TW : suicide, violences
Au moins deux personnes retenues au CRA 1 de Lyon se sont données la mort fin 2023.
Nous avons été mis.es au courant de ces deux suicides par notre ami H. qui vient d’être expulsé après avoir été enfermé au CRA pendant 3 mois.
Après son transfert au CRA de Lyon mi-novembre, H a été témoin de l’évacuation du corps d’un détenu qui s’était donné la mort dans le bloc orange (le CRA est divisé en plusieurs zones de détention, appelées « blocs ») . La personne avait avalé des lames de rasoir après s’être vue annoncer un vol pour le lendemain. Elle avait déjà refusé un premier vol auparavant.
H. nous a aussi parlé d’un autre suicide qui a eu lieu peu avant son arrivée et que les autres prisonnierxs du CRA1 lui ont rapporté : cette fois-ci dans le bloc rouge, une personne s’est pendue dans sa cellule et a été retrouvée par ses co-détenus au réveil.
Ces morts ont été passées sous silence par l’administration du CRA et par Forum Réfugiés – l’association qui intervient au sein du CRA, censée garantir l’accès aux droits des personnes à l’intérieur.
H. nous dit : « Ca donne la haine. Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal ».
Notre ami a la haine, nous aussi on a la haine face à ces morts qui sont loin d’être des faits isolés. Elles sont le point culminant des violences systématiques et systémiques subies par les personnes retenues dans les CRA. Chaque année, de nombreuses tentatives de suicide ont lieu dans les centres de rétention et dans toutes les prisons, sans compter les morts causées par les violences des flics, ou par manque de soins.
(voir le cas de M., tué par les flics au CRA de Vincennes en mai 2023 *1 ).
Au CRA1 cela fait plusieurs mois que nous n’avons presque plus de contact avec l’intérieur car les cabines téléphoniques sont hors-service depuis le printemps dernier. Nous avons contacté plusieurs fois l’administration du CRA et les salarié.es de Forum Réfugiés, qui nous ont confirmé qu’il n’y avait plus de cabines en fonctionnement au centre et qu’elles ne seraient pas remises en service, soi-disant pour des motifs économiques; or, les cabines téléphoniques ne sont qu’une goutte dans le gouffre économique que sont les CRA *2. Ainsi, même le supposé droit à la communication des personnes à l’intérieur n’est pas respecté.
Cela constitue une entrave aux « droits fondamentaux« des personnes incarcérées, qui doivent pouvoir contacter leurs proches à l’extérieur.
Aux CRA de Lyon, les détenu.es n’ont pas accès à leur téléphone personnel, et n’ont pas non plus droit à des téléphones avec caméra. Cela rend difficile (voire impossible) la diffusion de toute forme d’information sur ce qui se passe à l’intérieur du CRA, dont les images sont rares, sauf à risquer la répression des flics comme l’a fait Anis en prenant des photos en cachette *3 ou à arriver par surprise avec une équipe médiatique lorsqu’on est député.e ou sénateur.ice, malgré la résistance des flics *4.
Pourtant, les récents événements nous prouvent encore une fois que la possibilité de communiquer avec l’extérieur est primordiale et nécessaire pour que les violences subies au CRA ne soient pas tues.
Si ces informations ne nous parviennent que trois mois après les faits, c’est bien le résultat d’une volonté institutionnelle de taire la violence du système carcéral et d’empêcher toute résistance. Que ce soit en divisant les prisonnierxs entre elleux par « bloc », en les isolant de l’extérieur en construisant les CRA dans les zones aéroportuaires loin des centres villes, ou en s’attaquant à leurs moyens de communication avec l’extérieur (comme ici, au CRA 1 de Lyon), la machine à expulser met tout en oeuvre pour empêcher la vérité de sortir.
Le CRA est un lieu fermé qui invisibilise les violences : sans H. nous n’aurions jamais appris la mort de ces deux prisonnierxs anonymes. Cela nous pousse forcément à nous poser avec inquiétude la question du nombre réel de morts chaque année au sein des CRA.
Nous avons appelé Forum Réfugiés qui a commencé par nier toute tentative de suicide ou mort survenue au CRA. Nous avons insisté et iels ont fini par évoquer très rapidement une personne qui s’était donné la mort en novembre 2023. Iels nient catégoriquement qu’une deuxième personne se soit suicidée au CRA en 2023.
Pourtant, H. est formel : il y a bien eu au moins deux suicides au CRA 1 dans les derniers mois de 2023.
Les CRA, pourtant centraux dans la loi Darmanin et indispensables à sa mise en pratique, ne sont presque jamais évoqués et restent aujourd’hui très peu connus. Des ouvertures de nouveaux centres ainsi que l’augmentation du nombre de places sont prévues dans les prochains mois et les prochaines années, ce qui est particulièrement alarmant au vu de ce qu’on constate dans les CRA déjà existants. Il est urgent de mettre fin à cette entreprise raciste et meurtrière, et de fermer tous les centres de rétention.
Nous pensons à ces deux personnes assassinées par la machine à enfermer et à expulser, et à toutes les autres victimes, ainsi qu’à leurs familles, leurs proches, leurs ami.es.
A bas les CRA !
Le collectif Lyon Anticra
2 : voir ici l’analyse économique de la rétention par un salarié de la Cimade https://www.lacimade.org/publication/une-analyse-economique-de-la-retention-administrative-jean-saglio/
3 : voir témoignage Anis https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-anis-prisonnier-au-cra-2-de-lyon-saint-exupery/
Pour plus d’infos :