témoignage de Y.

Nous diffusons ce témoignage de Y. détenu en CRA qui a été déporté depuis.

Ce témoignage a été fait en novembre en Russe et il s’agit d’une traduction. Malheureusement, nous avons perdu quelques passages entre la mauvaise qualité de l’appel et certains moments que nous n’avons pas su traduire.

Le début de la discussion manque.
Y : Ils m’ont mis avec d’autres gens qui m’ont attaqué, qui me forcent à acheter de la cocaïne. Ici, ils vendent partout de la cocaïne de la marijuana. J’ ai écrit une plainte, ils l’ont pris et n’ont rien fait de plus.
Je ne vois personne, ne rencontre personne, personne ne me parle. Il y en a un qui est venu me voir.
Je lui demande: tu peux écrire ça au directeur? il dit non. Tu peux écrire aux droits humains? Non.
Sans tramadol je peux pas, ça fait 7 jours que j’ai pas mangé parce que je peux pas aller aux toilettes parce que la douleur me rend fou. J’ai dit, demandez à mon médecin.
Ils sont venus hier et ils ont pris ma tension, ça ne va pas mais ils ont dit qu’ils ne peuvent rien faire de plus. Ils attendent que je meure. Parce que je suis un mauvais témoin: je leur dis qu’ils vendent de la drogue partout ici et ils font rien de plus. Ils cachent tout. Mon médecin leur a écrit que je suis malade et ils cachent tout.
Le médecin a écrit que je suis malade, que j’ai besoin de médicaments. J’ai tellement mal.
Je suis juste un cadavre. Ici, je suis un cadavre qui marche, c’est tout.
L : Je suis vraiment désolée pour vous, je vous soutiens… Est-ce que les médecins vous ont donné d’autre médicaments ? Ils disent qu’ils vous ont donné un générique, c’est-à-dire le même médicament mais d’une autre marque. Est-ce que c’est ça ?
Y : Je suis invalide, avant, je prenais du tramadol et ça m’aidait. J’ai des douleurs à la tête, du bruit dans l’oreille. Si on me frappe à le tête je ne le sens pas parce que la douleur est déjà tellement grande. Ils m’ont dit de boire ça j’ai dit d’accord je vais boire ce qu’ils proposent. Mais en fait la seule chose que ça me fait c’est que j’ai envie de dormir, c’est juste un somnifère ce qu’ils me donnent. Mais je peux quand même pas dormir tellement j’ai mal. Je bois ce médicaments qu’ils me donnent, mais ça fait rien. Je leur dis j’ai le nez qui saigne et, eux, tout ce qu’ils font c’est mesurer ma tension puis ils s’en vont. Ils se moquent de moi !
Je leur ai dit, écrivez à mon médecin il vous dira c’est le seul médicament qui m’aide au moins un peu. Je leur ai écrit une plainte : donnez moi le seul médicament qui m’aide ou relâchez moi. Je leur ai écrit qu’on m’a empêché de dormir toute la nuit et on a essayé de me forcer à acheter de la cocaïne. J’ai signé la feuille qui dit que je vais collaborer. Ils me donnent pas de tramadol ils veulent que j’achète de la cocaïne. Ils attendent que je meure.
J’ai une vidéo où on me menace de mort j’ai demandé à un procureur de venir voir cette vidéo et rien ils font rien. Je veux parler à un procureur, à une personne qui me poserait des questions. Je veux répondre, il y a une personne qui voulait me tuer et ici tout se vend.

L : Je compatis, je vous entends. Si vous voulez, on peut publier votre témoignage sur internet, on peut le faire de manière anonyme.
Y : Mais moi je veux tout merde je veux, oui. Je veux une personne à qui je fais confiance qui me fait un interrogatoire pour que je sorte d’ici. Ils ne veulent pas écouter ça. Mes amis me disent que j’aurai des problèmes si j’écris contre les policiers contre les médecins. Moi je leur dis juste, envoyez moi quelqu’un qui défend les droits humains. Je veux rien d’autre je leur donnerai toute l’information, je dirai tout. Je suis venu en France on m’a dit que c’est une démocratie merde quelle démocratie, elle est où ?

L : Je sais que c’est injuste, je vous comprends. Mais je ne suis pas procureure ni juge je peux pas vous libérer je suis désolée.
Y : Aidez-moi faites venir quelqu’un je n’en peux plus s’il vous plaît, je ne dors plus, s’il vous plaît.
(Y et L pleurent) Donnez mon adresse et mon nom de famille faites entrer une personne des droits humains, que quelqu’un rentre librement ici et voit ce qu’il se passe, et que je lui dise tout. Je veux que toi tu appelles quelqu’un comme ça et l’envoie ici et qu’il voie ce qu’ils font de moi ici. J’ai demandé à […] [on a supposé : Forum Réfugiés] s’il protège mes droits, il a dit que oui. Je lui ai demandé s’il peut faire venir une personne indépendante des droits humains, il a dit je peux pas, t’imagines ça !? Il dit qu’il peut pas ! Parce que si quelqu’un rentre ici, au directeur ils vont kidnapper.
Si vous pouvez publier tout ça, faites le. Merci d’avoir appelé.
(Le paragraphe suivant a posé des problème de traduction, elle est incertaine )
Et j’ai une vidéo dans le téléphone j’ai tout. Ils ont pris mon téléphone ils ont peut-être supprimé mais mon ami a encore une copie et moi j’ai une copie. Envoyez moi un journaliste, même accompagné avec un policier ça me va. Si je rentre en Géorgie j’ai peur qu’on me tue. Les policiers là bas disent de surtout pas parler à Y…. (…)

L : J’ai pas compris, vous voulez quitter la France ?
Y : Non, je veux rester. Si je rentre en Géorgie, ils vont me mettre un pistolet dans la poche et me tueront et diront que je me suis suicidé parce que je suis fou. Mais moi je vais pas me suicider, je te dis que si je suis mort c’est qu’on m’a tué.
Je leur dis qu’il faut surtout pas m’envoyer en Géorgie.
Ma soeur est morte de cancer à 38 ans. Mon père est mort d’un […] du quatrième stade. Ma mère a fait un infarctus. Imagine à quel point ils m’ont menacé pour que je les quitte et que je vienne ici.
Mes enfants, ça fait 7 ans qu’ils vivent en Pologne, parce qu’ils menaçaient mes enfants. C’est pas juste des policiers, c’est le ministère. Ils pensent j’ai peur d’être déporté, mais en fait la question c’est est ce que je vivrai ou je ne vivrai pas. Une femme m’a dit que je mens, je simule, ils ne comprennent rien. Je suis devenu fou ! Personne m’a jamais dit ça ! Simuler ! Je lui dis qu’elle est nationaliste parce qu’elle me dit « tu connais pas le français comment je vais te parler ». Ils m’ont enfermé ici parce que je ne parle pas français, ils ont voulu me cacher. Merci de m’appeler.

L : Ce que je peux c’est vous proposer de publier tout ce que vous dites. Notre collectif se bat contre les prisons comme celle-ci.
Y : Oui écrivez tout. Ici tout peut être acheté. Je sais qui fait rentrer, je sais tout, je peux les dénoncer je peux vous aider, témoigner.
L : Si vous avez peur que la police vous reconnaisse dans le témoignage publié et que ça vous pose un risque, on peut le publier plus tard quand vous n’êtes plus en danger.
Y : Je n’ai plus peur de rien pire que ce qui m’arrive maintenant c’est impossible. (Y et L pleurent)
Tout ce que tu peux faire, fais le. Si tu sais comment m’aider aide-moi.
L : Je ne sais pas comment aider mais je vais faire passer tout ce que vous dites au collectif je leur en parlerai. Vos amis veulent aussi publier votre témoignage si vous êtes d’accord. On est avec vous.
Y : Oui, eux je sais eux j’ai vécu quelque temps avec eux mais ils m’aiment pas, ils ont peur de moi parce que je ne fais que leur créer des problèmes. S’ils n’avaient pas peur de moi, ils donneraient l’adresse et je serais libéré. Je suis un problème pour tout le monde.
L : Je vous entends je vous comprends et je sais pas comment physiquement vous aider je vais traduire ce que vous dites.
Y : Si tu penses que c’est nécessaire t’as même pas besoin d’anonymiser fais ce que tu penses est bon. Je te dis, si je suis mort c’est qu’ils m’ont tué, je ne me suiciderai pas.
L : Au CRA, vous serez libérez après max 3 mois, est-ce que vous savez depuis quand exactement vous êtes là ?
Y : Depuis la date du 6 ou du 7 (novembre), je suis pas sûr. Sans le médicament je peux pas. Les autres médicaments aident pas et celui là il aide au moins un peu et j’en ai pas.
A : Ils sont horribles. Vous allez voir un juge chaque mois et au maximum au bout de 3 mois vous serez libéré.
Y : D’accord. Excuse moi d’être aussi émotif. S’il te plaît fais ça, écris tout sur moi.

*Il répète beaucoup de choses et la conversation revient sur le fait qu’il ne mange pas*
L : Est-ce que vous avez remangé récemment ?
Y : J’ai commencé à prendre leur médicament parce que quand j’allais aux toilettes ça saignait et ça brûlait. Sans le médicament je peux même pas aller aux toilettes. J’ai une douleur impossible qui commence. Et ils voulaient me forcer à manger putain de merde.
L : J’ai tout enregistré, je parlerai au collectif je vous demande de tenir bon, je peux pas vous libérer et vous aider physiquement mais on est avec vous. On vous rappellera plus tard mais je ne peux pas vous appeler tous les jours.
Y : Oui, oui. Merci, merci et je te remercie et je remercie tous ceux qui aident et je leur passe le bonjour. s’il te plaît, remercie les et dis leur bonjour de ma part. Et merci à toi d’avoir appelé je me suis un peu calmé. Je vous souhaite tout le meilleur.
L : Je vous souhaite le moins de douleur possible je sais que vous avez mal… au revoir.