Témoignages de plusieurs grévistes de la faim du 09.12


 Témoignage de A.

R. :  Est-ce que tu peux déjà commencer à me raconter comment a commencé la grève de la faim et pourquoi?

A. : Euh ça a commencé parce qu’il y a 3 ici il y a 3… il y a 2 tunisiens.. au moins 3 personnes il y a mal du corona. Après toutes les personnes font la grève de la faim pour les personnes seules.

R. : Et pourquoi une grève de la faim, comment elles sont traitées, qu’est-ce qui se passe?

A. : Ici normalement.. comme A. qui a parlé avec toi ça fait 5 ans en prison et 3 mois ici, c’est trop non ! Y a des gens ici y a des cas, des cas trop trop mal.

R. : Et alors qu’est ce qu’ils font les policiers avec les personnes qui sont malades du covid, ils font quelque chose ou pas?

A. : Ils font un isolement et {inaudible} … y a deux personnes là bas et y a une troisième personne il rentre.. la quatrième personne qui rentre aujourd’hui. B., il rentre là bas aussi.

R. : La quatrième personne c’est à dire? Y a quatre personne avec le covid?

A. :  C’est la quatrième personne qui a le covid aujourd’hui.

R. : Ah donc y a quatre personnes qui ont le covid !

A. : Oui aujourd’hui !

R. : Ok. Et t’as l’impression…Toi tu te sens comment par rapport à ça? Les gens sont protégés, sont pris en charge? Ils sont soignés?

A. : Ah ils protègent pas ! Ils protègent pas {inaudible}. Ils te laissent comme ça. Hier, ils ferment tout, nous laissent devant les chambres. Même pas fumer y a pas, feu y a pas. Wallah al radim. Feu y a pas. Maintenant devant toi j’appelle pour feu, il m’a dit non direct. Wallah.

R. : Ok et est-ce que t’as envie de raconter plus précisement les conditions ?

A. : Aujourd’hui le préfet va venir, il est venu et il a pas parlé avec nous,il est parti direct. Il m’a dit « oui oui je vais parler avec une personne », y’a une personne qui parle, et après il sort direct. Il y a des gens malades, et la grève de la faim ça va être un gros problème.

R. : Et est ce que tu veux raconter comment s’est passée la grève de la faim ? Comment ça se passe ? Qu’est ce que vous faite ?

A. : La première fois ça se passe normal. Et après les policiers avec les casques bleus, avec les matraques, les batons, ils sont rentrés côté bleu, ils rentrent, ils ferment toutes les chambres. Et après ils ont fermés pour la machine de manger, la machine tu connais, la machine pour acheter.

R. : C’est quoi la machine ?

A. : Une machine pour acheter des chocolats et tout.

R. : Ah oui, le distributeur.

A. : Oui. Ils l’ont fermés. Pour le café, tout, ils ont fermés. C’est ça.

R. : Et tu dis qu’ils sont arrivés avec les casques bleus, les matraques, ils ont fait quoi ?

A. : Oui, nous on fait un peu de « hebs », euh, comment on dit ?

R. : De bazard ?

A. : Oui, et là ils sont venus avec les casques bleus, les matraques, direct. Aujourd’hui y’a beaucoup de personnes, comme A, il va au jugement aujourd’hui, il attend la réponse. Ca fait 5 ans miskine.

R. : Ca fait 5 ans parce qu’il était en prison avant c’est ça ?

A. : Oui, 5 ans de prison et après ici. Ici-prison, prison-ici (rires). C’est trop, wallah c’est trop.

R. : Et dis moi, les policiers avec les matraques, qu’est ce qu’ils font ?

A. : Oui, ils frappent normal, ils frappent normal, tu sais déjà, il y a une personne à l’isolement. Hier, il s’appelle (inaudible). Il est à l’isolement. Maintenant déjà il est à l’isolement, jusqu’à maintenant. D’hier jusqu’à maintenant.

R. : Qu’est ce qu’il s’est passé hier jusqu’à maintenant ?

A. : Il fume pas, il mange pas, ils veulent rien, rien du tout.

R. : Ah oui en isolement ?

A. : Isolement oui. Comme moi j’ai 2 mois ici, j’ai rien, ni test, ni vol, ni rien. Au moins test ou vol ou une chose, normal, je pars au bled, je vais partir normal. Mais toi tu me laisse ici 3 mois, rien, ni test ni vol ni rien, c’est pas normal ça. Y’a pas de vol à l’Algérie. Tout le monde connaît l’Algérie fermée. Tout le monde. Pourquoi nous ici ?

R. : C’est une situation absurde.

A. : Ouais.

R. : Tu veux me dire un peu en ce moment les conditions avec le froid, avec la nourriture, si tu as des choses à dire en particulier sur les conditions de vie ?.

A. : Ouais très froid. C’est le moment ou tu peux pas rester en promenade. Ils fermaient nous à 11h.. les chambres, et laissaient nous en promenade, et ouvert à 14h les chambres. Maintenant, quand t’as appelé, la tout de suite, ils ont ouvert les chambres. Mais tu peux pas rester en promenade. Il y a des gens ils ont pas de vetements, ils ont rien. C’est pour ça.

R. : Donc pour toi la grève de la faim, c’est pour…

A. : Y’a beaucoup de problèmes, c’est pour ça. C’est pour ça y’a beaucoup de problèmes wallah.

R. : Ok, donc c’est pour, la grève de la faim c’est à cause du Covid mais aussi à cause de tout le reste ?

A. : Ouais à cause du Covid mais les autres problèmes, c’est ça. Ouais. C’est pour ça nous, tout le monde, grève de la faim. C’est normal moi 1 semaine je mange pas, je m’en balecouille. Wallah la radim je reste comme ça normal. Moi, les gens qui ont Covid, ils sortent, normal. Reste nous ici, mais les malades, il est grave, pourquoi tu le laisse ici ? C’est ça.

R. : Est-ce qu’il y a d’autres choses que tu aimerais dire ?

A. : Il y a des choses, euh, comment, des fois les policiers, il fait le raciste avec nous, surtout les arabes. Surtout les arabes.

R. : Ok, tu as des exemples ?

A. : Les policiers il fait des choses bizarres avec nous les arabes.

R. : Qu’est ce qu’ils font ?

A. : Ils aiment pas les arabes ici. Ils aiment que les Albanais, les Roumains et tout (rires). Nous, wallah la radim, ils aiment pas. Je sais pas pourquoi.


Témoignage de K.

R – Tu veux me raconter la grève de la faim?

W–  Ça fait 3 jours on .. si on est pas condamné on mange pas… {inaudible} il faut que vous venez voir s’il vous plait.

R –  Ok tu veux raconter la grève de la faim? Tu veux dire comment ça se passe? Qu’est-ce que vous avez fait?

W- Oui ça se passe mal avec nous, ils sont pas gentils.

R –  Qu’est-ce qu’ils font?

W – Ils sont pas gentils . On demande… {inaudible}, pas de jugement y a pas de libération… {inaudible}. On est pas des voleurs ici nous on est pas… on est des victimes. On a besoin de la liberté, c’est tout madame s’il vous plait.


Témoignage de L. et R.

L. : Allo? Bonjour ça va ? Do you speak english?

R. : Yes

L. : I’m here so… no food and… problems… buy cigarettes…

R. : Yes.. You want to explain how the strike has begin?

L. : Yeah?

R. : Why did you chose to stop eating ?

L. : I’m here 1 year, 5 months {inaudible}… 6 months after they say you go back in P. so I have find a lawyer after lawyer but lawyer say : « don’t possible you ..{inaudible}  in Poland … you refugee in P. »  so i have no refugee in P. but after police catch me in here.  Yeah, so here big problems. Help me.

R. : We will try to let your voice be heard.

L. : {inaudible} Thank you so much.

 

Lettre du 08/12 d’une proche d’un gréviste de la faim

 

    Depuis la semaine dernière, des exilé.e.s sont malades au CRA de Lyon.
Hier et aujourd’hui, plusieurs personnes ont été testées positives au Covid dans tous les quartiers du CRA. Aucune mesure de protection pour les personnes retenues qui vivaient déjà dans une grande  promiscuité et dans un contexte où une personne malade peut attendre plusieurs jours avant de voir  un médecin.

  De nouvelles personnes arrivent tous les jours, alors même que la machine à expulser est enrayée par  l’épidémie de Covid. Cela s’ajoute à des conditions de vie quotidiennes qui violent les droits humains les plus fondamentaux
pour des personnes dont le crime est de ne pas être en situation régulière sur le territoire.

      La colère est montée et une grève de la faim a été décidée ce matin dans l’ensemble du CRA. Le quartier le plus touché avec 4 retenus positifs au Covid a été appelé pour le repas. La tension est  montée et il y a eu des cris et des coups sur les portes. Une équipe d’intervention a été envoyée et a  réglé le problème à coups gaz lacrymogène et de matraques, blessant certains. Les retenus ont alors  été enfermés dehors, sous la pluie (y compris les personnes malades) pendant plus de 2 heures avant  de pouvoir rentrer.
La grève de la faim est reconduite pour ce soir.

 

Voici les paroles d’un retenu dont je suis proche :

« Y’a pas 3 solutions, y’a 2 solutions, soit on sort, soit on meurt
La France, c’est un pays, y’a pas de droit
Le pays des Droits de l’Homme ?
Quels Droits de l’Homme ? Ils sont où les Droits de l’Homme ?
Y’a des gens ici qui n’ont rien fait
Y’a des gens qui refusent le test et qui vont en prison et qui reviennent, c’est des allers-retours
On s’en fout si on mange pas une semaine, 2 semaines,
C’est même pas la rage, c’est même pas la colère,
C’est la hagra
C’est pas quand je vais être mort que je vais être en colère, c’est maintenant !
Je veux que quelqu’un vienne voir ce qui se passe ici, on devient fou »

Communiqué de soutien à la grève de la faim au CRA de Lyon St-Exupéry

Suite à la découverte d‘au moins 4 cas positifs au Covid19 ( dont 1 à l’isolement ) la semaine dernière, des prisonniè.res ont entamé une grève de la faim mercredi dernier pour exiger leur libération immédiate. 
La grève de la faim a pris de l’ampleur, elle est suivie par la quasi totalité des prisonni.ères. 
Nous écrivons ce communiqué pour répondre à leur demande de visibiliser leur lutte et de leurs revendications. 
Si la grève de la faim actuellement menée permet de médiatiser la situation inhumaine à l’intérieur des CRA, il ne faut pas oublier que les résistances face à la violence du système carcéral auxquel ils sont confrontés y sont quotidiennes et variées, comme l’attestent les nobmreux témoignages du site.
En pleine cinquième vague, la distanciation sociale est par définition impossible dans les CRA,, aucune mesure sanitaire sérieuse n’est prise pour protéger ou soigner les personnes, et les violences policières et les insultes y sont quotidiennes.
 
De plus, de nombreuses frontières extérieures à l’Europe étant toujours fermées, les expulsions sont souvent impossibles. Bien que des vols soient suspendus, les refus de test restent pourtant considérécomme une obstruction à l’éloignement, et donnent de plus en plus lieu à des peines de prison ferme. Enfermer au centre de rétention administrative en l’absence de perspectives d’éloignement est donc le comble de la privation de liberté abusive.
 
Depuis le premier confinement en 2020, la situation n’a guère changé, voire a empiré au regard du contexte éléctoral délétère du moment : la volonté politique de criminaliser et d’expulser les sans-papiers prime encore sur l’accès aux soins et aux droits.
En tant que collectifs et associations, vous pouvez soutenir la lutte des prisonni.ères en relayant leur témoignage, en appelant les cabines, en diffusant les paroles de l’intérieur et les résistances en cours. 
Manifestons notre solidarités par tous les moyens. 
Ces prochains jours, nous allons continuer à relayer le mouvement de lutte ainsi que plusieurs témoignages.
Plusieurs actions en soutien à la grève de la faim sont déjà prévues, si vous voulez y participer, restez informé.es. 
A BAS LES FRONTIERES,
A BAS LES CRA