Violences policières au CRA de Lyon. Témoignage de Amarildo, 18/12/20

Moi je suis très mal. Je m’appelle Amarildo. Ici c’est de la merde. ici c’est une grosse merde. c’est pas possible de rester là.

– ça fait combien de temps que tu es ici ?
Je suis ici depuis un mois. Trente et un jours. J’ai fait beaucoup de prison et je suis ici (1). Je veux sortir. Je suis libérable, on me garde ici, ça sert à rien. Je comprends pas pourquoi.

– tu es allé au tribunal ?
Au tribunal madame a dit « bonjour, 28 jours » (2), et basta. Elle te laisse pas parler. Elle te dit « ça va, bonjour », y’a rien. t’as compris ? elle te dit « bonjour, 28 jours ». y’a pas d’avion. si y’a un avion, tu vas dégager.

– t’as pas eu d’avion ?
non. ça fait un mois que j’attends.

– comment ça se passe dans le centre de rétention ?
le centre de rétention… comment ça se passe? ça se passe très mal ici. La police nous tape. elle est violente. Elle est violente.

– pourquoi elle vous tape?
parce que toi tu demandes « donne moi le briquet », lui il sort, il te dit… comment on dit ? [quelqu’un derrière : « il a étranglé quelqu’un. il l’a étranglé. »] Je te jure c’est comme ça.

– Il a étranglé quelqu’un ?
oui. [Quelqu’un derrière : « quelqu’un a demandé un briquet et le policier l’a étranglé. il l’a étranglé. il l’a amené au mitard ! »].

– il est allé au mitard après ?
Oui, isolement. nous on dort ici comme des chiens. nous on mange ici comme des chiens. [quelqu’un derrière : « Les chiens mangent mieux que nous »]. Les chiens mangent mieux que nous. La vie de ma mère. C’est ça la situation.

[Il passe le téléphone.]

Ouais bonjour. y’a quelqu’un il a demandé un briquet au policier, les policiers de la nuit, c’est des racistes. il est sorti, il l’a étranglé. Il l’a étranglé et il l’a amené au mitard. on a peur, des fois même pour demander un briquet pour allumer une cigarette, on a peur de demander un briquet. [une voix derrière : « on a peur, c’est vrai ! »].

– y’a personne qui vous aide dans le CRA ? Les gens de Forum (3), l’infirmerie… ils vous aident pas ?
Non, ils peuvent rien faire. eux ils s’occupent de leur boulot.

– est-ce que vous avez envie qu’on publie aussi ce que vous venez de raconter ?
oui, y’a pas de souci, ouais ouais. merci.

18/12/20

 

(1) C’est le principe de la double peine : à l’issue d’une peine de prison, les personnes sans-papiers peuvent être emmenées directement de la maison d’arrêt au centre de rétention.

(2) La juge l’a condamné à 28 jours de rétention.

(3) Forum Réfugiés, l’association qui officie au CRA de Lyon pour « l’accompagnement juridique » des prisonnièr·es, mais qui en réalité travaille main dans la main avec la police.

Déni de soins, mitard, violences policières, conditions d’hygiène… Témoignage de Yassine, prisonnier au CRA de Lyon-Saint-Exupéry

Bonjour, je m’appelle Yassine. Je témoigne sur le CRA de Saint-Exupéry. On est pas bien ici. C’est sale, c’est dégueulasse. Le nettoyage c’est pas bien. Les chambres elles sont sales. Ils ont montré que le nouveau bâtiment à la télé. Quand vous êtes venu·es [les journalistes] ils ont montré que le nouveau bâtiment (*). le quartier jaune, le quartier orange, le quartier bleu, ils ont pas montré. ils sont tout sales, dégueulasses, ils ont montré le bâtiment qui les arrange. Les autres bâtiments où on dort ils sont tout sales, les murs ils sont sales, c’est n’importe quoi. ils ont montré que le bâtiment qui les arrange. même l’infirmerie, le mur il était jaune, ils ont dit « ah il faut qu’on fasse la peinture blanche parce que la couleur elle est pas bien ». ils ont montré que le bâtiment neuf. voilà. les autres bâtiments ils les ont pas montrés, les bâtiments où on dort. on est mal ici, on est maltraités, on est pas bien, on est pas libres. normalement on peut aller où on veut. Au Maroc les Français ils viennent sans visa, et nous ils nous expulsent, ils nous renvoient au bled, ils nous renvoient au Maroc, normal, tranquille, comme ils veulent. c’est pas juste ça. j’ai toute ma famille ici, toute ma famille en France, j’ai personne au Maroc. ça fait 8 ans que je suis en France.

– ça fait combien de temps que t’es ici ?
ça fait un mois et 22 jours. Je suis passé au tribunal. J’ai toute ma famille ici en France. Mes parents, mes frères, mes sœurs, toute ma famille. J’ai même pas un membre au Maroc. Et ils veulent m’expulser au Maroc. y’a pas la décision du tribunal pour m’envoyer au Maroc. Et là ils veulent me faire le test pour m’expulser. Y’a pas la décision, ça c’est pas juste. J’ai toute ma famille ici. Je vais faire quoi au Maroc moi ? Le CRA c’est sale. C’est comme des racistes, leur police des frontières là, c’est comme des racistes. on est maltraités, on est pas bien, voilà. C’est de la merde ici. Mon ami il est à côté de moi il me dit c’est de la merde.

– les policiers tu dis qu’ils sont racistes? ils font quoi, ils sont violents avec vous, ils vous insultent…?
ouais ils gueulent la nuit pour montrer les cartes. Ils viennent, ils nous mettent des coups de pieds pour nous réveiller. pour nous réveiller ils nous mettent des coups de pied, c’est pas normal. c’est pas la liberté, c’est pas l’égalité ça. ils nous traitent comme des étrangers de merde, voilà.

– mais pourquoi ils veulent vous réveiller la nuit?
parce que la nuit ils viennent compter les gens. Ils comptent les gens.

– c’est quoi la carte qu’ils vous demandent?
ils donnent une carte, y’a ton nom, ta vie, tout, ta date de naissance… comme une carte d’identité. ça se passe mal, on est pas bien, même la bouffe qu’ils ramènent c’est périmé, elle est gonflée, on mange de la bouffe périmée, c’est pas bien.

– et vous avez des visites ? ils vous laissent faire des visites ?
les visites normalement ils ferment la porte, là ils laissent la porte ouverte, ils nous surveillent, pour qu’on rentre rien. ils nous surveillent, ils nous fouillent. ils nous laissent pas faire la visite tranquille. Mon pote il a un ami, ils le laissent pas faire la visite.

– pourquoi ils le laissent pas?
parce qu’il a parlé mal avec un policier, ils l’ont mis au mitard.

– dès qu’ils sont pas contents ils vous envoient au mitard?
quand tu parles mal ils t’envoient au mitard, c’est simple. on dort sur la ferraille, y’a pas de couvertures, y’a rien. même pas un matelas. ils te donnent même pas à manger. un jour ils m’ont emmené au mitard, ils m’ont pas donné mon traitement, ils m’ont laissé comme un chien dans la cellule.

– ils vous font rester longtemps?
24 heures. ils te donnent pas à manger, ils te laissent sur le métal, sur la ferraille.

– hier aussi tu disais qu’ils vous donnaient des médicaments?
moi je suis suivi à l’hôpital X. je prends des traitements […]. j’ai un médicament à l’extérieur, et là ici ils veulent pas me le donner. je sais pas pourquoi. ils le donnent à tout le monde et moi ils veulent pas me le donner. j’ai mal au dos à cause du travail. j’ai cher mal aux dents, ils veulent pas m’envoyer au dentiste. ils veulent pas m’envoyer au dentiste. je peux même pas manger, j’ai mal aux dents. je peux même pas manger. j’ai les dents toutes cassées.

– ils te laissent pas voir le médecin?
non y’a pas de dentiste ici.

– mais le médecin il peut pas t’aider?
il donne juste de l’ibuprofène pour le mal.

– t’as envie de parler d’autre chose?
on est pas bien ici, on est enfermés, on voit pas la famille. on est tristes. on se sent comme… on est pas comme les autres, on est pas comme vous. parce qu’on a pas les papiers, on a pas le droit de rien. on se sent pas bien, on se sent mal, on se sent cher mal mal mal. mal au cœur. on a pas le droit de travailler, on a pas le droit de rien du tout. ça fait depuis 2013 que je suis en France, ça fait 8 ans. normalement au bout de 5 ans ils donnent les papiers. ça fait 8 ans, ils veulent pas me donner les papiers.

– ce soir y’a une manifestation à Lyon pour la régularisation des sans-papiers !
d’accord, merci. on se tient au courant.

 

témoignage recueilli le 18/12/20.


(*) le 14 décembre, la sénatrice EELV du Rhône Raymonde Poncet Monge est venue « par surprise », accompagnée de journalistes, visiter le CRA de Lyon. La raison de sa visite était de « se rendre compte de la situation sanitaire du centre », et notamment vérifier que le respect des normes s’était bien « amélioré » depuis la visite d’un autre sénateur des Verts en novembre dernier. Au JT de France 3 le soir même, l’évènement a donné lieu à une véritable validation de la gestion de la crise sanitaire par les flics dans le CRA.

Parloir sauvage en soutien aux prisonnièr·es du CRA de Lyon-Saint-Exupéry

L’État continue à enfermer et mettre en danger la vie des prisonnièr·es malgré les nombreux témoignages des personnes enfermées en CRA, les mobilisations importantes de la Marche des solidarités partout en France en octobre 2020 et la manifestation pour la fermeture des centres de rétention du 28 novembre dernier à Lyon.

Soutenons les luttes des personnes enfermées et exigeons la fermeture des centres de rétention, la fin de l’enfermement et des expulsions !

Deux jours avant l’Acte 4 des Sans-Papiers, rendez vous le mercredi 16 décembre 2020, devant le CRA de Lyon Saint Exupéry pour répondre à l’appel des prisonnièr·es et montrer notre solidarité !

Les CRA sont des prisons où l’État enferme les personnes qu’il considère comme irrégulières sur le territoire français parce qu’elles n’ont pas les « bons » papiers. L’objectif officiel de l’État, par l’intermédiaire de la PAF (police aux frontières), est de maintenir ces personnes enfermées pour organiser leur expulsion. Les prisonnièr·es peuvent être emprisonné·es jusqu’à 90 jours au cours desquels iels subissent des violences physiques et psychologiques. Les violences policières, tortures, insultes et humiliations sont quotidiennes. A cela se rajoute la possibilité pour l’État de les condamner à de la prison ferme pour toutes sortes de prétextes : notamment le fait de résister à la déportation, ou en ce moment par exemple, le fait de refuser de faire un test covid.

Début novembre, des personnes enfermées au CRA de Lyon ont été testées positives au covid 19. Les prisonnièr•es ont entamé une grève de la faim pour exiger leur libération immédiate.

Actuellement, beaucoup de frontières sont fermées. Quand l’expulsion n’est pas possible, les CRA montrent leur vrai visage : l’État continue de faire payer aux sans papiers leur présence en les maintenant enfermé·es, mettant leur vie en péril en temps d’épidémie mondiale.

La gestion criminelle de la crise sanitaire s’ajoute aux conditions de détention habituelles (insalubrité, promiscuité, nourriture infecte, justice répressive, manque de soins, déni du droit de visite, violences policières en toute impunité…).

Dans le contexte général de stigmatisation et de criminalisation des personnes étrangères, l’État fait le choix de durcir davantage ses politiques racistes et carcérales. Le CRA continue de se remplir. L’Etat français fait pression sur d’autres gouvernements pour expulser toujours plus et assoir sa violence néo-colonialiste, assumant un chantage aux visas notamment pour l’Algérie, la Tunisie et le Maroc.

L’ouverture de plusieurs nouveaux CRA est programmée. À Lyon, la construction d’un deuxième centre de rétention a commencé depuis plusieurs mois à quelques centaines de mètres du CRA actuel, sur un terrain appartenant à Vinci. Le budget estimé est de 12,5 millions d’euros, sa surface de 3200 m2, et sa capacité d’enfermement de 140 places. D’autres entreprises privées collaborent avec l’État et travaillent à maintenir le système des CRA tout en se faisant du fric. À Lyon, le marché de la construction du nouveau CRA a été attribué à Eiffage, assisté par l’entreprise ICAMO, qui s’y connait déjà en construction de taules vu qu’elle a géré des chantiers pour d’autres prisons notamment à Saint-Quentin Fallavier.

En soutien aux luttes des personnes sans papiers enfermées et isolées, mobilisons-nous pour la fermeture définitive des centres de rétention et contre la construction du deuxième CRA de Lyon !

Régularisation de tous·tes les sans papiers !

Ni expulsions, ni prisons,

Virus ou pas, à bas les CRA !

 

Rdv le mercredi 16 décembre à 18 heures devant le CRA de Lyon, rue du Royaume-Uni à Colombier-Saugnieu.

 

Rassemblement déclaré en préfecture, organisé par le Genepi Lyon et le collectif Lyon anticra.

« on compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. » Témoignage de X, prisonnier au CRA de Lyon (14/11/20)

Bonjour messieurs-dames. Je m’appelle X. Je suis au centre de rétention de Lyon. En fait je vous appelle pour que vous m’aidiez. Si vous voulez rentrer faire un reportage ici. Écoutez la police comment elle parle ! Écoutez avec nous en live ! [la police amène une nouvelle personne atteinte du covid alors qu’ils sont déjà quatre dans la chambre. on entend des cris. « – non, pas de nouvelle personne ! le gars il est positif ! – t’es positif aussi ! – moi je suis positif?! moi il me restait deux jours pour sortir. il me restait deux jours, je voulais pas être malade !! – toi t’es déjà malade! t’es déjà malade mon pauvre ! – oui je suis malade ! je voulais pas être malade ! – toi mets ton masque déjà ! –  j’accepte pas lui dans ma chambre ! on est déjà quatre personnes ! – on a pas dit qu’il allait dans ta chambre. – il est là, alors ?! sans matelas ?! »].

Ils voulaient ramener une cinquième personne avec nous. Vous avez bien entendu ? Ils voulaient amener une cinquième personne avec nous ici. On est quatre, ils voulaient ramener une cinquième. Vous avez bien écouté ? Et là y’a une autre personne positive, ça veut dire on est plus de 40 personnes positives. Vous avez bien écouté ? On est positifs et ils ramènent un autre positif avec nous. Ça veut dire nous si on est bien aujourd’hui, on est pas malades, ils ramènent un autre avec nous qui est malade, ils nous ramènent la maladie. Il a pas de matelas il a rien. Ils sont ramenés comme ça, sans matelas sans couverture sans rien. – Dis-le ! ils t’ont ramené! Parle! [il passe le téléphone]. « Ils m’ont ramené, ils m’ont dit vous êtes positif, ils m’ont ramené ici. Tout le monde qui est positif il est ramené ici. – On t’a ramené ton matelas ? Tes habits ? – Ils vont les chercher ». Ils sont partis ils ont ramené le monsieur avec rien. Ni matelas ni rien. « Ils t’ont frappé ou pas ? – Ils m’ont frappé, ils m’ont mis au mitard. » Ils ont ramené le monsieur ils l’ont frappé, hier ils l’ont ramené au mitard et ils l’ont amené ici aujourd’hui.

– mais pourquoi ils l’ont frappé ?
Ils l’ont frappé parce qu’il voulait pas venir à l’isolement. Il a dit « il y a beaucoup de gens là-bas, moi je pars pas là-bas, ramenez-moi de l’autre côté. Ils ont pas de chambres vides ». Il a dit « amenez-moi avec une ou deux personnes ». Ils l’ont amené avec cinq personnes. On est cinq personnes dans la chambre.

– Ils ont mis tous les gens qui ont le covid ensemble c’est ça?
oui c’est ça. Hier y’a une personne elle a cramé son matelas. y’a eu le feu et tout, ils sont venus, ils ont ramené le monsieur au mitard. ils l’ont frappé. parce que ils épuisent tellement les gens, tellement la police parle mal, tout le monde parle mal, y’a pas d’avions, on est 120 personnes dans le centre. y’a quelqu’un qui a une opération de l’épaule, ils veulent pas le laisser sortir pour opérer. Moi j’ai trois gamins français, ma femme française, je travaille en CDI, j’ai des fiches de paye. Ils voulaient pas me libérer, ils me ramènent à l’isolement. Ils parlent pas avec nous. « mets ton masque sinon tu parles pas avec nous ! ».Et là, on était quarante, maintenant y’a quarante et une personnes positives. Y’a tous les jours 4 personnes, 4 personnes, 4 personnes. […]

– est-ce que vous avez des masques, du produit pour les mains… ?
ils ont donné des masques pour une semaine ! un masque pour une semaine. Si tu acceptes pas tu vas au mitard.

– et les policiers, les gens qui font le ménage, ils ont des protections ?
ils font le ménage une fois tous les trois jours, pas tous les jours. parce qu’ils ont peur. les policiers quand ils viennent ici y’en a qui viennent en tenue normale et y’en a qui viennent en tenue blanche. y’a des femmes de ménage qui mettent la tenue blanche.

– tu disais que les policiers ils vous jetaient les sacs de nourriture ?
oui, ils jettent les sacs par terre. le policier il vient, il prend pas le sac dans la main. ils disent « on a pas le droit de donner le café la main dans la main ». donc y’a pas le goûter et y’a pas le café le matin. et le sac de repas, ils jettent le sac, des fois y’a la sauce dedans et tout. quand ils jettent le sac, le sac je le récupère, plein de sauce dedans. tu vois ?! comme des chiens, on est comme des chiens. y’a quelqu’un hier il voulait se suicider. il a pris la lame il voulait se charcler. il voulait pas partir au mitard. il a charclé son corps. avec la lame. il a une opération, il voulait aller à l’hôpital. son épaule. toujours il pleure, la nuit, il pleure la nuit, il pleure la nuit. il arrive pas, il parle avec la police à six heures du matin, elle a dit « va niquer ta mère, va dormir ». l’autre il a répondu, ils sont venus à trois personnes, ils l’ont frappé.

– et le médecin il dit quoi ?
Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement.

– il dit rien par rapport au fait que vous pouvez pas respecter les distances sociales et tout ?
il dit rien, il dit rien, y’a pas un mètre de distance, il vient, il voit devant lui, quand il vient on met la pression on crie et tout.

– et les gens de Forum ils font quoi, ils sont au courant aussi non ?
oui ils sont au courant ! mais c’est tous ensemble. ils travaillent ensemble. la police c’est les copains de Forum. la dernière fois, devant moi il a dit à la police « moi je préfère [inaudible] vous, parce vous travaillez avec moi tous les jours ici. y’a des gens qui partent chez eux, y’a des gens qui sont libérés. je m’en bats les couilles des gens. ». il a dit ça J., devant moi.

– il a dit quoi ? j’ai pas compris.
il a dit à la police « moi quand j’ai quelqu’un pour réclamer un truc ou quoi je m’en bats les couilles. il a dit à la police « moi je réclame pas pour vous parce que vous êtes mes collègues. vous travaillez avec moi dans le centre ». après il m’a dit, « moi je vais pas casser les couilles toujours avec la police, la police travaille avec moi tous les jours. » Il a dit ça devant moi. Il s’appelle monsieur J. à Forum. Il travaille avec la police, il fait rien avec nous. Quand on l’appelle avec le numéro de Forum, il voit mon numéro il répond pas. La police elle m’a dit « c’est moi la loi, c’est moi qui décide. je te soule ta vie », il a dit ça.

– il a dit quoi ?
il a dit « c’est moi la loi. si tu suis pas les règles, si tu me casses les couilles, je te mets la misère » il m’a dit. « je te casse ta vie » il m’a dit.

– « je te casse ta vie » ?
ouais il m’a dit « je te casse ta vie ». Il m’a dit ça. « Respecte-nous » j’ai dit, on est pas des chiens, on est pas des animaux. Donne moi le sac dans la main ou bien pose-le. Au moins ramène une chaise, mets-la devant la porte, mets les trucs sur la chaise. Et nous on récupère sur la chaise. Il m’a dit « tu parles pas comme ça avec moi !! c’est moi la loi !! t’as compris ce que je t’ai dit !!? c’est moi la loi !!! tu fais ce que je décide moi sinon tu vas partir au mitard ! je te soule ta vie, je te renvoie chez toi ». Il m’a dit comme ça, « les arabes de merde », et tout. j’ai dit moi mes amis français je meurs pour eux. Les Français, c’est tous des copains à moi. il y a un Français, depuis que je suis prison, au centre, il m’envoie de l’argent. il est venu il m’a amené des cigarettes. y’a un autre Français, mon copain, il part tous les jours chez ma femme il ramène des trucs pour les enfants. J’ai dit « les Français c’est mon copains, pourquoi tu dis les Arabes, les Français et tout ? C’est un mot raciste là c’est pas bien. » Moi je meurs pour les Français. Ma femme c’est une Française. Mes enfants c’est des Français. Ma mère est française. Moi je veux devenir français.

– et est-ce qu’il y a des expulsions en ce moment ?
non y’a pas d’avions, les avions c’est fermé. les gens sont ramenés, sortent, y’a aucun pays qui accepte les avions.

– et y’a quand même des gens qui arrivent au centre ?
y’a des gens qui arrivent tous les jours au CRA. ils ramènent tous les jours des gens au CRA. ils peuvent ramener le corona de l’extérieur, le ramener ici. comme la dernière fois, à cause d’un monsieur qui est rentré sans test, il a ramené le corona de l’extérieur, il l’a ramené ici, on a tous ici le corona.

– tu veux rajouter quelque chose ?
oui, s’il vous plaît, aidez-nous. aidez-nous s’il vous plaît. on compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. comme la France on est trop touchés par le coronavirus. j’ai pas envie de mourir ici, j’ai mes enfants. s’il vous plaît s’il vous plaît s’il vous plaît. […]

Et ils ont ramené une famille complète. Un père, une mère, et un gamin de l’âge de 12 ans miskine, il est là.

– une famille? ils sont là en ce moment ?
ils sont là ils sont dans le centre. explique-moi, ils ont fait quoi pour être là enfermés ?! Un gamin de l’âge de 12 ans. Son père il est d’un côté et sa mère elle est de l’autre côté, côté femmes, avec son fils.

« Parce que nous on est là, on est dans la réalité du virus, le virus il circule, on est la dedans et personne ne nous aide, personne ne fait rien pour nous aider ». Témoignage de D. enfermé au CRA de Lyon Saint-Exupéry (10.11.2020)

Salut, comment ça se passe à l’intérieur pour toi  ?

Pour dire la vérité, ici il y a des problèmes très graves, on a déjà 13, 1Liberté pour tou.tes les prisonnier.es !4 cas de positifs au Coronavirus, peut-être qu’il y en a d’autres, mais on sait pas encore, parce qu’il y a beaucoup de monde qui fait pas le test. On a peur de savoir qui a le corona, et  il y a personne qui fait rien. On n’a pas beaucoup de protection, on n’a pas d’hydrogel, on a un masque pour une semaine, c’est le masque jetable qui dure trois, quatre heures je crois, nous on l’utilise pendant une semaine. Je sais pas, là on fait la grève de la faim. On essaye de parler, mais on est toujours agressé par les agents parce qu’eux ils ne veulent pas qu’on fasse des dénonciations comme quoi on a peur d’être ici par rapport au virus.

Vous êtes combien en ce moment à peu près ?

A peu près, on est plus de 90 personnes.

Et il se passe quoi avec les personnes testées positives au virus ?

Il les on pris et ils les ont juste mis dans une autre partie, c’est des containers je crois ou des trucs comme ça, comme isolés, mais je sais s’ils ont un truc de spécial, c’est juste un isolement, comme une garde à vue.

Et comment il réagit le médecin ?

Hier, moi j’ai demandé tout seul de faire le test parce que j’avais peur. Mon collègue de chambre aussi il a demanndé. Mais après ils nous demandent pas toujours de le faire , je sais pas qui pourrait venir nous demander de faire le test. Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible.

Et tu disais que ça fait combien de temps que la grève de la faim a commencé ?

Ça fait une semaine.

Et c’est quoi la réaction de la police et de Forum réfugié ?

Ils ne réagissent pas. Ils s’en foutent. C’est pas leur problème. Ils ne font rien. Ils ne font rien pour nous libérer.

Tu voulais adresser un message aux médias et aux associations ?

Moi c’est sur que je veux adresser un message aux médias, aux parlementaires, à tout le monde qui peut entendre ce message. Parce que nous on est là, on est dans la réalité du virus, le virus il circule, on est la dedans et personne ne nous aide, personne ne fait rien pour nous aider. En plus, il y a toujours des va-et-vient de personnes qui arrivent à l’intérieur, et ça c’est pas possible. On a déjà 14 cas de virus et ça va augmenter, c’est sûr que ça va augmenter.

Tu veux rajouter quelque chose ?

Faîtes quelque chose pour nous. On peut pas rester. On risque, on est trop dans le risque, trop de personnes qui sont malades. On peut pas rester là, c’est pas possible de rester là dans ces conditions comme ça.

« voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions ». Témoignage de X, prisonnier au CRA de Lyon

Je raconte en détail depuis le début. Ils m’ont emmené à l’isolement à cause du monsieur qu’ils disent qu’il a le corona, il est positif. ce monsieur il est venu de prison. il a passé une semaine avec moi dans le centre, avec tout le monde. et là du coup ce monsieur il a une grippe ou quoi. après il est parti faire le test. ils disent qu’il faut mettre ce monsieur à l’isolement. ils font exprès de me mettre avec lui pour me mettre aussi à l’isolement.

ils m’ont emmené à l’isolement hier, j’ai demandé le matin des cigarettes comme tout le monde. j’ai donné 20 euros au guichet pour qu’ils m’achètent un paquet. ça coûte 10,40 euros, j’ai pas de monnaie j’ai donné 20 euros. du coup après quand ils m’ont emmené à l’isolement j’ai parlé à la personne, « j’ai besoin de cigarettes ». normalement à 11 heures ils emmènent les cigarettes. j’ai appelé à 11 heures, midi, midi trente… il vient pas. Le gars il fait exprès pour que je fume pas. moi je suis en colère, je dis « comment, ils m’emmènent quelqu’un qui a le virus corona, il habite avec moi, après ils m’emmènent à l’isolement, il n’y a aucune protection dans cette chambre… ». Voilà. Et quand ils m’ont emmené les cigarettes, j’ai vu la monnaie, il m’a rendu que 5 euros. 5 euros et un paquet. J’ai dit « comment ça se fait, normalement c’est 10,40 euros ». Là il m’a dit « Ferme ta gueule », je sais pas quoi. Il m’a parlé méchamment. J’ai dit « on s’en fout », j’ai fumé une cigarette. Et là ils sont partis.

Après j’ai appelé pour mes vêtements. ils sont venus avec tout, les masques, les protections. ils sont entrés dans ma chambre, ils m’ont fait tomber par terre. ils ont cassé la puce de mon téléphone. moi j’ai rien compris. Pourquoi ils ont fait ça ? j’ai rien compris. après quand j’ai pensé dans ma tête je me suis dis c’est à cause de la préfecture. j’ai la pression sur moi pour que je fasse un test. parce que ce jour-là quand on m’a demandé de faire un test j’ai refusé (1). et voilà. et  quand ils sont partis j’ai cassé la poignée de la porte et j’ai bloqué la porte à l’intérieur et j’ai dormi. j’ai dit je vais faire la grève de la faim, on s’en fout, l’essentiel c’est que ça se passe pas encore. et ils sont revenus, à 10 personnes, comme si ils avaient trouvé un terroriste ou quoi. ils sont entrés dans ma chambre, par terre, avec les bottes, ils me frappent… c’est pas la peine. J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent.

après ils m’ont emmené au mitard. parce que j’ai cassé cette poignée, ils m’ont foutu au mitard. j’ai passé la nuit, ils voulaient me mettre des ceintures sur le lit mais comme le garde du soir il me connaît car ça fait 75 jours que je suis là et j’ai aucun problème, je suis quelqu’un de correct, il leur a dit de me laisser libre. franchement je suis dégoûté. j’ai tapé ma tête sur la vitre incassable. je l’ai cassée. ils ont fait des photos comme quoi je suis un voyou. c’est toujours moi la victime et c’est toujours moi le voyou. demain normalement j’ai le tribunal. ils m’ont dit non tu vas pas voir le tribunal, dans trois ou quatre jours tu vas voir directement le procureur il t’envoie directement au tribunal. normalement moi demain matin c’est fini, 75 jours. comme je vais dépasser les 75 jours, après je vais voir le tribunal. c’est un peu bizarre, j’ai rien compris franchement. soit ils appliquent la loi correctement, soit ils l’appliquent pas… mais eux ils sont pas en train d’appliquer la loi.

comme il y a du terrorisme dehors, surtout à cause du Tunisien qui a fait l’attentat à Nice, un terroriste ou je sais pas c’est qui même, moi je paie la facture, parce que je suis Tunisien. Mais moi je dis non, je dis que j’ai rien fait, en France je vis tranquille. Au contraire, je suis professionnel de construction de bâtiment. et là aujourd’hui je paie la facture d’un fou, d’un terroriste. […] ils lâchent les terroristes et ils m’attrapent moi parce que j’ai la nationalité tunisienne.

moi tout ce qui m’inquiète c’est mon fils. quand je réfléchis, j’ai quitté mon fils, j’arrive pas à trouver une solution. je suis depuis dix ans ans en France, j’ai jamais fait de garde à vue. aujourd’hui ça fait 75 jours de prison, pire que la prison, parce que j’ai pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si j’ai pas de carte de séjour. c’est la préfecture qui me donne pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si je suis pas marié avec une Française pour avoir une carte de séjour, je suis marié avec une Italienne, c’est le destin. et là je peux rien changer. moi j’ai pas pensé aux papiers. J’ai pas cherché les moyens pour faire un mariage blanc et avoir des papiers, je cherche une femme pour avoir une famille.

voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions, ils parlent méchamment. Bon c’est pas tous, franchement. y’a des policiers qui comprennent. mais y’a des policiers qui travaillent avec la préfecture. Comme m’a dit un civil, « le préfet il gagne 30 000 euros, tu peux rien lui faire. Il peut t’envoyer même sans test en Tunisie ». Je me suis dit bah voilà, c’est pas la fin du monde. si je rentre, je rentre. je prends la mer et je reviens au moins en Italie, je vais voir ma femme et mon fils. j’ai pas le choix. j’ai travaillé 10 ans en France, je mérite pas ça moi. si j’ai un casier judiciaire sale ou si je suis un voyou ou quoi que ce soit, oui. mais là, j’ai des fiches de payes, je cotise chaque mois, j’ai eu aucune aide depuis que je suis venu sur le territoire français. ils m’ont pas payé la formation. et là aujourd’hui je suis professionnel.

moi je sais bien que la loi française est pas comme ça. j’ai un enfant, je connais bien la loi, c’est pour ça que j’attends, je vais me présenter devant un juge, je vais parler avec lui. si il me comprend il va me libérer, si il applique la loi … je sais pas d’après quelle loi c’est, je suis contre cette loi. comment un père de famille peut être emmené en prison parce qu’il rentre pas chez lui. si ils veulent m’expulser, j’ai l’Italie, j’ai mes papiers en Italie. pourquoi ils m’emmènent pas en Italie ? Normalement je devrais aller avec ma femme en Italie, pas en Tunisie. Parce qu’ils sont en colère contre les terroristes tunisiens ou je sais pas quoi… Mais c’est pas ma faute, le terrorisme. c’est partout le terrorisme ! même en Tunisie on a des terroristes.

dans ma chambre il y a un gars ils disent qu’il est positif et il est toujours avec moi. ça veut dire quoi ? ils veulent m’emmener le virus ? j’ai rien compris franchement. on est deux personnes victimes d’une autre personne qui a fait le test, elle est positive et elle est toujours avec nous. il y a des personnes positives qui sont à l’isolement de l’autre côté. et il y a une personne positive qu’ils ont emmenée avec nous. ça se voit, le mec il tousse, il a le corona, c’est vrai. il a la gorge, la respiration, ça va pas… j’ai parlé avec le médecin il m’a dit bon on n’est pas sûr, on attend 7 jours après on va voir si il l’a ou il l’a pas. mais c’est quoi ça ? moi je prends le risque d’être là avec quelqu’un peut-être il l’a, peut-être il l’a pas. et après moi je vais être victime de qui ? de lui ! victime de la loi française ! c’est pas la loi française, c’est la loi administrative de la préfecture. Ils m’ont dit « le préfet il est responsable ». comment il a le pouvoir ce préfet qu’il m’emmène le corona, il détruit ma vie ? Mon travail ils m’appellent ils m’envoient des messages chaque jour, « viens travailler ». moi pendant le confinement quand toute la France ils étaient chez eux moi je travaillais sur le chantier. et maintenant ils m’emmènent ici.

c’est pas la peine, je raconte ma vie… de toute façon moi je vois que c’est le destin. même ma femme elle a dit, « tu demandes, on va y aller en Italie. Y’a pas beaucoup de travail mais ça va aller. » Mon fils chaque jour il m’appelle, « papa tu viens quand ? ». ça me fait mal. y’a une loi qui protège les enfants aussi en France, mais ils l’appliquent pas. […]

moi de quoi j’ai besoin? De ma femme, de mon fils, de ma vie tranquille. Soit riche, soit pauvre, on s’en fout, l’essentiel c’est qu’il y a une loi qui me protège moi, ma femme et mon fils.

 

(1) il souhaite refuser le test car légalement c’est une condition préalable à l’expulsion. Refuser le test est un moyen d’éviter l’expulsion. Mais le refus de test est considéré comme un refus d’embarquer, et donc passible de prison ferme.