Déni de soins, mitard, violences policières, conditions d’hygiène… Témoignage de Yassine, prisonnier au CRA de Lyon-Saint-Exupéry

Bonjour, je m’appelle Yassine. Je témoigne sur le CRA de Saint-Exupéry. On est pas bien ici. C’est sale, c’est dégueulasse. Le nettoyage c’est pas bien. Les chambres elles sont sales. Ils ont montré que le nouveau bâtiment à la télé. Quand vous êtes venu·es [les journalistes] ils ont montré que le nouveau bâtiment (*). le quartier jaune, le quartier orange, le quartier bleu, ils ont pas montré. ils sont tout sales, dégueulasses, ils ont montré le bâtiment qui les arrange. Les autres bâtiments où on dort ils sont tout sales, les murs ils sont sales, c’est n’importe quoi. ils ont montré que le bâtiment qui les arrange. même l’infirmerie, le mur il était jaune, ils ont dit « ah il faut qu’on fasse la peinture blanche parce que la couleur elle est pas bien ». ils ont montré que le bâtiment neuf. voilà. les autres bâtiments ils les ont pas montrés, les bâtiments où on dort. on est mal ici, on est maltraités, on est pas bien, on est pas libres. normalement on peut aller où on veut. Au Maroc les Français ils viennent sans visa, et nous ils nous expulsent, ils nous renvoient au bled, ils nous renvoient au Maroc, normal, tranquille, comme ils veulent. c’est pas juste ça. j’ai toute ma famille ici, toute ma famille en France, j’ai personne au Maroc. ça fait 8 ans que je suis en France.

– ça fait combien de temps que t’es ici ?
ça fait un mois et 22 jours. Je suis passé au tribunal. J’ai toute ma famille ici en France. Mes parents, mes frères, mes sœurs, toute ma famille. J’ai même pas un membre au Maroc. Et ils veulent m’expulser au Maroc. y’a pas la décision du tribunal pour m’envoyer au Maroc. Et là ils veulent me faire le test pour m’expulser. Y’a pas la décision, ça c’est pas juste. J’ai toute ma famille ici. Je vais faire quoi au Maroc moi ? Le CRA c’est sale. C’est comme des racistes, leur police des frontières là, c’est comme des racistes. on est maltraités, on est pas bien, voilà. C’est de la merde ici. Mon ami il est à côté de moi il me dit c’est de la merde.

– les policiers tu dis qu’ils sont racistes? ils font quoi, ils sont violents avec vous, ils vous insultent…?
ouais ils gueulent la nuit pour montrer les cartes. Ils viennent, ils nous mettent des coups de pieds pour nous réveiller. pour nous réveiller ils nous mettent des coups de pied, c’est pas normal. c’est pas la liberté, c’est pas l’égalité ça. ils nous traitent comme des étrangers de merde, voilà.

– mais pourquoi ils veulent vous réveiller la nuit?
parce que la nuit ils viennent compter les gens. Ils comptent les gens.

– c’est quoi la carte qu’ils vous demandent?
ils donnent une carte, y’a ton nom, ta vie, tout, ta date de naissance… comme une carte d’identité. ça se passe mal, on est pas bien, même la bouffe qu’ils ramènent c’est périmé, elle est gonflée, on mange de la bouffe périmée, c’est pas bien.

– et vous avez des visites ? ils vous laissent faire des visites ?
les visites normalement ils ferment la porte, là ils laissent la porte ouverte, ils nous surveillent, pour qu’on rentre rien. ils nous surveillent, ils nous fouillent. ils nous laissent pas faire la visite tranquille. Mon pote il a un ami, ils le laissent pas faire la visite.

– pourquoi ils le laissent pas?
parce qu’il a parlé mal avec un policier, ils l’ont mis au mitard.

– dès qu’ils sont pas contents ils vous envoient au mitard?
quand tu parles mal ils t’envoient au mitard, c’est simple. on dort sur la ferraille, y’a pas de couvertures, y’a rien. même pas un matelas. ils te donnent même pas à manger. un jour ils m’ont emmené au mitard, ils m’ont pas donné mon traitement, ils m’ont laissé comme un chien dans la cellule.

– ils vous font rester longtemps?
24 heures. ils te donnent pas à manger, ils te laissent sur le métal, sur la ferraille.

– hier aussi tu disais qu’ils vous donnaient des médicaments?
moi je suis suivi à l’hôpital X. je prends des traitements […]. j’ai un médicament à l’extérieur, et là ici ils veulent pas me le donner. je sais pas pourquoi. ils le donnent à tout le monde et moi ils veulent pas me le donner. j’ai mal au dos à cause du travail. j’ai cher mal aux dents, ils veulent pas m’envoyer au dentiste. ils veulent pas m’envoyer au dentiste. je peux même pas manger, j’ai mal aux dents. je peux même pas manger. j’ai les dents toutes cassées.

– ils te laissent pas voir le médecin?
non y’a pas de dentiste ici.

– mais le médecin il peut pas t’aider?
il donne juste de l’ibuprofène pour le mal.

– t’as envie de parler d’autre chose?
on est pas bien ici, on est enfermés, on voit pas la famille. on est tristes. on se sent comme… on est pas comme les autres, on est pas comme vous. parce qu’on a pas les papiers, on a pas le droit de rien. on se sent pas bien, on se sent mal, on se sent cher mal mal mal. mal au cœur. on a pas le droit de travailler, on a pas le droit de rien du tout. ça fait depuis 2013 que je suis en France, ça fait 8 ans. normalement au bout de 5 ans ils donnent les papiers. ça fait 8 ans, ils veulent pas me donner les papiers.

– ce soir y’a une manifestation à Lyon pour la régularisation des sans-papiers !
d’accord, merci. on se tient au courant.

 

témoignage recueilli le 18/12/20.


(*) le 14 décembre, la sénatrice EELV du Rhône Raymonde Poncet Monge est venue « par surprise », accompagnée de journalistes, visiter le CRA de Lyon. La raison de sa visite était de « se rendre compte de la situation sanitaire du centre », et notamment vérifier que le respect des normes s’était bien « amélioré » depuis la visite d’un autre sénateur des Verts en novembre dernier. Au JT de France 3 le soir même, l’évènement a donné lieu à une véritable validation de la gestion de la crise sanitaire par les flics dans le CRA.