Témoignage de personnes enfermées au CRA 1 de Lyon (22 avril 2025)

– Bonjour. tu veux qu’on témoigne de quoi ?

– Nous on est un collectif qui essaie de faire savoir ce qui se passe dans les centres de rétention et du coup si y a des choses que vous avez envie de raconter comment ça se passe, on enregistre et on publie.

– On est une vingtaine de personnes, on est enfermés dans une cage à oiseaux, voilà tout simplement. On manque de sucre, on est en manque d’alimentation, voilà. Et d’autres choses.
il y a des jours où le repas ça va on va dire que c’est satisfaisant, il y a des jours c’est médiocre voil,. il y a des jours on dort avec le ventre noué, on a faim, on est là, on mange des clopes. On a pas de sucre, pas assez de sucre. on est 21, chacun son cas, chacun sa situation. On est là, des africains, des tunisiens, des marocain,s des algériens, Tchad, Gitan, Guinéens… Si vous voulez je vous passe un gitan qui est là. Moi je sais pas, les gitans, moi j’ai grandi ici j’ai appris que les gitans ils étaient ancestrals, qu’il y ait un gitan en centre de rétention… un autre qui a eu deux fois sorti de séjour. des gens qui ont des enfants ici qui sont en centre de rétention. Voilà y a pas de violeurs, y a pas de criminels. moi je vois que des gens avec des droits, des affaires en commun. ya des entrepreneurs, si ils viendraient des prendre des gens ici, ça serait… Voilà, chacun il a un métier, chacun il a un talent, on a le temps pour voir ça quoi. Des talents cachés, comme des talents qu’on voit tout de suite. Voilà. Maintenant je vous passe si vous voulez bien une deuxième personne.

– Bonjour. Moi en fait je suis gitan j’ai pas envie de dire mon nom et tout ça, mais en fait il y a deux trois choses ici que je suis pas d’accord. En fait, comment dire… je suis ici je suis malade, j’ai une plaque au pied, j’ai même pas l’assitance pour ça et j’ai un problème à la colonne vertébrale et j’ai même pas l’assistance pour ça. Quand je dis que j’ai mal ils font pas les analyses correctes, ils me donnent que des médicaments, il fait rien d’autre. mais vasy c’est pas grave ça. Il y a des autres trucs que j’aime pas ici, par exemple ici c’est vraiment sale. Il y a même pas de l’eau chaude, on a même pas ça. La chasse se tire pas. Il fait froid. Les portes, on a des cellules qui ont même pas de portes. On est est vraiment traités comme des animaux. Le chauffage, il y a beaucoup de cellules où ça fonctionne pas. Après il y a ça que, on est même pas en prison, on a même pas droit à accéder à internet, je trouve pas la logique. Moi j’ai fait de la prison, je suis d’accord qu’en prison on a pas le droit d’accèder à internet. mais ici on n’est pas en prison! C’est quoi ça? on va retourner dans notre pays? C’est quoi ça ? c’est la france ou c’est une prison? je comprend pas en fait. Vas y je vais passer à une autre personne qui parle mieux le français.

– Bonjour, Comme ils ont dit mes amis là, mes voisins. Il faut que vous veniez ici et que vous regardiez tout ça en face.

– quelqu’un d’autre : ils peuvent pas venir! c’est interdit, ils laissent personne rentrer constater, filmer. il y a que eux qui ont le droit de nous filmer, tu vois pas? ils ont tout le temps des caméras sur eux les gendarmes. n’importe qui peut venir ici ?? c’est mort, ils vont pas le laisser rentrer.

– je te passe le collègue.

– bonjour. je m’appelle .., je suis algérien. alors on parle de quoi ? ma situation là?
ya un petit truc pour jouer le tennis là, comment ça s’appelle… le ping pong. ya pas les raquettes, ya rien. ya la mosquée, on fait la prière. mais les barres fixes pour faire le sport.. j’étais bien en forme franchement la première fois que je suis rentré, mais maintenant je suis fragile franchement à cause du manger. Manger froid, chaud, dans le plastique, des repas congelés, en conserve… t’as compris? bah c’est ça. médicalement, par exemple moi j’ai une ordonnance dehors que m’a donnée mon médecin spécialiste à l’hôpital, il m’a donné un traitement. quand je suis rentré là, j’ai demandé mon traitement, ils m’ont dit non, ils ont changé mon traitement. pour y comprendre quelque chose… c’est des choses de fou ici.

– quelqu’un d’autre : par exemple ils vont te donner un calmant, c’est pas ton calmant. et après tu fais des bêtises. après coup ils l’ont pris, ils ont dit lui c’est une menace, nanani nanana, ils l’ont marqué dans les papiers. t’as tout compris ? c’est ça. ya des gendarmes qui font leur travail exactement. mais le chef, le capitaine, c’est le capitaine qui normalement a une grosse tête, pour que ça marche avec ses collègues et tout.

– tu veux dire qu’avec la police, yen a avec qui ça se passe bien et d’autres avec qui ça se passe pas bien?

– pour le moment ça va un peu. mais il manque des choses. les gendarmes ils sont bons, mais il manque beaucoup de choses. de la connexion par exemple, un ballon, des barres fixes pour faire le sport..

– et avec Forum Réfugiés ça se passe comment?

– Forum la première fois que je suis venu j’ai dit pourquoi t’es là c’est quoi ton travail, il m’a dit « au cas où tu as besoin, tes papiers et tout nanani, moi je suis là ». j’ai dit c’est bon! c’est à dire moi maintenant quand j’ai besoin des papiers, je suis parti au Forum. le Forum pour les papiers, pas plus! Forum ça va, ils sont bien.
il y a le psychologue. moi j’ai parlé avec le psychologue, je lui ai dit la dernière fois, ben il faut un journal par exemple pour qu’on parle, on passe à la télé, je sais pas moi. moi il me reste 15 jours je sors. mais ya des gens qui restaient dehors qui sont venus là et après ça commence à mal. juste la bagarre, des fois la bagarre, des fois nani, des fois nana, machin.. les vols.. mais là pour le moment comme par exemple ils ont ramené des choses qui passaient pas, ya pas comme ça, ya pas comme ça, ils créent des problèmes dans les chambres, et tout. allez je vais te dire quoi, bonne journée, je vais te passer quelqu’un d’autre.

– j’ai pas envie de m’exprimer c’est bon !

– mais non mais ya pas ton nom dedans !

– je sais mais…

– oui bah.. voilà quoi. on vous a passé le nécessaire.

– et toi tu voulais redire quelque chose même si t’avais déjà témoigné la dernière fois?

– bah ouais pourquoi pas. moi j’ai des trucs à dire. moi ça fait 24 ans que je suis là. ma mère est française. ils sont là, ils mélangent tout le monde à cause des trucs des algériens tout ça, que les algériens ils défient l’état, ils veulent pas les expulser. ils veulent pas les expulser. à cause de ça ils menacent tout le monde dans le même sac. et puis voilà, les conditions ici c’est sale, les chiottes ça fuit, la douche c’est le calcaire, c’est pas ça, on mange mal, quand ya des parloirs c’est que des gâteaux, on est en manque de sucre, franchement.. ils nous aident pas franchement.

– quelqu’un d’autre : on est dans le droit normalement !

– on est dans le droit normalement. on est comme tous les êtres humains mais ils nous rejettent ici comme des.. comme un système des rejetés de l’état. les médicaments, t’as mal à la tête ya que des dolipranes, t’es malade ya que des dolipranes. moi ya 2 jours ils m’ont donné des médicaments, je vous jure hier j’ai failli.. j’ai fini aux urgences. j’ai fini aux urgences, j’ai failli mourir hier ici.

– comment ça ? t’es allé à l’hôpital ?

– ouais j’ai fini à l’hôpital. j’étais malade, avant-hier je pars voir le médecin il me donne des médicaments, toute la nuit toute la journée je dors. hier je me lève la journée, à partir de 11 h j’arrivais plus à respirer, toute ma langue elle a enflé, j’ai fini aux urgences, j’ai dormi là bas. ils m’ont ramené ce matin exactement. ils m’ont ramené ce matin des urgences, ils m’ont dit quoi ? « c’est rien ». à peine quand j’étais arrivé sur la route ça a recommencé. je sais pas moi. j’ai failli mourir, j’ai failli mourir de ces 24 heures, à cause de ces conditions. ils te ramènent aux urgences, ils te disent rien, ils te donnent des médicaments..

– ils t’ont rien dit sur ce qu’il s’est passé ?

– ils m’ont même pas ausculté. ils m’ont même pas pris ma tension, rien du tout. ils m’ont dit « ouais ça va, tu vas y aller ». je sais pas moi, si cette nuit je dors je peux pas me réveiller!? t’as vu ? on sait pas qu’est-ce qu’il se passe!

– mais le médecin du CRA tu l’as vu? il a dit quoi?

– bah il m’a dit ouais « ça va tu vas mieux déjà ». il m’a donné des vieux médicaments qu’il m’a donnés ici. je sais pas c’est quoi le titre.. il m’a donné ces médicaments, je les ai pris ce matin et on verra. pour l’instant j’ai rien, mais j’espère pas que ça va me faire ça dans la nuit quand tout le monde il dort. parce que la nuit quand ils dorment eux, t’appelles t’appelles, ils t’oublient. ils t’oublient franchement.

– mais tu sais c’est quoi le nom du médicament qui t’a rendu malade ?

– non je sais pas c’est quoi. Même le médecin, on lui a dit « ouais c’est à cause de vous je suis parti la veille parce que vous m’avez donné des médicaments » même lui il sait pas c’est quoi.

– ok… et toi quand t’étais dehors tu prenais déjà des médicaments comme ça ou c’est la première fois ?

– je prenais aucun médicament moi. le seul médicament c’est que je fumais la cigarette tout ça, sinon je fumais pas. je fais rien du tout, je me drogue pas à la drogue dure. je suis pas en manque d’un truc, je sais pas. Je suis normal, depuis toujours, comme tout le monde.

– les autres derrière : on est comme tout le monde! voilà!

– et aussi tu m’avais dit que la semaine dernière il y avait quelqu’un d’autre qui avait été hospitalisé ?

– ben ouais ben il y a que ça ici . Hier ya un collègue à moi aussi qui jouait au foot. Hier il s’est explosé toute la jambe, ils l’ont pas ramené. la journée s’est passée, il a vomi partout, ils lui ont donné des doliparanes et puis c’est tout. il lui ont dit « t’as rien du tout » il a la jambé pétée le pauvre il peut même pas bouger.
En fait c’est un abattoir ici franchement. C’est un abattoir.

– Et tu m’avais aussi parlé d’une autre personne qui a failli mourir récemment…

– Un comorien ouais… lui aussi il a pris des médicaments il a failli mourir. ils l’ont réanimé tout ça ils l’ont ramené à l’hopital le lendemain il est revenu ils ont dit « il a rien du tout ».

– et là il est avec vous ?

– Là il est là mais pas dans la même zone que nous.
Dans d’autres centres dans d’autres CRA les téléphones ils captent les caméras, les vidéos. T’as le droit d’utiliser whatsapp, parler avec tes proches nanani. ici tu peux pas. Tu peux pas. il y a pas de distributeur, on a même pas de micro-onde pour chauffer l’eau, on a rien du tout, franchement on a rien.

– et toi ils t’ont donné un vol la semaine dernière ?

– ouais, ouais.

– Et t’as pu refuser ?

– j’ai refusé ce vol, j’ai refusé. parce que moi ils ont assassiné mon père là-bas en Afrique. c’était un sous prefet. j’ai fait la guerre. Je suis arrivé ici… ça veut dire… j’ai vu son décès devant moi, ça m’a traumatisé. jusqu’à mes 17 ans j’étais un turbulent, je faisais que de la merde. et ben à cause de ça depuis mes 17 ans ils ont pris toutes mes conneries quand j’étais mineur, ils m’ont dit quoi que j’étais un trouble public, une menace publique. Alors qu’il y a des violeurs, des pointeurs ils sont là. ils violent les enfants, des petits enfants et ils sortent. eux ils sont bien vus en France, c’est ça que je comprends pas. Les violeurs ils sont bien vus, nous ils nous font passer comme des criminels. Laisse tomber, franchement, laisse tomber. c’est vraiemnt honteux.
C’est qu’à Lyon ils font ça, tu vas à Paris, c’est pas comme ça, à Marseille c’est pas comme ça, il y a que ici à Lyon.

– tu penses que c’est le pire CRA ici ?

– ouais c’est le pire, franchement moi je suis parti à Rennes c’était pas commme ça. Je suis parti en 2017 à Rennes c’était pas comme ça. Maintenant ici franchement, c’est le pire des pires.

– Mais toi normalement tu devais pas avoir de laisser-passer non ?

– Ouais ben ils me l’ont donné le laisser passer ! j’ai eu un vol.

– ouais ils te l’ont donné même si c’est trop la merde là bas quoi.

– ouais et ben là j’attends le JLD et puis on verra quoi qu’est-ce qui va se passer. franchement voilà c’est tout ce que j’ai à dire. et c’est bon.

– est-ce que quelqu’un d’autre veut rajouter qq chose ?

– il y a personne non, ya personne d’autre.

– merci beaucoup d’avoir partagé tout ça. on va le publier, on va l’envoyer au maximum de gens possible pour qu’ils entendent parler de comment c’est horrible là-bas.

Témoignage de L., enfermé depuis plus de 75 jours au CRA 1 de Lyon

L.: Bonjour je m’appelle L., je viens d’arriver.. Ca fait une vingtaine d’années que je suis en France, ma mère elle a la nationalité française. Je sors de prison, je me retrouve ici, ils veulent m’expulser.. J’ai pas compris, ils mélangent tout le monde, ils me traitent comme si j’étais un sans papier alors que j’ai fait mes études ici, j’ai travaillé. J’ai été jusqu’ en BEP deuxième année, voilà quoi. L’hygiène elle est pas bien, on nous parle comme des sauvages, comme des animaux. Ils te réveillent toutes les secondes, c’est sale. Les avocats essayent de rien comprendre, tu leur dis bonjour ils te mettent 30 jours, le juge : au revoir 45 jours. C’est la merde. Ils sont pas avec nous, ils sont pas compréhensifs, c’est pas ça la liberté, c’est.. c’est pas comme ça. Franchement, il faudrait faire un truc.. On a pas le droit d’avoir des tels avec des caméra, rien du tout..
Tu disais que toi c’était pas la première fois que t’étais au CRA ?
L. : J’ai été là-bas en 2017, je suis sorti. C’était pas comme ça, ils m’avaient mis une OQTF et ils m’ont sauté l’OQTF. Mais là c’est.. Quand tu sors d’ici ils te mettent l’assignation à domicile, après tu dois signer, tu dois signer, des fois c’est 40 jours et ça se trouve des fois le dernier jour que tu signes ils te ramènent encore ici [au CRA].. En fait t’es pas libre quoi.
Et en 2017, t’étais pas au CRA de Lyon ? 
L. : Nan j’étais dans l’ouest, c’était mieux déjà dans l’ouest.
Ah ouais,  qu’est-ce que tu vois comme différence avec Lyon ?
L. : Là bas les juges sont compréhensifs, ils écoutent. J’ai fait un mois là bas, ils ont vu un vice de procédure. Ca fait longtemps que je suis venu en France, j’ai pas le droit de.. je dois pas être là ici, ils m’ont libéré. Mais à Lyon, laisse tomber à Lyon, ils comprennent pas, ils s’en foutent. Ce qu’ils veulent comprendre c’est t’as le vol t’as le vol, c’est tout.
– La dernière fois tu me parlais de violences psychologiques?
L.: Ils te réveillent à 6-7 heures, ils appellent y’a une [inaudible] psychologique, après ils viennent pour le ménage alors tu dois faire le ménage. Ils mettent 4 balais pour le faire.. Même en prison t’es mieux, t’es mieux ils ont pas [inaudible] pour moi. Les gens ils pètent les plombs en plus en plein mois de Ramadan comme ça c’est pas sain.
Depuis que t’es là les équipes elles ont changées? Tu vois des différences?
L. : Franchement ils ont changés l’équipe depuis hier, il y a rien qui change. La première équipe, elle était plus cool, plus compréhensive, mais là ils viennent de Perpignan, ils veulent rien comprendre. En plus ils ont niqués des mecs. Pour cogner des gens,[inaudible] pas compréhensifs. On est là dans la merde, on mange pas, on mange des surgelés.. C’est psychologique, c’est pas sain. On a pas le droit de se faire ramener de la bouffe, rien du tout.. Moi je sors de prison même là bas c’était 5 étoiles. Je te jure j’avais tout. Là je comprend rien, les bouffes surgelées, comme j‘ai travaille en cuisine je sais c’est quoi ça. Ils mettent dans des barquettes et voilà hein..  Psychologiquement j’en peux plus moi, il faut faire un truc. [Inaudible]
Tiens mon collègue il va témoigner aussi.
Ok toi tu veux dire un dernier truc?
L. : Non j’ai rien d’autre à dire franchement. C’est pas sain, ils nous font que de la merde, psychologiquement on a plus le moral on a plus rien. Moi je suis sorti de 2 ans de prison j’ai même pas vu ma mère, ils veulent rien comprendre. Là ça va j’ai appelé le consulat pour pas qu’ils leur donne des laisser passer mais voilà, laisse tomber..
– A Lyon toi en plus tu connais personne, t’es hyper isolé non?
L : Ben oui ils ont fait exprès, je connais personne. J’ai pas de famille, j’ai personne. Moi ils m’ont dit quoi quand je suis passé au tribunal ? j’ai envoyé la quittance de loyer, j’ai envoyé les papiers de ma mère, j’ai envoyé les fiches de paie. J’ai tout envoyé, mais ils veulent pas, ils m’ont dit non. Parce que quand ils m’ont arrêté j’étais à Annemasse, ils savent pas où je dors, nanani je sais pas.
– Toi t’avais demandé une assignation à résidence chez ta mère en région parisienne et à ton JLD ils ont dit non.
L : Ma mère ouais.. Et ils m’ont dit non, ils ont dit non parce qu‘ »on vous a attrapé dans une ville à la frontière« , j’ai dit « Donc vous m’avez attrapé dans une ville à la frontière mais j’ai payé moi ma dette t’as vu. Normalement je sors, normalement vous m’accordez ça. Là ils commence à te sortir ce que t’as fait dans ta jeunesse, .. Ils sont là que pour t’enfoncer en fait, ils t’enfoncent.
A ton prochain JLD tu penses que ton avocat pourra redemander l’assignation?
L : Bah oui bah oui, sinon ma mère elle va déménager, elle va être dans le Nord. J’vais demander dans le Nord c’est mieux, comme ça il y a pas de galère. En soi j’ai pas le choix, je suis arrivé qu’avec ma mère ici moi ils ont assassiné mon père, j’étais tout petit. Ils l’ont assassiné devant mes yeux j’avais 8-9 ans et voilà ma mère m’a ramené ici. J’ai que ma mère.. J’ai que ma mère, j’ai personne d’autre moi ici. Mon pays de naissance, en Afrique Centrale, j‘y étais en 2012 ils ont voulu de m’assassiner ils m’ont empoisonné là bas, je peux pas y aller là bas moi.  C’est la guerre, tout ça. Mais ils mélangent tout là avec l’Ukraine, qu’est ce qui se passe, ils veulent expulser tout le monde mais je comprends plus rien. Je comprends plus rien.. Alors que tu vois l’équipe de France il y a que des noirs, tu... Vas comprendre. Il y a des noirs, des algériens, des marocains, des mélangés. En fait j’sais pas je comprend rien c’est un pays de facho. C’est devenu facho ici. Ils comprennent plus ils sont là « Bonjour » et ils te mettent 30 jours. Ils nous traitent comme des animaux.. Eh vas y c’est trop.. Franchement c’est trop. C’est des trucs tu pètes les plombs, tu sors dehors tu deviens fou. En fait il faut être fort mentalement, si t’es pas fort c’est mort. Wallah c’est mort si t’es pas fort. Je vous passe mon collège après au pire vous me reprenez.
–  Merci beaucoup
L : Ouais c’est normal, c’est normal et merci vous aussi parce que vous êtes compréhensifs. On est à l’abandon ici franchement. Je vous passe mon collègue.

Témoignage de J., enfermé depuis plus de 30 jours au CRA 1 de Lyon

J. : Oui bonjour, ça va? 
– Salut ça va et toi?
J. : Non ça va pas, ça fait un mois ils nous traitent comme des chiens. Vous imaginez pas comment c’est la vie dedans. Par terre c’est sale, on a pas de couverture, les draps ils sont sales, il y a pas de nourriture.. C’est vraiment la merde, vous imaginez pas on vit comment ici. On a des enfants, on a des vies dehors, on a des familles, on a tout. A la fin ils ont [inaudible], ils nous traitent comme des chiens. Moi j’ai fait 1 an de prison à la fin je me trouve là.. 11 mois de prison après je finis là. On a des enfants, on a des familles, on a des maisons, on a des hébergements on a tout, mais ils veulent pas [faire d’assignations à résidence?].. Je dis à mon avocat [inaudible] j’suis encore là. C’est horrible, horrible. C’est vraiment horrible.  Chaque jour on est en train de souffrir
Ça fait combien de temps toi que t’es au CRA?
J. : Un mois, mais je peux plus. Je dors pas la nuit, je pense qu’à ma famille, je pense qu’à mes enfants. Mais vraiment c’est.. J’ai jamais [inaudible] Même en prison, c’était des vacances pour moi. Ça a rien à voir. De nourriture.. De nourriture on a pas, imaginez.. On a pas de nourriture. Nous ça va un peu on a nos familles, ils viennent nous voir des fois en parloir et tout. Mais il y a des gens vraiment ils ont pas de famille ils ont rien du tout. [inaudible]
– Tu dis ça parce qu‘aux visites ils peuvent faire passer de la bouffe aussi?
J. : La bouffe ils nous donnent de la merde. Une madeleine, et ils nous donnent quoi encore? On a le droit de rentrer par parloir trois paquets de gâteaux, et trois litres de jus ou de soda. On a pas le droit de rentrer plus. Ca veut dire moi j’habite à plus de 100km d’ici, ma famille ils viennent me voir ici pour 20 minutes, en plus ils peuvent pas poser ce qu’ils veulent. Une heure et demi de route pour poser 2 paquets de gâteaux et 2 litres de coca? C’est pour ça et t’sais ils font ça parce qu’ici il y a personne qui vient nous voir. Dedans il y a pas de caméra, ya pas de téléphone. Tu peux pas montrer à l’extérieur comment on vit ici. Ici, à l’extérieur, ils vont voir ce qu’il se passe dans les centres et tout, ils vont vrillé les gens. Jamais ils vont rentrer une caméra ici. [inaudible]
C’est grave, c’est la misère, c’est vraiment la misère. Après j’sais on parle pour rien du tout, ça va rien changer, ça va rien changer mais juste on parle. 
On essaie..
J. : Ouais mais avec ces lois, avec ces racistes là comment ça peut changer? Rien du tout. J’ai des enfants, j’ai une maison à mon nom et mon prénom, j’ai tout et à la fin je me trouve en centre de rétention? Pour quoi? Des petites conneries c’est pas grave, on est pas des terroristes ou.. C’était des petites choses, on a payé on a passé la prison et à la fin on se retrouve ici encore. Tu paies en trois fois. 
On est désolé et on essaie de diffuser pour que les gens en prennent conscience.
J. : Après les gens le savent, tout le monde sait. Tout le monde sait que c’est de la merde. Après frère ils peuvent rien faire. Ils ont pas BFMTV dit wAllah ils ont [inaudible] et tout frère. [BFM] ils sont en train de parler que de nous, que des étrangers, que des trucs comme ça, voilà. C’est grave. Moi depuis 2017 je suis en France, c’était pas comme ça. 2017,2018, 2019 rien, après ça a commencé à être la merde. 2020 ça a commencé à tout changer, oh c’est grave putain. 
– Toi t’as déjà été au CRA?
J. : C’est la première fois, j’étais en prison, j’ai fait des conneries, j’ai fait un an de prison, après je suis sorti de prison, j’ai mon avocate privée, j’ai tout et je me retrouve là. Direct transfert au CRA [en sortant], il y a ma famille devant, il y a tout, il y a la p’tite et la nourrice. Direct prison [CRA], ils ferment la porte et il y a les gendarmes ils vont me ramener là [inaudible]
Et ils ont pas accepté l’assignation à résidence avec ta femme et tes enfants ?
J. : Oui, mais ça c’est risqué. Si je leur donne mon passeport c’est trop risqué. Là ils nous prennent pour des cons ils nous disent ramenez vos passeport et tout, après si je ramène mon passeport, je me retrouve au pays direct. C’est pour ça moi j’ai pas confiance, c’est trop risqué. Avec ces lois là..  Après on a pas le choix, on est là.
C’est bon ça suffit? Vous voulez autre chose?
–  Tout ce que tu veux dire tu peux le dire
J. : On peut parler d’un autre sujet. Là on dort pas bien, on dort pas bien. Moi ça fait bientôt 13 mois que j’ai pas profité de ma fille, je suis en train de souffrir, ça fait 13 mois, je suis en train de souffrir et personne comprend. C’est vraiment grave. Là ils nous traitent comme des chiens, tu fais tout ce qu’ils veulent, comme ils veulent

Témoignage de M. enfermé à plusieurs reprises en CRA

Nous publions le témoignage de M. enfermé à deux reprises en CRA.
TW: violence physique – violences policières
A. : Est-ce que tu veux nous raconter ton parcours et comment tu es arrivé au CRA ?
M. : Oui. En fait moi je suis né en Guinée. J’ai quitté mon pays à 14 ans avec mon oncle. Ma mère est tombée malade, elle est partie dans son village natal et du coup je partais plus à l’école. Je me débrouillais en faisant de la mécanique avec mon oncle, il faisait aussi du commerce. On partait dans les pays à coté, au  Mali, au Sénégal, pour acheter des trucs. A la fin, j’étais tout gamin, il a décidé de nous faire sortir, moi je savais pas. Je l’ai suivi parce que c’était mon oncle. Il m’a dit, viens on va bouger. Je suis parti avec lui, il m’a dit on va aller acheter des affaires, des objets. Je l’ai suivi, on est passés par le Mali, après on est passés par le Niger et on est rentrés en Algérie. Mais avant tout ça sur le parcours, on a été condamné, on a vu les Touaregs comme on les appelle. Ils ont frappé mon oncle, ils l’ont torturé et il a payé. Même moi, ils m’ont un petit peu frappé vite fait. Mais comme, j’étais jeune ils m’ont laissé un petit peu. Il a payé les passeurs jusqu’à ce qu’on rentre au Maroc. Au Maroc, je lui demandais ce qu’il se passait, je savais pas où on allait. Il m’a dit qu’on allait aller en Europe pour que j’aie une vie stable, que je puisse aller à l’école, étudier et jouer au foot. J’ai dit, je sais pas, je veux retourner chez moi. Mais bon, on était dans un centre où ils font passer les gens, on était enfermés, on pouvait pas sortir de là-bas. Et moi je pouvais pas faire la route pour retourner chez moi, j’avais 14 ans. Du coup, je suis resté.  Un jour, une voiture noire est arrivée, ils nous ont mis dans la voiture et ils nous ont envoyé vers la mer. On est sortis, je vois la mer, j’ai peur, je vois les vagues et tout. J’ai dit, je monterai pas dans le zodiac. Les passeurs de là-bas, ils ont sorti des kalachnikovs, ils m’ont dit soit tu montes , soit on te tue. Mon oncle il était déjà dans le bateau. Il a dit viens vite, les flics arrivent, sinon on va te faire je sais pas quoi. J’étais obligé de monter dans le bateau, dans le zodiac. On était plus de je sais pas combien j’ai oublié. Et je suis monté. On a fait 11h-12h sur la mer. La Croix Rouge et les secours espagnols nous ont récupéré.es. Il y a eu un hélicoptère car a un moment on s’est perdu.e.s. Ils ont appelé les secours en Espagne, en Allemagne,  ils sont sortis nous chercher jusqu’à ce qu’ils nous retrouvent. Quand je suis arrivé en Espagne, ils m’ont tout de suite envoyé dans un centre pour mineur.e.s. Ils ont séparé les majeur.es d’un côté et les mineur.e.s de l’autre. Ils m’ont séparé de mon oncle, je l’ai pas revu. Ils m’ont envoyé à Bilbao. Quand j’étais à Bilbao, j’étais dans un centre pour mineur.e.s. Comme je parlais un peu français, j’ai décidé de venir en France. Avec le collègue avec qui j’étais dans le centre, on a pris la route, on est passés par Gérone , Bayonne. A Bayonne, on est restés dehors, il faisait froid. On a pris le train et on est arrivés à Paris. A Paris, je savais pas me repérer. J’ai dormi dehors et je savais rien de ce qu’il se passait. J’ai décidé de prendre le train pour être au chaud et j’ai atteri à Grenoble et de Grenoble je suis sorti à la gare et j’ai vu les flics qui m’ont expliqué un petit peu et ils m’ont montré le département pour les jeunes et je suis allé là bas et j’ai été reconnu en tant que mineur. Et y a un monsieur qui s’appelle… je vais pas dire, mais il s’est occupé vraiment de moi. J’ai passé le diplôme en langue française et j’ai eu le diplôme et du coup j’ai décidé de faire une formation en mécanique en aviation. J’ai pas trouvé d’école du coup ils m’ont affecté dans une école à Annecy en carrosserie. J’étais dans l’école, j’ai passé 2 ans en CAP, j’ai eu mon diplôme et quand j’ai fini j’ai pas trouvé de travail en carrosserie à Annecy. Du coup je suis allé à la Mission locale et là en gros ils se sont occupés de moi, ils m’ont trouvé un travail en tant que serveur. J’étais serveur là bas en CDI, j’ai travaillé pendant 4 mois, 5 mois je crois. D’un coup après à la sortie du travail, je rentrais chez moi, je me suis posé avec des collègues un petit peu et on a picolé et c’est parti en couilles, on s’est bagarrés. Les flics sont arrivés et tout de suite c’était… j’avais 19 ans, 20 ans… et tout de suite ils m’ont envoyé au tribunal. Comme j’avais un CDI ils ont pas pu me mettre en prison pour ça. Alors que c’était juste une petite bagarre, ils m’ont mis 8 mois de sursis. Là tout de suite après ça, j’ai fait juste un petit délit et ils m’ont condamné direct, ils m’ont mis en prison alors que j’avais un récepissé, demande de titre de séjour mais travailleur. J’avais un titre de séjour étudiant on va dire. Depuis 2022, ils entendaient pas parler de moi et du coup en 2024… moi je savais même pas que j’étais condamné à aller en prison… je vais à la préfecture et ils me disent que je suis en OQTF, comment ça OQTF? Ils me disent « ouais vous avez été condamné, on vous a enlevé les papiers, on peut pas renouveller donc OQTF ». Ils m’ont attrapé et ils m’ont mis en prison en 2024 là et je suis sorti parce qu’en fait j’ai ma famille en France, j’ai mes frères ici, je les ai retrouvés en France. J’ai 3 frères et une soeur. J’ai un grand frère lui, il a la nationalité française, y a l’autre il a un titre de séjour et y a l’autre aussi il a un titre de séjour. Et je suis sorti, ils m’ont assigné à résidence chez mon frère. Et là bas je me suis disputé avec mon grand frère et ils l’ont obligé à porter plainte et mon frère, il voulait pas porter plainte, la vie de moi, il était en mode c’est mon petit frère je vais pas porter plainte contre lui. Et de là bas, d’un coup je me suis retrouvé au CRA, alors que j’avais une assignation à résidence que je respectais, j’allais signer et tout et tout de suite ils ont annulé tout et mes papiers, j’ai essayé de renouveller, renouveller mais j’ai l’interdiction d’aller en administratif pour renouveller mes papiers. Et de là bas, ben je me suis retrouvé ici, au CRA. Et au CRA premier jour quand je suis rentré ils m’ont fait dormir dans une cellule en isolement, alors que moi je me suis dit, si je suis au CRA c’est pour être ramené chez moi ou être en sécurité. Ils m’ont mis à l’isolement, y avait pas le chauffage, y avait rien du tout, je suis resté dans le froid. Le lendemain ils m’ont envoyé dans une cellule sans télé, j’ai dit « comment, c’est quoi ce truc? ». En fait c’est pire que la prison, ils nous font manger des trucs pas possible qui sont périmés, les dates sont périmées. Moi j’ai fait l’école, je sais comment faire tous les trucs et tout. Et après ils m’ont changé de bloc ils m’ont envoyé dans un autre bloc. J’ai demandé ce qu’il se passe, je leur ai expliqué, ils ont rien compris, ils veulent rien savoir. Et là ils me font me réveiller le matin pour le petit-dej, mais le petit déj en fait quand ils arrivent ils ont pas le temps. Ils appellent « petit-dej ? » et en gros si tu bouges pas ils ferment. Même si tu fais grève de faim ou même si toi t’as envie de manger ils t’obligent à faire la grève de la faim. Et en gros moi j’appelle ça de la maltraitance. On a pas de droits. Y a des gens ici qui disent qu’ils nous aident mais c’est pas une aide pour nous. Après je suis passé au tribunal administratif et eux aussi ils ont confirmé les 26 jours, pour que je reste ici au CRA, pour me ramener chez moi. Et chez moi en ce moment ils peuvent pas me renvoyer parce que la Guinée donne pas de laisser-passer, parce que moi je suis Guinéen. Et normalement quand on est au CRA, c’est pour nous renvoyer chez nous. Ils m’ont privé de ma liberté pendant 90 jours, parce que pendant 90 jours j’étais assigné à résidence et la préfecture faisait son boulot pour me ramener mais ils ont pas pu. Et là ils me ramènent au CRA alors que j’ai une adresse, j’ai une attestation d’hébergement, j’ai les fiches de paie, j’ai mes fiches de paie à moi, j’ai toutes les affaires de mes parents et tout, je leur ai tout envoyé. Je suis passé en appel et cet appel aussi ils ont décidé de mettre 26 jours plus les 4 jours que j’ai fait avant de passer au tribunal, ça fait 30 jours en fait. Et là ça fait 9 jours que je suis là et je comprends pas ce qu’il se passe dans ma vie. Normalement je devrais passer au tribunal pour être libéré avec une assignation à résidence mais ils me disent quoi « monsieur on est désolés, on va renouveler ». Et voilà encore 3 mois, 90 jours. 
A. : Quand tu dis y a des gens qui vous aident à l’intérieur du CRA, tu parles de forum réfugiés? 
M. : Ouais je parle de forum réfugiés. Mais forum réfugiés aussi… je sais pas si c’est vraiment pour nous aider… si on leur demande ils peuvent pas nous expliquer comment on fait. Ils nous demandent des pièces. Ils m’ont demandé ma confirmation à la préfecture, j’ai envoyé ça, j’ai envoyé mon acte de naissance, j’ai envoyé tout ce qu’ils m’ont demandé en gros pour que je puisse prouver que j’ai eu un titre de séjour en France, que j’ai été arrêté. C’est juste que j’ai fait des trucs qui m’ont enlevé ma pièce d’identité alors qu’on va dire que j’ai risqué ma vie pour être ici, pour pouvoir vivre une meilleure vie, fonder une famille et rester dans la société, payer des impôts et tout. Et là j’ai pas de droits, ils m’ont couper mes droits. Normalement la mission locale jeunes ils me donnaient de l’argent, ils m’ont coupé tout ça. Et là j‘en sais rien, je suis enfermé, j’attends, j’attends. C’est pire que la prison en fait. Là ils m’ont coupé mes droits ils m’ont coupé tout, normalement la Mission Locale Jeunes ils me donnaient de l’argent ils ont coupé tout ça, et du coup j’en sais rien en fait bah je suis là j’attends j’attends j’attends en gros je suis enfermé et c’est pire que la prison en fait voilà moi je dis c’est pire que la prison parce que ils font péter des câbles aux gens, même si t’as mal à la tête tu peux pas aller à l’infirmerie, il faut attendre pendant je sais pas combien de temps pour qu’ils viennent te chercher et ils te disent c’est pas toi qui décide c’est nous qui décidons et je dis ouais monsieur c’est parce que vous avez l’autorité je sais que c’est vous qui décidez mais si j’ai mal j’ai envie de voir un médecin et j’ai le droit de voir un médecin j’ai le droit de voir ça mais en fait voilà et quand eux ils veulent tu le vois si ils veulent pas tu vas pas le voir et je demande à voir un psy [problème de son]. Parce qu’en fait j’suis là je te jure que en fait euh en fait on dirait je me sens un peu fou on va dire j’ai perdu l’espoir j’ai plus d’espoir j’ai mal à la tête je commence à parler tout seul et ils me matrixent vraiment et même quand on est dans la salle en train de manger alors que c’est fermé ils sont là ils nous regardent ils nous chab et tout et en fait ils nous mettent la pression tu vois même si on veut pas faire des conneries ils t’obligent à faire des conneries tu vois et après entre eux ils rigolent, ils rigolent sur nous voilà c’est ça.
A. : Ouais c’est ce que tu me disais la dernière fois qu’ils essayent de vous faire vriller pour faire des problèmes.
M. : Ouais 
A. : Et euh on est pas obligés d’en parler mais si t’as envie enfin la dernière fois qu’on avait parlé au tel tu m’avais parlé des médicaments, est-ce que t’as envie d’en parler ou pas ? On est pas obligés hein.
M. : Ouais euh j’ai pas compris tu peux répéter.
A. : Ouais euh tu me parlais que la dernière fois tu m’avais dit que ils vous donnaient des médicaments genre des anxiolytiques et tout et que toi t’en prenais pas avant de venir au CRA mais que maintenant ils t’en donnent ?
[problème de son, question répétée]
M. : Ouais ouais ouais ouais voilà ouais voilà oui oui oui bien sûr bien sûr ils m’ont donné des médicaments et j’ai demandé c’est quoi ces médicaments et eux mêmes ils peuvent pas nous expliquer c’est quoi le médicament et quand tu leur demandes ils disent ah c’est pour que tu dormes ou pour que je sais pas quoi alors que moi ces médicaments ils nous obligent à les prendre, et moi ça me dégrade, ça me dégrade parce que moi de base, je prends pas de médicaments moi, dehors je fume pas de stups et tout moi j’ai rien à foutre de tout ça, tu vois je buvais que l’alcool vite fait et je fumais juste des cigarettes pendant les soirées, je buvais l’alcool et tout mais euh ils nous donnent des médicaments eux-mêmes, ils nous disent pas c’est quoi, ils disent juste prends et bah je me sens bizarre, j’ai perdu du poids, j’ai je sais pas j’ai des hallucinations, je me vois deux on dirait y a deux personnes dans ma tête qui me disent bah suicide toi, suicide toi ou fais ça fais ça et je sais pas en fait je sais pas ce qui m’arrive.
[problème de son, question répétée]
A : Tu disais que t’étais enfin, que vous étiez obligés de les prendre les médicaments ? 
M. : Ah oui oui ils t’obligent ils t’obligent à les prendre ou ils te convainquent que ça va t’enlever du stress où je sais pas quoi, pour que tu les prennes tu vois comment? Voilà c’est ça. Alors que moi dans mon truc, moi j’ai pas de trucs de psy ou je sais pas quoi, moi j’ai pas ça. Ici ça me rappelle des moments quand j’étais tout petit. Parce qu’en gros quand je suis arrivé en France, j’avais 15 ans et demi. Du coup bah même chez moi, là où ils veulent m’envoyer, je reconnais plus parce que j’ai quitté quand j’étais jeune. J’ai plus de famille là bas, ma mère elle est morte et mon père, je sais plus où il est. Moi je connais même pas bien, je connais juste là où j’ai grandi un petit peu mais si je retourne vers là bas je vais aller où? Et mes affaires même, ils me laissent même pas avoir mes affaires, c’est vous que j’appelle pour avoir quelques trucs, pour que je puisse avoir quelques habits… Ici ils me donnent pas un truc chaud, rien du tout. Et j’ai des collègues qui me dépannent quelques trucs chauds
A : Quand ils t’ont arrêté t’étais en t-shirt et depuis t’as pas eu de pull, c’est ça que tu disais? 
M : Ouais ils m’ont arrêté en bas de chez moi, en bas de chez mon grand frère, là où j’étais assigné. J’étais en t-shirt, j’avais mon téléphone là bas, j’avais ma veste, j’avais toutes mes affaires et je voulais prendre et c’est juste à côté normalement j‘devais aller prendre mes habits, mes trucs. Et ils veulent me ramener chez moi et ça fait je sais pas combien d’années que j’habite ici en France et avec un complet de nuit que j’ai là bas pour dormir en gros… Pendant toutes ces années… Et comme ça renvoyé voilà… Et moi je vais me retrouver là-bas, je sais même pas où aller, je sais même pas quoi faire. Ils veulent niquer ma vie en fait, moi je le vois comme ça.
A : Est ce que ça te va si on arrête le témoignage ici juste pour qu’on arrête d’enregistrer mais on peut continuer à parler ?
M : Ouais on peut arrêter tout de suite l’enregistrement…
(Certains lieux ont été modifiés.)

Témoignage de Y.

Nous diffusons ce témoignage de Y. détenu en CRA qui a été déporté depuis.

Ce témoignage a été fait en novembre en Russe et il s’agit d’une traduction. Malheureusement, nous avons perdu quelques passages entre la mauvaise qualité de l’appel et certains moments que nous n’avons pas su traduire.

Le début de la discussion manque.
Y : Ils m’ont mis avec d’autres gens qui m’ont attaqué, qui me forcent à acheter de la cocaïne. Ici, ils vendent partout de la cocaïne de la marijuana. J’ ai écrit une plainte, ils l’ont pris et n’ont rien fait de plus.
Je ne vois personne, ne rencontre personne, personne ne me parle. Il y en a un qui est venu me voir.
Je lui demande: tu peux écrire ça au directeur? il dit non. Tu peux écrire aux droits humains? Non.
Sans tramadol je peux pas, ça fait 7 jours que j’ai pas mangé parce que je peux pas aller aux toilettes parce que la douleur me rend fou. J’ai dit, demandez à mon médecin.
Ils sont venus hier et ils ont pris ma tension, ça ne va pas mais ils ont dit qu’ils ne peuvent rien faire de plus. Ils attendent que je meure. Parce que je suis un mauvais témoin: je leur dis qu’ils vendent de la drogue partout ici et ils font rien de plus. Ils cachent tout. Mon médecin leur a écrit que je suis malade et ils cachent tout.
Le médecin a écrit que je suis malade, que j’ai besoin de médicaments. J’ai tellement mal.
Je suis juste un cadavre. Ici, je suis un cadavre qui marche, c’est tout.
L : Je suis vraiment désolée pour vous, je vous soutiens… Est-ce que les médecins vous ont donné d’autre médicaments ? Ils disent qu’ils vous ont donné un générique, c’est-à-dire le même médicament mais d’une autre marque. Est-ce que c’est ça ?
Y : Je suis invalide, avant, je prenais du tramadol et ça m’aidait. J’ai des douleurs à la tête, du bruit dans l’oreille. Si on me frappe à le tête je ne le sens pas parce que la douleur est déjà tellement grande. Ils m’ont dit de boire ça j’ai dit d’accord je vais boire ce qu’ils proposent. Mais en fait la seule chose que ça me fait c’est que j’ai envie de dormir, c’est juste un somnifère ce qu’ils me donnent. Mais je peux quand même pas dormir tellement j’ai mal. Je bois ce médicaments qu’ils me donnent, mais ça fait rien. Je leur dis j’ai le nez qui saigne et, eux, tout ce qu’ils font c’est mesurer ma tension puis ils s’en vont. Ils se moquent de moi !
Je leur ai dit, écrivez à mon médecin il vous dira c’est le seul médicament qui m’aide au moins un peu. Je leur ai écrit une plainte : donnez moi le seul médicament qui m’aide ou relâchez moi. Je leur ai écrit qu’on m’a empêché de dormir toute la nuit et on a essayé de me forcer à acheter de la cocaïne. J’ai signé la feuille qui dit que je vais collaborer. Ils me donnent pas de tramadol ils veulent que j’achète de la cocaïne. Ils attendent que je meure.
J’ai une vidéo où on me menace de mort j’ai demandé à un procureur de venir voir cette vidéo et rien ils font rien. Je veux parler à un procureur, à une personne qui me poserait des questions. Je veux répondre, il y a une personne qui voulait me tuer et ici tout se vend.

Continuer la lecture de « Témoignage de Y. »

Témoignage de Mehdi au CRA 1 (25/09)

M. : Du coup peut être si y a un laisser-passer et que ma situation est publié ça me ferait plaisir. Que la personne qui va le lire va se dire « c’est un gars volontaire », tu vois ce que je veux dire ?

On a lancé l’enregistrement, du coup si tu veux un peu raconter ce qu’il se passe dans le CRA et ce que t’as envie de dire quoi, on t’écoute.

M. : Alors je vais commencer d’abord par ma situation… car ma situation… Si vous voulez je vais vous expliquer. Moi je suis issu de parents intelligents, c’est à dire d’une mère prof de philosophie dans une université en Algérie et d’un père qui est médecin. C’est à dire qu’ils m’ont bien éduqué et qui m’ont mis dans le droit chemin bien avant que je devienne mature si tu vois ce que je veux dire. Ensuite mon père est venu dans le but de développer ses compétences de diplome de médecin, c’est à dire d’avoir un équivalent du diplome de médecin français car il avait le diplome de médecin algérien. Mais sauf qu’il travaillait ici en tant que médecin interne car malheureusement il fallait passer ses concours pour pouvoir avoir le numéro avec lequel il peut exécuter dans les hopitaux normaux malheureusement. Je crois que c’est ce mois-ci d’ailleurs qu’il va avoir les résultats d’après ce qu’il m’a dit. Et moi ensuite je me suis inspiré de mon père, déjà depuis tout petit je m’inspire de lui, je le vois il est avec sa petite blouse et moi c’est quelque chose que j’aime bien. D’ailleurs je me suis inspiré de lui et je me suis orienté vers cette formation de services à la personne, parce qu’apparement en France il manque du personnel… Et quand j’entends à la télé, qu’il manque du personnel dans un hôpital ou dans un service, qu’ils vont fermer tout le service totalement, ils vont affecter le médecin aux urgences. D’apres ce que j’ai vu hein … C’est un exemple d’un député qui l’a cité sur CNews, si vous voulez la source, je l’ai entendu sur CNews. Apparement quand il manque un médecin dans un hôpital, c’est à dire dans un service, ils vont être obligés de fermer tout le service, d’affecter un médecin aux urgences, c’est à dire qu’il va y avoir des lits vides et le médecin il va se retrouver aux urgences tout seul, à accueillir tout le monde et il manque du personnel. Il y aura un médecin urgentiste pour… ça dépend si c’est une métropole, pour plus de 300 000 habitants. Ca dépend l’endroit. J’ai entendu ça tout à l’heure. Et c’est un métier en tension et moi malheureusement, certes j’ai fait des conneries et j’ai payé pour ces conneries là, et si je les ai faites c’était tout simplement j’étais dans la nécessité. Et pour mes papiers, j’avais carrément préparé un dossier pour que je puisse parler et répondre à Monsieur le préfet en train de m’attaquer, mais il avait pas de quoi m’attaquer car j’avais tous les éléments. Y avait que sur mon incarcération qu’il pouvait m’attaquer. 

Continuer la lecture de « Témoignage de Mehdi au CRA 1 (25/09) »

« Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal » : la machine à expulser isole et tue

TW : suicide, violences

Au moins deux personnes retenues au CRA 1 de Lyon se sont données la mort fin 2023. 

Nous avons été mis.es au courant de ces deux suicides par notre ami H. qui vient d’être expulsé après avoir été enfermé au CRA pendant 3 mois. 

Après son transfert au CRA de Lyon mi-novembre, H a été témoin de l’évacuation du corps d’un détenu qui s’était donné la mort dans le bloc orange (le CRA est divisé en plusieurs zones de détention, appelées « blocs ») . La personne avait avalé des lames de rasoir après s’être vue annoncer un vol pour le lendemain. Elle avait déjà refusé un premier vol auparavant. 

H. nous a aussi parlé d’un autre suicide qui a eu lieu peu avant son arrivée et que les autres prisonnierxs du CRA1 lui ont rapporté : cette fois-ci dans le bloc rouge, une personne s’est pendue dans sa cellule et a été retrouvée par ses co-détenus au réveil. 

Ces morts ont été passées sous silence par l’administration du CRA et par Forum Réfugiés – l’association qui intervient au sein du CRA, censée garantir l’accès aux droits des personnes à l’intérieur.

H. nous dit : « Ca donne la haine. Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal ». 

Notre ami a la haine, nous aussi on a la haine face à ces morts qui sont loin d’être des faits isolés. Elles sont le point culminant des violences systématiques et systémiques subies par les personnes retenues dans les CRA. Chaque année, de nombreuses tentatives de suicide ont lieu dans les centres de rétention et dans toutes les prisons, sans compter les morts causées par les violences des flics, ou par manque de soins.

(voir le cas de M., tué par les flics au CRA de Vincennes en mai 2023 *1 ). 

Au CRA1 cela fait plusieurs mois que nous n’avons presque plus de contact avec l’intérieur car les cabines téléphoniques sont hors-service depuis le printemps dernier. Nous avons contacté plusieurs fois l’administration du CRA et les salarié.es de Forum Réfugiés, qui nous ont confirmé qu’il n’y avait plus de cabines en fonctionnement au centre et qu’elles ne seraient pas remises en service, soi-disant pour des motifs économiques; or, les cabines téléphoniques ne sont qu’une goutte dans le gouffre économique que sont les CRA *2. Ainsi, même le supposé droit à la communication des personnes à l’intérieur n’est pas respecté.

Cela constitue une entrave aux « droits fondamentaux«  des personnes incarcérées, qui doivent pouvoir contacter leurs proches à l’extérieur.

Aux CRA de Lyon, les détenu.es n’ont pas accès à leur téléphone personnel, et n’ont pas non plus droit à des téléphones avec caméra. Cela rend difficile (voire impossible) la diffusion de toute forme d’information sur ce qui se passe à l’intérieur du CRA, dont les images sont rares, sauf à risquer la répression des flics comme l’a fait Anis en prenant des photos en cachette *3 ou à arriver par surprise avec une équipe médiatique lorsqu’on est député.e ou sénateur.ice, malgré la résistance des flics *4.

Pourtant, les récents événements nous prouvent encore une fois que la possibilité de communiquer avec l’extérieur est primordiale et nécessaire pour que les violences subies au CRA ne soient pas tues.

Si ces informations ne nous parviennent que trois mois après les faits, c’est bien le résultat d’une volonté institutionnelle de taire la violence du système carcéral et d’empêcher toute résistance. Que ce soit en divisant les prisonnierxs entre elleux par « bloc », en les isolant de l’extérieur en construisant les CRA dans les zones aéroportuaires loin des centres villes, ou en s’attaquant à leurs moyens de communication avec l’extérieur (comme ici, au CRA 1 de Lyon), la machine à expulser met tout en oeuvre pour empêcher la vérité de sortir.

Le CRA est un lieu fermé qui invisibilise les violences : sans H. nous n’aurions jamais appris la mort de ces deux prisonnierxs anonymes. Cela nous pousse forcément à nous poser avec inquiétude la question du nombre réel de morts chaque année au sein des CRA.

Nous avons appelé Forum Réfugiés qui a commencé par nier toute tentative de suicide ou mort survenue au CRA. Nous avons insisté et iels ont fini par évoquer très rapidement une personne qui s’était donné la mort en novembre 2023. Iels nient catégoriquement qu’une deuxième personne se soit suicidée au CRA en 2023. 

Pourtant, H. est formel : il y a bien eu au moins deux suicides au CRA 1 dans les derniers mois de 2023. 

Les CRA, pourtant centraux dans la loi Darmanin et indispensables à sa mise en pratique, ne sont presque jamais évoqués et restent aujourd’hui très peu connus. Des ouvertures de nouveaux centres ainsi que l’augmentation du nombre de places sont prévues dans les prochains mois et les prochaines années, ce qui est particulièrement alarmant au vu de ce qu’on constate dans les CRA déjà existants. Il est urgent de mettre fin à cette entreprise raciste et meurtrière, et de fermer tous les centres de rétention

Nous pensons à ces deux personnes assassinées par la machine à enfermer et à expulser, et à toutes les autres victimes, ainsi qu’à leurs familles, leurs proches, leurs ami.es.

A bas les CRA !

Le collectif Lyon Anticra

1: https://abaslescra.noblogs.org/vengeance-pour-m-tue-par-les-flics-au-cra-de-vincennes-chronologie-dune-mobilisation-et-de-sa-repression/#more-3691

2 : voir ici l’analyse économique de la rétention par un salarié de la Cimade https://www.lacimade.org/publication/une-analyse-economique-de-la-retention-administrative-jean-saglio/

3 : voir témoignage Anis https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-anis-prisonnier-au-cra-2-de-lyon-saint-exupery/

4: https://www.mediapart.fr/journal/france/081123/retention-des-sans-papiers-derriere-les-barbeles-du-cra-du-futur

Pour plus d’infos :