Debrief d’audience devant le JLD n°1

C’est une audience de JLD (Juge liberté détention) un matin froid de décembre au tribunal à Lyon.  9 hommes enfermés au CRA de Lyon sont présentés devant une juge, experte pour lever les yeux au ciel.

Leur enfermement « administratif » (C’est à dire lié à leur situation irrégulière et non à une infraction) doit être réévalué lors de cette audience pour en confirmer la légalité. À priori, il s’agit avant tout d’examiner les aspects pratiques et administratifs de la détention au CRA de Lyon. 

Entourés de gendarmes impassibles chaque personne passe devant cette juge méprisante environ 5 petites minutes.  En quelques minutes, chaque prisonnier reçoit une charge de violence symbolique et raciste à travers cette magistrate.

Pendant toute l’audience, elle s’irrite, questionne de manière très agressive et sarcastique, elle veut connaître tous les détails de la vie des gens. Elle hurle « silence » en direction de deux prisonniers qui échangent 3 mots discrètement. On sent bien que cette juge considère qu’elle n’a devant elle que des coupables menteurs.

– Un jeune homme tente d’expliquer son parcours entre plusieurs villes françaises, la juge s’irrite de ne pas comprendre à la semaine près où il a été. Elle lui reproche d’avoir été chez des amis en banlieue lyonnaise alors qu’il était censé être à Saint Etienne. Le rapport avec son enfermement ? on le cherche toujours, en attendant ce qui ressort de ce passage c’est que le jeune homme est coupable d’avoir été chez des amis, de s’être déplacé entre quelques villes.

– Autre histoire, le traitement est classique, l’homme dit à la fin de l’examen de sa situation qu’il ne comprend pas son enfermement, qu’il travaille avec des fiches de paye, qu’il a un logement… la juge lui coupe la parole :  » mais vous avez bien été interpellé ?  » lui répond calmemement qu’il a eu un différend mais que cette personne peut venir témoigner qu’il ne s’agit pas d’un vrai problème, il raconte sa santé mentale fragile.

Elle lui répond d’autant plus sèchement « non on ne va pas en garde à vue pour un différend vous avez commis une infraction, quel est le motif de votre garde à vue ? ». le prisonnier répète ce qu’il a dit. L’avocat de la préfecture dit que ce motif n’a pas été retenu comme menace à l’ordre public, qu’en gros le motif de cette GAV ne tient pas (et pour que la pref dise ça alors qu’elle adore mettre le motif d’ordre à l’ordre public pour tout et n’importe quoi, c’est que vraiment que ce n’est pas valable…). La juge s’en fiche, elle insiste « je vous demande le motif de votre GAV ». Le prisonnier ne répond rien, la juge lève les yeux au ciel.

– Une autre personne a un désistement de la prefecture et devra repasser le lendemain devant le tribunal. La juge le convoque à la barre pour lui indiquer ce désistement, en lui demandant son identité, son lieu de naissance. Il répond, et la juge lui indique « moi j’ai pas ça sur vos papiers ». L’avocate commis d’office répond « ah oui je me suis trompée sur les papiers ». La situation est très peu claire, le prisonnier tente de prendre la parole, tout le monde l‘en empêche. Personne ne lui explique clairement ce que signifie désistement, il reprend quand même la parole pour tenter de comprendre ce qui se passe pour lui. La juge le coupe en lui disant « vous repasserez demain, stop ça suffit ».

– Un autre homme s’adresse à elle avec respect « avec tout mon respect madame la présidente » hop elle lève les yeux au ciel et pousse un « hmmm hmmm » de réprobation. Quelle que soit la manière dont les détenus s’adresseront à elle, elle les méprisera et leur montrera de l’irrespect.

– Elle débute le nouveau passage d’un homme en disant « alors quelle identité vous allez nous donner aujourd’hui ? » et un autre  » vous allez nous redonner votre identité de soit-disant mineur Monsieur ? « 

À une autre elle dit « vous avez été malade mais le médecin du CRA n’a rien vu de particulier ». Le jeune homme ayant des difficultés à se tenir debout à bout de souffle tente de dire qu’il a été opéré récemment, il galère à dire quand. Un de ses co-détenus dit haut « 6 jours » pour lui venir en aide. L’avocat du jeune homme précise que forum réfugié(association qui intervient en CRA), confirme qu’il a bien été opéré il y a 6 jours,  sans fournir aucun document. La juge ne semble pas du tout intéressée par ces éléments médicaux, elle lui dit « vous allez accepter votre vol dans une semaine cette fois ?  » le prisonnier lui répond qu’il n’est pas de la nationalité du pays dans lequel il risque d’être renvoyé.

La juge répond « oui oui ok ».

On pourrait se moquer de la sévérité et l’autoritarisme absurde de cette juge si jamais il ne s’agissait pas de la vie des gens. Là on ressort de l’audience avec la nausée, et les potes restent enfermés au CRA.