’est … C’est un anti-dépresseur ou quelque chose comme ça. Moi c’est pas une dépression c’est un petit stress passagère. Mais c’est…
Mais je savais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là, mais du coup ya une euh… une grande euh… Une grande euh… C’est la majorité qui prend ces médicaments là… C’est parce que c’est… C’est exprès qu’ils font ça ou je sais pas… […] Je sais pas pour calmer les gens peut-être, je sais pas… »

À l’automne 2020, un prisonnier tabassé par les flics racontait comment le médecin avait minimisé ses blessures pour couvrir ses agresseurs (https://crametoncralyon.noblogs.org/jai-peur-franchement-vous-me-faites-peur-je-pense-il-suffit-quon-vous-donne-quelques-droits-la-et-vous-allez-commencer-a-tuer-des-gens-vous-temoignage-de-x-tabass/) :

« Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais  il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là, et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. »

En novembre 2020, en pleine épidémie de covid (plusieurs dizaines de prisonnier-es testé-es positifs), les détenu-es dénonçaient l’absence totale de mesures sanitaires, face à quoi le médecin n’a rien fait :

« J’ai dit je suis malade je tousse, ça fait trois jours j’ai la gorge… les gens qui ont le coronavirus ils étaient avec moi, je suis malade. Ils me donnent pas de rendez-vous, non. Ils me parlent mal, même le médecin ici il parle mal, il me dit on n’a pas ça, on n’a pas ça. Si tu parles mal avec lui il va appeler la police. La police va t’amener à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-cra-de-lyon-les-prisonniers-denoncent-leur-situation-alors-que-11-personnes-ont-ete-testees-positives-au-covid-19-temoignage/)

« J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent. après ils m’ont emmené au mitard. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/voila-comment-on-traite-les-gens-on-est-isoles-cest-vrai-quil-y-a-des-cameras-mais-dans-les-chambres-il-y-en-a-pas-dans-les-chambres-il-y-a-que-des-agressions-temoignage-de-x/)

« Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/parce-que-nous-on-est-la-on-est-dans-la-realite-du-virus-le-virus-il-circule-on-est-la-dedans-et-personne-ne-nous-aide-personne-ne-fait-rien-pour-nous-aider-temoignage-de-d-enferme-au-cra-de/)

Ou encore ce témoignage d’un prisonnier dénonçant la réaction du médecin suite à la tentative de suicide d’un co-détenu :

« Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/on-compte-sur-vous-pour-fermer-ce-centre-cest-catastrophe-on-est-trop-touches-temoignage-de-x-prisonnier-au-cra-de-lyon-14-11-20/)

En plus des risques sur la santé physique liés au covid, l’inaction et le mépris des médecins face à l’épidémie dans le CRA ont eu un impact très violent sur la santé mentale des personnes enfermées (stress, peur d’attraper le virus, isolement…).

Si à l’époque les nombreux cas de covid au CRA avaient attiré l’attention des médias et des associations pour quelques temps, ensuite les violences médicales ont continué, dans l’indifférence totale.

En juin 2021, des prisonnier-es en grève de la faim témoignaient (https://crametoncralyon.noblogs.org/ils-shootent-la-plupart-des-personnes-covid-maltraitance-et-violences-policieres-au-cra-de-lyon-temoignages-des-prisonnier%c2%b7es-3-7-06/) :

«  Bah le médecin vous savez, ils sont pas avec nous. Donc du coup, eux ils sont dans leur bureau, ils savent vraiment pas ce qui se passe, ils sont dans leur coin. sauf quand quelqu’un est malade, mal aux dents, n’importe quoi, c’est doliprane quoi. Après ils essaient de donner aussi des… je vais pas vous mentir hein, ils donnent aussi beaucoup des… ce qu’ils prescrivent aussi beaucoup c’est des… comment ils appellent ça déjà? des calmants, anxiolytiques, voilà. Ils shootent la plupart des personnes. »

«  ça se passe mal, ils nous traitent comme des animaux. Ils nous mettent la pression, ils nous narguent, ils nous disent : comme mon ami il a la dent cassée, il est dans sa chambre dans l’isolement [car il est positif au covid], il va mourir, il a parlé avec les flics ils ont dit : « prend un doliprane et allonge toi », il a parlé avec le médecin il a dit « prend un doliprane ». On est malmenés quoi ! on est pas des êtres humains, on est du bétail, on est du bétail voilà. Y’a un copain aussi là il est malade, il est trop malade, il est au mitard ça fait cinq jours.
– Pourquoi il est au mitard depuis 5 jours?
– Parce que il est tombé de son lit, il s’est cassé le bras et y’a eu du sang, ils ont dit : « t’as fait exprès », et ils l’ont mis au mitard. »

Le déménagement dans le nouveau CRA neuf en janvier 2022 n’a amélioré en rien la santé des prisonnier-es, comme avait témoigné l’un d’eux en mai dernier (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-x-on-dit-le-pays-des-droits-de-lhomme-quand-on-se-donne-cette-etiquette-il-y-a-un-degre-de-respecter-les-humains/) :

« Au niveau médical, j’ai eu un début de, je sais pas, parce que je l’avais jamais eu dehors, un début de problème cardiaque. Je faisais déjà de la tension, a plus de 17° de tension, déjà ce n’était pas très bon, pendant plus de 2 semaines. […] Dejà même si c’est dehors, pour un être humain, faire de la tension à plus de 17° pendant 2 semaines, c’est un risque de danger, ça peut causer un problème cardiaque. Et pour celà, au moins on doit avoir un suivi médical, un peu ordonné. Et là, sans toutefois me faire des examens, on me propose de me mettre sous traitement. Et quand je demande pour voir le traitement, c’est des somnifères qu’on me donne ! Et quand tu refuses ça devient un problème ! (inaudible). Tu dois au moins me faire des examens,  me mettre sous traitement, avec un suivi médical bien ordonné qu’on peut défendre. Mais pas me dire directement on va te mettre sous traitement et quand tu regarde ce que tu m’as donné c’est ce que tu donnes, le même traitement, à tout le monde qui est au centre. On retrouve particulièrement les mêmes problèmes, parce que quand tu regardes les comprimés qu’on donne à d’autre gars, tu reviens avec quelque chose qu’il a eu, c’est pratiquement les mêmes comprimés qui sont donnés chaque fois. »

En mai 2021, notre collectif avait déjà alerté de nombreuses structures et associations  (https://crametoncralyon.noblogs.org/il-est-impossible-de-soigner-dans-les-lieux-denfermement/) sur ces pratiques médicales abusives, tout en rappelant l’incompatibilité entre soin et enfermement :

« Au lieu de les accompagner et de leur apporter les soins nécessaires, par définition incompatibles avec l’enfermement, les unités médicales au sein des CRA minimisent les souffrances psychiques et physiques exprimées, et participent ainsi à renforcer la vulnérabilité des personnes concernées. Déjà soumises à la violence administrative et policière inhérente à l’enfermement, les prisonnièr-es sont donc également confronté-es à une violence médicale plus difficile à dénoncer. »

*

La lettre ouverte du médecin démissionnaire du CRA de Lyon n’apprend donc rien de nouveau sur les mauvais traitements subis par les prisonnier-es. En revanche, elle passe sous silence l’hypocrisie du corps médical qui s’est rendu complice et acteur de ces violences pendant des années.
Cette lettre est dégueulasse. Elle légitime en de nombreux points le discours étatique, par exemple en reprenant l’idée raciste et classiste que les prisonnier-es du CRA seraient des personnes dangereuses et violentes, et donc qu’iels seraient en partie responsables de leurs mauvaises conditions de détention.

En se focalisant davantage sur les supposées violences des détenu-es que sur celles structurelles de la détention, cela le conduit à remettre en question la relative « libre circulation » au sein du CRA et à déplorer le fait qu’il n’y ait pas de surveillants, comme en prison, pour « pacifier » la détention. En prenant pour exemple les prisons, il invisibilise et nie là encore la réalité vécue par de nombreuses personnes enfermées dans ces prisons, où, en plus de la violence des matons, les conditions médicales sont tout aussi violentes, comme le documente depuis des années le journal anticarcéral l’Envolée (https://lenvolee.net/).

L’enfermement en soi, ainsi que la menace de déportation, ont des conséquences désastreuses sur la santé des personnes, car ces institutions traumatisent, usent de violences physiques et psychologiques, torturent, sont la cause de tentatives de suicide.  Pour nous il ne peut pas y avoir de « relations normalisées » dans une institution raciste dont la raison d’être sont l’enfermement et l’expulsion, pas plus « qu’attendre sereinement son expulsion » n’est possible ou souhaitable. Les prisonnier-es ne cessent de résister et iels ont raison.

Sous couvert de critiquer le système carcéral, ce genre de discours ne fait que le renforcer, en prétendant qu’il pourrait y avoir une « bonne » manière d’enfermer.

Répétons-le encore une fois : soin et enfermement sont incompatibles. Les CRA et les prisons tuent.

Pour un droit à la santé pour toustes,
Abolition des CRA et de toutes les prisons !

Le collectif Lyon Anticra

Témoignage des prisonnierxs du CRA de Lyon le 02/06/2022

Des prisonnierxs du CRA de Lyon témoignent le 2 juin 2022. Un prisonnier est actuellement à l’isolement suite à une tentative de suicide.

 

– Comment c’est à l’intérieur du centre de rétention ?

– Pour nous, comme des chiens là. Ils nous fouillent tous les jours. Il y a un groupe, il est gentil avec nous ; il y a un groupe, il nous provoque tous les jours. Il nous cherche tous les jours. Même le midi, on mange pas bien ici t’as vu. On parle la vérité, nous on mange hallal. On mange pas les choses haram et tout. Et eux ils ramènent le poulet, ils ramènent des choses haram. Je te jure, aujourd’hui, les gens ils mangent un pain et un fromage.

– Et ils vous fouillent quand ?

– A midi, quand on sort pour manger. Ils nous fouillent.

– Le matin, ils nous fouillent.

– L’après-midi, ils nous fouillent. Le midi aussi. Ils rentrent dans nos chambres, c’est le bordel tu vois. Ils débarrassent tout, les lits et tout. Ils fouillent nos lits tous les jours.

– Et hier, ils vous ont interdit la promenade ?

– Oui, ils ont fermé la promenade. On est tous dans le couloir, on fait va-et-vient, va-et-vient.

– Ils ont fermé la promenade toute la journée ?

– Oui toute la journée. On a eu juste le temps du ménage, de 13h30 à 15h. Et la dernière fois, ils ont pas fait le ménage. Ils ont laissé les chambres dégueulasses, ils ont changé que les poubelles. Hier ils ont fermé la promenade comme ça, sans raison. Quand on est rentré à 15h, ils ont fermé la promenade direct. Y’en a d’autres, ils veulent parler.

– Bonjour. En fait, ce qu’il a dit mon collègue c’est vrai. Par exemple, à manger, ça nous ramène rien. Les plats vides. Un quart de baguette par jour. Ça nous parle mal. Ça nous pousse tous les jours. Quand on sort du réfectoire, quand on finit de manger, bah c’est bon on sort normal et tout, bah ça nous pousse genre « vazy rentrez chez vous ! ». Vous avez compris ? Ça nous parle trop mal en plus. La dernière fois, il y avait un gars, les policiers ils l’ont attrapé par le cou, bah il a pas aimé alors il s’est déchiré tout avec la lame. Ils se sont foutus de lui hein. Maintenant son ventre il est ouvert jusqu’à maintenant. Ça va pas du tout ici, ça va pas. Par exemple, y’avait un gars, il a réclamé du pain, il avait pas trouvé du pain sur son plat au réfectoire, il a dit « ouais monsieur, y’avait pas de pain sur le plat », oh il se fait sortir dehors, il se fait menotter ! Oh il est devenu tout en sang ! Parce qu’il a réclamé son pain, c’est tout… Enfait on n’a pas le droit de parler, on n’a pas le droit de faire rien. On est enfermés, c’est tout. Y’a des groupes, y’a des groupes bien, y’a des groupes pas bien. Y’a même un il a avalé une lame, ouais, tentative de suicide carrément.

– Et il est allé à l’hôpital ?

– Non il est à l’isolement là. Ils s’en foutent de lui. Celui qui a le ventre ouvert, il est là. Il est pas soigné, il se fait pas coudre le premier jour, alors là c’est trop tard. Là c’est le troisième jour. Mais c’est pas que ça ! Même les parloirs ! Il y a des gens qui viennent pour voir leurs proches, ils laissent personne venir. Ils laissent pas les gamins rentrer, ils laissent pas les habits rentrer, ils laissent pas les cigarettes rentrer. Ils laissent rien. Bon c’est bon pour moi.

 

A bas les CRA. A bas les frontières. Solidarité avec toustes les prisonnièrxs.

Lettres d’Andrei, détenu russe au 2ème CRA de Lyon

Andrei,  prisonnier au Centre de Rétention de Lyon depuis plus de 60 jours, témoigne de sa situation à travers ces lettres envoyées au Préfet, à deux consulats et aux journalistes. Sont ici publiées les traductions de l’anglais et du russe au français. Les liens vers les originaux sont en bas de page.


Lettre au Préfet :

Bonjour réspecté Monsieur ou Madame le ou la Préfet.
Mes excuses, mais je vais vous écrire en langue Russe pour une meilleure compréhension, pour mieux exprimer mes idées.
Donc :

Bonjour, Monsieur le Préfet.

Je m’appelle Andrei Gurov, je suis né le 9 juin 1975 en Russie, en URSS.

En ce moment, comme vous le savez,  je suis dans le centre de déportation de Lyon St Exupery. À votre demande, parce que j’ai purgé ma peine dans la prison de Bourg en Bresse.

Vous exigez mon renvoi immédiat du pays, et je suis entièrement d’accord. Je comprends parfaitement que j’ai transgressé la loi française en utilisant gratuitement le transport ferroviaire à de nombreuses reprises. En fait, j’ai été mis en prison pour ça, mais.

Tout d’abord, vous dites au tribunal que je suis illégalement sur le territoire de la France, je suis d’accord, mais je n’ai pas traversé les frontières de la France, et encore moins prévu de venir ici. Vous ignorez que j’ai été arrêté en Suisse par vos autorités, c’est-à-dire la douane de la France, et pas par les Suisses, le 4 octobre 2021. A ce moment-là, mon passeport était expiré de 4 jours, mon passeport expirait le 1 octobre 2021.

Et je n’ai pas en aucune façon traversé les frontières françaises, je ne pouvais pas entrer sur le territoire du pays n’en ayant pas le droit.

En outre, vos autorités m’ont arrêté à Genève sur le sol suisse avec mon chien et ils m’ont emmené sur le territoire français illégalement car, comme je l’ai déclaré plus tôt, mon passeport était déjà expiré.

Tout d’abord, j’étais sur le territoire suisse pour demander l’asile politique là-bas mais pas en France. Parce que je connaissais parfaitement la contradiction et l’absurdité de la législation française. La Suisse n’est pas un État européen, où la plupart des fonctionnaires ont peur de se salir les manches lorsqu’ils ont devant eux une foule de gens qui sont dans la boue toute leur vie, contrairement même à votre France, ils respectent les droits des hommes et ne m’ont pas craché au visage. Mais je reviens au commencement. Je ne m’installe pas en France pour une autre raison, une raison plus fondamentale pour moi.

Le chien avec lequel j’ai été arrêté de la race Rottweiler. Et en France, une permission spéciale est nécessaire pour lui. Une fois j’ai eu l’occasion d’assister à une arrestation illégal, et ils ont été arrêté seulement à cause de cette race de chien. Je n’ai jamais traversé la frontière de votre territoire avec mon chien.

Et la police agit sans impunité, pas tous, bien sûr, mais certains d’entre eux le sont,  et vos agents là-bas le peuvent. Et vos services ont violé la loi en m’arrêtant en Suisse sans en informer les autorités locales et quand je me suis senti obligé d’appeler la police locale ils m’ont ri au nez. Et j’ai été emmené de force à bord d’un train le 4 octobre 2021 avec un chien, illégalement à travers la frontière française avec un passeport expiré. Ils m’ont jeté en prison sans que je puisse demander l’aide d’un avocat.

J’aimerais rappeler la responsabilité de déclarer qu’aucun accord international que Mme la Justice a essayé d’invoquer devant la Cour d’appel le 18 mars 2022 ne permet le transport de personnes sans un document valide pour traverser la frontière. Si c’est permis, alors qu’attendez-vous de l’ambassade roumaine et pourquoi ne m’avez pas encore expulsé, quel est le problème ? Le problème vient de mes DOCUMENTS !! Et bien ce n’est pas moi qui est enfreint la loi en traversant le territoire français illégalement mais c’est vos autorités françaises qui l’ont enfreint.

Et qu’en est-il de la Border Crossing Act, et de vos employés français, ils ont dû en informer les autorités suisses. Mais ils se sont moqué d’eux, et je m’excuse d’être franc, parce qu’il n’y a pas d’autre façon de d’écrire ce qu’ils ont fait.

Maintenant, le principal problème sur lequel j’ai une réclamation :

J’avais avec moi le chien Rottweiler comme j’ai déjà eu la chance de le dire un peu plus tôt dans cette lettre. En ce moment, le chien est à Oyonnax.

Je dois vous demander, où était mon chien du 4, date de mon arrestation, jusqu’au 15 ? ce qui était avec elle et pour quels motifs? J’ai reçu une lettre de la gendarmerie indiquant que mon chien y avait été placé le 5 octobre, et non le 15, et seulement pour la durée d’emprisonnement

Mon chien a été conduit de force avec moi et je n’ai pas eu le choix. En fait, vous vous préparez à me déporter aujourd’hui et je suis d’accord. Je souhaite quitter le pays dans lequel le très beau peuple vit et mais aussi le gouvernement le plus sale et le pouvoir des hommes !!! Je n’ai pas et ne veux pas avoir quoi que ce soit à faire avec vous, ce n’est pas moi qui suis venu chez vous.

Vu dans la situation dans laquelle je me trouvais, je devais me tourner vers OFPRA pour la demande d’asile. J’ai été forcé de faire comme Votre Seigneurie tente de me chasser non seulement du pays, mais aussi de me fermer l’espace Schengen dans lequel vivent mes enfants, qui sont encore mineurs. Et les autorités roumaines, même si elles m’ont donné permis de séjour temporaire. En fait, ils ne sont pas en mesure de me protéger ou mes enfants, au contraire, ils sont trempés jusqu’à l’os avec la corruption. Mais cela est totalement confidentiel et je ne compte pas le dire ici, je l’ai simplement mentionné dans cette lettre car je me suis tournée vers OFPRA. Pas pour être libéré du centre de déportation, mais le centre, à votre avis, ou vos conseillers sur la situation ? C’est pourquoi je voulais demander l’asile en Suisse, pas ici. Mais vous avec vos décisions, qui n’ont pas étudié attentivement ma situation, me mettent devant les faits accomplis des accords de Dublin, qui me prive de demander l’asile en suisse.

Je veux quitter la France le plus vite possible, mais seulement avec les membres de ma famille, qui m’ont été enlevés un moment donné, mon chien. Ce n’est pas un chien, mais un membre de la famille tout aussi respecté. Je refuserai tous les tests PCR et les avions sans lui. Mais avec mon chien je quitterai le pays immédiatement. C’est la chose la plus importante que je vais vous transmettre avec cette lettre, rendez-moi mon membre de ma famille, ou bien je renonce à ma LIBERTE de façon responsable !!!

La décision vous appartient. Respectueusement, Andrei Gurov.


Lettre aux rédactions :

Respecté rédacteur !
Mon nom est Andrei Gurov. Je suis Russe mais sous protection subsidiaire en Roumanie depuis le 04.09.2004. J’envoie deux lettres : une que j’adresse au Consulat Suisse et où j’explique ce qui est arrivé au jour du 04 octobre 2021 sur le territoire Suisse, et la seconde, un rejet de l’OFPRA que j’ai eu ici, au Centre de Rétention Administrative à Lyon Saint-Exupéry.
S’il vous plait, lisez-les et vous comprendrez clairement ma situation et comment les autorités françaises se portent au-dessus de la loi, la brisent, dissimulent des actions illégales tandis que la justice ferme les yeux.
Pour faire court ! J’ai été kidnappé en Suisse dans la ville de Genève le 4 octobre 2021 avec mon chien, par la douane française, et illégalement transféré en France alors que mon passeport avait expiré. Mon chien m’a été retiré. Je voulais demander la protection de la Convention de Genève de 1958 en Suisse mais la douane française m’a kidnappé et je n’ai pas eu d’autre choix que de demander l’asile ici en France.
Si vous lisez ces deux lettres, vous aurez une meilleure compréhension de la situation qu’avec ce que j’écris sur ce présent papier.
Actuellement je suis au Centre de Rétention : S.P.A.F CRA. St.Exupéry B.P.106.
J’étais à la prison « Bourg-en-Bresse » du 05.10.2021 au 14.02.2022, puis ils m’ont transféré ici. Je n’étais en prison que pour avoir voyagé plusieurs fois sans billet de train, mais ils m’ont considéré comme un assassin ou un vendeur de drogue. Ils essaient de voler mon chien, un Rottweiler. Le chien est présentement à la SPA d’Oyonnax et ce centre pour animaux cherche à récupérer illégalement la propriété de mon chien.
J’ai été arrêté illegalement dès le début et mon chien et moi, on a été transférés illégalement en France. Je n’ai personne ici. Seulement quelques personnes qui veulent m’aider et les personnes dans la même situation que moi, mais personne le pouvoir d’agir comme vous !
S’il vous plaît, lisez ces lettres et aidez moi comme vous pouvez. Je vous donne le droit d’utiliser ma situation, de la rendre publique. L’Audience avec l’O.F.P.R.A peut être publiée, je vous en donne les droits.
Aussi, j’ai écris une lettre au Consulat Mauricien mais ils ont rejeté ma demande car ils n’ont pas le droit de décider.
Donc, vous avez trois lettres, s’il vous plaît lisez les et aidez-moi comme vous le pouvez.
Je vais prier pour ça.
Avec tous mes respects, Andrei Gurov
21.03.2022

Lettre au consulat suisse :

Bonjour respecté Monsieur l’Ambassadeur.
Mon nom est Andrei Gurov, né en Russie le 09 juin 1975. Je vous écris cette lettre pour exprimer la détresse et l’injustice auxquelles je fais face depuis le 04.10.2021. À cette date j’étais dans la ville de Genève, attendant mon ami qui est le Directeur du « Star Ballet Russe », et l’avocat Philippe Bogard concernant ma demande d’asile à Genève.
   Après cela, autour de 16h50 (+ ou -), un homme marche vers moi. Il est de la Douane française (P.A.F) et commence à parler de mon chien. Il me demande si je suis au courant des règles concernant les Rottweiler dans le Canton de Genève ? Je réponds oui, je connais les règles mais je suis seulement en transit à Genève et à Bern cette race n’est pas interdite, et mon chien avait un masque. Et il fait partie de la famille et il participe souvent dans les spectacles de chiens. Il a même été deux fois vainqueur « Champion d’Europe » et champion absolu d’Italie. J’ai dit à ce monsieur que mon chien a tous les documents nécessaires au voyage et lui ai demandé comment il pouvait avoir le droit de contrôler nos documents alors que j’étais en Suisse et qu’il est de la Douane française. Je lui ai aussi expliqué que ce chien est absolument légal à Bern, ma destination.
   L’officer de la Douane Française s’est énervé et m’a demandé mon identité et je lui ai donné mes documents de voyage. Je lui ai expliqué que mon passeport venait d’expirer le 01 octobre, donc je n’ai pas de documents pour moi, mais mon chien en a.
   Alors, il a pris mon passeport et m’a demandé de le suivre dans ses bureaux. Quand nous sommes arrivés là-bas, il a réalisé une copie de mon ID, et a passé un appel, et il est revenu à moi et m’a dit de lui montrer mes mains. Il m’a immédiatement passé les menottes et m’a dit que dès maintenant je suis arrêté car j’ai été contrôlé par la douane française et je n’avais pas mon billet.
   Je lui ai tout de suite demandé d’appeler la police suisse car je n’étais pas sur le territoire français (la gare de Genève). Il a rigolé, puis refusé de me permettre d’appeler la police suisse, et m’a forcé à entrer dans un train avec mon chien et mes baggages. Il m’a dit que la Douane frnnçaise a plus de pouvoir que la police suisse, qui n’est rien.
   À la gare suivante nous étions déjà en France et un de ses collègues nous attendait quand nous sommes arrivés là. Après, ils ont rédigé un rapport rempli de fausses informations, que je voyageais avec un passeport expiré et que j’ai passé la frontière illégalement. Ils m’ont forcés à venir ici illégalement mais ont écrit que c’était moi qui était venu. Ils m’ont arrêté à Genève et amené par eux en France. Donc, j’ai été kidnappé. Après ça, ils ont appelé la police (celle française) et m’ont envoyé avec eux dans une autre ville. Moi et mon chien sommes arrivés à la Gendarmerie et après ils m’ont pris de force mon chien, et le jour suivant j’étais transféré à la prison de Bourg-en-Bresse.
   Je ne savais pas que voyager plusieurs fois sans billet était jugé en France pour 6 mois de prison. C’est pour cette raison qu’ils m’ont mis en prison et mis mon chien dans un centre spécial pour animaux à Oyonnax pendant la durée de ma détention. Je suis sorti de la prison le 14.02.2022 (après 4 mois). Maintenant, je suis au Centre de Rétention comme le Préfet considère que j’ai illégalement traversé la frontière ce qui est complètement faux, et refuse de me rendre mon chien. Ils ont dit que mon chien n’est plus ma propriété comme ils n’ont pas dit au tribunal que mon chien et moi avons été kidnappés à Genève. Le juge a statué que, sachant que mon passeport est expiré et que je n’ai pas de logement en France, ils vont me garder en rétention jusqu’à ma déportation. Ils ne veulent pas entendre que je n’ai pas voulu venir en France mais souhaitait demander l’asile en suisse, mais que cette situation ayant eu lieu, tout a changé et finalement je fais une demande d’asile ici en France. Tous les documents à propos de mon arrestation illégale ont disparu. Ils dissimulent ce kidnapping à la justice et par le même temps couvrent les actions illégales qu’ils font.
    Je vous demande votre aide pour faire face à ce cauchemar comme vous monsieur avez accès aux caméras CCTV dans la gare de Genève le 04.10.2021 pour voir et prouver mon kidnapping illégal par la douane française.
Je suis sûr, respecté ambassadeur, que vous accordez une attention particulière aux droits humains et ne tolèrerez pas l’injustice qui a eu lieu à cause de la Douane Française sur le territoire suisse.
   Je vais envoyer une copie de mon verdict de l’O.F.P.R.A. aux journalistes, et espérer que quelqu’un lira ces lettres pour que tout le monde sache que cette situation illégale a eu lieu sur le territoire suisse.
   Comme je l’ai dit précedemment mon chien fait partie de ma famille et je ne serais pas capable de vivre sans lui.
   Donc Monsieur l’Ambassadeur, par cette lettre je vous annonce ce qui est arrivé en Suisse et vous verrez que votre pays n’est pas considéré par les français comme un pays de liberté et de droits humains.
   Sur moi je n’ai rien vu, aucun pouvoir, droits humain ou démocratie comme en Europe, même en Suisse – surtout la ville de Genève « ville de la paix ».
   Ou j’ai tort. Si j’ai tort et qu’un pays respecte les droits humains, surtout la Suisse (Convention de Genève de 1951) s’il vous plaît répondez-moi et je prierai pour bénir la Suisse.
   Actuellement j’ai vu ce que les autorités françaises se sentent en Suisse comme dans leur propre maison, et ne respectent pas les règles internationales qu’ils ont signés. Ils ont ri de la police française.
  Donc, comment est-ce possible d’être kidnappé d’un pays et de cacher ça ???
Faites quelque chose, je vous en prie !!!
Respectueusement, Andrei Gurov
Centre de Rétention de Lyon Saint-Exupéry

21.03.2022



Lettre au consulat Mauricien:

Bonjour respecté Monsieur l’Ambassadeur.
Soussigné Andrei Gurov, né dans la ville de Naltchik (Russie) le 09 juin 1975, avec une protection subsidiaire en Roumanie, vous demande à vous et votre gouvernement des Mauriciens de m’accorder la protection de la convention de Genève de 1951.
    En ce jour je suis au Centre de Rétention Administrative à Lyon Saint-Exupéry (France) dans l’attente de ma déportation en Roumanie car j’ai une protection subsidiaire de la Russie en Roumanie depuis le 01.09.2004. Mais malheureusement la situation politique en Roumanie a changé au cours des dernières semaines et les autorités roumaines commencent à recevoir des réfugiés de l’Ukraine (actuellement ils sont plus de 100 000 personnes). Je suis citoyen Russe et je n’ai rien contre les Ukréniens. Au contraire, je suis contre la politique du président Russe M. Poutine, mais j’ai malheureusement la citoyenneté russe et ce point me place dans une situation dangereuse en Roumanie. J’ai demandé l’asile ici, en France mais elle a été rejetée car la Roumanie est un pays européen.
   Je souhaite et espère, que finalement je puisse aller aussi loin que possible du continent européen pour me sauver et continuer à vivre comme un humain normal.
   Je suis professeur de théâtre dramatique et de danse classique (ballet), toute ma vie j’ai travaillé sur la scène et créé des milliers de spectacle au théâtre comme au cinéma. Je voudrai faire la même chose et créer une école d’art et de théâtre dans votre pays Maurice et apprendre aux jeunes générations l’Histoire, la litterature et l’art classique. Vous pouvez regarder sur internet sur google : Andrei Gurov – qui est-il ?
   Je cherche un endroit protégé sur notre Terre et prie le Seigneur tous les jours, mais la réalité en ce moment pour moi est l’obscurité.
   S’il vous plaît, aidez-moi ! J’ai besoi de protection pour survivre sur notre planète et continuer à vivre ma vie avec fierté.
   Désolé de ma grammaire anglaise ( je parle bien mieux que je n’écris).
   S’il vous plaît, ne jetez pas cette lettre à la poubelle mais lisez-là et essayez de me comprendre. La Roumanie n’est pas un pays où je suis en sécurité, il y a déjà eu le kidnapping de mon fils il y a cinq ans, et les autorités ne s’en préoccupent pas. La police ne veut même pas prendre ma plainte à propos de la disparition de mon fils.
   Toute l’Europe est complètement corrompue et il n’y existe aucune démocratie. Je veux dire que les lois et les gouvernements – pas les personnes simples  qui sont vraiment de bonnes personnes mais n’ont vraiment aucun pouvoir !!!
   S’il vous plaît, contactez votre gouvernement et racontez-lui ma situation. Peut-être qu’ils accepteront au moins un réfugié.
Mon adresse, actuellement : SPAF CRA ST EXUPERY BP 106 69125 Lyon St-Exupéry.
Malheureusement je n’ai pas accès à internet et aucun moyen d’accéder à mes mails.
Dans tous les cas, dans l’attente de votre réponse,
Dieu vous bénisse et votre décision
Avec espoir et respect,
Andrei Gurov

MANIFESTATION DES PRISONNIERS DU CRA DE LYON ST-EXUPÉRY LE 8 FÉVRIER // Violences policières, nourriture infecte, humiliations, isolement prolongé, non transmission systématique par Forum des documents juridiques, prisonniers drogués aux médicaments par les médecins… Témoignages de prisonniers du CRA de Lyon St-Exupéry, le 09/02/2021

Témoignages de 5 prisonniers retenus au CRA de Lyon Saint-Exupéry, le 09 février 2021. La veille au soir, les prisonniers de plusieurs blocs s’étaient retrouvés et avaient manifesté contre les violences de la police, ainsi que pour dénoncer la nourriture du centre, celle infecte qu’on leur sert, ou les distributeurs toujours vides.

TÉMOIGNAGE 1

 

– Bonsoir ! ça va?

– Ça va et toi ?

– Ça va hamdoullah.

– Est-ce que y’a des trucs que t’as envie de raconter sur comment ça se passe à l’intérieur, ce qui s’est passé hier soir…?

– Je te dis la vérité, moi j’ai quitté la France ça fait 4 ans. J’ai ma femme et ma fille en Espagne. J’étais passager pour aller en Suisse, ils m’ont attrapé dans le train, ils m’ont ramené ici. J’ai 48 jours. L’Algérie a fermé ses frontières, et je suis là je sais pas pourquoi moi ! Pose les questions, moi je réponds, pose, pas de souci.

– Est-ce que t’as envie de parler de ce qui s’est passé hier soir ?

– Ouais. Hier c’est moi qui ai fait le bordel.

– Qu’est-ce qui s’est passé en fait?

– Parce que y’a pas de respect. Moi j’ai mangé, le policier il a mis ses pieds devant moi. Moi j’ai mangé sur la table, alors je me suis énervé. J’ai ramené tout le monde et on a fait la guerre.

– Vous avez fait quoi?

– On a fait la manifestation. Mais y’a pas de mal, y’a rien de mal. On a ramené toutes nos affaires en promenade et on est restés là bas. Ils ont amené les casques bleus, les CRS et tout.

– Vous vous avez tous mis vos matelas dans les couloirs c’est ça ?

– C’est tout, c’est tout. Il y a des caméras.

– Et c’était quoi vos revendications?

– Si l’Algérie ouvre ses frontières, envoie moi en Algérie. Si l’Algérie ferme ses frontières, lâche moi, moi j’ai ma vie en Espagne, j’ai ma femme, j’ai ma fille. J’ai rien à voir ici moi, j’étais passager. t’as compris? J’ai 48 jours pour rien, pour rien, j’ai rien fait de mal. Mais pourquoi ? Ils ont envoyé en Algérie quatre fois pour mon nom, l’Algérie répond pas. pourquoi tu me gardes ici ? Il y a le covid, il y a des personnes malades, de l’autre côté, côté vert, il y a 4 côtés dans ce centre de merde, excuse moi. Normalement les frontières de la France sont fermées, normalement relâchez les gens! Il y a des gens avec ses papiers, on les lâche pas aussi ! ça c’est pas la loi ! Donnez-moi quitter le territoire, je quitte le territoire. Si ils m’attrapent, j’assume 10 ans de prison, je m’en bats les couilles. Moi j’ai pas envie de rester en France. Soit lâchez moi, soit envoyez moi au bled. tout simplement. Si je m’énerve encore, je suicide, sur la vie de ma mère! Je suicide! normalement, je suicide. Parce que j’ai rien fait, j’ai rien fait, je suis là pour 48 jours. pour rien, pour rien. J’ai rien fait.

– Et hier soir il s’est passé quoi après votre manifestation?

– Hier tout le monde s’est énervé, on a pris les matelas, on est partis à la promenade, parce que tous les jours la bouffe périmée. ça pue. la bouffe ça pue. je peux pas manger ça moi. Ils manquent de respect, ils sont racistes… Viens et regarde ! ramène beaucoup de gens devant le centre de merde, pour voir.

Il y’a des gens ils ont refusé le test, ils sont partis en prison, après la prison ils sont ramenés ici. C’est quoi ça? ça c’est pas la loi ça.

– Et les flics ils sont racistes?

– Ils sont racistes oui. pas tous. mais la plupart sont racistes.

– Ils vous font quoi?

– On dirait qu’on est des chiens. On n’est pas des chiens! On n’a pas de papiers c’est tout. On a de l’argent, on a de la famille, on a tout nous. Dehors de cette prison de merde, on vit la belle vie. On vit une meilleure vie que ces policiers de merde. J’ai un travail, j’ai ma fille, j’ai ma femme, j’ai ma vie. Ma place c’est pas d’ici. Si les frontières d’Algérie sont ouvertes envoie moi, normal! j’ai mon père et ma mère. Si elles sont fermées, laisse moi partir en Espagne, j’ai ma femme et ma fille! t’as compris? moi j’ai rien fait de mal ! T’as pas d’autres questions?

– T’as envie de raconter un peu comment ça se passe à l’intérieur?

– Ça se passe grave grave mal. Tous les jours on dort, le ménage pas bien, ils nous laissent dans le froid dehors, on reste 3 heures dans le froid. Moi j’ai fait la prison ici en France. Wallah je te te dis la vérité, la prison c’est mieux que ce centre de merde. wallah! Moi je préfère 1 an en prison que 1 mois ici.

– Ça se passe comment au niveau de l’association Forum(1), avec les médecins…?

– Forum travaille avec la justice! moi je déteste Forum. Forum travaille avec la justice. Le docteur travaille contre nous, tous contre nous.

– Il fait quoi le docteur?

– Le docteur je lui dis donne moi mon traitement, il me manque de respect, il me dit non c’est pas… on n’est pas au marché noir. Moi j’ai des médicaments, je suis obligé de les boire.

Forum ils envoient les gens au bled, on dirait ils aident les gens, mais le contraire. moi je connais bien, je connais bien, ouais ouais, ça fait longtemps. Forum c’est pire que le juge. Forum travaille avec la justice. Il n’a jamais aidé moi. Il y a un gens, il a envoyé ses preuves, t’as compris ? Forum l’appelle désolé, il a fait la feuille toute noire devant le juge. Le juge il voit la feuille il rigole. c’est quoi ça? feuille noire ! c’est pas comme ça!

– J’ai pas entendu.

– T’as pas compris? il y a une personne elle a des papiers à lui, originaux. Il a fait une photocopie. La photocopie, il vient, 100% tu vois sa photo, et Forum a rendu sa photocopie toute noire! Le juge regarde rien! Et il l’a mis au centre encore 30 jours. Pourquoi ça? Il y’a un gens, le juge il demande ramène moi hébergement je te relâche. Il ramène l’hébergement, encore 30 jours. Hè ! ici comment ça se passe? bonjour, 28 jours, bonjour, 28 jours. tous les jours! c’est pas que moi! [passage inaudible] Il y a des gens malades du covid à côté de nous. Dans la chambre de 4 lits on dort 8, 8 personnes! y’a des chambres y’a pas de porte, wallah, y’a pas de porte.

Je te passe le suivant. Moi j’ai la haine, j’ai la haine, wallah j’ai la haine. J’ai envie de suicider, j’ai la haine. Je te passe le suivant.

– On est de tout cœur avec toi. courage.

– Bonne soirée merci beaucoup. Merci pour nous aider, tout le monde.

 

TÉMOIGNAGE 2

 

– Oui bonsoir.

– Du coup est-ce que toi tu étais là hier soir ?

– Ouais j’étais là.

– Est-ce que tu veux raconter un petit peu comment ça s’est passé ?

– Bah c’est moi je me suis embrouillé avec le flic. C’est moi, c’est à cause de moi. Parce que moi j’étais en train de parler avec mon ami et lui il est venu et il a posé ses pieds sur la table et il m’a dit, il m’a dit : tu parles mal de moi, jsais pas quoi. Il commence a me chercher, je sais pas quoi. Ils sont venu à 10 sur moi et ils commencent à me chercher et tout. Moi je dis vas-y, j’ai pas parlé avec vous, jparle avec mon ami. Et lui il commence à me provoquer et… On a sorti, on a sorti les matelas, on a commencé à crier et tout.

– Vous criez quoi ?

– On crie ! Ya pas de la loi ! Les gens nous prennent pour des chiens ! Ils nous considèrent comme des chiens ici ! Bah il s’en battent les couilles ! Ils s’en foutent de de nos gueules ou jsais pas moi.

Et moi par exemple moi j’ai, moi, c’est le même cas comme X, comme monsieur X. Moi j’ai ma carte de séjour italienne illimitée, j’ai ma carte d’identité, j’ai ma carte vitale, j’ai l’hébergement ici en France. Je suis arrivé en France à l’âge de 14 ans. Normalement, normalement ils ont pas le droit de m’envoyer en Tunisie ! J’ai toutes les preuves. Je suis arrivé à l’âge de 14 ans en France, je suis allé dans un foyer, et en plus de ça, j’ai ma carte de séjour et toute famille en Italie, j’ai ramené toutes les preuves et je leur disais c’est bon je ramène mon passeport et je ramène un billet et je prends, je prends l’avion et je rentre en tunisie ya pas de soucis.
Bah ils m’ont dit, c’est pas toi qui choisit.
Et j’ai appelé mon père et il est parti avec l’avocat en préfecture en Italie. Il a dit « comment ça se fait mon fils il est là-bas, il est bloqué et tout ? », et ils ont dit comme quoi l’Italie elle t’a pas acceptée ou je sais pas quoi. Et mon père il est partit là-bas en préfecture et il a dit « Comment ça se fait mon fils il a sa carte de séjour et vous l’acceptez pas ? »
Ils ont dit « C’est pas vrai on n’a rien reçu ! C’est pas vrai. »
Ils m’ont envoyé, ils m’ont envoyé une feuille de la préfecture comme quoi moi j’existe et tout. Et là quand j’ai passé devant la juge elle m’a dit 28 jours encore. Et en plus de ça ! Moi j’ai ma carte de séjour et je suis arrivé à l’âge de 5 ans en Italie et j’ai toute ma famille et ils m’ont donné une interdiction Schengen ! Ils ont pas le droit ! Normalement moi j’ai ma carte de séjour illimitée, j’ai toute ma famille en Italie ! Et ils ont vu, ils ont vu bien que j’avais ma carte de séjour ! J’avais tout mes papiers et tout, ils m’ont donné une interdiction Schengen ! Il ont pas le droit de le faire !

– Et l’avocat il t’a dit quoi par rapport à ça ?

– Bah l’avocat moi, moi j’ai appelé un avocat, je voulais prendre un avocat payant, avocat privé, j’ai appelé un avocat, et il m’a dit, j’ai parlé avec lui, et le forum ils ont envoyé mon dossier à l’avocat et quand je suis arrivé euh… Quand je suis arrivé devant là-bas, je suis arrivé, avant de passer devant la juge. J’ai parlé avec lui et c’était c’était c’était même pas un avocat ! Il avait même pas un ordi ! Il était avec une feuille, une seule feuille. Jlui dit « Tiens ! Tiens ! Jte donne » parce que moi j’ai toutes mes preuves sur moi, jleur fait pas confiance. Parce que ma première jugement j’avais tous mes papiers ici, ma carte de séjour, ma carte d’identité, ma carte vitale. J’ai tout ! Du coup, j’ai tout ce qu’il faut ! L’hébergement, tout tout tout ! Et le Forum ici, ils m’ont dit, on va envoyer tout ton dossier, on l’envoie au juge et quand je suis arrivé devant la juge, la juge elle m’a sorti juste une photocopie de ma carte de séjour, elle était noire ! Elle m’a dit, elle m’a dit « C’est ça ? C’est ça tes papiers ? »

C’est quoi ça ? Bah ils nous fait ils nous fait la misère ici. Ils nous considèrent comme des chiens.

Ah ! Ah ! Ah ! La bouffe elle est périmée ! On dort pas bien ! Euh c’est sale ! C’est sale ! C’est sale !

Et… Ils nous provoquent ! Ils nous cherchent !

Ya pas de télé, ya ya ya, ici ya [passage inaudible] ya des chambres ya 3 télés.

– Et avec la police ça se passe comment ?

– Avec la police ? Bah la police ils s’en battent les couilles la police !!
Moi je demande, ils m’ont dit l’Italie elle t’a refusée bah je leur disais, c’est bon ! C’est bon j’accepte ! Jvais rentrer en Tunisie c’est bon, l’Italie elle m’a pas acceptée et je sais bien que l’Italie ils les ont pas envoyé, c’est des menteurs ! Et moi je leur disais : c’est bon je veux rentrer dans mon pays et je ramène mon passeport, j’ai ma carte de séjour, j’ai mes papiers en règle, je ramène un billet et je rentre ! Ils m’ont dit c’est pas toi qui décide..

– Et avec le médecin tu as eu des ennuis avec lui ?

– Le médecin !? Le médecin faut le voir le médecin !! Oh j’allais, j’allais, j’allais prendre un RDV avec le médecin il m’a dit « Dans un mois ». Imaginez vous ! On dirait moi je vais rester ici 10 ans.

C’est trop c’est trop ! Ya pas de la loi !

Ils font comme ils veulent ! Ils s’en battent les couilles ! Je demande de voir les civils, ils me disent « non » je demande de voir le consulat tunisien, j’ai pas le droit. J’ai le droit de voir ! je suis un tunisien, je suis de nationalité tunisienne, j’ai le droit de voir le consulat tunisien. C’est vrai ou pas ? Bah eux ils me disent « non ». Ça fait 2 semaines je demande de voir le consulat à chaque fois ils me disent : « demain demain demain » et il y a rien.

Et moi personnellement j’en peux plus. Moi, moi je veux prendre un avocat je vais payer 2000 euros, j’ai mes papiers et je veux prendre un avocat, je vais payer 2000 euros et j’ai mes papiers. Il y a des gens qui ont pas de papiers, ils sortent ils sont libérés et moi j’ai mes papiers, j’ai tous mes trucs, et j’ai grandi en Italie, j’ai toute ma famille en Italie, et je vais prendre un avocat, il va savoir si ils me libèrent ou pas, imaginez-vous.

C’est trop, mais c’est trop, c’est trop. Moi, moi je viens de la prison, moi j’étais en prison, je pesais 80 kilos, là, ça.. je fais 50 kilos.
Il y a rien à manger ! Je vais manger quoi moi ? À part le pain je mange le pain, je bois de l’eau. Pain fromage eau, pain fromage eau, c’est ça. C’est trop c’est trop. C’est pas ça la France, c’est pas ça. Liberté, égalité euh jsais pas quoi.

– Et ça s’est fini comment après hier soir du coup ? Après il y a les CRS qui sont venus et puis euh ?

– Ouais ouais, il y a les CRS qui sont venus, bottés, cagoulés, on dirait, on dirait je sais pas quoi moi. On dirait euh, on est armés nous. Ils sont venus boucliers, avec les gazeuzes, euh jsais pas quoi, ils sont venus à 30 personnes, et nous wallah on est 15 personnes oh, même pas. Ils sont venus, ils ont dit calmez-vous sinon ça va mal se passer ou je sais pas quoi.

– C’était que dans votre bloc que ça se passait ?

– Non il y en a ils sont venus ; mais c’est nous qu’on a commencé, les autres ils ont fait comme nous. Ici il y a un côté arrivants, côté rouge. Il faut rester 8 jours après, il faut faire le test pour passer dans dans l’autre bloc. Il y 3 blocs il y a le jaune, orange et bleu. Les gens qui étaient dans le rouge normalement, moi je sais pas, il viennent de dehors voilà. Des fois ils viennent ils ont le corona et tout. Ils ont cassé la porte, ils sont venus dans notre promenade, ils étaient avec nous.

Et je sais pas moi, je commence à péter les plombs moi.

– Est-ce que il y a des choses que tu voudrais rajouter ?

– Moi moi je veux rajouter ! Moi je fais quoi là ? Je veux rajouter, ce centre là, il est fait pour les gens sans papiers. Normalement ce centre il est fait pour les gens sans papiers. Par exemple j’ai un ami à moi il a une nationalité italienne, et ils l’ont pris en Tunisie, ils l’ont expulsé en Tunisie, il a le passeport rouge, il est né en Italie. Imaginez-vous. Ben, c’est pas logique ça c’est trop. Et en plus de ça je suis arrivé à l’age de 14 ans en France. j’étais dans un collège, j’étais au foyer. Déjà, déjà normalement moi j’ai le droit d’avoir la nationalité française. Mais moi j’ai pas fait les démarches, c’est pour ça. Déjà normalement quand j’arrive, normalement quand un personne il arrive à l’âge de 14 ans, ils ont pas le droit de l’envoyer, de l’expulser. Et eux ils veulent m’envoyer en Tunisie et moi, moi, c’est mon pays je m’en bas les couilles, je rentre en Tunisie mais eux ils veulent pas, ils me faire la misère. Ils veulent me laisser jusqu’à la fin, pour que moi je pète les plombs ou pour que ils peuvent m’envoyer en prison, jsais pas moi jsais pas. Moi je leur disais, je prend mon billet, vous voulez pas me renvoyer en Italie, je sais bien que l’Italie elle m’a pas refusé. Je leur disais, l’Italie elle m’a refusé ben moi je ramène mon passeport, j’ai ma carte de séjour ma carte d’identité, je ramène mon passeport et les billets. Et en plus de ça, le centre il est à côté de l’aéroport, et je prend l’avion et je rentre en Tunisie. C’est simple. Ils m’ont dit c’est pas toi qui choisis.

– Merci beaucoup d’avoir parlé.

– Il y a pas de soucis.

-Courage à toi, on se tient au courant

– merci à vous je vous passe le suivant, bonne soirée.

 

TÉMOIGNAGE 3

 

– Salut

– Salut ça va ?

– Ça va. Bon juste pour ajouter quelque chose voilà ? c’est j’en ai marre. Tout ce qu’ils ont dit mes amis, comme ils l’ont dit les racistes, les policiers avec les PAF(2) ils sont pas biens avec nous. Voilà. C’est quelqu’un de nerveux, moi j’étais tout seul parce que il y a des côtés(3) ici voilà. On passe une semaine après les tests, j’ai refusé les tests parce que il avait quelqu’un méchant le matin il parle mal. Moi j’aime pas, on respecte d’abord. Et après il m’a dit « viens on fait les tests » et paf agressif.

– C’est un policier qui t’a dit de venir faire les tests ?

– Moi j’ai refusé, et après ils m’ont laissé une semaine tout seul. Normalement c’est pas garde-à-vue, parce que garde-à-vue il y a limite 24h, moi je suis resté une semaine complète tout seul, comme les fous, même j’ai demandé un briquet, et ils parlent comme le robot, ça m’énerve. [passage inaudible] Ils sont tous comme ça. Manque de respect. Ils respectent pas leur parole, ils disent j’arrive dans 1 minute, ils arrivent après une heure. Et ils parlent bizarre. Alors, c’est pour ça ici, si y’a du respect et tout ça va, mais manque de respect, dégueulasse, on reste 2 heures, 3 heures dans le froid chaque jour. Aujourd’hui par exemple on a été dehors de 11 heures jusqu’à 14 heures. Ils sont fous. Si on demande quelque chose, toujours on est sûrs c’est pas accepté. Ouais.

– Et quand ils t’ont laissé une semaine tout seul, t’étais dans une pièce ? t’avais le droit de sortir ?

– Non ! Heureusement il y a une femme, le 4ème ou 5ème jour peut-être, elle a dit « pourquoi vous le laissez tout seul ? Sans contact ». Et après ils m’ont envoyé dans la cour sur 4, on dirait 5 mètres carrés quelque chose comme ça . Juste pour [passage inaudible] mais au début je restais 4, 5 jours dans une chambre, il y a un petit couloir comme ça c’est tout.
Je demandé un briqué, ils ont dit c’est sa place, ils ont laissé sa place comme ça, sans briquet. Manque de respect.

– tu pouvais pas sortir pendant 4 jours ?

Non ! Je sors pas, 4 ou 5 jours j’ai oublié, voilà soit 4 ou 5 jours, après les 2 ou 3 dernièrs j’ai sorti juste pour la cour c’est pas loin et toujours 3 ou 4 portes fermées voilà.

– Et pour la bouffe ils t’amenaient à manger ?

– Ben j’ai refusé au début, après j’ai mangé mais c’est la merde comme ils ont dit mes amis. Mais on mange quelque chose juste pour on reste vivre voilà c’est tout.

-Et pendant ces quelques jours t’as pu voir le médecin ou parler aux gens de Forum ?

– Le problème même j’ai demandé le médecin, je tape les portes j’étais comme des fous, et il s’en fout, il dit « ah il faut la patience » ; mais il faut la patience, en plus il faut respecter parole aussi, on a la patience, mais il y a une limite et vous il faut nous respecter comme êtres humains comme vous. En plus moi j’ai mes papiers, mais même pour tout le monde, on est un être humain comme vous ; alors pour les flics, vous êtes policiers, vous avez salaire, nous aussi dehors on a du salaire on a des familles on a de la vie ! Il faut respecter ! Mais moi je pense pas la France comme ça, je pense y’a respect, et tout voilà mais laisse tomber, si tout le monde vive comme ici c’est fini.

-Tu étais là hier soir ?

– Oui, ah ouais on est tous, on a sorti les matelas, on a fait manifestation pour voir solutions avec nous, parce que le problème, c’est si il y a la loi, nous on respecte la loi c’est obligatoire c’est obligé, mais le problème, la loi ils ont caché la loi toujours, quelqu’un encore il a dit : mon ami il la carte séjour, ils ont envoyé le Forum ici sa carte séjour noire ! mais pourquoi ils font ça ? Nous on est en 2021 : technologie, l’internet, les mails et tout, il faut pas faire d’erreur comme ça ! Il est ici avec nous à cause de l’erreur. Et moi le Forum il a pas envoyé mon attestation d’hébergement, à cause d’eux je suis là. Mais normalement je suis libéré parce que j’ai carte séjour et domiciliation. Le juge, malheureusement j’ai pas de smartphone moi ici, je t’envoie mes papiers, j’ai mes papiers toujours avec moi, c’est marqué monsieur X sans domicile fixe ! c’est quoi ça …

-Comment ça c’est fini hier soir ?

-Ils ont faif renforts, ils ont venu nombreux ici et… voilà … Ils ont calmés nous, ils ont fermé la porte ! d’habitude c’est 23h hier ils ont fermé la porte 21h.
Ils ont tout déjà, les les gaz, les battes, toutes les protections là.

-Ils vous ont gazé ?

– Non non

– Tu veux rajouter quelque chose ?

-Non non c’est bon

– Est-ce que tu sais si beaucoup de gens ont le covid dans le centre ?

-J’ai entendu de l’autre côté il ya deux trois personnes ils ont le covid. Mais les règles sanitaires et tout : pas du tout ici, c’est pas comme l’extérieur, nous on est 4-5 par chambre, et les distances jamais, les masques jamais sauf dans le refectoire…

Je te passe une autre personne, si tu es interessée pour écouter.

– Merci bonne soirée.

 

TÉMOIGNAGE 4

 

-Bonsoir, ça va vous allez bien ?

– Ca va et toi ?

– Wallah ça va hamdoullah, on essaie d’être ça va mais ils nous laissent pas ça va, ils nous laissent pas tranquille. On commence par quoi ? Vous voulez quoi ? Les chambres ? Même le ménage. Déjà ils font pas le ménage correctement. À manger, j’vous jure c’est de la merde, j’sais pas ils ramènent d’où les poissons, même les steaks pas hallal ya rien qu’est hallal ici. Les arabes y’a 90 % des arabes. Déjà ça de un. Les policiers ils sont mal polis, ils sont mal polis les policiers, ils parlent mal tous les jours .. [passage inaudible] Y a des policiers ils sont gentils mais le reste y a des policiers ils sont racistes comme jamais de la vie.

Je vous jure sur la tête de ma mère j’ai rien.. j’ai jamais fumé de ma vie, j’ai jamais bu de ma vie, là je suis ici, là je fume, j’prends des médicaments, j’fais tout à cause d’eux.

-Tu prends quoi comme médicaments ?

– Lyrica, Subutex, tout ce qui est médicament pour calmer la tête j’le prends ! Tout ce qu’elle me donne si c’est clairement pour calmer la tête j’le prends !

– Ils t’en donnent beaucoup des médicaments ?

– Eh j’vous jure y quelqu’un il s’appelle X ici, wallah ils vont le tuer avec les médicaments. Sur la tête de ma mère. Il marche plus le mec, il parle plus maintenant. Il marche plus, il parle plus, ça fait une semaine on lui dit, on lui interdit de prendre les médicaments. Comme ça il reste avec nous, comme ça on lui donne pas les médicaments. Maintenant il parle bien avec sa famille, il parle avec nous, il fait du sport.

– T’aurais le nom des médicaments ?

– Lyrica, [passage inaudible], Tramadol, Subutex (4)… des médicaments c’est pas pour nous, c’est pas pour les gens du centre de rétention, de prison, c’est pour les lunatiques les gens qui vont dans l’hopital de lunatique c’est pas à nous ça.

En plus vous savez j’parle pas de moi, j’parle en général, moi j’suis en train de perdre ma vie j’ai une femme dehors.

– Ça fait combien de temps que t’es là ?

– Ça fait 38 jours, même tout ce qui est [passage inaudible] pour des preuves Forum, mais le jour quand je suis parti au juge, le jour de mon jugement, t’as vu les papiers ils sont noirs, ya pas de preuve, c’est noir. Ça veut dire moi si j’ai mes preuves, elles vont partir au juge, tranquille y a pas de faute, normalement je suis sorti après 3 jours.

– En fait Forum photocopie en noir vos papiers ?

– les Forums c’est des traitres, les policiers c’est des traitres, je fais confiance à personne. C’est pour ça on appelle le journal parce qu’on a confiance en vous, c’est vous qui va avancer l’article. Si vous voulez vous venez voir.

– Quand il y a des visites de journalistes ils font semblant que tout va bien.

– T’as vu quand vous êtes là, c’est eux qui font les victimes à dire que nous on insulte, mais nous on est des arabes, on est des musulmans, on n’insulte pas. On a des familles, on a un principe. Mais c’est eux ils nous poussent pour les insulter.

– Est-ce qu’ils sont violents ?

– Je vous vous jure venez, je vous ramène deux mecs qu’ils ont ramassé des coups de poing, des coups de balai, laisse tomber. Et en plus ils ont porté plainte, si vous voulez je les ramène les deux mecs. Ils se sont fait frapper, après ils ont porté plainte, mais au jour d’aujourd’hui y’a rien du tout. Jusqu’à aujourd’hui ils sont là, et hier quelqu’un les a mis à l’isolement.

– Ils sont partis à l’isolement ?

– Ouais. Ils sont partis hier à l’isolement. Et même hier, pour leurs deux gamelles [passage inaudible]. Hier y’a un policier, c’est pas un policier, c’est un chien. C’est un fils de chien. C’est à cause de lui qu’on a pas l’appétit. Même on le voit, y’a rien qui passe. On peut pas manger, on peut pas rigoler pour nous, on peut pas parler. Il vient, il fait le bonhomme, t’as compris ? Dedans il fait le bonhomme, mais quand il est dehors il marche avec les murs. Ici il fait le mec qui a le droit de frapper et d’insulter tout le monde. Mais on n’est pas en Tunisie ou en Algérie ! C’est la police de l’Algérie ou de la Tunisie qui insulte les gens ? C’est pas ici, pas en France ? En France on a des droits, comme vous, comme nous, comme tout le monde. C’est pas parce qu’on n’a pas les papiers qu’on est des criminels. On est pas des criminels. On est là, on est dans la vie, on aide notre famille, on veut avancer dans la vie ici. Si chez nous, en Tunisie ou bien en Algérie ou bien au Maroc, la vie c’est bien, c’est stable et tout, on va rester chez nous. Je vous explique, y’a des gens ils ont fait trois fois les demandes, quatre fois les demandes, pour le consulat d’Algérie ou de la Tunisie, le consulat leur refuse, alors pourquoi ils sont toujours là ? C’est ça que je comprends pas. Ça se fait pas. Moi j’ai une femme dehors, mon pote X il a une femme et une fille dehors, X pareil, X pareil, X il a des papiers et une famille en Italie, il est toujours là je comprends pas, X il est sorti de prison miskin, il vient de prison ! Il a fait sa peine, et il se retrouve ici ! X pareil, il a les papiers d’italie et il est toujours là. Je comprends pas ils font quoi comme travail, laisse tomber. Laisse tomber sur la tête de ma mère j’ai rien compris wallah.

– T’étais là hier à la manifestation ?

– Ouais j’étais là ! J’étais là hier. Hier c’était quoi ? On mange tranquille, on rigole, y’a le policier il vient à côté de mon pote il met son pied à côté de son plat. Il a dit « t’es pas content ? ». Mais t’es pas content, mais ça se fait pas ! À côté de X, il est venu il a mis son pied à côté du plat de X, et il le regarde et il dit « t’es pas content ? ». Mais nous surtout ce policier on lui parle même pas ! y’a personne qui parle avec lui ! Et lui, tellement il est jaloux, ou bien je sais pas qu’est-ce qu’il a avec nous, c’est lui qui cherche la merde avec nous ! Mais t’as vu, si y’a pas de trucs hallal, y’a pas de soucis, les machines il y a des sandwichs, des salades et tout : y’a rien.

– y’a rien dans les machines ?

– Rien, je te jure y’a rien. Aujourd’hui, juste pour nous fermer notre gueule et tout, ils ont mis même pas six sandwichs la tête de ma mère. Même pas six sandwichs !

– Ils ont juste fait semblant de remettre des trucs, mais ils ont rien mis quoi…

– T’as compris, juste pour dire tiens ferme ta gueule ! Tu veux des sandwichs tiens ferme ta gueule. Six sandwichs mais on est presque trente personnes ici. [passage inaudible] et on demande des télés, des télés, des télés, il nous dit quoi ? Il nous dit « non, vous vous coutez cher. Chaque personne ça coute 5000 euros par jour. » J’ai dit « c’est pas mon problème ça ! »

– bah ouais vous avez pas demandé à être là.

– Bah ouais et puis je m’en fous je coute 5000 ou je coute 10000 euros c’est pas toi qui paye de ta poche ! Il m’a dit quoi ? Il m’a dit « vas-y ferme ta gueule et rentre dans ton lit sinon je te ramène en isolement ». Mais ça se fait pas ! Sur la tête de ma mère ça se fait pas. Bah je sais pas, il faut qu’on fixe un rendez-vous et que vous veniez ici sans leur dire rien. (…) T’as vu les couettes ici ? Depuis 2008 ! Depuis 2014 ! ça veut dire tu mets les couvertures sur toi, sur la tête de ma mère demain tu te grattes comme un fou, tu grattes tout le corps. (…)

Bonne soirée, je vous passe personne X.

– Bonne soirée et bon courage.

– Merci et même si c’est pas le week-end passez un bon week-end en avance.

 

TÉMOIGNAGE 5

 

– ça va ?

– Ça va et vous ?

– Ça va. Est-ce que t’as envie de rajouter des trucs sur ce que les autres ont dit ?

– Oui. Là, il y a un Roumain, il est avec nous. Il va faire 19 ans bientôt, dans trois mois, il m’a expliqué. Il m’a dit le matin, parce que le matin vers 11h du matin, ils nous font sortir dehors, dans la cour, pour faire le ménage et tout ça. T’as compris ou pas ? Il m’a dit comme quoi le matin, quand ils sont venus le réveiller, il a dit « attendez avant de sortir pour que je mette mes affaires, il faut que je m’habille, il faut que j’aille aux toilettes ». Ils l’ont pris par les épaules, avec un short, ils l’ont fait sortir en promenade avec un short ! Y’en a un il a mis une gifle, il a mis un coup de poing dans la tête ! Ça se voit, que c’est rouge ou quoi. Vous comprenez ou quoi ?

– Ils lui ont mis un coup de poing dans la tête ?

– Voilà, un coup de poing dans la tête. Je te jure. C’est pour ça que je t’ai dit tout à l’heure. En plus ils l’ont ramené à l’isolement, et ils l’ont frappé ! Pour rien en fait ! Ça veut dire, c’est comme toi tu viens, tu lui « allez, vous pouvez sortir de la chambre », tu lui dit « laisse moi le temps de me préparer, de m’habiller en fait, pour aller aux toilettes, je veux pas me pisser dessus ! » Ils l’ont fait sortir, ils l’ont pris par les épaules, il lui ont mis un coup de poing, et ils lui ont mis les menottes et ils l’ont amené à l’isolement, et ils l’ont frappé ! Ils l’ont gardé pendant près de 10 heures à l’isolement. Vous comprenez ? C’est un gamin, il a 19 ans. Même pas 19 ans. Dans quatre mois ! C’est le plus petit du centre. Normalement tout le monde quand il le voit ça lui fait de la peine à nous déjà. Imagine, t’as la police qui vient, ils le frappent ils lui font la misère. Ça se fait pas !

– Ouais. C’est chaud.

– C’est chaud. C’est chaud bouillant. Voilà quoi… Vous voulez savoir quoi de plus ?

– Est-ce que tu peux raconter un peu la manifestation, quand les CRS sont venus, qu’est-ce qu’ils ont fait après ?

– Le civil il est venu, un civil arabe il a parlé avec nous, il a dit « calmez vous, on va essayer de changer la situation » et tout ça, et parce que nous on a dit, on a dit « regarde, tous les trucs qu’il y a à manger, c’est dégueulasse, on peut pas le manger. Ils mettent même pas des trucs pour manger, des sandwichs et tout ça. » Aujourd’hui ils sont venus, le civil il a parlé avec tout le monde, il a dit « écoutez nous, restez tranquille, chacun prend son matelas il va rejoindre son lit, et demain je m’occupe de ça, vous inquiétez pas, je vais mettre des sandwichs, je vais mettre tout ça ci ça ça ça. » T’as vu, en gros, il veut nous calmer en fait, avec des paroles nanani nanana, il fait deux trois paroles, et tu te calmes. Et d’habitude la porte, ils vont nous fermer à 23heures. Ben hier ils ont fermé la porte à 9heures, 9heures moins le quart ! On n’avait plus de briquet, on a plus le droit au briquet, on peut plus fumer des clopes avec tout le stress, on peut même pas fumer. Jusqu’à 23 heures quand ils sont venus faire la ronde, je voulais allumer une cigarette.

Et bien comme je vous l’ai dit tout à l’heure pour la machine, ils sont venus, ils ont mis 3 sandwichs, derrière chaque sandwich ils ont ont mis des bouteilles de cocas. Quand tu passes devant la machine, tu vois que y’a des sandwichs, et en fait il y a rien. Il y a trois personnes qui vont prendre chacun un sandwich, derrière le sandwich il y a quoi ? Il y a une bouteille de Coca qui passe avec. Vous voyez ce que je veux dire ?

Ils nous prennent vraiment pour des imbéciles. Il n’y a pas de lois, il n’y a rien ici. Là on est trois personnes là. On est 3 personnes dans la chambre, il en manque un. on a des papiers italiens illimités, on a toute notre famille en Italie, on a tout ce qu’il faut hein, mais on est là. Le problème on nous a dit c’est que comme quoi l’Italie nous a refusé. Je vous jure, j’ai appelé mon père, il a fait sortir le papaier comme je te disais tout à l’heure, le papier où je vais sortir après la date de mon premier jugement. En gros, eux ils s’en battent les couilles des papiers, ils veulent juste nous garder. Comme il a dit mon ami, bonjour 28 jours, bonjour 28 jours. Aujourd’hui, ça fait 28 jours. Avant, le maximum c’était 45 jours, maintenant ils ont fait 3 mois. Au bout de 3 mois ils te ramènent des tests, et si tu refuses les tests pour pas rentrer chez toi, et bien ils te ramènent en prison pour encore 3 mois. Après 3 mois, ils vont te ramener ici.

Je te jure, tu peux rien, t’es comme du beurre, tu vois, du beurre qu’on met sur un plateau et qui va fondre, et ben nous c’est pareil, je vous jure. Parfois on rigole, mais c’est pas un rire qui sort du coeur; juste on fait semblant de rire pour que ça se passe bien en fait.

Il y a des gens qui ont le Covid et qui sont en prison et bien tous les jours des médecins ils vont contrôler si la température est montée ou pas. Ici, même quand tu vas voir un médecin,  il se moque de ta gueule. Quand tu lui dis « je suis malade », ici, y’a même pas un psychiatre ou un psycholoque. Dans le CRA, c’est la première chose qu’il doit y avoir, un psychologue et un psychiatre. Parce que t’es dans un centre et y’a trop de problème, c’est obligé de voir un psychologue avec qui tu peux parler et tout ça, et t’as le droit à un psychiatre, qui parle avec le psychologue, et comme ça le psychiatre il te dit : « tu veux quoi que je te donne? » T’as le droit à des médicaments ou je sais pas moi. Même le dentiste, du côté jaune, il y a presque 15 personnes qui ont mal aux dents, tu vas parler avec le dentiste, mais le seul truc qu’il te donne c’est quoi ? Du Doliprane. Mais je vais faire quoi moi avec du dolipane ? Je vais le prendre ce soir, ça va me calmer la douleur pendant 2-3 heures, et demain je me réveille et c’est encore pire. ça sert à quoi?
Il y a rien. Même il y en avait un, ils l’on ramené, il devait avoir une opération aux jambes. Il a fait un accident du travail. Ils l’ont ramené au bled deux trois jours avant l’opération. ça veut dire qu’ils l’ont ramené au bled, là-bas en Tunisie, mais en Tunisie, quand t’as pas d’argent, tu peux pas te soigner. Il est parti au bled, il n’avait même pas un centime, il va faire comment là-bas ? Il va être handicapé, mais à cause de qui?  A cause de la France. (…)

Nous on a pas besoin d’eux en fait. Ni des policiers, ni des médecins, ni de rien du tout. S’ils nous laissent faire le ménage, on peut faire le ménage. Si on peut avoir un plat dans la chambre, on cantine des trucs, on fait à manger, on a pas besoin d’eux en fait. Je vous jure, il y a des policiers, on peut même plus voir leur tête tellement ils ont des gueules, on dirait des gueules de diable en fait. Surtout le matin, on leur dit bonjourà la porte de la chambre, t’as vu comment eux ils disent bonjour ? On dirait ils se foutent de ta gueule en fait. Je te jure. Hier, ils sont venus me réveiller pour aller au jugement, ils sont venus à 7 heures, ils m’ont dit : « Bon, t’as une demi-heure pour te préparer ». J’ai regardé l’heure, à 7h15 j’étais prêt, je me lève pour faire le café et tout, ils me disent à 7h17 qu’on doit y aller. Je leur dis que j’avais jusqu’à 7h30, ils me disent : « non, on a pas tous la même heure ». Comment ça on a pas tous la même heure ? ça veut dire quoi ? Ils prennent des gens pour des cons ? Ils prennent trop trop trop les gens pour des cons. C’est n’importe quoi.

 

 

(1) Forum Réfugiés, l’association qui officie au CRA de Lyon pour « l’accompagnement juridique » des prisonnièr·es, mais qui en réalité travaille main dans la main avec la police.

(2) PAF : Police aux Frontières. Police qui gère les CRA, et qui commet des rafles dans les gares, aux frontières…

(3) côtés : les différents blocs au sein du CRA de Lyon.

(4) médicaments prescrits entre autres pour le traitement de l’épilepsie, ou de la dépendance à l’opium ou l’héroïne. Tous ces médicaments entraînent une forte dépendance.