Témoignage de Y.

Nous diffusons ce témoignage de Y. détenu en CRA qui a été déporté depuis.

Ce témoignage a été fait en novembre en Russe et il s’agit d’une traduction. Malheureusement, nous avons perdu quelques passages entre la mauvaise qualité de l’appel et certains moments que nous n’avons pas su traduire.

Le début de la discussion manque.
Y : Ils m’ont mis avec d’autres gens qui m’ont attaqué, qui me forcent à acheter de la cocaïne. Ici, ils vendent partout de la cocaïne de la marijuana. J’ ai écrit une plainte, ils l’ont pris et n’ont rien fait de plus.
Je ne vois personne, ne rencontre personne, personne ne me parle. Il y en a un qui est venu me voir.
Je lui demande: tu peux écrire ça au directeur? il dit non. Tu peux écrire aux droits humains? Non.
Sans tramadol je peux pas, ça fait 7 jours que j’ai pas mangé parce que je peux pas aller aux toilettes parce que la douleur me rend fou. J’ai dit, demandez à mon médecin.
Ils sont venus hier et ils ont pris ma tension, ça ne va pas mais ils ont dit qu’ils ne peuvent rien faire de plus. Ils attendent que je meure. Parce que je suis un mauvais témoin: je leur dis qu’ils vendent de la drogue partout ici et ils font rien de plus. Ils cachent tout. Mon médecin leur a écrit que je suis malade et ils cachent tout.
Le médecin a écrit que je suis malade, que j’ai besoin de médicaments. J’ai tellement mal.
Je suis juste un cadavre. Ici, je suis un cadavre qui marche, c’est tout.
L : Je suis vraiment désolée pour vous, je vous soutiens… Est-ce que les médecins vous ont donné d’autre médicaments ? Ils disent qu’ils vous ont donné un générique, c’est-à-dire le même médicament mais d’une autre marque. Est-ce que c’est ça ?
Y : Je suis invalide, avant, je prenais du tramadol et ça m’aidait. J’ai des douleurs à la tête, du bruit dans l’oreille. Si on me frappe à le tête je ne le sens pas parce que la douleur est déjà tellement grande. Ils m’ont dit de boire ça j’ai dit d’accord je vais boire ce qu’ils proposent. Mais en fait la seule chose que ça me fait c’est que j’ai envie de dormir, c’est juste un somnifère ce qu’ils me donnent. Mais je peux quand même pas dormir tellement j’ai mal. Je bois ce médicaments qu’ils me donnent, mais ça fait rien. Je leur dis j’ai le nez qui saigne et, eux, tout ce qu’ils font c’est mesurer ma tension puis ils s’en vont. Ils se moquent de moi !
Je leur ai dit, écrivez à mon médecin il vous dira c’est le seul médicament qui m’aide au moins un peu. Je leur ai écrit une plainte : donnez moi le seul médicament qui m’aide ou relâchez moi. Je leur ai écrit qu’on m’a empêché de dormir toute la nuit et on a essayé de me forcer à acheter de la cocaïne. J’ai signé la feuille qui dit que je vais collaborer. Ils me donnent pas de tramadol ils veulent que j’achète de la cocaïne. Ils attendent que je meure.
J’ai une vidéo où on me menace de mort j’ai demandé à un procureur de venir voir cette vidéo et rien ils font rien. Je veux parler à un procureur, à une personne qui me poserait des questions. Je veux répondre, il y a une personne qui voulait me tuer et ici tout se vend.

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Passage du collectif au Canut Infos du lundi 4 novembre

Ce lundi 4 novembre, trois membres du collectif sont passé.es sur Canut Infos, l’emission de Radio Canut. On y parle des CRA, du rejet du référé liberté déposé par l’ordre des avocats demandant la fermeture administrive du CRA 2, de ce qui est à venir avec la circulaire Retailleau et leur projet d’une nouvelle loi immigration, et des perspectives de luttes à venir.

Notre intervention commence à 39 minutes 27, mais on recommande de tout écouter, c’est cool!

Bonne écoute!

Lien:  audioblog.arteradio.com/blog/212365/podcast/237996/canut-infos-du-lundi-4-novembre-2024

Témoignage de Mehdi au CRA 1 (25/09)

M. : Du coup peut être si y a un laisser-passer et que ma situation est publié ça me ferait plaisir. Que la personne qui va le lire va se dire « c’est un gars volontaire », tu vois ce que je veux dire ?

On a lancé l’enregistrement, du coup si tu veux un peu raconter ce qu’il se passe dans le CRA et ce que t’as envie de dire quoi, on t’écoute.

M. : Alors je vais commencer d’abord par ma situation… car ma situation… Si vous voulez je vais vous expliquer. Moi je suis issu de parents intelligents, c’est à dire d’une mère prof de philosophie dans une université en Algérie et d’un père qui est médecin. C’est à dire qu’ils m’ont bien éduqué et qui m’ont mis dans le droit chemin bien avant que je devienne mature si tu vois ce que je veux dire. Ensuite mon père est venu dans le but de développer ses compétences de diplome de médecin, c’est à dire d’avoir un équivalent du diplome de médecin français car il avait le diplome de médecin algérien. Mais sauf qu’il travaillait ici en tant que médecin interne car malheureusement il fallait passer ses concours pour pouvoir avoir le numéro avec lequel il peut exécuter dans les hopitaux normaux malheureusement. Je crois que c’est ce mois-ci d’ailleurs qu’il va avoir les résultats d’après ce qu’il m’a dit. Et moi ensuite je me suis inspiré de mon père, déjà depuis tout petit je m’inspire de lui, je le vois il est avec sa petite blouse et moi c’est quelque chose que j’aime bien. D’ailleurs je me suis inspiré de lui et je me suis orienté vers cette formation de services à la personne, parce qu’apparement en France il manque du personnel… Et quand j’entends à la télé, qu’il manque du personnel dans un hôpital ou dans un service, qu’ils vont fermer tout le service totalement, ils vont affecter le médecin aux urgences. D’apres ce que j’ai vu hein … C’est un exemple d’un député qui l’a cité sur CNews, si vous voulez la source, je l’ai entendu sur CNews. Apparement quand il manque un médecin dans un hôpital, c’est à dire dans un service, ils vont être obligés de fermer tout le service, d’affecter un médecin aux urgences, c’est à dire qu’il va y avoir des lits vides et le médecin il va se retrouver aux urgences tout seul, à accueillir tout le monde et il manque du personnel. Il y aura un médecin urgentiste pour… ça dépend si c’est une métropole, pour plus de 300 000 habitants. Ca dépend l’endroit. J’ai entendu ça tout à l’heure. Et c’est un métier en tension et moi malheureusement, certes j’ai fait des conneries et j’ai payé pour ces conneries là, et si je les ai faites c’était tout simplement j’étais dans la nécessité. Et pour mes papiers, j’avais carrément préparé un dossier pour que je puisse parler et répondre à Monsieur le préfet en train de m’attaquer, mais il avait pas de quoi m’attaquer car j’avais tous les éléments. Y avait que sur mon incarcération qu’il pouvait m’attaquer. 

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L’anticra fait son anti-rentrée!

Samedi 5 octobre 2024 de 16h30 à 1h30, évènement d’infos et de soutien aux luttes contre les CRA au Grrrnd Zero (60 av de Bohlen, Vaulx-en-Velin)

Lyon Anticra, c’est un collectif de soutien aux prisonnièr·xs des centres de rétention administrative de Lyon et de lutte pour la fermeture de tous les centres de rétention (les prisons où l’État enferme les personnes sans-papiers pour les expulser). Il y a deux CRA à Lyon, près de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry. Plus de 2000 personnes y sont emprisonnées chaque année et subissent une répression très violente. La loi Darmanin et les décrets qui sont passés depuis n’ont fait qu’empirer cette situation, et de nombreux chantiers de nouveaux « centres » sont prévus en France.

Pour pouvoir soutenir les luttes à l’intérieur, on a besoin de savoir ce qui s’y passe, c’est pourquoi on essaye d’être le plus possible en contact téléphonique avec les gens et de leur rendre visite. Parfois on apporte des choses. Tout coûte cher dans les CRA, et avoir de l’argent est un des seuls moyens de rendre le quotidien un peu plus supportable (besoin de recharges mobiles et téléphones sans caméra pour rester en contact avec l’extérieur, nourriture, tabac, vêtements, produits d’hygiène…). Priver de ces besoins vitaux les personnes enfermées fait partie de la répression et de la violence exercées par l’État. Pour les soutenir, le soutien matériel est donc plus que nécessaire.

On publie parfois des témoignages sur notre blog et sur les réseaux, car lutter contre les CRA c’est aussi s’en parler, s’informer, diffuser et partager un maximum la parole des personnes prisonnières ou directement concernées par le risque d’arrestation, d’enfermement et d’expulsion.

On revendique la fermeture des centres de rétention, la fin de l’enfermement et des expulsions, l’ouverture des frontières et la régularisation sans conditions.

Pour tout ça nous avons besoin de monde, de soutien et de tunes ! Alors venez nombreuxses danser, chanter, manger, vous informer et papoter pour soutenir la lutte.

Programme:

17h : projection de  « Je ne sais pas où vous serez demain » d’Emmanuel Roy (2023, 1h03), un fim sur l’incompatibilité entre le soin et l’enfermement au CRA de Marseille. La projection sera suivie d’un temps d’échange autour du film et des CRA en général.
https://blogs.mediapart.fr/cinema-du-reel/blog/280323/entretien-avec-emmanuel-roy-realisateur-de-je-ne-sais-pas-ou-vous-serez-demain

A partir de 19h30 : repas prix libre par nos camarades de Rouille Tambouille

20h : ball room de Lyon

22h30 : Djsets:
-Mimi géniale
-Djinn Arezki

Entrée prix libre, pas de CB

On a aussi besoin de bénévoles pour l’évènement, écrivez-nous!

A bas les CRA
A bas les frontières
Soutien à toustes les prisonnièr·xs

 

SAMEDI 1ER JUIN 13H GUILLOTIERE – LYON – Manifestation contre l’Europe forteresse et pour un monde sans frontières

Contre les politiques européennes de gestion de la migration, l’enfermement, les frontières, les politiques néocoloniales, le racisme systémique.

À travers toute l’Europe, les États cherchent à renforcer leurs frontières. Cette logique répond aux intérêts impérialistes et néo-coloniaux des pays européens. Concrétement, la politique raciste et xénophobe menée à l’échelle européenne se traduit par des législations et des pratiques mortifères : systématisation à l’échelle européenne des refoulements, déploiement de dispositifs « anti-migrants » le long des frontières et littoraux (murs et clôtures), canons sonores, barrages flottants, barbelés à lames de rasoir, conditionnement de l’aide au développement à la lutte contre les migrations, criminalisation du sauvetage civil… Cette militarisation des frontières est coordonnée par l’agence européenne FRONTEX dont le budget de près d’un milliard d’euros en fait l’agence européenne la mieux dotée. Les objectifs de FRONTEX sont clairs : rendre inaccessible l’accès à l’Europe pour celleux qui n’auraient pas les bons papiers. Les voies de migration sont toujours plus surveillées, plus violentes, plus dangereuses et plus meurtrières. L’Europe et ses Etats membres assassinent en toute impunité : c’est plusieurs millers de personnes qui sont tuées chaque année au nom de la protection des frontières, dans l’indifférence quasi générale. 

En plus de faire de l’Europe, une forteresse infranchissable, les États membres de l’Union européenne votent des lois répressives et néocoloniales qui rendent la vie impossible aux personnes exilées, racisées et/ou qui n’ont pas les bons papiers sur « leur territoire ». 

Les Centres de Rétention Administrative (CRA) sont un des éléments-clés de ce système raciste et servent à enfermer et réprimer les personnes qui n’ont pas les « bons » papiers. En 2022, le nombre de places d’enfermement pour la région Auvergne-Rhône-Alpes est passé de 140 à 280 avec l’ouverture d’un deuxième CRA à Lyon. En france, la loi Darmanin votée en 2024 va intensifier la répression contre les personnes immigrées /sans-papiers en facilitant les arrestations, l’enfermement et les expulsions. Cette politique raciste ne sera pas applicable sans plus de moyens pour enfermer et remplir les objectifs repressifs de l’Etat. Darmanin a annoncé la construction d’une dizaine de CRA dans les années à venir, faisant passer les capacités d’enfermement de 1500 à 3000 places.  Il y a déjà 25 CRA en France et dans les territoires d’outre-mer qui enferment plus de 50 000 personnes par an, dont 3349 enfants en 2023.

À l’intérieur des CRA et depuis qu’ils existent, les prisonnièr·es luttent pour leur liberté, pour faire entendre leur voix au dehors des murs. De l’extérieur, les luttes et les solidarités se construisent pour enrayer ces politiques de terreur. 

Continuons de soutenir toutes les personnes enfermées et de lutter contre les politiques migratoires meurtières nationales et européennes !

On se retrouve le samedi 1er juin, à 13h au métro Guillotière (place Gabriel Péri) pour une journée de mobilisation contre la criminalisation de la migration et des personnes sans-papiers, racisé·es et/ou immigré·es ; contre les politique européennes de gestion de la migration, l’enfermement, les frontières et leur militarisation, les politiques néocoloniales, le racisme systémique.

Pour la liberté de circulation et d’installation !
À bas les frontières !
À bas Frontex !
À bas les CRA !

Contre le business de l’enfermement et les centres de rétention, en mai, fais ce qu’il te plaît !

Partage d’un article paru sur Paris-luttes.infos

Contres les frontières et l’enfermement, nous appelons à un mois d’actions décentralisées et autonomes contre le business des Centres de rétentions administrative (CRA).
Nous invitons toustes celleux qui se reconnaissent dans cet appel à attaquer à leur manière les cibles de leur choix !

À travers toute l’Europe, les États cherchent à renforcer leurs frontières. Cette logique répond aux intérêts impérialistes et néo-coloniaux des pays européens. Les Centres de Rétention Administrative (CRA) sont un des élément-clés de ce système raciste et servent à enfermer les personnes qui n’ont pas les « bons » papiers.

En france, la loi Darmanin votée en 2024 va intensifier la répression contre les personnes immigrées / sans papiers en facilitant les arrestations, l’enfermement et les expulsions. Cette politique raciste ne sera pas applicable sans plus de moyens pour enfermer et remplir leurs objectifs repressifs. L’État prévoit de construire 10 nouveaux CRA dans les années à venir, faisant passer les capacités d’enfermement de 1500 à 3000 places.

À l’intérieur des CRA et depuis qu’ils existent, les prisonnièr·es luttent pour leur liberté, pour faire entendre leur voix au dehors des murs. De l’extérieur, les luttes et les solidarités se construisent pour enrayer ces politiques de terreur. Intensifions-les !

Nous appelons en mai à un mois d’actions décentralisées et autonomes contre le business des CRA. Nous invitons toustes celleux qui se reconnaissent dans cet appel à attaquer à leur manière les cibles de leur choix.

Et les cibles, c’est pas ça qui manque !
Derrière les constructions de CRA, il y a tout un tas de profiteur·euses qui bénéficient de ce business et rendent ces lois applicables :

  • les entreprises qui font du business : boîtes de BTP, d’architectes, compagnies aériennes…
  • celleux qui servent de caution humanitaire à l’enfermement  : avocat·es, associations et organismes qui interviennent dans les CRA, unités médicales et de restauration…
  • les secteurs publics qui servent les intérêts racistes de l’État  : police, justice, administrations…

En appelant à agir « Contre le business de la construction et de la gestion des CRA », c’est contre la logique même d’enfermement et de privation de liberté que nous luttons. Car à travers les différentes formes qu’il prend (taules, CRA, hôpitaux psychiatriques…), l’enfermement est toujours un instrument de l’État pour protéger l’ordre établi, et il cible souvent les mêmes groupes de personnes, que ce soit parce qu’iels n’ont pas les bons papiers ou parce qu’iels enfreignent des lois racistes et anti-pauvres, de toute façon faites contre elleux.

Nous ne réclamons pas seulement la liberté pour les prisonnier·es en CRA qui n’auraient « rien fait de mal » en opposition avec d’autres type de prisonnier·es : nous voulons la liberté pour toustes et la fin de cet ordre raciste. CRA et prisons sont les 2 faces d’une même pièce et se renforcent mutuellement. Les sanctions pénales sont de plus en plus la cause de l’enfermement en CRA, cette position clairement assumée est mise en avant par Darmanin : 27% des personnes enfermées en CRA sortaient de prison en 2022, contre 8% en 2017. Les placements en CRA pour « menace à l’ordre publique » ont également été multipliés.

Lutter contre les CRA, c’est donc bien lutter contre les frontières mais aussi contre le système judiciaro-carcéral raciste. Soutenir les prisonnier.es des CRA c’est soutenir tout.es les prisonnier·es.

Contre le business de la construction et de la gestion des CRA,
Contre les boîtes collabos et les institutions racistes,

En mai, fais ce qu’il te plaît !

Harcèlement policier au CRA de Lyon : témoignage de A., prisonnier dans un des CRA de Lyon-Saint-Exupéry

– Si tu veux, tu peux commencer par me raconter comment ça se passe en ce moment au CRA ? 

En ce moment, il y a que des provocations, ça provoque, même si t’as rien fait. C’est pour te mettre en isolement, pour te faire des problèmes, pour donner un nouveau regard vers toi. Les gens ne te regardent plus pareil, ils te voient, ils ne te respectent pas. Si t’es pas poli, ils cherchent la petite bête pour te faire galérer ici. Tu fais un truc de travers avec quelqu’un, tu l’énerves, tu l’insultes, tu fais un truc de travers bah ça va te niquer ta rétention. Pendant que t’es là, tu seras pas à l’aise.

– L’isolement c’est 24h, c’est ça ?

Des fois, quand tu fais un truc un peu grave, comme une dégradation d’établissement, tu casses un truc, ils te mettent 24h. Si tu devais sortir l’après-midi, bah ils vont te faire une prolongation de 24h encore, ça fait 48h, ils ont pas le droit de faire ça.

– Quand tu parles de dégradations, c’est quoi ?

Tu casses une porte… la dernière fois moi j’ai arraché un détecteur de fumée, j’ai fini pendant 48h en isolement. À part ça, je me suis fait tabasser, ils m’ont écrasé la tête avec leurs pieds, avec les mains, ils m’ont écrasés les mains avec les pieds, ils m’ont bloqué.

– C’était pendant l’isolement qu’ils ont fait ça ?

Oui, parce qu’il n’y a pas de caméras et c’est les caméras portables, ils les allument quand ils veulent et les éteignent quand ils veulent. Du coup, ils rentrent dedans. Une fois, tu fais une faute, tu réagis une fois, tu tapes la porte, même une fois, ils vont venir, ils reviennent avec des grosses ceintures, ils vont t’attacher avec, t’attacher les pieds, le bassin et les mains. Tu peux plus bouger pendant 3 h.

– Quand tu disais qu’ils essayent de te provoquer pour te mettre en isolement. Tu as des exemples de ce qu’ils peuvent faire pour vous faire réagir ?

Il y a des coins où il n’y a pas de caméras, les gendarmes passent et ils profitent. Par exemple, la dernière fois, l’autre, il me dit « P’tit chien », l’autre, il me dit « Je vais coucher avec ta copine quand elle vient, et je vais prendre son numéro au parloir ». Ça provoque. « Nique ta mère », des insultes, des trucs qui te font péter un câble et tu deviens incontrôlable. À la fin, tu vas l’insulter, tu vas ouvrir ta bouche, il va t’envoyer en isolement, après il va voir le plus gradé ici et il va lui dire « Ouais, celui-là, il m’a fait ça, ça et ça ». Et même quand il raconte ce qu’il s’est passé au plus gradé, au commandant, au colonel, tu vas lui raconter ce qu’il s’est passé et il va te dire « Ah non mes gendarmes font pas ça ! ». Tes gendarmes, excuse moi monsieur, mais la dernière fois, ils m’ont attaché là où ils n’ont pas le droit d’utiliser leurs caméras. Ils m’ont attachés après que j’ai fais le fou pendant 40mn, ils ont galéré à m’attacher. Une fois, j’étais attaché, ils commencent à me mettre des tartes, ils m’ont fait péter un plomb. À la fin, ils viennent, ils se mettent à 10 derrière moi, et il y en a un qui a fait une photo. C’est du foutage de gueule en fait. Quand c’est pas le ramadan, il y a les 3 repas par jour, mais ils te ramènent les repas congelés, le pain tu peux pas le couper, ils les mettent au frigo, ils te donnent pas un repas chaud. Des chips, j’sais pas quoi, des petits trucs, pour pas que tu fasses un malaise.

– La dernière fois, tu m’avais raconté qu’ils mettent des trucs pour vous shooter dans la nourriture ?

Oui. Dans les barquettes, tu vois qu’il y a un trou, il y a des gouttes sur les côtés. Quand je fais le ramadan, je mange pas, là je me sens en forme plus que quand je mange le soir. Je ramène les sacs à manger, je mange, et je sais pas comment expliquer, j’arrive pas à trop marcher à trop bouger, t’as la flemme de faire tout, tu te sens shooté, tout le temps, tu bugues, tu colles sur des trucs pour rien en fait. Pour les médicaments, tu demandes un traitement pour n’importe quel truc, ça te donne une bonne dose, même quand tu prends ces médicaments ça shoote. Tu vas voir l’infirmière pour un traitement d’angoisse ou de stress, tu te retrouves shooté.

– Ça se passe comment quand tu demandes de voir des infirmières ?

Des fois, avec de la chance, la première fois, tu demandes, ça peut être dans un jour. Mais c’est un coup, ils t’appellent pas. J’ai fait la demande il y a 3 jours, mais j’ai pas vu l’infirmière.

– Sans explications ? Ils te disent pas quand tu pourras la voir ?

J’ai demandé à voir un médecin, je suis resté une semaine avec les douleurs. C’est des trucs de ouf en fait.

– Et comment ça se passe quand tu vois une infirmière? comment ils traitent?

Bah en fait ils rigolent, ils parlent gentiment devant toi mais même eux ils sont contre nous. On sait pas ce qu’il se passe. Ils te donnent un truc, même si t’es pas content et que tu retournes la voir pour lui dire « ouais ça sert à rien ça, faut changer, faut faire un truc », ils s’en foutent. Pareil, ils font ce qu’ils veulent. [inaudible]. Dans la zone, ici, c’est la dèche… on va dire que c’est la jungle ici. Des portes cassées… les toilettes elles ont pas de porte, tu mets un drap… les chauffages y en a qui marchent pas. Y a un téléphone dans la zone, il est fait pour contacter des avocats, Forum et… pour faire pleins de trucs… pareil il marche pas. Le téléphone.. bah.. comment je vous explique…  y a un téléphone accroché au milieu de la zone, c’est pour tout le monde. Il marche pas. Ils ont pas le droit de laisser les téléphones comme ça. Des fois.. ils font le nettoyage, ils viennent, ils font le nettoyage et ils laissent même pas des sacs-poubelle pour mettre à l’extérieur… y a pas de sac-poubelle des fois. C’est rare qu’ils mettent des sacs-poubelle… du coup tu sors tu marches dans le couloir et tu trouves des sacs-poubelle à côté des chambres… Ici, c’est invivable en fait.

– Et… est-ce que avec le Ramadan ça pose des complications niveau repas et tout? 

Bah la plupart ici c’est des musulmans. Ca veut dire quoi? Ca veut dire ils mangent pas la viande si elle est pas halal. Déjà ils nous ramènent la viande pas halal. Normalement c’est automatiquement pour les gens qui font pas le Ramadan. Tu le ramènes direct, tu mets pas dans notre sac… pour les gens qui font Ramadan, pour les musulmans par exemple. Mais eux ils s’en foutent et ils cherchent pas à savoir c’est qui qui le fait ou c’est qui qui le fait pas. Et les trucs cuits à la vapeur, y a des bonnes doses de médicaments dedans pour shooter. Des fois tu ramènes 6/7 barquettes, on va dire ah bah [inaudible]. Dessert, entrée et plat principal. C’est un coup tu vas manger juste le dessert. L’entrée et le plat à la poubelle. Des fois les 3, tu peux pas les manger, inmangeables. 

– Inmangeables parce qu’y a des trucs pour vous shooter? 

Non, à part ça, c’est degueu. C’est de la bouffe cuite à la vapeur. Y a pas d’épices dedans, pas de sel. Y a rien du tout. Du coup c’est dégueu et y a des repas ça passe pas. 

– Et du coup vous mangez surtout les trucs qu’on vous ramène?

Oui, on vit avec des madeleines, du Coca, des petits trucs… pour qu’on meure pas. C’est tout. Et c’est comme ça.

– ils t’ont déjà envoyé combien de fois en isolement depuis que t’es là? 

Bah là ça va faire 2 mois que je suis là et je suis allé 9 fois en isolement. Et la plupart du temps je vais en isolement le jour de mes visites, le jour où y a quelqu’un qui va me poser un truc… 

– Ah ouais… et est-ce que t’as l’impression que ça s’empire au fur et à mesure des isolements? Est-ce qu’ils deviennent plus durs envers toi comme ils te connaissent? 

Exactement. Même la dame de Forum elle comprend pas ce qu’il se passe. Comme par hasard le jour de la visite… C’est fait exprès. 

– Et ils t’ont même emmené en hôpital psychiatrique tu m’avais dit? 

Non, j’avais pas dit qu’ils m’avaient emmené en HP. 

– Ah ok, ils avaient utilisé des sangles c’est ça? 

Ouais mais ils m’ont dit si tu continues comme ça tu vas finir en psychiatrie. Alors que je suis normal comme tout le monde… 

– Et c’est toujours les mêmes qui te provoquent ?  

Chaque 30 jours, chaque 45 jours ça change. Ils changent de groupe. 

– Et quel genre d’autres menaces ils te font ? Là ils disaient qu’ils pouvaient t’amener en HP, est-ce qu’il y a d’autres trucs qui te menacent pour te faire peur? 

« Tu vas retourner en prison si tu continues », alors que je fais rien de grave. « Tu vas finir en prison comme t’es venu, et après tu vas retourner ici ». La plupart des gens quand ils sortent de prison, on les ramène ici. 

– Est-ce qu’y a autres choses dont t’as envie de nous parler? De ce qu’il se passe dans le CRA en ce moment ou dans les deux derniers mois? 

Y a encore des trucs mais désolé je peux pas vous le dire, je préfère le garder pour moi. 

– Ok, ouais, pas de souci. 

Du coup ça sera tout.

– Ok ça marche, merci beaucoup.

 

témoignage du 9 avril 2024.