« Ils shootent la plupart des personnes. » Covid, maltraitance et violences policières au CRA de Lyon… témoignages des prisonnièr·es, 3-7/06

Témoignages enregistrés et retranscrits les 3 et 7 juin.

« – Je vais expliquer. Ici franchement on est dans un centre de rétention, mais ça change rien du tout, la rétention c’est pire que des prisons en fait. On est arrivés ici, pour des gens ils sont pour rien en fait. Aucune raison, aucun jugement, aucun rien du tout. On passe devant le juge mais après il y a aucune explication. Du coup là quand ça arrive, il y a des gens ils sont mélangés, il y a des gens ils sont malades, il y a des gens ils prennent des médicaments. Là maintenant ça commence en fait, il y a du covid dedans ici. Il y a un cas il est avec moi, un gars il est positif du covid. Par rapport au médical donc, rien du tout. Donc du coup moi quand je suis arrivé ici, en 2015 en fait, je veux juste comprendre pourquoi je suis ici. En fait depuis 2015 je suis toujours avec des papiers en règle. En Suisse. J’ai fait une bêtise, je l’ai payée. C’est mon bêtise quand j’ai déjà fait, je l’ai payée, j’ai passé en prison. Je suis sorti de prison, ils m’ont jamais parlé de l’OQTF [Obligation de Quitter le Territoire Français], ils m’ont jamais parlé de quoi que ce soit. C’est juste, voilà. Je suis juste sorti, ils m’ont dit « libération ». je suis sorti, libération, je me trouve dans un centre de rétention. Ici t’as le droit de rien du tout, t’es enfermé dans les cages. Tu sors à 9 heures du matin tu dors, donc tu attends qu’ils fassent le ménage. Là maintenant aujourd’hui, on parle d’aujourd’hui, franchement depuis 9 heures du matin on est fermés [il est midi au moment de l’appel]. Les gens ils veulent faire les toilettes, ils veulent faire quelque chose, rien du tout. Ils sont en train de désinfecter on sait pas quoi… Donc voilà c’était mon cas là maintenant pour moi, là ça fait 30 jours il faut que j’attende ici. Donc plus 30 jours, c’est obligatoire de faire, après il y a encore 30 jours, après il y a encore 30 jours. Je vais passer quelqu’un d’autre aussi, il va parler. »

« – Moi je vais vous expliquer un peu la situation ici en fait, c’est un peu compliqué. C’est une situation franchement que je souhaite à personne. Parce que on est enfermés, on est dans des cages. C’est fermé, au-dessus de nos têtes y’a des cages, sur les côtés c’est des cages, partout, on est comme à la SPA sauf que y’a personne pour nous adopter. On est à la SPA mais y’a personne qui veut nous adopter. Au moins à la SPA ils ont une chance. Moi en fait ici, on est enfermés. Aujourd’hui, du matin ils nous ont sortis à 9 heures. Jusqu’à maintenant, les portes elles sont fermées. On a pas accès aux toilettes, on a pas accès à nos chambres, on a pas accès aux habits, on a pas accès à la douche. Là c’est depuis 9 heures du matin, on nous sort et on attend. On attend encore, on attend qu’ils ouvrent. Parce que soit disant ils nettoient, soit disant ils désinfectent… On a un cas de covid qui était avec nous. On a un cas de covid qui était avec nous. C’est lui-même qui s’est inquiété, ils te proposent pas le test, c’est lui-même qui s’est proposé pour faire le test. Et du coup il était positif, et aujourd’hui ils l’ont ramené, ils l’ont isolé. Mais parmi nous, mais pendant ce temps-là, il a joué avec nous aux cartes, on était tous ensemble, voilà, on est tous mélangés, donc nous aussi on doit l’avoir le covid. Et on demande des dépistages, de nous faire dépister, mais en fait si on le demande pas nous-mêmes ils le font pas. Y’a eu trois cas, et aujourd’hui y’a eu quelqu’un en fait qui a refusé, ça fera 90 jours qu’il était là. Ils l’ont ramené en prison aujourd’hui. Garde-à-vue, et après c’est la prison.
– Juste avant de se faire libérer, ils le remettent en prison ?
– Ils le remettent en prison parce que voilà, il a refusé le test. Quand vous refusez le test ils vous remettent automatiquement en prison. Mais après voilà, au niveau de la bouffe, franchement la bouffe, c’est une cantine, c’est le minimum. Comment vous dire, c’est le minimum, on prend ce qu’il y a. Après on a une machine pour acheter des sandwiches mais tout le monde n’a pas d’argent. »

« – on a appris qu’il y avait eu une grève de la faim la semaine dernière. Tu peux nous en parler un peu ?
– Oui exactement, y’a eu une grève de la faim, c’était le 24 ou le 23 [mai] je me rappelle plus. On avait fait deux jours de grève, mais malheureusement les gens, malheureusement les gens ils ont arrêté parce que au bout d’un moment ils ont vraiment faim, ils ont faim, c’est pas… ils ont pas d’argent la plupart des gens, ils ont pas d’argent, ils ont arrêté parce qu’ils étaient faibles, ils sont malades, y’en a qui sont malades… Y’en a qui… On voyait que ça changeait rien, que ça bougeait pas. »

« – Ce qui se passe en vérité je vais pas vous mentir, c’est la merde, on a des cas de covid qui ont été déclarés. Les conditions dans lesquelles nous sommes ici c’est très très rudimentaire. À chaque fois, dès que vous passez 90 jours, ils vous envoient deux mois de prison automatiquement. En fait le but, c’est de nous menacer, de nous expulser. On essaie même pas d’avoir de la parole, du moment où on essaie de réclamer quoique ce soit ils commencent à frapper certains détenus aussi qui sont un peu schizophrènes. Parce qu’on a des schizophrènes aussi avec nous.
– et le médecin il dit quoi par rapport à ça?
– Bah le médecin vous savez, ils sont pas avec nous. Donc du coup, eux ils sont dans leur bureau, ils savent vraiment pas ce qui se passe, ils sont dans leur coin. sauf quand quelqu’un est malade, mal aux dents, n’importe quoi, c’est doliprane quoi. Après ils essaient de donner aussi des… je vais pas vous mentir hein, ils donnent aussi beaucoup des… ce qu’ils prescrivent aussi beaucoup c’est des… comment ils appellent ça déjà? des calmants, anxiolytiques, voilà. Ils shootent la plupart des personnes. On a essayé de faire une grève de la faim, ils sont venus regarder, parce qu’il y a des portes cassées. on a fait une grève de la faim, ils ont regardé que les portes. Les lumières dans les chambres, dans les salles de bain, ça marche plus. Écoutez, en plus y’a des personnes très très malades, qui selon nous, je pense même pas qu’ils sont en condition d’être en rétention. Mais ils s’en foutent quoi. »

« – ça se passe mal, ils nous traitent comme des animaux. Ils nous mettent la pression, ils nous narguent, ils nous disent : comme mon ami il a la dent cassée, il est dans sa chambre dans l’isolement [car il est positif au covid], il va mourir, il a parlé avec les flics ils ont dit : « prend un doliprane et allonge toi », il a parlé avec le médecin il a dit « prend un doliprane ». On est malmenés quoi ! on est pas des êtres humains, on est du bétail, on est du bétail voilà. Y’a un copain aussi là il est malade, il est trop malade, il est au mitard ça fait cinq jours.
– Pourquoi il est au mitard depuis 5 jours?
– Parce que il est tombé de son lit, il s’est cassé le bras et y’a eu du sang, ils ont dit : « t’as fait exprès », et ils l’ont mis au mitard.
– Et depuis, vous avez de ses nouvelles ?
– On n’a pas de ses nouvelles. Des fois, il demande des cigarettes, on en n’a pas.
– Il sort manger ?
– Je crois qu’ils lui ramènent à manger mais il mange pas. Il fait grève de faim je crois, de ce que j’ai entendu.
– Et vous le voyez ? ou depuis qu’il est au mitard vous ne le voyez plus ?
– On l’a vu qu’une seule fois.
– Et vous savez pas dans quel état il est ?
– On ne sait pas.
– Et ton pote qui s’est cassé le pied, ça s’est passé comment ?
– Ça s’est passé, y’a un copain à lui il était dans la chambre, il faisait une crise d’épilepsie, mon ami dans la chambre il a appelé les flics avec l’interphone, l’interphone, ils ont dit « arrêtez de nous casser nos couilles!! », il a pressé l’alarme, l’alarme, il sort il tape le portail et le pied il est gonflé. Il reçoit maintenant deux béquilles et il marche comme un mort, voilà. Il a demandé une chaise roulante, et ils veulent pas lui donner. Ils lui ont dit « on en a qu’une seule, on te la donne pas si c’est pas nécessaire et tout et tout ». Et depuis, il arrive plus à marcher. Ils appellent pas les pompiers. L’autre fois [pour une autre personne] ils ont appelé les pompiers, ils l’ont emmené à l’hôpital, ils l’ont ramené dans la soirée. Il ne s’est même pas reposé. Ils ont dit « t’as fait exprès » et tout et tout. Toujours on a tort. Toujours. On est du bétail. Y’a pas d’humanité quoi. Le matin, mon ami qui a ses béquilles, il était au réfectoire pour manger, et les flics le poussent : « allé allé marche marche marche marche ». Il reste un moment ils vont le pousser pour le rentrer dans la case. On dit la vérité, rien que la vérité.
– T’as envie de rajouter quelque chose?
– Moi ce que je rajoute, il faut ouvrir une enquête pour voir ce qui se passe là-dedans! On est comme du bétail. Moi je me sens pas un être humain. Voilà, j’ai vidé mon sac.
Ah et je voulais rajouter ! Dimanche ils ont fait un barbeuk énorme les flics. Ils nous ont tué avec l’odeur. Ils ont fait un barbeuk géant. L’odeur elle nous a tué, l’odeur, pendant trois heures. A l’intérieur. On était mal nous. On snif l’odeur mais on a faim nous, on n’a rien. Wallah ils ont fait un barbeuk énorme, ils nous ont tué avec l’odeur. Avec des rigolades, des cris, des rires, et nous, comme des animaux là-dedans, dans la cage. Ils ont pas le droit de faire un barbeuk dans un lieu de travail ! L’odeur elle nous a tué, l’odeur, vraiment, on était malade.  »


Au cours des différents appels, les détenu·es ont aussi voulu faire passer d’autres informations à l’extérieur :

Il y a des chambres sans portes, et où les toilettes et douches n’ont pas de porte non plus. Parfois l’eau fuit, et quand des prisonniers sont libérés ou expulsés, ils laissent des habits qui s’entassent dans l’humidité. C’est vraiment sale, les maladies se développent dans cet environnement.

Une personne est à l’isolement car elle a le covid. Elle réclame le résultat de son test depuis une semaine, et le médecin comme les flics refusent de lui donner. Elle a peur de rester à l’isolement, car pour un autre détenu, le médecin a déclaré qu’il était fou, et qu’il ne devait pas sortir de l’isolement. Depuis deux jours, sa dent s’est cassée en deux, il l’a dans sa poche et souffre énormément. Tout ce que lui répond le médecin c’est « prends un doliprane et allonge toi ».