Tentative de suicide au CRA de Lyon-Saint-Exupéry : Témoignage d’un co-détenu

[TW : suicide]
Le 26 décembre dernier, un prisonnier au CRA de Lyon-Saint-Exupéry a tenté de se suicider. C’est dans ce contexte, qu’un co-détenu choqué qui le pensait décédé a souhaité témoigner.
Si nous n’avions aucune nouvelle de la victime au moment du témoignage, nous avons par la suite obtenu des informations selon lesquelles il aurait été hospitalisé et serait toujours en vie. Nous n’avons pas pu le contacter et nous ne savons ni où il est, ni comment il va.
Ne sachant pas sa volonté concernant la médiatisation de sa tentative de suicide, nous avons longuement hésité à publier ce témoignage. Après réflexion, nous choisissons de le faire, pour ne pas invisibiliser le parole de Samy, son co-détenu, qui témoigne ici. Les tentatives de suicide récurrentes, l’absence totale d’informations pour les prisonnier-es et le mépris auquel iels font face lorsqu’iels essayent d’en avoir : tout cela fait partie des violences carcérales et nuit à la santé mentale des détenu-es.

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– Est-ce que tu peux nous réexpliquer ce qu’il s’est passé, ce que t’as vu ? 
Avant qu’il fasse ça, l’autre jour il m’a dit « demain je vais trouver une solution ». Je lui ai dit c’est quoi ta solution ? Il m’a dit « j’en peux plus ça fait neuf jours que je mange pas, je fais une grève de la faim ». Il m’a dit « j’sais pas demain je vais trouver une solution ». Je lui ai dit « avec qui ? »  Il m’a dit « avec la police, avec tout », il m’a dit « demain je vais trouver une solution je reste pas comme ça, je vais trouver des solutions ». et il a fait ça tu vois. il a  fait la corde.
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Il faisait une grève de la faim c’est ça ? 
Ouais il a fait une grève de faim ça fait neuf jours il a pas mangé. et après il a fait ça. 
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– Et il t’avait dit pourquoi il faisait une grève de la faim ? 
Il m’a dit « j’sais pas j’ai envie de rentrer au bled mais ils veulent pas me ramener au bled j’sais pas, ils veulent pas me libérer ici ils m’ont mis direct en prison direct ». Ils ont ramené lui ici, il vient pas de dehors tu vois. Il a fait deux mois trois mois de prison après ils ont ramené lui direct de prison direct au CRA tu vois. Il m’a dit « j’en peux plus je sais pas je sais pas j’en peux plus c’est ça ma vie jusqu’a quand je vais rester comme ca? » je lui ai dit « moi aussi je suis comme toi » tu vois. Il me demande du feu je dis à lui « viens manger avec nous et je te donne du feu » tu vois, parce que c’est interdit j’ai un briquet je dis à lui « je sais pas viens manger fais un truc » lui non il boit que des cafés, que des cafés tu vois il fume des cigarettes, il boit pas il mange pas, rien, il fume que des cigarettes.
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– À la fin de sa grève de la faim il t’a dit « demain je vais trouver une solution avec la police » c’est ça ? 
Moi j’avais pas pensé à une solution comme ça je sais pas normal je pensais il va trouver une solution ça veut dire avec les policiers, avec sa femme, avec sa famille mais j’ai pas pensé ça tu vois.
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–  Qu‘est-ce qu’il s’est passé le lendemain? 
A 11h presque à 11h55 ils sont venus les policiers ils ont dit « le repas le repas!« , nous on est partis le repas, moi je suis sorti la dernière personne tu vois. Y a un policier je le connais, je dis « madame en fait lui là ça fait neuf jours il a pas mangé il a fait une grève de faim, va voir les policiers civils ». Elle m’a dit « ouais ouais ouais ouais je vais parler avec lui ». Elle elle est partie pour parler avec lui, après elle a laissé lui dans la chambre tu vois je suis parti moi avec le policier, si tu vois les caméras tu vas voir ça tout ça, j’suis parti avec le policier lui il est resté tout seul dans le bloc. Lui il est resté tout seul dans le bloc nous on est partis manger presque on l’a laissé trente minutes, trente minutes. Quand on est revenus on est rentrés je l’ai vu le mec je sais pas on dirait dans un film, je sais pas avec le fil il est attaché, je sais pas je pense là c’est un truc grave, je sais pas qu’est ce je dois faire là je sais pas j’en peux plus je te jure j’y crois pas là.
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–  Du coup quand t’es rentré dans la chambre
Ah ouais je rentrais on est rentrés tous on l’a sorti nous on l’a emmené à l’infirmerie tu vois, pas les policiers. Nous on a coupé la corde on a coupé tout on est partis, on court tu vois.
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-Toi tu étais dans la chambre en face ? 
En face de lui.
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– Et quand t’es rentré dans sa chambre..? 
Non nous on est rentrés dans le bloc tu vois on a fini de manger mais on est tous on est rentrés comme ça là, je vais aller dans ma chambre, l’autre il va aller dans sa chambre, tu vois chacun dans sa chambre. Moi j’ai vu le mec je sais pas tu vois tout le monde « ohh !!! ». Je sais pas ça me choque, avec le fil avec le truc là le fil noir tu vois le truc de baskets, à coté de la fenêtre il a fait ça, dans la chambre, il voulait fermer sa chambre avec… il avait un grand fil tu vois il voulait fermer la porte ou je sais pas, il a fait ça. 
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– Et ça tu te souviens de y a combien de temps c’était ? 
Ca fait là… treize jours ou quinze jours un truc comme ça.
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– C’était en décembre ? 
Ouais ouais c’était y a deux semaines un truc comme ça.
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– Et quand vous l’avez trouvé, qu’est ce que vous avez fait vous ? 
Moi, je sais pas, je vois la tete après tous ils disent « allah akbar allah akbar » tous on sait il est mort tu vois parce que ça se voit. Il est pas par terre il est pas je sais pas assis tu vois il est attaché comme ça avec le fil ses pieds ils touchent pas par terre tu vois. ça fait trente minutes il est tout bleu il est gonflé il est gonflé tu vois ses joues comme ça bleu, tout bleu, lui tout froid y a plein de bave dans sa bouche, dans son nez tu vois, ça me choque ça me choque ça me choque j’ai jamais vu ça dans ma vie moi je sais pas, je sais pas je comprends pas.
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– Et après tu m’as dit vous l’avez emmené à l’infirmerie c’est ça ? 
Ouais ouais ouais on dit « allah akbar allah akbar » on est tous je pense quatre cinq, on a porté lui, on court avec, on le porte, on va courir jusqu’à l’infirmerie, à l’infirmerie on dit « appelle pompiers appelle pompiers appelle pompiers !!!«  la police ils ont sorti moi ils ont ramené moi direct dans l‘isolement. ils ont ramené moi dans une chambre tout seul je sais pas pourquoi, j’étais là « j’ai rien fait j’ai rien fait pourquoi je suis puni comme ça? » ils ont dit « monsieur attends attends, attends un peu », ils ont gardé moi, moi je comprends pas qu’est ce qu’il s’est passé tu vois qu’est ce qu’il va se passer avec lui tu vois, parce que moi quand je l’ai ramené je l’ai laissé  l’infirmerie tu vois. et ils ont pris moi ils  m’ont pas retourné dans mon bloc, direct ils ont gardé moi à l’isolement, dans une cellule tout seul tu vois.
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 – Ils t’ont amené à l’isolement après ? 
Ouais, tout seul, ils ont ramené moi, moi je suis tout seul là bas, dans une chambre je sais pas un mètre carré je suis tout seul, je suis là « pourquoi, pourquoi? », je pétais les plombs, pourquoi pourquoi, ils ont dit « calme-toi calme-toi reste là bas ». je suis resté presque deux heures là-bas. je tape la porte je tape la porte, je l’insultais, je l’insulte, je dis « j’ai rien fait, j’ai rien fait de mal, pourquoi j’suis ici, le mec il est mort pourquoi tu me gardes ici, j’ai rien fait! » je tape la porte je tape la porte je tape la porte. et après dans deux heures ils sont venus ils ont ouvert la porte ils ont dit « calme-toi, ton pote il est parti à l’hopital, avec des policiers, il est pas mort »,  je dis « dis ça pour quelqu’un d’autre qu’il est pas mort, pas pour moi«  tu vois.
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– Les policiers et les infirmiers ce qu’ils disent c’est qu’il est pas mort c’est ça ? 
Ouais c’est ce qu’il disent mais je sais moi, je sais, tu crois il est pas mort? mais je sais il est mort, je suis sûr. Je suis sûr, ça fait trente minutes il est attaché avec le fil il est pas mort ? il respire pas, son coeur il bat pas, je sais pas, il est mort il est mort !
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– et Forum Réfugiés par exemple ils disent quoi, ils disent pareil que la police ? 
Ouais, moi j’étais là « arrête de mentir ! », ils veulent pas moi tu vois parce que moi direct dans son visage ils disent qu’ils savent je sais pas quoi il est pas mort, il m’a dit « non non toi comment tu sais toi, t’es dieu toi ? », je dis à lui « starfoullah c’est pas bien, je sais il est mort il est mort il est mort« . comment il est pas mort ? ça fait trente minutes il est attaché avec le fil comment il est pas mort ? tu vois ? je suis contre ça moi, j’sais pas j’en peux plus, après ça même j’ai voulu changer de bloc ils ont dit non, on n’a pas le droit, mais j’sais pas, ils veulent rien. 
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– Et lui toutes ses affaires elles sont encore au bloc ? est-ce qu’il a laissé quelque chose ? 
Ouais, ouais affaires vêtements il a des trucs ici, il a un document il a tout. 
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– Toutes ses affaires elles sont restées au CRA ? 
Ouais ouais ouais ouais ouais. Le papier, la police ils demandent ça ils m’ont dit « fais voir ça tu vas pas garder ça », je dis à lui et pourquoi si il est pas mort ? pourquoi tu veux récupérer ça alors ? 
Je lui dis, « demande à lui commant il à fait, machin, tu demmandes pas à moi ». Il m’a dit « il est pas mort », alors demmande à lui, parle avec lui. Lui il va t’expliquer si tu m’as dis il est pas mort. Pourquoi tu me demandes comment il a fait qu’est-ce qu’il a fait ; il est rentré ou machin nanani, nanana. Bah si lui il est pas mort, t’as dit il est pas mort, demande à lui il va t’expliquer comment ça se fait, comment il a fait, tu vois ?
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Du coup il a laissé une lettre c’est ca ?
Ouais pour sa femme, pour sa vie, pour la vie tu vois … Il a dit, je sais pas, les gens ils sont (?) entre nous. Il a écrit ca avant qu’il meure, le jour. Je vois lui comment il écrit il écrit, il m’a demandé un stylo, il marque, il marque, il marque. Il mange pas il fume, il allume une clope, il fume, il fume, il fume … Moi ça me fait trop mal au coeur, je ramène lui la salle, la salle tu vois. J’lui dis à lui « viens manger avec nous », il vient mais son plateau il le touche pas, il le touche pas … J’lui dis « fais moi plaisir mange une pomme, mange une banane ». Il m’a dit, « j’ai pas d’appétit tu vois, je peux pas manger ». Lui j’sais pas il a écrit ça après j’ai pris ca dans sa chambre tu vois.
Direct, direct je l’ai porté mais il est trop lourd, trop lourd, trop lourd, ça se voit bien qu’il est mort, il respire plus, moi quand je touche son cœur, je mets mon visage à coté de son visage, et il respire pas. Il est mort. Il est mort. Ca fait 10 jours, il demande au policier si je sais pas il parle avec eux, il lui dit « soit vous envoyez moi au bled ou si non pourquoi je suis ici, j’ai mon passeport, j’ai tout, mais pourquoi je suis pas libéré ! ou pourquoi je suis pas envoyé au bled, pourquoi tu m’gardes ici, pourquoi ? » Et personne il a écouté lui. Personne, personne, personne … On dirait, je sais pas, un oiseau il est mort, ou j’sais pas une ptite bête, ou j’sais pas il est mort, j’sais pas, pas une personne comme nous. Moi ça me fait trop mal au coeur.
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– Et du coup comment tu vas toi ?
Moi je suis pas bien moi, j’suis pas bien. Ouais en plus j’ai le jugement le 60, heu le 19. J’sais pas … j’sais pas j’ai envie de faire un truc, j’sais pas moi … j’suis contre ca. Mais pourquoi j’suis enfermé, j’ai pas de laisser-passer, j’sais pas c’est pas la première fois. Même pourquoi ils me libèrent pas ? Pourquoi ils me gardent ici ? Moi c’est pas ma place ici. Tout le monde il t’cherche la merde. J’sais pas le policier tout à l’heure j’ai pas mangé à midi parce que j’ai fais un retard de 2 minutes. J’étais à la douche,  ils ont appelé « le repas, le repas, le repas ». Tous ils sont sortis moi j’sais pas, j’ai dit « dans 2 minutes j’arrive ». Ils ont dit « non il y a pas dans 2 minutes, attends jusqu’à 19h ». J’ai pas mangé toute la journée. J’sais pas j’ai rien fait, j’ai pas envie d’insulter eux, parce qu’ils vont me ramener à l’isolement. Tout seul ni matelas ni rien. J’sais pas j’en peux plus, j’te mens pas j’en peux plus, on vit comme des animaux ici, tu vois. Pire, pire que les animaux. Comme les animaux tu parles, tu ouvres ta bouche ils te ramènent à l’isolement, tu vois. J’sais pas, ils t’insultent, « sale esclave », j’sais pas « sale bledard », j’sais pas j’en peux plus moi. Y a pas que avec moi comme ça, avec tout le monde ils sont comme ca.
Je te mens pas la dernière fois ils ont fais exprès, 90 jours, 90 jours. Moi j’fais 60 jours, y a pas de laisser-passer, oui j’suis d’accord. Pourquoi j’suis ici ils ont rajouté moi 15 jours, à 75 jours y a pas de laisser-passer, 90 jours y a pas d’laisser-passer … Après j’suis sorti d’ici à 21h, ils ont fait exprès, j’trouve pas ni tram, ni bus, ni rien … J’ai marché à pied jusqu’à la gare. J’sais pas, j’sais pas, j’suis fatigué moi. J’te mens pas j’suis pas bien, même dans ma tête même partout. Je dors pas la nuit, je dors mal, j’sais pas, personne ne t’écoute. J’ai plein de souci, j’ai plein de problèmes. Je sais pas je comprends rien. Je comprends pas ma vie. Des fois j’me dis, pourquoi je vis comme ça, jusqu’a quand ? Tu vois. Mais je sais pas. … Des fois je me dis, ca va aller, ca va aller, ca va aller. Tous ils sont … ils disent ça va aller mais après jusqu’à quand, tu vois …
Moi j’suis pas contre la France, j’aime la France c’est pour ça j’ai pas quitté la France. J’ais l’interdiction de 3 ans mais j’peux pas quitter la France j’ai ma femme, elle est francaise, je l’aime. J’suis trop bien avec elle, j’ai pas de famille. Moi j’suis pas violent, moi, j’aime la France. Je sais pas, j’ai envie de rester ici, j’ai envie de vivre ici. Pourquoi les gens ils volent, ils font les trucs, les gens ils font les violences. J’sais pas ils sont dangereux, ils sont dehors. Mais les gens ils sont bien j’sais pas et pour les papiers, pour l’interdiction, y sont … Je sais pas on est la on est enfermés, on a rien fait. Les gens, les vendeurs, ils vendent du shit, puis l’autre il est voleur, l’autre il fait les violences, l’autre je sais pas, ils sont dehors. Nous ont fait rien, je sais pas, on est enfermé la, j’suis enfermé … 
Je sais pas, j’en peux plus j’te mens pas. J’te mens pas, j’en peux plus. J’ai pensé j’ai envie de faire comme lui, mais j’sais pas … J’suis au bout, j’suis au bout, j’suis au bout … J’suis au bout, je sais pas j’ai envie de sortir. La je sais pas le 20 janvier, heu le 19 si ils me libèrent j’sais pas ca me fait trop du bien. J’ai envie d’me reposer, j’ai envie de rentrer chez mon cousin, à l’aise. Je sais pas j’ai pas envie de parler avec les gens, j’ai envie de voir un psychologue, j’ai envie de faire les démarches. Je sais pas j’ai envie d’me reposer, reposer, reposer. Tout le monde il parle ici, il dort pas ni la nuit ni la journée. Je sais pas j’suis fatigué, j’suis fatigué, j’suis fatigué.
Normalement j’suis pas comme ca, normalement j’suis bien, je travaille. J’suis bien dans ma vie j’ai 25 ans tu vois. Mais non, moi j’suis ici, j’suis enfermé, je vois rien, j’écoute rien. Même ma femme elle a perdu sa carte d’identité elle peut pas venir me voir. Tu vois elle pleure tout les jours. Elle me dit « tu m’as laissée toute seule ». Moi je dis « c’est pas à cause de moi, moi j’ai rien fait regarde ». Mais je sais pas …
J’en peux plus, j’en peux plus, y’en a marre, y’en a marre. Y a pas que moi, y a tout le monde ici.
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-Par rapport à ce qui s’est passé, tu sais si on pourrait faire quelque chose à l’extérieur ? 
J’espère, j’espère, j’espère .. J’espère parce qu’en fait c’est pas un centre ça, c’est pire que la prison, moi je préfère la prison c’est mieux qu’ici, ouai je te mens pas, je te mens pas. Ya rien. Je t’ai dit j’ai fait le retard de deux minutes, ils ont dit « non ! non ! ferme ta gueule » ils ont fermé la porte comme ça devant mon visage, ils sont partis, tous ils ont mangé et ya que moi, j’ai pas mangé, j’sais pas j’ai le traitement là, ici tous les  jours ils me donnent le traitement, tous les jours je dors, tous les jours je suis fatigué, à cause le traitement ils me donnent, j’reste là et je fais rien, j’sais pas toute la journée je dors. Moi je mange pas ça dehors, j’ai dis là je mange ça mais je sais pas j‘ai menti mais je mange pas ça. Même le toubib il m’a dit « nan je sais que tu prends pas ça dehors mais moi je te donne ça » il m’a dit ça ; si il faut on demande le médecin, le toubib, toi et moi. Il m’a dit « je sais que tu manges pas ça dehors mais je te donne ça » tu vois.
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-Et c’est quoi comme traitement, tu sais ? 
Ils me donnent quatre pregabaline, attends je vais te lire, regarde je prends quoi toute la journée : je prends 4 pregabaline, je prend 4 diazepam, je prend 2 tramadol. C’est fort hein ?! Ca, ça .. euh j’sais pas c’est un truc je sais pas ça te rend plus euh .. c’est plus que la drogue tu vois. J’sais pas toute la journée comme ça dans ma tête je suis fatigué, tout le temps, le corps il est fatigué, je mange pas bien, je sais pas j‘ai perdu plein de kilos, j’sais pas, j’sais pas, j’ai mal à la tête, je dors pas la nuit, tous les jours je fais des cauchemars, je fais des rêves je sais pas je comprends pas ma vie, j’ai dit « putain ! jusqu’a quand ? » Je sors, ça va aller, ça va commencer comme ça. Moi je sors je reste en France, je suis ici je sors pas d’ici, moi j’aime la France je sors pas d’ici, même j’ai une interdiction, je reste ici moi, je suis pas violent je suis pas .. je rentre pas, pourquoi je quitte la France ? Je quitte pas la France, je reste ici. Tu vois, ils me donnent les traitements, ils me donnent ça, il me donnent ça, ils me donnent ça … Après toute la journée je dors. J’étais endormi tout à l’heure, j’ai fait ma douche et ils ont appelé pour le repas moi j’ai dit « dans deux minutes j’arrive, j’arrive madame ! » elle dit « allez allez on a pas le temps » elle a fermé la porte elle m’a dit « attends jusqu’à 19h ». J’attends jusqu’à 19h. Mais moi jsais pas, j’sais pas, même un chat il peut pas attendre jusqu’à 19h, là j’ai trop trop faim, j’ai trop trop trop faim j’ai trop faim tu vois. Ils ont mangé, ils sont allés dans la salle, on mange pas dans le bloc, tu vois, on mange dans la salle. Elle, elle a appelé, ils sont sortis tous, moi j’ai dit je fais un retard de même pas deux minutes, elle m’a dit « nan monsieur j’ai fermé la porte » elle m’a dit « monsieur [nom] attends jusqu’a 19h ». J’sais pas, j’sais pas, j’suis un plastique moi ?? J’sais pas ‘fin, j’en peux plus je te mens pas, j’aimerai bien ils me libérent le 19. Parce que moi j’sais pas ya plein de potes ils sont sortis en 60 jours tu vois. J’aimerais bien je sors, j’aimerais bien, j’sais pas j’ai envie de me reposer, j’ai envie d’aller à la montagne tout seul ! J’sais pas j’ai envie de vider tout, j’ai envie de parler avec moi-même, j’ai envie, je sais pas  j’sais pas j’ai trop mal à la tête, trop mal mal mal mal. J’ai la tête, j’ai le cerveau tout le temps il travaille, 24h sur 24, la nuit, il travaille tout le temps il travaille tout le temps, pour ma femme, pour ma famille, pour moi, pour qu’est ce que je fais, pour tout, pourquoi moi je vis, qu’est ce que je vais faire, j’sais pas plein de trucs, plein plein plein de trucs. J’sais pas jusqu’a quand, ça va finir quand ça ? Tu vois, j’ai envie de faire du sport, j’ai envie de faire machin et machin, quand je sors j’ai envie de m’occuper de ma femme, je reste avec elle, je vais avec ma fille tu vois, j’ai une petite fille, j’ai envie de rester avec eux. J’ai envie de.. je vais bien, j’sais pas j’ai envie de faire les problèmes. J’sais pas, j’arrive pas j’arrive pas. Ils nous laissent pas tranquilles, j’sais pas ils me voient, j’sais pas, on dirait j’suis un diable moi, j’ai rien fait, ils me ramènent ici parce que j’ai pas de papiers.
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-Tu m’as dit que c’était pas le première fois que tu étais envoyé en centre de rétention ? 
A Hendaye, la première fois c’était à Hendaye, tu connais ? Hendaye j’ai fait là bas un mois. Appelleles demande si tu veux. Après, après je suis chez moi, ils ont ramené moi ici à Grenoble, alors à Lyon ici j’ai fait trois mois. Cette fois là, presque déjà un mois et demi, tu vois.
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-D’accord, et tu m’as dit que t’aimerais bien voir un psychologue c’est ça ?
Ouais j’aimerais bien, j’aimerais bien je parle avec lui toute la journée, je vide tout. Quand j’écoute personne il parle, j’ai pas envie d’écouter les gens, ils parlent, mais personne personne personne … J’ai envie de voir ma femme, mon psychologue c’est tout. Elle me manque trop ma femme tu vois, je sais pas j’ai envie de dormir avec elle, j’ai envie de voir un psychologue, comme ma mère, j’ai jamais vu, j‘ai que l’amour tu vois. Ya que avec elle, tu vois, même avec ma famille, j’ai pas de famille, j’ai rien, je veux être avec elle je l’aime trop tu vois. J’ai envie de voir un psychologue, je sais pas j’ai pas envie de parler avec les gens, j’ai trop mal à la tête, j’sais pas même la télé là je regarde la télé mais je peux pas me concentrer avec la télé, je regarde la télé mais je suis dans le vide j’suis ailleurs tu vois mes yeux dans la télé mais moi j’suis ailleurs tu vois. J’arrive pas à me concentrer avec la télé, ça fait presque .. ça fait deux ans je suis comme ça. Tu vois je mets un film, tout le monde ils sont concentrés avec le film, moi je regarde des films comme ça mais … mais dans le vide tu vois. J’suis pas là, j’suis ailleurs, j’suis ailleurs dans un autre monde avec les cachets et avec machin donc je sais pas … j’sais pas ! Je sais pas ce que je dois faire je sais pas. Dieu il va décider c’est lui tu vois je fais ma prière, moi, tout le temps, j’suis à l’heure, je fais ma prière, je suis tranquille, mais je sais pas Dieu il … il va me faire quoi, lui, d’ici tu vois. Moi j’ai confiance en lui, j’sais pas lui il va décider pour tout mais je sais pas jusqu’à quand, je te jure, je te mens pas, je te mens pas je te mens pas, j’en peux plus. J’ai envie de sortir, j’ai envie de voir un psychologue, je sais pas, j’ai envie de rester solo tu vois, j’ai envie de calme, le calme tu vois, j’en peux plus qu’est-ce que j’ai fait dans ma vie, qu’est ce que je sais pas qu’est ce qu’ils ont fait de moi. La police ils ont fait trop de mal à moi ici en France, ils ont tapé moi, ils ont cassé mes mains, ils ont tapé moi tapé moi, jamais de la vie, jsais pas, ils ont tapé moi comme ça tu vois. La police ils me tapent, déjà la vie elle m’a tapé, j’ai rien, je sais pas, je souffre, des fois je dors pas la nuit. En plus ça, en plus centre, en plus j’sais pas en plus plein de trucs .. en plus je sais pas des fois … j’suis fatigué j’arrive plus parler, je te jure,  j’ai envie de parler, plein de trucs mais j’arrive plus, j’arrive plus parler tu vois.
Je sais pas qu’est ce que je vais faire c’est tout. Moi j’ai peur de personne, marque mon nom marque mon prénom, je suis avec vous, eux je sais pas qu’est ce qu’ils vont faire, moi j’ai le jugement le 19, je sais pas, je sais pas moi qu’est ce que je vais faire. Si ils me libèrent ça ça serait trop bien tu vois. J‘ai envie de reposer, j’ai envie de prendre rendez vous avec l’assistant social, je veux faire un avocat, je vais faire les démarches, j’ai envie de faire plein de trucs tu vois. C’est tout à part ça je sors pas d’ici. Même eux ils me disent monsieur t’as 7 jours et tu quittes la France, je dis d’accord, je reste ici je quitte pas la France, j’aime la France moi, j’aime la France je reste ici, je te mens pas.
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-Est ce qu’il y a d’autres personnes qui sont au courant que il y a un personne qui s’est suicidée dans le CRA ou pas ? 
Oui ils sont pas contents, même eux, ils sont pas contents, ils ont dit « on brûle le centre ! on brûle le centre » moi je veux pas faire ça, moi je dors, si quelqu’un il fait ça moi je dors la nuit, je sais pas, je meurs avec eux, moi? Tu vois, je suis contre ça, tout le monde ils sont pas contents, ils sont pas contents tout le monde, ils sont pas contents ils sont pas contents.
Mon pote il est là à côté de moi, il parle pas français. il est choqué, il est trop choqué. Il est trop choqué, il a vu le mec, comment il est mort… Tu vois on est tous… on est pas bien tu vois. C’est tout. Je sais pas moi… Je vois que le grillage, j’vois rien moi, même le ciel je le vois pas.
Là j’appelle l’infirmière, j’appelle la police, pour, j’sais pas… je dis « là je suis malade, j’ai mal aux dents, j’sais pas, j’ai envie d’un traitement… » et ils me crachent au nez tu vois. Ils m’insultent, ils me disent va te faire foutre, je sais pas, machin. je sais pas. tout le monde dans le bloc ils sont pas contents. Dans tout le bloc, tout le CRA tu vois, pour lui, ils sont pas contents.
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– les gens ils demandent quoi?
 ils demandent, je sais pas… y’en a ils veulent changer de bloc, l’autre il demande pourquoi il a fait ça, pourquoi, j’sais pas… ça se fait pas lui ce qu’il a fait, moi-même j’peux pas faire ça. même j’en ai marre, même je suis au bout, je peux pas faire ça. mais les gens ils ont dit j’sais pas, tout ça pour les papiers, on est enfermés, tout ça parce qu’on a pas de papiers. tout ça parce qu’on a pas de papiers. les mecs ils sont morts, y’a pas que lui hein. y’a des gens tous les jours ils coupent… l’autre il coupe ses veines, l’autre il déchire j’sais pas, il va couper ses mains, l’autre il va faire un truc, l’autre il a la lame, il va couper le cou… tous les jours plein de trucs ici, tous les jours, tous les jours. Dès que tu parles avec la police ils te ramènent en isolement. c’est ça, c’est que ça.
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– est-ce que tu sais si y’a d’autres personnes qui auraient envie de témoigner?
ouais y’en a tous, ils sont avec moi, t’inquiète. mais en fait il parle pas français lui, il est avec moi dans la chambre, tu vois il m’a dit « viens on fait une solution, viens on fait une bagarre, comme ça ils nous changent de bloc la police tu vois ». j’ai dit à lui « comment? tu veux que toi et moi on va dans un autre bloc? on peut pas… ». on fait un cinéma moi et lui comme quoi on va faire bagarre moi et lui, comme quoi la police il me change moi et lui. parce que je peux pas, sa chambre elle est… jusqu’à maintenant elle est vide tu vois. personne il rentre là bas. personne il rentre, tous ils ont peur. ils ont peur, ils ont peur. comme moi quand j’ouvre la porte, je regarde sa place, je regarde comment je l’ai vu la première fois. je sais pas je dis putain putain putain putain j’comprends rien, j’comprends rien, j’comprends rien. moi je suis trop trop trop trop trop trop choqué. j’ai oublié le problèmes que j’ai. ma femme elle est enceinte, tous les jours elle pleure, elle pleure. puis j’sais pas, moi non plus, j’ai vu ça, mais j’sais pas… j’comprends rien du tout. j’comprends rien du tout, j’te mens pas.
*
– merci d’avoir bien voulu faire ce témoignage.
y’a pas de souci, y’a pas de problème, je suis là, tu m’appelles quand tu veux, t’appelles sur le fixe si il faut, tu demandes Samy, j’suis là. je suis avec vous, je suis contre ça moi, j’suis contre ça. moi je vois quelqu’un il va faire ça, je le laisse pas faire ça tu vois. moi je regrette, c’est pour ça, je me dis pourquoi je l’ai pas ramené avec moi dans la salle à manger tu vois, même il mange pas il reste avec nous, si jamais… j’ai pas pensé ça. parce que avant… il m’a dit je vais trouver une solution demain mais… je lui ai dit « c’est quoi une solution », il m’a dit « je vais trouver une solution avec eux » tu vois. mais moi j’ai pas pensé ça! j’ai pas pensé ça. lui il a fait ça… j’ai trop mal au cœur pour lui, ça m’a choqué. ça va pas… je vais rester toute ma vie je pense à lui, j’oublie pas ça de toute ma vie. j’oublie pas ça de toute ma vie. au bled j’ai pas vu ça, partout j’ai pas vu ça. j’ai vu ça au CRA, au centre, à Lyon. j’te mens pas. qu’est-ce que j’ai vu ici… c’est horrible. c’est grave c’est grave c’est grave c’est grave c’est grave.
C’est tout, j’espère qu’ils vont me libérer, j’sais pas. j’en peux plus des prisons, des centres, des prisons, des centres. j’en peux plus de ça. je suis fatigué, j’ai envie de faire une vie… je demande rien tu vois. je demande un travail, je demande juste avec ma femme, je reste tranquille. les gens ils me donnent un travail, je travaille moi! juste je travaille tranquille, ma femme, c’est tout tu vois. je veux que ça, mais je sais pas… on va voir.
*
témoignage téléphonique du 5/01/2023.

Rassemblement contre la loi Darmanin, les frontières et les CRA

RDV le 21 janvier 2023 à 17h devant le CRA 2 en soutien aux prisonnièr.x.s

Le gouvernement s’apprête à faire passer une nouvelle loi raciste et xénophobe, dite « loi Darmanin ». Celle-ci prévoit d’augmenter fortement les expulsions d’étranger-es et de systématiser le recours à leur enfermement, avec le projet déjà lancé de créer 3000 nouvelles places en CRA (« centres de rétention administrative », des prisons pour expulser les étranger-es) d’ici 2027.

Pour faire passer ses projets, Darmanin a notamment utilisé Lyon comme un terrain d’expérimentation. Ses visites-spectacles l’été dernier à la Guillotière, suite à un emballement politico-médiatique raciste, ont permis d’intensifier les rafles et la répression sur les personnes étrangères ou sans-papiers dans le quartier. Instrumentalisant la situation du quartier pour promouvoir son discours sécuritaire, il en a profité pour « inaugurer » le nouveau CRA ouvert à Lyon St-Exupéry depuis janvier 2022, marquant sa volonté d’en construire de nombreux autres.

La situation dans les CRA est déjà extrêmement violente. Les mauvais traitements infligés aux prisonnier-es y sont quotidiens et systématiques. Ils font partie de la répression. Ce n’est pas de nouvelles places en CRA dont il y a besoin, mais de mettre un terme à ce système d’enfermement et de discrimination selon les origines, la situation administrative ou la couleur de peau.

Dans le cadre de l’appel à mobilisation nationale « CONTRE LA LOI DARMANIN : 3 mois pour monter en puissance » lancé par les collectifs de la Marche des Solidarités,

Rendez-vous samedi 21 janvier 2023 à 17h devant le CRA 2 de Lyon-Saint-Exupéry, rue de Chypre à Colombier-Saugnieu, à côté de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry (accès en transport : bus TCL 47 – depuis Meyzieu ZI – arrêt « Aéroport Saint-Exupéry gare routière » / Rhône Express).

À bas les frontières et les CRA !
Liberté de circulation et papiers pour toustes !

Enfermement et soin sont incompatibles. Réponse à la lettre ouverte du médecin du CRA de Lyon Saint Exupéry.

TW : violence médicales, tentatives de suicide.

 

Il y a quelques semaines, le médecin du CRA de Lyon a démissionné en publiant une lettre ouverte (https://www.rue89lyon.fr/2022/12/20/demission-medecin-centre-retention-lyon-fabrique-violence/) expliquant qu’il ne pouvait plus exercer son métier à cause des « conditions dégradées » dans le centre ces derniers mois. Pourtant cela fait des années que des prisonnier-es du CRA de Lyon témoignent de violences de la part du corps médical. En dénonçant uniquement un manque de moyen et une dégradation de ses conditions de travail, il masque le véritable problème : soin et enfermement sont incompatibles.

Ce témoignage a été beaucoup diffusé par les associations et les médias. De nombreux autres récits – qui contredisent celui-ci – ont été publiés par le passé, sans retenir la même attention, parce que c’étaient ceux des prisonnier-es elleux-mêmes, dont la parole est systématiquement délégitimée ou ignorée par rapport à celle des institutions, dont le corps médical. Accorder plus d’importance à ce témoignage d’un médecin qu’à celle des premier-es concerné-es participe à l’invisibilisation des prisonnier-es, de leur parole et de leurs luttes.

Ce témoignage sert un discours qui légitime l’incarcération en affirmant que les problèmes dans les centres de rétention (et autres prisons) seraient dus uniquement à de mauvaises conditions d’enfermement ou à un manque de moyens et non à l’enfermement en lui-même. Dans les CRA, les médecins n’ont pas vocation à améliorer les conditions de vie des détenu-es, ils font partie du système de maintien de l’ordre. La dégradation des conditions de santé des prisonnier-es est un outil de l’État pour réprimer et contrôler les personnes étranger-es, et les médecins à l’intérieur des CRA en sont l’instrument (voir l’article : https://abaslescra.noblogs.org/le-juge-le-flic-et-le-medecin/).

*

Au CRA de Lyon, que ce soit dans l’ancien CRA ou dans le nouveau ouvert en 2022, les prisonnier-es ont toujours dénoncé de mauvais traitements par les médecins. Ces derniers n’ont jamais réagi pendant des années et ont participé activement aux violences qui y ont lieu quotidiennement.

Le 16 mars 2019, des détenu-es en grève de la faim écrivaient dans un communiqué (https://crametoncralyon.noblogs.org/nouvelle-greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-lyon-et-appel-a-soutien-17-03-2019/) :

« ils nous donnent des médicaments donnés pour les gens vraiment fous sans ordonnance sans rien (comme Diazépam, Lyrica, Valium, Prazépam, Tercian, Zopiclone, Théralène, Subutex) et même les infirmières elles sont courant de tout. Les gens ils font la grève mais elles leur donnent des médicaments pour les intoxiquer même y en a des pères de famille ils se charclent ici il a des points de suture ils l’ont laissé comme ça au confinement sans qu’on le soigne y a quelqu’un aussi il a une maladie du foie il obligé qui soigne »

En avril 2019, Yanis, détenu au CRA, dénonçait aussi le recours systématique à des traitements lourds pour mieux contrôler les prsionnier-es (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-yanis-detenu-au-cra-de-st-exupery-avril-2019/) :

« Concernant les soins, il n’y a pas de soins ici, c’est … C’est de la merde. Ya que du Diazepam et tout. Yen a, jsais pas moi, concernant… moi j’ai consulté le médecin l’autre jour, elle m’a donné du Diazepam, moi j’ai, je suis un peu stressé, elle m’a dit « deux Diazepam ».
Et deux Diazepam je sais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là parce que c’est … C’est un anti-dépresseur ou quelque chose comme ça. Moi c’est pas une dépression c’est un petit stress passagère. Mais c’est…
Mais je savais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là, mais du coup ya une euh… une grande euh… Une grande euh… C’est la majorité qui prend ces médicaments là… C’est parce que c’est… C’est exprès qu’ils font ça ou je sais pas… […] Je sais pas pour calmer les gens peut-être, je sais pas… »

À l’automne 2020, un prisonnier tabassé par les flics racontait comment le médecin avait minimisé ses blessures pour couvrir ses agresseurs (https://crametoncralyon.noblogs.org/jai-peur-franchement-vous-me-faites-peur-je-pense-il-suffit-quon-vous-donne-quelques-droits-la-et-vous-allez-commencer-a-tuer-des-gens-vous-temoignage-de-x-tabass/) :

« Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais  il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là, et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. »

En novembre 2020, en pleine épidémie de covid (plusieurs dizaines de prisonnier-es testé-es positifs), les détenu-es dénonçaient l’absence totale de mesures sanitaires, face à quoi le médecin n’a rien fait :

« J’ai dit je suis malade je tousse, ça fait trois jours j’ai la gorge… les gens qui ont le coronavirus ils étaient avec moi, je suis malade. Ils me donnent pas de rendez-vous, non. Ils me parlent mal, même le médecin ici il parle mal, il me dit on n’a pas ça, on n’a pas ça. Si tu parles mal avec lui il va appeler la police. La police va t’amener à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-cra-de-lyon-les-prisonniers-denoncent-leur-situation-alors-que-11-personnes-ont-ete-testees-positives-au-covid-19-temoignage/)

« J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent. après ils m’ont emmené au mitard. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/voila-comment-on-traite-les-gens-on-est-isoles-cest-vrai-quil-y-a-des-cameras-mais-dans-les-chambres-il-y-en-a-pas-dans-les-chambres-il-y-a-que-des-agressions-temoignage-de-x/)

« Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/parce-que-nous-on-est-la-on-est-dans-la-realite-du-virus-le-virus-il-circule-on-est-la-dedans-et-personne-ne-nous-aide-personne-ne-fait-rien-pour-nous-aider-temoignage-de-d-enferme-au-cra-de/)

Ou encore ce témoignage d’un prisonnier dénonçant la réaction du médecin suite à la tentative de suicide d’un co-détenu :

« Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/on-compte-sur-vous-pour-fermer-ce-centre-cest-catastrophe-on-est-trop-touches-temoignage-de-x-prisonnier-au-cra-de-lyon-14-11-20/)

En plus des risques sur la santé physique liés au covid, l’inaction et le mépris des médecins face à l’épidémie dans le CRA ont eu un impact très violent sur la santé mentale des personnes enfermées (stress, peur d’attraper le virus, isolement…).

Si à l’époque les nombreux cas de covid au CRA avaient attiré l’attention des médias et des associations pour quelques temps, ensuite les violences médicales ont continué, dans l’indifférence totale.

En juin 2021, des prisonnier-es en grève de la faim témoignaient (https://crametoncralyon.noblogs.org/ils-shootent-la-plupart-des-personnes-covid-maltraitance-et-violences-policieres-au-cra-de-lyon-temoignages-des-prisonnier%c2%b7es-3-7-06/) :

«  Bah le médecin vous savez, ils sont pas avec nous. Donc du coup, eux ils sont dans leur bureau, ils savent vraiment pas ce qui se passe, ils sont dans leur coin. sauf quand quelqu’un est malade, mal aux dents, n’importe quoi, c’est doliprane quoi. Après ils essaient de donner aussi des… je vais pas vous mentir hein, ils donnent aussi beaucoup des… ce qu’ils prescrivent aussi beaucoup c’est des… comment ils appellent ça déjà? des calmants, anxiolytiques, voilà. Ils shootent la plupart des personnes. »

«  ça se passe mal, ils nous traitent comme des animaux. Ils nous mettent la pression, ils nous narguent, ils nous disent : comme mon ami il a la dent cassée, il est dans sa chambre dans l’isolement [car il est positif au covid], il va mourir, il a parlé avec les flics ils ont dit : « prend un doliprane et allonge toi », il a parlé avec le médecin il a dit « prend un doliprane ». On est malmenés quoi ! on est pas des êtres humains, on est du bétail, on est du bétail voilà. Y’a un copain aussi là il est malade, il est trop malade, il est au mitard ça fait cinq jours.
– Pourquoi il est au mitard depuis 5 jours?
– Parce que il est tombé de son lit, il s’est cassé le bras et y’a eu du sang, ils ont dit : « t’as fait exprès », et ils l’ont mis au mitard. »

Le déménagement dans le nouveau CRA neuf en janvier 2022 n’a amélioré en rien la santé des prisonnier-es, comme avait témoigné l’un d’eux en mai dernier (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-x-on-dit-le-pays-des-droits-de-lhomme-quand-on-se-donne-cette-etiquette-il-y-a-un-degre-de-respecter-les-humains/) :

« Au niveau médical, j’ai eu un début de, je sais pas, parce que je l’avais jamais eu dehors, un début de problème cardiaque. Je faisais déjà de la tension, a plus de 17° de tension, déjà ce n’était pas très bon, pendant plus de 2 semaines. […] Dejà même si c’est dehors, pour un être humain, faire de la tension à plus de 17° pendant 2 semaines, c’est un risque de danger, ça peut causer un problème cardiaque. Et pour celà, au moins on doit avoir un suivi médical, un peu ordonné. Et là, sans toutefois me faire des examens, on me propose de me mettre sous traitement. Et quand je demande pour voir le traitement, c’est des somnifères qu’on me donne ! Et quand tu refuses ça devient un problème ! (inaudible). Tu dois au moins me faire des examens,  me mettre sous traitement, avec un suivi médical bien ordonné qu’on peut défendre. Mais pas me dire directement on va te mettre sous traitement et quand tu regarde ce que tu m’as donné c’est ce que tu donnes, le même traitement, à tout le monde qui est au centre. On retrouve particulièrement les mêmes problèmes, parce que quand tu regardes les comprimés qu’on donne à d’autre gars, tu reviens avec quelque chose qu’il a eu, c’est pratiquement les mêmes comprimés qui sont donnés chaque fois. »

En mai 2021, notre collectif avait déjà alerté de nombreuses structures et associations  (https://crametoncralyon.noblogs.org/il-est-impossible-de-soigner-dans-les-lieux-denfermement/) sur ces pratiques médicales abusives, tout en rappelant l’incompatibilité entre soin et enfermement :

« Au lieu de les accompagner et de leur apporter les soins nécessaires, par définition incompatibles avec l’enfermement, les unités médicales au sein des CRA minimisent les souffrances psychiques et physiques exprimées, et participent ainsi à renforcer la vulnérabilité des personnes concernées. Déjà soumises à la violence administrative et policière inhérente à l’enfermement, les prisonnièr-es sont donc également confronté-es à une violence médicale plus difficile à dénoncer. »

*

La lettre ouverte du médecin démissionnaire du CRA de Lyon n’apprend donc rien de nouveau sur les mauvais traitements subis par les prisonnier-es. En revanche, elle passe sous silence l’hypocrisie du corps médical qui s’est rendu complice et acteur de ces violences pendant des années.
Cette lettre est dégueulasse. Elle légitime en de nombreux points le discours étatique, par exemple en reprenant l’idée raciste et classiste que les prisonnier-es du CRA seraient des personnes dangereuses et violentes, et donc qu’iels seraient en partie responsables de leurs mauvaises conditions de détention.

En se focalisant davantage sur les supposées violences des détenu-es que sur celles structurelles de la détention, cela le conduit à remettre en question la relative « libre circulation » au sein du CRA et à déplorer le fait qu’il n’y ait pas de surveillants, comme en prison, pour « pacifier » la détention. En prenant pour exemple les prisons, il invisibilise et nie là encore la réalité vécue par de nombreuses personnes enfermées dans ces prisons, où, en plus de la violence des matons, les conditions médicales sont tout aussi violentes, comme le documente depuis des années le journal anticarcéral l’Envolée (https://lenvolee.net/).

L’enfermement en soi, ainsi que la menace de déportation, ont des conséquences désastreuses sur la santé des personnes, car ces institutions traumatisent, usent de violences physiques et psychologiques, torturent, sont la cause de tentatives de suicide.  Pour nous il ne peut pas y avoir de « relations normalisées » dans une institution raciste dont la raison d’être sont l’enfermement et l’expulsion, pas plus « qu’attendre sereinement son expulsion » n’est possible ou souhaitable. Les prisonnier-es ne cessent de résister et iels ont raison.

Sous couvert de critiquer le système carcéral, ce genre de discours ne fait que le renforcer, en prétendant qu’il pourrait y avoir une « bonne » manière d’enfermer.

Répétons-le encore une fois : soin et enfermement sont incompatibles. Les CRA et les prisons tuent.

Pour un droit à la santé pour toustes,
Abolition des CRA et de toutes les prisons !

Le collectif Lyon Anticra

Soirée de soutien à la lutte anticra SAMEDI 8 OCTOBRE 2022 + PROGRAMMATION DISPO!!

Samedi 8 octobre 2022 de 18h30 à 1h30, soirée de soutien à la lutte contre les CRA à Grrrnd Zero (60 av de Bohlen, Vaulx-en-Velin) !

Lyon Anticra, c’est un collectif de soutien aux prisonnièr.es du centre de rétention administrative de Lyon et de lutte pour la fermeture de tous les centres de rétention, les prisons pour les personnes sans-papiers.

Pour soutenir les prisonnier.e.s dans leur lutte, on fait des visites et des appels. Parfois on apporte des choses aux prisonnièr.e.s (affaires, nourriture, recharges mobile, clopes…). On publie leurs témoignages sur notre blog et sur les réseaux. On revendique la fermeture des centres de rétention, la fin de l’enfermement et des expulsions, la liberté de circulation et la régularisation pour tout.e.s.

 

Pour tout ça nous avons besoin de thunes !

il y aura plein de concerts (rap, trap, afropop, djset), des pizzas… et aussi de la documentation. on pourra prendre le temps de se rencontrer, discuter, échanger…

Alors venez danser, chanter, manger, boire et papoter pour soutenir la lutte.

Horraires: 18h30 – 01h30

Entrée: Prix Libre

Programmation:

-m4uv3
(musique cosmique et élémentaire, un flow comme cicatrisation, du rap transfem DIY 100% maison)
https://distrokid.com/hyperfollow/m4uv3/plutonienne-2

-Nogo
(rap/afropop)
insta: @nogo.y

-SPL 145
(influences rap (trap, boombap) et chants avec des textes engagés)
https://youtube.com/channel/UC6i6E5SNOvWpdoFa09yXbOg

-Jocker A7 et Ismail A50
(Rap de Villeurbanne)

-MC bandit mic pro du mic et DJ orlala
(Rap Croix-Rousse)

-Martial Pa’nucci
(Hip-Hop militant melant musiques traditionnelles africaines à celles du Rap)
https://youtu.be/FQWpWu–CkM

-Ameth Sissokho DJ Charles & Cheikh
(Blues de la Goutte d’Or à Paris)
https://www.youtube.com/watch?v=32tzzlUlDyw

-DJ Yanka
(sets rap, trap, drill, rnb, l’emo trap, hiphop alternatif, représentant les artistes femmes et lgbtq+ dans ces mix)
https://linkr.bio/yanka

 

A BAS LES CRA

A BAS LES FRONTIÈRES

SOUTIEN À TOUSTES LES PRISONNIÈR.ES

Cantine de l’Anticra le 17 juin à 18h30 + concert de Sounds of the South à l’annexe de l’ECG à 22h

Tout coûte cher dans les centres de rétention administrative*, et avoir de l’argent est un des seuls moyens de rendre le quotidien un peu plus supportable  dans ces prisons pour les personnes qui n’ont pas les « bons » papiers (besoin de recharges mobiles et téléphones sans caméra pour rester en contact avec les proches, nourriture, tabac, vêtements, produits d’hygiène). Priver de ces besoins vitaux les personnes enfermées fait partie de la répression et de la violence exercées sur elles·eux par l’État. Pour soutenir les personnes enfermées et leurs luttes le soutien matériel est nécessaire. Nous proposons ces petits coups de pouce aux personnes avec qui nous sommes en contact. Pour ça, on a besoin d’argent !
Lutter contre les CRA c’est aussi s’en parler, s’informer, diffuser et partager un maximum la parole des personnes prisonnières dans les CRA ou directement concernées par le risque d’arrestation, d’enfermement et d’expulsion.
Après un premier rendez vous place Mazagran en mai dernier, le collectif Lyon Anticra propose de s’y retrouver à nouveau le 17 juin autour d’un repas collectif a prix libre.
À bas les CRA, à bas les frontières, soutien à tous·tes les prisonnièr·es !
Organisé par le collectif Lyon anticra – collectif de soutien aux prisonnièr.es du CRA de Lyon et de lutte pour la fermeture des centres de rétention
*Les centres de rétention administrative sont des prisons où les personnes sans papiers avant leur expulsion. Il en existe deux à Lyon près de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, où sont emprisonnées plus de 2000 personnes chaque année.
In CRA* everything is expensive,  and having money is one of the only ways to make everyday life a little more bearable in these prisons for people who do not have the «right» documents. (mobile recharges and phones without cameras to stay in touch with loved ones, food, tobacco, clothing, hygiene products, etc.) Depriving people of these vital needs is part of the state’s repression and violence against them.  To support the prisoners and their struggles material support is necessary. We offer these little nudges to the people we are in contact with.

Fight against  CRA* is also, talk about it, inform ourselves, and share a maximum the word of the prisoners in the CRA or directly concerned by the risk of arrest, imprisonment and expulsion.

After a first meeting in Place Mazagran last May, the Lyon Anticra collective proposes to meet again on June 17 around a collective meal at free price.
The ‘Centres de Rétention Administrative’ (CRA) are prisons where undocumented foreigners are cooped up before (being sent back? deportation). Two of them exist in Lyon, near St Exupéry, where every year thousands of people are imprisoned.
La cantine place Mazagran sera suivie d’un concert du groupe Soundz of the South à l’annexe de l’Espace Communal Guillotière à partir de 22h
After the canteen, there will be a concert of the band Soundz of the South at l’annexe de l’ECG from 22h pm.

Témoignage des prisonnierxs du CRA de Lyon le 02/06/2022

Des prisonnierxs du CRA de Lyon témoignent le 2 juin 2022. Un prisonnier est actuellement à l’isolement suite à une tentative de suicide.

 

– Comment c’est à l’intérieur du centre de rétention ?

– Pour nous, comme des chiens là. Ils nous fouillent tous les jours. Il y a un groupe, il est gentil avec nous ; il y a un groupe, il nous provoque tous les jours. Il nous cherche tous les jours. Même le midi, on mange pas bien ici t’as vu. On parle la vérité, nous on mange hallal. On mange pas les choses haram et tout. Et eux ils ramènent le poulet, ils ramènent des choses haram. Je te jure, aujourd’hui, les gens ils mangent un pain et un fromage.

– Et ils vous fouillent quand ?

– A midi, quand on sort pour manger. Ils nous fouillent.

– Le matin, ils nous fouillent.

– L’après-midi, ils nous fouillent. Le midi aussi. Ils rentrent dans nos chambres, c’est le bordel tu vois. Ils débarrassent tout, les lits et tout. Ils fouillent nos lits tous les jours.

– Et hier, ils vous ont interdit la promenade ?

– Oui, ils ont fermé la promenade. On est tous dans le couloir, on fait va-et-vient, va-et-vient.

– Ils ont fermé la promenade toute la journée ?

– Oui toute la journée. On a eu juste le temps du ménage, de 13h30 à 15h. Et la dernière fois, ils ont pas fait le ménage. Ils ont laissé les chambres dégueulasses, ils ont changé que les poubelles. Hier ils ont fermé la promenade comme ça, sans raison. Quand on est rentré à 15h, ils ont fermé la promenade direct. Y’en a d’autres, ils veulent parler.

– Bonjour. En fait, ce qu’il a dit mon collègue c’est vrai. Par exemple, à manger, ça nous ramène rien. Les plats vides. Un quart de baguette par jour. Ça nous parle mal. Ça nous pousse tous les jours. Quand on sort du réfectoire, quand on finit de manger, bah c’est bon on sort normal et tout, bah ça nous pousse genre « vazy rentrez chez vous ! ». Vous avez compris ? Ça nous parle trop mal en plus. La dernière fois, il y avait un gars, les policiers ils l’ont attrapé par le cou, bah il a pas aimé alors il s’est déchiré tout avec la lame. Ils se sont foutus de lui hein. Maintenant son ventre il est ouvert jusqu’à maintenant. Ça va pas du tout ici, ça va pas. Par exemple, y’avait un gars, il a réclamé du pain, il avait pas trouvé du pain sur son plat au réfectoire, il a dit « ouais monsieur, y’avait pas de pain sur le plat », oh il se fait sortir dehors, il se fait menotter ! Oh il est devenu tout en sang ! Parce qu’il a réclamé son pain, c’est tout… Enfait on n’a pas le droit de parler, on n’a pas le droit de faire rien. On est enfermés, c’est tout. Y’a des groupes, y’a des groupes bien, y’a des groupes pas bien. Y’a même un il a avalé une lame, ouais, tentative de suicide carrément.

– Et il est allé à l’hôpital ?

– Non il est à l’isolement là. Ils s’en foutent de lui. Celui qui a le ventre ouvert, il est là. Il est pas soigné, il se fait pas coudre le premier jour, alors là c’est trop tard. Là c’est le troisième jour. Mais c’est pas que ça ! Même les parloirs ! Il y a des gens qui viennent pour voir leurs proches, ils laissent personne venir. Ils laissent pas les gamins rentrer, ils laissent pas les habits rentrer, ils laissent pas les cigarettes rentrer. Ils laissent rien. Bon c’est bon pour moi.

 

A bas les CRA. A bas les frontières. Solidarité avec toustes les prisonnièrxs.