[Nous relayons ce communiqué du Collectif Solidarité Entre Femmes à la Rue]
M. a 20 ans. Il grandit en Guinée, avant de rejoindre sa mère en Pologne où elle vit avec son mari et ses enfants depuis plus de 10 ans. Mais la famille subit trop de racisme et la santé de M. nécessite des soins particuliers, c’est pourquoi la famille décide de partir s’installer en France. M. souffre en effet d’une maladie mentale, pour laquelle il veut se soigner.
Une fois en France, M. est pris en charge par l’hôpital le Vinatier puis à Saint Jean de Dieu. Fin 2023, il est arrêté par la police lors d’une crise ; considéré en situation irrégulière, il reçoit une Obligation de Quitter le Territoire, puis est hospitalisé pendant plusieurs mois. Jugé « radicalisé » sur seule base des témoignages des policiers qui ont procédé à son interpellation, il commence à être traqué par la préfecture.
Malgré son état de santé, la Police Aux Frontières recherche M. pour le faire enfermer et expulser : début mars 2024, la PAF sollicite les soignant·es, demande d’être informée de sa présence à l’hôpital pour pouvoir l’arrêter. Le mardi 5 mars, l’accueil de l’hôpital appelle la police pour signaler la présence de M., puis son départ avec un ami en voiture ; la plaque d’immatriculation est relevée. La police aux frontières sort complètement de ses prérogatives administratives, suit M., retrouve la trace de la voiture et l’attend pour l’arrêter. En sortant de chez son ami, M. est interpellé, menotté, puis placé au centre de rétention administrative de Lyon.
Le jeudi 7 mars, après 48 heures au CRA, M. a une première audience au tribunal pour décider de la légalité de son placement en rétention. La juge des libertés et de la détention reconnaît l’irrégularité de la procédure et le besoin de soins de M., et annule le placement en rétention. M. devrait donc être libéré. Mais le procureur fait appel, et une nouvelle audience a lieu le dimanche matin. L‘appel est rejeté et le placement en CRA de M. est définitivement maintenu pour 28 jours, au terme desquels sa rétention pourra être à nouveau prolongée, dans l’objectif de l’expulser en Guinée.
Cette situation est extrêmement choquante et injuste. La police est allée jusqu’à traquer M. en sollicitant le personnel médical pour obtenir des informations sur lui. Au-delà des irrégularités dans la procédure démontrées par son avocate, qui suffisaient légalement à faire libérer M., les risques auxquels il est exposé en cas de prolongation de sa rétention et d’expulsion en Guinée sont réels. Sa famille est ici, sa mère a des papiers, ses frères et son beau-père sont européens, ce sont elles et eux qui prennent soin de lui. M. n’a personne en Guinée, il n’y aura pas accès aux soins dont il a besoin, il y sera en danger de mort. De plus ses proches et ses soignant·es constatent que son état de santé s’améliore grâce aux soins, des avancées mises en péril par la violence de la répression en cours.
L’avocate a bien expliqué à l’audience que « L’arrêté de placement en rétention a été pris sans que son état de vulnérabilité n’ait été examiné par un médecin et que son état de santé ait été déclaré compatible avec la rétention. » Au CRA, « Rien ne garantit que le médecin sera là pour lui administrer ses soins le jour et l’heure imposé par la Préfecture elle-même. D’autre part la violence exercée en rétention, la violence de la privation de liberté et l’angoisse engendrés par l’ambiance du centre de rétention sont de nature à amplifier les troubles qu’il subit. »
Or, les violences que subissent les personnes enfermées dans les CRA ne sont plus à démontrer. Elles sont dénoncées par les personnes retenues dans de nombreux témoignages mais également par des associations [1] et par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté [2]. L’accès à la santé n’y est non seulement impossible, mais surtout pas souhaité par l’État qui utilise la dégradation des conditions de santé des personnes retenues comme un moyen pour les réprimer et les contrôler. Le « soin » dans les CRA se résume au mieux aux Dolipranes, au pire à la distribution massive et inconsidérée d’anxiolytiques forts, au refus de traitement et de soins urgents. Les suicides et les tentatives de suicide y sont malheureusement fréquents.
Cet acharnement envers M. s’inscrit dans un contexte plus large decriminalisation et de répression croissantes des personnes exilées, qui ont encore été renforcées par la loi Darmanin. Le gouvernement diffuse une propagande raciste qui vise à montrer les immigré·es et les sans-papiers, en particulier les hommes jeunes, comme des gens dangereux qu’il faut expulser. La situation de M. témoigne de la stigmatisation des hommes étrangers, qui croise celle des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
M. n’est pas dangereux. C’est une personne malade, qui a besoin de soins, et dont la situation est aggravée par la précarité et le racisme que toute sa famille subit en France. Il est engagé dans un parcours de soins, se rend à ses rendez-vous, et veut se soigner, ce qui est courageux quand on connaît les difficultés liées aux maladies mentales. En tant que personne vulnérable ayant besoin d’un suivi médical spécifique, il est en danger au CRA de Lyon. Sa place est auprès de ses proches, avec un accès aux traitements et au suivi que nécessitent sa maladie ; pas dans un centre de rétention, ni en Guinée.
Aujourd’hui la police et la préfecture sollicitent de plus en plus les hôpitaux, les services sociaux, les lieux d’hébergement pour arrêter les personnes en situation irrégulière, les rendant complices de la répression. Ces pratiques vont éloigner les personnes concernées de leurs espaces de soins, de vie, d’accès aux droits, les précariser, les mettre en danger. Nous appelons les soignant.es, personnels administratifs, travailleur·ses sociales, à s’opposer à ces pratiques et à ne pas collaborer.
La mère de M. est membre du collectif Solidarité entre femmes à la rue. En plus du soutien à son fils, elle a dû se battre pour obtenir un logement, qui est un droit fondamental, tout comme le droit à la santé. Nos combats sont liés : comment se soigner lorsqu’on est à la rue, lorsqu’on est traqué·e par la police ? Nous appelons tous les soutiens du Collectif, et plus globalement toutes les personnes et organisations qui se sentent concernées par cette situation, à se mobiliser pour obtenir la libération de M. !
Pour dénoncer l’enfermement et la menace d’expulsion de M., les conditions de rétention des CRA et l’entrave aux soins, les pratiques de la PAF et la criminalisation des personnes sans-papiers, nous appelons à un rassemblement le mercredi 20 Mars à 17h
(lieu à venir)
Contact : solidaritefemmesrue@proton.me
Signataires : Collectif Solidarité entre femmes à la rue,
[1] voir les témoignages recueillis par la Cimade : https://www.lacimade.org/category/temoignage/