Place nette: le nettoyage social raciste à l’oeuvre

Sous la « propreté » et la « sécurité », le racisme

Depuis le dernier trimestre de 2023, des opérations de police nommées « Place Nette »  se déroulent dans des quartiers populaires dans toute la France, à l’initiative de Darmanin. Ces dispositifs déploient des centaines de flics dans l’espace public pour contrôler le plus de personnes possible. Toutes les personnes contrôlées qui n’ont pas de situation administrative régulière sur le territoire sont raflées. Ces opérations concernent de nombreux quartiers de villes moyennes ou grandes sur l’ensemble du territoire : Nîmes, Valence, Garge-lès-Gonesse, Poitiers, Tours, Villeurbanne, Marseille, Nantes, Lyon… Dans la plupart des cas, il s’agit de quartiers liés de pleins de manières à l’histoire de l’immigration.

A travers ces dispositifs, l’Etat prétend lutter contre le trafic de drogue et l’insécurité dans les quartiers :  « Les opérations « place nette » sont réalisées en priorité sur les secteurs difficiles des grandes agglomérations. (…) pour démanteler et empêcher les trafiquants de se réimplanter en portant un coup d’arrêt durable par une action durable. Elles visent à remettre de la sécurité, de la sérénité et de l’ordre public partout où cela est nécessaire. » Ces mots du ministère de l’intérieur sont d’une grande violence et exposent au grand jour les objectifs de la police : il s’agit bel et bien d’actions coup de poing (des descentes de police pour rafler les personnes sans-papiers et pour contrôler les personnes racisées), sans travail de fond sur la réalité sociale de ces quartiers. En effet les résultats mis en avant ne parlent que de chiffres : interpellations, kilos de drogues, de véhicules et d’armes saisies. Ces chiffres ont vocation à effrayer, ces opérations veulent légitimer et nous habituer à la présence policière toujours plus nombreuse et brutale dans les rues. 

Les enjeux de ces opérations sont avant tout racistes et coloniaux : celles-ci ont surtout pour but de contrôler des populations bien précises dans des territoires visés (les fameux « secteurs difficiles », qui sont en réalité les zones délaissées par les politiques publiques depuis toujours). La prétendue « insécurité » que voudrait combattre le ministère de l’intérieur n’est que le reflet des violences systémiques exercées sur les habitant.es majoritairement non blanches et issues de l’immigration de ces quartiers.

 On perçoit bien dans l’appellation de ces opérations le regard que l’Etat pose sur les quartiers populaires : des espaces « sales«  à « nettoyer ». Une rhétorique particulièrement dangereuse, qui une fois de plus stigmatise et déshumanise les personnes qui y vivent. En 2005, Nicolas Sarkozy parlait des cités comme d’endroits à « nettoyer au Kärcher ». Les propos de Darmanin s’inscrivent dans cette lignée : sous ses envies de « propreté » se cache une volonté xénophobe et raciste de réprimer toujours plus les habitant.es des quartiers populaires, désignées comme la cause de tous les maux de la société. Cette rhétorique vient bien rappeller que certaines personnes sont considérées comme « indésirables » parce qu’elles sont pauvres, qu’elles n’ont pas de statut administratif reconnu par l‘Etat, qu’elles doivent pratiquer des activités criminalisées pour survivre, ou qu’elles sont étrangères. 

Le lundi 18 mars 2024, lors d’une visite surprise à Marseille, Macron a annoncé la mise en place des « opérations Place Nette XXL« : « elle[s] mobiliser[ont] de très nombreux policiers sur toute la ville pendant plusieurs semaines. 750 policiers et gendarmes ont investi les quartiers sensibles de la ville et notamment la cité de la Castellane« . Il s’agit de : « frapper plus fort, plus longtemps, plus intensément ». La première opération a déjà commencé à Marseille, mais à terme, plusieurs dizaines de villes seront concernées par ces places nettes XXL.

En région lyonnaise, c’est d’abord le quartier du Tonkin de Villeurbanne qui a été la cible de cette répression policière, à la demande du ministre de l’Intérieur, sous l’autorité de la Préfète de Région Auvergne-Rhône-Alpes Fabienne Buccio et du Procureur de République de Lyon. Un énorme dispositif policier a été déployé : 250 officers de police judiciaire, secondés par une unité du RAID, la CRS 83 et la Police Aux Frontières. Le vendredi 22 mars, Gérald Darmanin a de nouveau annoncé une « brigade de sécurité » qui sera déployée au Tonkin (concrètement 12 policiers en plus qui patrouilleront le quartier), ainsi qu’un budget de 500 000 euros dédié à l’installation de 50 caméras de surveillance dans ce quartier de Villeurbanne. Depuis la fin du mois de novembre, il y a aussi eu des opérations sur la place Mazagran dans le quartier de la Guillotière

La complicité des sociétés KEOLIS et la SYTRAL, les entreprises opérant la direction des transports en commun lyonnais, a permis des contrôles d’identité massif dans les transports. Quand on est sans-papiers, même prendre le bus devient dangereux. 

Les opérations place nette représentent toujours plus d’argent public alloué à la répression, la violence et la brutalité policière, alors que l’on nous répète que l’Etat n’a pas d’argent pour lutter contre le mal-logement, la précarité, autant de problèmes de fond qui ne trouveront jamais de solution tant qu’on misera sur le tout-répressif à l’égard des plus précaires. Résultat de ces opérations :  aucun moyen mis en place pour l’amélioration des conditions de vie de la population, mais des saisies de drogues et des interpellations. Ces interpellations conduisent des personnes à l’enfermement en Centre de rétention administrative ou en prison, pour trafic illicite, ou bien pour séjour « illégal«  sur le territoire. Les CRA sont un rouage de ces processus de répression et renforcent le lien établi par le pouvoir entre criminalité et populations pauvres et d’origine étrangère.  Les personnes y sont enfermées pour être expulsées, mais aussi dans le seul but de leur faire subir la violence inhérente à l’enfermement.L’enfermement a toujours pour but de stigmatiser, réprimer et humilier.

Nous dénonçons les opérations place nette, leur violence raciste, la répression, et nous dénonçons tous les dispositifs policiers qui conduisent à l’enfermement des personnes.

À bas la police
à bas les Cra 
à bas les frontières 
Soutien à toustes les prisonnièr.es