Nouveau rassemblement pour demander la liberté pour Moustapha !

Le Collectif Solidarité Entre Femmes à la Rue organise un nouveau rassemblement pour demander la liberté pour Moustapha, ce jeudi 2 mai 2024 à 13h devant la Préfecture du Rhône, rue Dunoir. Retour ligne automatique
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Moustapha est enfermé au Centre de Rétention Administrative 1 de Lyon- Saint- Exupéry depuis le 6 mars 2024. Il est atteint de schizophrénie et son placement en CRA ainsi que la menace d’expulsion vers la Guinée le mettent en grave danger.

Moustapha suit un traitement par injectons régulières. Il est suivi pour cela par l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu depuis plusieurs mois. Son médicament n’est pas disponible en Guinée, où la Préfecture souhaite l’expulser. Il n’a personne là-bas pour l’entourer et l’accompagner dans son parcours de soins. Au contraire, sa maladie y est particulièrement stigmatisée. Ce sont précisément ces raisons qui l’avaient poussé à partir. De plus, sa détention ne permet pas la continuité et la régularité de ses soins : la possibilité de se rendre à l’hôpital pour recevoir son traitement ne dépendant que du bon vouloir de la police, sa dernière injection a eu lieu avec deux jours de retard. Si les conditions de vie au CRA sont inhumaines et génératrices de vives angoisses pour toutes les personnes retenues, les troubles psychiatriques de Moustapha sont particulièrement incompatibles avec l’enfermement.

Nous sommes très inquièt·es et constatons la dégradation de son état de santé à chaque nouvelle visite.

Nous rappelons que toute la famille de Moustapha est en France, en situation régulière, et l’accompagne dans ses soins. Moustapha a déposé une demande de titre de séjour pour « étranger malade » dont il attend la réponse, ainsi qu’un recours à la Cour Nationale du Droit d’Asile pour sa demande d’asile.

Nous avions déjà fait un rassemblement le 20 mars dernier, à l’occasion duquel nous avions été reçu·es par la préfecture, mais il n’y a toujours aucune perspective de libération pour Moustapha, même après un nouveau rassemblement qui a eu lieu le 3 avril. Pourtant la préfecture a le pouvoir d’abroger toutes les décisions administratives le concernant, en premier lieu l’OQTF dont découlent toutes les autres décisions. Nous le rappelons : Moustapha n’est pas une personne dangereuse, c’est une personne malade, qui a besoin de soins. Le soin et l’enfermement sont incompatibles.

Début mai, Moustapha passera de nouveau devant le Juge des Libertés et de la Détention, qui décidera de prolonger ou non sa rétention au CRA. Pour exiger sa libération immédiate ainsi que la levée de son OQTF, au nom de la protection contre l’éloignement pour raison de santé et droit au séjour comme membre de famille d’un citoyen de L’UE ayant droit au séjour en France,
et face à l’urgence de la situation,

nous appelons à un rassemblement le jeudi 2 mai 2024 à 13h devant la Préfecture du Rhône, rue Dunoir. Retour ligne automatique
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N’hésitez pas à faire circuler l’appel dans vos réseaux !

tract à récupérer ici :

Liberté pour M

Contre le business de l’enfermement et les centres de rétention, en mai, fais ce qu’il te plaît !

Partage d’un article paru sur Paris-luttes.infos

Contres les frontières et l’enfermement, nous appelons à un mois d’actions décentralisées et autonomes contre le business des Centres de rétentions administrative (CRA).
Nous invitons toustes celleux qui se reconnaissent dans cet appel à attaquer à leur manière les cibles de leur choix !

À travers toute l’Europe, les États cherchent à renforcer leurs frontières. Cette logique répond aux intérêts impérialistes et néo-coloniaux des pays européens. Les Centres de Rétention Administrative (CRA) sont un des élément-clés de ce système raciste et servent à enfermer les personnes qui n’ont pas les « bons » papiers.

En france, la loi Darmanin votée en 2024 va intensifier la répression contre les personnes immigrées / sans papiers en facilitant les arrestations, l’enfermement et les expulsions. Cette politique raciste ne sera pas applicable sans plus de moyens pour enfermer et remplir leurs objectifs repressifs. L’État prévoit de construire 10 nouveaux CRA dans les années à venir, faisant passer les capacités d’enfermement de 1500 à 3000 places.

À l’intérieur des CRA et depuis qu’ils existent, les prisonnièr·es luttent pour leur liberté, pour faire entendre leur voix au dehors des murs. De l’extérieur, les luttes et les solidarités se construisent pour enrayer ces politiques de terreur. Intensifions-les !

Nous appelons en mai à un mois d’actions décentralisées et autonomes contre le business des CRA. Nous invitons toustes celleux qui se reconnaissent dans cet appel à attaquer à leur manière les cibles de leur choix.

Et les cibles, c’est pas ça qui manque !
Derrière les constructions de CRA, il y a tout un tas de profiteur·euses qui bénéficient de ce business et rendent ces lois applicables :

  • les entreprises qui font du business : boîtes de BTP, d’architectes, compagnies aériennes…
  • celleux qui servent de caution humanitaire à l’enfermement  : avocat·es, associations et organismes qui interviennent dans les CRA, unités médicales et de restauration…
  • les secteurs publics qui servent les intérêts racistes de l’État  : police, justice, administrations…

En appelant à agir « Contre le business de la construction et de la gestion des CRA », c’est contre la logique même d’enfermement et de privation de liberté que nous luttons. Car à travers les différentes formes qu’il prend (taules, CRA, hôpitaux psychiatriques…), l’enfermement est toujours un instrument de l’État pour protéger l’ordre établi, et il cible souvent les mêmes groupes de personnes, que ce soit parce qu’iels n’ont pas les bons papiers ou parce qu’iels enfreignent des lois racistes et anti-pauvres, de toute façon faites contre elleux.

Nous ne réclamons pas seulement la liberté pour les prisonnier·es en CRA qui n’auraient « rien fait de mal » en opposition avec d’autres type de prisonnier·es : nous voulons la liberté pour toustes et la fin de cet ordre raciste. CRA et prisons sont les 2 faces d’une même pièce et se renforcent mutuellement. Les sanctions pénales sont de plus en plus la cause de l’enfermement en CRA, cette position clairement assumée est mise en avant par Darmanin : 27% des personnes enfermées en CRA sortaient de prison en 2022, contre 8% en 2017. Les placements en CRA pour « menace à l’ordre publique » ont également été multipliés.

Lutter contre les CRA, c’est donc bien lutter contre les frontières mais aussi contre le système judiciaro-carcéral raciste. Soutenir les prisonnier.es des CRA c’est soutenir tout.es les prisonnier·es.

Contre le business de la construction et de la gestion des CRA,
Contre les boîtes collabos et les institutions racistes,

En mai, fais ce qu’il te plaît !

Harcèlement policier au CRA de Lyon : témoignage de A., prisonnier dans un des CRA de Lyon-Saint-Exupéry

– Si tu veux, tu peux commencer par me raconter comment ça se passe en ce moment au CRA ? 

En ce moment, il y a que des provocations, ça provoque, même si t’as rien fait. C’est pour te mettre en isolement, pour te faire des problèmes, pour donner un nouveau regard vers toi. Les gens ne te regardent plus pareil, ils te voient, ils ne te respectent pas. Si t’es pas poli, ils cherchent la petite bête pour te faire galérer ici. Tu fais un truc de travers avec quelqu’un, tu l’énerves, tu l’insultes, tu fais un truc de travers bah ça va te niquer ta rétention. Pendant que t’es là, tu seras pas à l’aise.

– L’isolement c’est 24h, c’est ça ?

Des fois, quand tu fais un truc un peu grave, comme une dégradation d’établissement, tu casses un truc, ils te mettent 24h. Si tu devais sortir l’après-midi, bah ils vont te faire une prolongation de 24h encore, ça fait 48h, ils ont pas le droit de faire ça.

– Quand tu parles de dégradations, c’est quoi ?

Tu casses une porte… la dernière fois moi j’ai arraché un détecteur de fumée, j’ai fini pendant 48h en isolement. À part ça, je me suis fait tabasser, ils m’ont écrasé la tête avec leurs pieds, avec les mains, ils m’ont écrasés les mains avec les pieds, ils m’ont bloqué.

– C’était pendant l’isolement qu’ils ont fait ça ?

Oui, parce qu’il n’y a pas de caméras et c’est les caméras portables, ils les allument quand ils veulent et les éteignent quand ils veulent. Du coup, ils rentrent dedans. Une fois, tu fais une faute, tu réagis une fois, tu tapes la porte, même une fois, ils vont venir, ils reviennent avec des grosses ceintures, ils vont t’attacher avec, t’attacher les pieds, le bassin et les mains. Tu peux plus bouger pendant 3 h.

– Quand tu disais qu’ils essayent de te provoquer pour te mettre en isolement. Tu as des exemples de ce qu’ils peuvent faire pour vous faire réagir ?

Il y a des coins où il n’y a pas de caméras, les gendarmes passent et ils profitent. Par exemple, la dernière fois, l’autre, il me dit « P’tit chien », l’autre, il me dit « Je vais coucher avec ta copine quand elle vient, et je vais prendre son numéro au parloir ». Ça provoque. « Nique ta mère », des insultes, des trucs qui te font péter un câble et tu deviens incontrôlable. À la fin, tu vas l’insulter, tu vas ouvrir ta bouche, il va t’envoyer en isolement, après il va voir le plus gradé ici et il va lui dire « Ouais, celui-là, il m’a fait ça, ça et ça ». Et même quand il raconte ce qu’il s’est passé au plus gradé, au commandant, au colonel, tu vas lui raconter ce qu’il s’est passé et il va te dire « Ah non mes gendarmes font pas ça ! ». Tes gendarmes, excuse moi monsieur, mais la dernière fois, ils m’ont attaché là où ils n’ont pas le droit d’utiliser leurs caméras. Ils m’ont attachés après que j’ai fais le fou pendant 40mn, ils ont galéré à m’attacher. Une fois, j’étais attaché, ils commencent à me mettre des tartes, ils m’ont fait péter un plomb. À la fin, ils viennent, ils se mettent à 10 derrière moi, et il y en a un qui a fait une photo. C’est du foutage de gueule en fait. Quand c’est pas le ramadan, il y a les 3 repas par jour, mais ils te ramènent les repas congelés, le pain tu peux pas le couper, ils les mettent au frigo, ils te donnent pas un repas chaud. Des chips, j’sais pas quoi, des petits trucs, pour pas que tu fasses un malaise.

– La dernière fois, tu m’avais raconté qu’ils mettent des trucs pour vous shooter dans la nourriture ?

Oui. Dans les barquettes, tu vois qu’il y a un trou, il y a des gouttes sur les côtés. Quand je fais le ramadan, je mange pas, là je me sens en forme plus que quand je mange le soir. Je ramène les sacs à manger, je mange, et je sais pas comment expliquer, j’arrive pas à trop marcher à trop bouger, t’as la flemme de faire tout, tu te sens shooté, tout le temps, tu bugues, tu colles sur des trucs pour rien en fait. Pour les médicaments, tu demandes un traitement pour n’importe quel truc, ça te donne une bonne dose, même quand tu prends ces médicaments ça shoote. Tu vas voir l’infirmière pour un traitement d’angoisse ou de stress, tu te retrouves shooté.

– Ça se passe comment quand tu demandes de voir des infirmières ?

Des fois, avec de la chance, la première fois, tu demandes, ça peut être dans un jour. Mais c’est un coup, ils t’appellent pas. J’ai fait la demande il y a 3 jours, mais j’ai pas vu l’infirmière.

– Sans explications ? Ils te disent pas quand tu pourras la voir ?

J’ai demandé à voir un médecin, je suis resté une semaine avec les douleurs. C’est des trucs de ouf en fait.

– Et comment ça se passe quand tu vois une infirmière? comment ils traitent?

Bah en fait ils rigolent, ils parlent gentiment devant toi mais même eux ils sont contre nous. On sait pas ce qu’il se passe. Ils te donnent un truc, même si t’es pas content et que tu retournes la voir pour lui dire « ouais ça sert à rien ça, faut changer, faut faire un truc », ils s’en foutent. Pareil, ils font ce qu’ils veulent. [inaudible]. Dans la zone, ici, c’est la dèche… on va dire que c’est la jungle ici. Des portes cassées… les toilettes elles ont pas de porte, tu mets un drap… les chauffages y en a qui marchent pas. Y a un téléphone dans la zone, il est fait pour contacter des avocats, Forum et… pour faire pleins de trucs… pareil il marche pas. Le téléphone.. bah.. comment je vous explique…  y a un téléphone accroché au milieu de la zone, c’est pour tout le monde. Il marche pas. Ils ont pas le droit de laisser les téléphones comme ça. Des fois.. ils font le nettoyage, ils viennent, ils font le nettoyage et ils laissent même pas des sacs-poubelle pour mettre à l’extérieur… y a pas de sac-poubelle des fois. C’est rare qu’ils mettent des sacs-poubelle… du coup tu sors tu marches dans le couloir et tu trouves des sacs-poubelle à côté des chambres… Ici, c’est invivable en fait.

– Et… est-ce que avec le Ramadan ça pose des complications niveau repas et tout? 

Bah la plupart ici c’est des musulmans. Ca veut dire quoi? Ca veut dire ils mangent pas la viande si elle est pas halal. Déjà ils nous ramènent la viande pas halal. Normalement c’est automatiquement pour les gens qui font pas le Ramadan. Tu le ramènes direct, tu mets pas dans notre sac… pour les gens qui font Ramadan, pour les musulmans par exemple. Mais eux ils s’en foutent et ils cherchent pas à savoir c’est qui qui le fait ou c’est qui qui le fait pas. Et les trucs cuits à la vapeur, y a des bonnes doses de médicaments dedans pour shooter. Des fois tu ramènes 6/7 barquettes, on va dire ah bah [inaudible]. Dessert, entrée et plat principal. C’est un coup tu vas manger juste le dessert. L’entrée et le plat à la poubelle. Des fois les 3, tu peux pas les manger, inmangeables. 

– Inmangeables parce qu’y a des trucs pour vous shooter? 

Non, à part ça, c’est degueu. C’est de la bouffe cuite à la vapeur. Y a pas d’épices dedans, pas de sel. Y a rien du tout. Du coup c’est dégueu et y a des repas ça passe pas. 

– Et du coup vous mangez surtout les trucs qu’on vous ramène?

Oui, on vit avec des madeleines, du Coca, des petits trucs… pour qu’on meure pas. C’est tout. Et c’est comme ça.

– ils t’ont déjà envoyé combien de fois en isolement depuis que t’es là? 

Bah là ça va faire 2 mois que je suis là et je suis allé 9 fois en isolement. Et la plupart du temps je vais en isolement le jour de mes visites, le jour où y a quelqu’un qui va me poser un truc… 

– Ah ouais… et est-ce que t’as l’impression que ça s’empire au fur et à mesure des isolements? Est-ce qu’ils deviennent plus durs envers toi comme ils te connaissent? 

Exactement. Même la dame de Forum elle comprend pas ce qu’il se passe. Comme par hasard le jour de la visite… C’est fait exprès. 

– Et ils t’ont même emmené en hôpital psychiatrique tu m’avais dit? 

Non, j’avais pas dit qu’ils m’avaient emmené en HP. 

– Ah ok, ils avaient utilisé des sangles c’est ça? 

Ouais mais ils m’ont dit si tu continues comme ça tu vas finir en psychiatrie. Alors que je suis normal comme tout le monde… 

– Et c’est toujours les mêmes qui te provoquent ?  

Chaque 30 jours, chaque 45 jours ça change. Ils changent de groupe. 

– Et quel genre d’autres menaces ils te font ? Là ils disaient qu’ils pouvaient t’amener en HP, est-ce qu’il y a d’autres trucs qui te menacent pour te faire peur? 

« Tu vas retourner en prison si tu continues », alors que je fais rien de grave. « Tu vas finir en prison comme t’es venu, et après tu vas retourner ici ». La plupart des gens quand ils sortent de prison, on les ramène ici. 

– Est-ce qu’y a autres choses dont t’as envie de nous parler? De ce qu’il se passe dans le CRA en ce moment ou dans les deux derniers mois? 

Y a encore des trucs mais désolé je peux pas vous le dire, je préfère le garder pour moi. 

– Ok, ouais, pas de souci. 

Du coup ça sera tout.

– Ok ça marche, merci beaucoup.

 

témoignage du 9 avril 2024.

Place nette: le nettoyage social raciste à l’oeuvre

Sous la « propreté » et la « sécurité », le racisme

Depuis le dernier trimestre de 2023, des opérations de police nommées « Place Nette »  se déroulent dans des quartiers populaires dans toute la France, à l’initiative de Darmanin. Ces dispositifs déploient des centaines de flics dans l’espace public pour contrôler le plus de personnes possible. Toutes les personnes contrôlées qui n’ont pas de situation administrative régulière sur le territoire sont raflées. Ces opérations concernent de nombreux quartiers de villes moyennes ou grandes sur l’ensemble du territoire : Nîmes, Valence, Garge-lès-Gonesse, Poitiers, Tours, Villeurbanne, Marseille, Nantes, Lyon… Dans la plupart des cas, il s’agit de quartiers liés de pleins de manières à l’histoire de l’immigration.

A travers ces dispositifs, l’Etat prétend lutter contre le trafic de drogue et l’insécurité dans les quartiers :  « Les opérations « place nette » sont réalisées en priorité sur les secteurs difficiles des grandes agglomérations. (…) pour démanteler et empêcher les trafiquants de se réimplanter en portant un coup d’arrêt durable par une action durable. Elles visent à remettre de la sécurité, de la sérénité et de l’ordre public partout où cela est nécessaire. » Ces mots du ministère de l’intérieur sont d’une grande violence et exposent au grand jour les objectifs de la police : il s’agit bel et bien d’actions coup de poing (des descentes de police pour rafler les personnes sans-papiers et pour contrôler les personnes racisées), sans travail de fond sur la réalité sociale de ces quartiers. En effet les résultats mis en avant ne parlent que de chiffres : interpellations, kilos de drogues, de véhicules et d’armes saisies. Ces chiffres ont vocation à effrayer, ces opérations veulent légitimer et nous habituer à la présence policière toujours plus nombreuse et brutale dans les rues. 

Les enjeux de ces opérations sont avant tout racistes et coloniaux : celles-ci ont surtout pour but de contrôler des populations bien précises dans des territoires visés (les fameux « secteurs difficiles », qui sont en réalité les zones délaissées par les politiques publiques depuis toujours). La prétendue « insécurité » que voudrait combattre le ministère de l’intérieur n’est que le reflet des violences systémiques exercées sur les habitant.es majoritairement non blanches et issues de l’immigration de ces quartiers.

 On perçoit bien dans l’appellation de ces opérations le regard que l’Etat pose sur les quartiers populaires : des espaces « sales«  à « nettoyer ». Une rhétorique particulièrement dangereuse, qui une fois de plus stigmatise et déshumanise les personnes qui y vivent. En 2005, Nicolas Sarkozy parlait des cités comme d’endroits à « nettoyer au Kärcher ». Les propos de Darmanin s’inscrivent dans cette lignée : sous ses envies de « propreté » se cache une volonté xénophobe et raciste de réprimer toujours plus les habitant.es des quartiers populaires, désignées comme la cause de tous les maux de la société. Cette rhétorique vient bien rappeller que certaines personnes sont considérées comme « indésirables » parce qu’elles sont pauvres, qu’elles n’ont pas de statut administratif reconnu par l‘Etat, qu’elles doivent pratiquer des activités criminalisées pour survivre, ou qu’elles sont étrangères. 

Le lundi 18 mars 2024, lors d’une visite surprise à Marseille, Macron a annoncé la mise en place des « opérations Place Nette XXL« : « elle[s] mobiliser[ont] de très nombreux policiers sur toute la ville pendant plusieurs semaines. 750 policiers et gendarmes ont investi les quartiers sensibles de la ville et notamment la cité de la Castellane« . Il s’agit de : « frapper plus fort, plus longtemps, plus intensément ». La première opération a déjà commencé à Marseille, mais à terme, plusieurs dizaines de villes seront concernées par ces places nettes XXL.

En région lyonnaise, c’est d’abord le quartier du Tonkin de Villeurbanne qui a été la cible de cette répression policière, à la demande du ministre de l’Intérieur, sous l’autorité de la Préfète de Région Auvergne-Rhône-Alpes Fabienne Buccio et du Procureur de République de Lyon. Un énorme dispositif policier a été déployé : 250 officers de police judiciaire, secondés par une unité du RAID, la CRS 83 et la Police Aux Frontières. Le vendredi 22 mars, Gérald Darmanin a de nouveau annoncé une « brigade de sécurité » qui sera déployée au Tonkin (concrètement 12 policiers en plus qui patrouilleront le quartier), ainsi qu’un budget de 500 000 euros dédié à l’installation de 50 caméras de surveillance dans ce quartier de Villeurbanne. Depuis la fin du mois de novembre, il y a aussi eu des opérations sur la place Mazagran dans le quartier de la Guillotière

La complicité des sociétés KEOLIS et la SYTRAL, les entreprises opérant la direction des transports en commun lyonnais, a permis des contrôles d’identité massif dans les transports. Quand on est sans-papiers, même prendre le bus devient dangereux. 

Les opérations place nette représentent toujours plus d’argent public alloué à la répression, la violence et la brutalité policière, alors que l’on nous répète que l’Etat n’a pas d’argent pour lutter contre le mal-logement, la précarité, autant de problèmes de fond qui ne trouveront jamais de solution tant qu’on misera sur le tout-répressif à l’égard des plus précaires. Résultat de ces opérations :  aucun moyen mis en place pour l’amélioration des conditions de vie de la population, mais des saisies de drogues et des interpellations. Ces interpellations conduisent des personnes à l’enfermement en Centre de rétention administrative ou en prison, pour trafic illicite, ou bien pour séjour « illégal«  sur le territoire. Les CRA sont un rouage de ces processus de répression et renforcent le lien établi par le pouvoir entre criminalité et populations pauvres et d’origine étrangère.  Les personnes y sont enfermées pour être expulsées, mais aussi dans le seul but de leur faire subir la violence inhérente à l’enfermement.L’enfermement a toujours pour but de stigmatiser, réprimer et humilier.

Nous dénonçons les opérations place nette, leur violence raciste, la répression, et nous dénonçons tous les dispositifs policiers qui conduisent à l’enfermement des personnes.

À bas la police
à bas les Cra 
à bas les frontières 
Soutien à toustes les prisonnièr.es

Assemblée publique contre les CRA et la loi Darmanin le 03 Avril à 18h à l’ECG

Rendez-vous mercredi 03 avril à partir de 18h à l’Espace Communal de la Guillotière pour s’organiser contre l’application de la loi Darmanin, les expulsions et les CRA. La discussion sera suivie d’une cantine faite par les camarades de Rouille Tambouille.

On vous propose un temps d’organisation collectif ouvert pour réfléchir ensemble à comment résister face à la dernière offensive raciste de l’Etat. Comment résister face aux effets de la loi dramanin ? Comment empêcher les expulsions ? Comment s’opposer aux nouvelles constructions de CRA ? Comment résister face au harcèlement policier ?

La discussion commencera par une courte présentation du collectif et de nos actions, suivi d’une remise en contexte (les effets de la loi darmanin, les constructions de CRA, l’opération place nette…) avant de discuter ensemble des perspectives de luttes possible.

La discussion sera suivie d’une cantine faite par les camarades de Rouille Tambouille et d’un moment festif.

On espère que cet espace d’organisation permettra de lancer des nouvelles dynamiques de mobilisation et d’organisation !

M. est en danger au CRA de Lyon alors qu’il a besoin de soins. Il risque une expulsion en Guinée où il serait encore plus en danger. Il faut le libérer immédiatement !

[Nous relayons ce communiqué du Collectif Solidarité Entre Femmes à la Rue]

      M. a 20 ans. Il grandit en Guinée, avant de rejoindre sa mère en Pologne où elle vit avec son mari et ses enfants depuis plus de 10 ans. Mais la famille subit trop de racisme et la santé de M. nécessite des soins particuliers, c’est pourquoi la famille décide de partir s’installer en France. M. souffre en effet d’une maladie mentale, pour laquelle il veut se soigner.

      Une fois en France, M. est pris en charge par l’hôpital le Vinatier puis à Saint Jean de Dieu. Fin 2023, il est arrêté par la police lors d’une crise ; considéré en situation irrégulière, il reçoit une Obligation de Quitter le Territoire, puis est hospitalisé pendant plusieurs mois. Jugé « radicalisé » sur seule base des témoignages des policiers qui ont procédé à son interpellation, il commence à être traqué par la préfecture.

     Malgré son état de santé, la Police Aux Frontières recherche M. pour le faire enfermer et expulser : début mars 2024, la PAF sollicite les soignant·es, demande d’être informée de sa présence à l’hôpital pour pouvoir l’arrêter. Le mardi 5 mars, l’accueil de l’hôpital appelle la police pour signaler la présence de M., puis son départ avec un ami en voiture ; la plaque d’immatriculation est relevée. La police aux frontières sort complètement de ses prérogatives administratives, suit M., retrouve la trace de la voiture et l’attend pour l’arrêter. En sortant de chez son ami, M. est interpellé, menotté, puis placé au centre de rétention administrative de Lyon.

     Le jeudi 7 mars, après 48 heures au CRA, M. a une première audience au tribunal pour décider de la légalité de son placement en rétention. La juge des libertés et de la détention reconnaît l’irrégularité de la procédure et le besoin de soins de M., et annule le placement en rétention. M. devrait donc être libéré. Mais le procureur fait appel, et une nouvelle audience a lieu le dimanche matin. L‘appel est rejeté et le placement en CRA de M. est définitivement maintenu pour 28 jours, au terme desquels sa rétention pourra être à nouveau prolongée, dans l’objectif de l’expulser en Guinée.

      Cette situation est extrêmement choquante et injuste. La police est allée jusqu’à traquer M. en sollicitant le personnel médical pour obtenir des informations sur lui. Au-delà des irrégularités dans la procédure démontrées par son avocate, qui suffisaient légalement à faire libérer M., les risques auxquels il est exposé en cas de prolongation de sa rétention et d’expulsion en Guinée sont réels. Sa famille est ici, sa mère a des papiers, ses frères et son beau-père sont européens, ce sont elles et eux qui prennent soin de lui. M. n’a personne en Guinée, il n’y aura pas accès aux soins dont il a besoin, il y sera en danger de mort. De plus ses proches et ses soignant·es constatent que son état de santé s’améliore grâce aux soins, des avancées mises en péril par la violence de la répression en cours.

      L’avocate a bien expliqué à l’audience que « L’arrêté de placement en rétention a été pris sans que son état de vulnérabilité n’ait été examiné par un médecin et que son état de santé ait été déclaré compatible avec la rétention. » Au CRA, « Rien ne garantit que le médecin sera là pour lui administrer ses soins le jour et l’heure imposé par la Préfecture elle-même. D’autre part la violence exercée en rétention, la violence de la privation de liberté et l’angoisse engendrés par l’ambiance du centre de rétention sont de nature à amplifier les troubles qu’il subit. »

     Or, les violences que subissent les personnes enfermées dans les CRA ne sont plus à démontrer. Elles sont dénoncées par les personnes retenues dans de nombreux témoignages mais également par des associations [1] et par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté [2]. L’accès à la santé n’y est non seulement impossible, mais surtout pas souhaité par l’État qui utilise la dégradation des conditions de santé des personnes retenues comme un moyen pour les réprimer et les contrôler. Le « soin » dans les CRA se résume au mieux aux Dolipranes, au pire à la distribution massive et inconsidérée d’anxiolytiques forts, au refus de traitement et de soins urgents. Les suicides et les tentatives de suicide y sont malheureusement fréquents.

     Cet acharnement envers M. s’inscrit dans un contexte plus large decriminalisation et de répression croissantes des personnes exilées, qui ont encore été renforcées par la loi Darmanin. Le gouvernement diffuse une propagande raciste qui vise à montrer les immigré·es et les sans-papiers, en particulier les hommes jeunes, comme des gens dangereux qu’il faut expulser. La situation de M. témoigne de la stigmatisation des hommes étrangers, qui croise celle des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

     M. n’est pas dangereux. C’est une personne malade, qui a besoin de soins, et dont la situation est aggravée par la précarité et le racisme que toute sa famille subit en France. Il est engagé dans un parcours de soins, se rend à ses rendez-vous, et veut se soigner, ce qui est courageux quand on connaît les difficultés liées aux maladies mentales. En tant que personne vulnérable ayant besoin d’un suivi médical spécifique, il est en danger au CRA de Lyon. Sa place est auprès de ses proches, avec un accès aux traitements et au suivi que nécessitent sa maladie ; pas dans un centre de rétention, ni en Guinée.

      Aujourd’hui la police et la préfecture sollicitent de plus en plus les hôpitaux, les services sociaux, les lieux d’hébergement pour arrêter les personnes en situation irrégulière, les rendant complices de la répression. Ces pratiques vont éloigner les personnes concernées de leurs espaces de soins, de vie, d’accès aux droits, les précariser, les mettre en danger. Nous appelons les soignant.es, personnels administratifs, travailleur·ses sociales, à s’opposer à ces pratiques et à ne pas collaborer.

      La mère de M. est membre du collectif Solidarité entre femmes à la rue. En plus du soutien à son fils, elle a dû se battre pour obtenir un logement, qui est un droit fondamental, tout comme le droit à la santé. Nos combats sont liés : comment se soigner lorsqu’on est à la rue, lorsqu’on est traqué·e par la police ? Nous appelons tous les soutiens du Collectif, et plus globalement toutes les personnes et organisations qui se sentent concernées par cette situation, à se mobiliser pour obtenir la libération de M. !

Pour dénoncer l’enfermement et la menace d’expulsion de M., les conditions de rétention des CRA et l’entrave aux soins, les pratiques de la PAF et la criminalisation des personnes sans-papiers, nous appelons à un rassemblement le mercredi 20 Mars à 17h

(lieu à venir)

Contact : solidaritefemmesrue@proton.me

Signataires : Collectif Solidarité entre femmes à la rue,

[1] voir les témoignages recueillis par la Cimade : https://www.lacimade.org/category/temoignage/

[2] https://www.cglpl.fr/2023/recommandations-relatives-aux-centres-de-retention-administrative-de-lyon-2-rhone-du-mesnil-amelot-seine-et-marne-de-metz-moselle-et-de-sete-herault/

« Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal » : la machine à expulser isole et tue

TW : suicide, violences

Au moins deux personnes retenues au CRA 1 de Lyon se sont données la mort fin 2023. 

Nous avons été mis.es au courant de ces deux suicides par notre ami H. qui vient d’être expulsé après avoir été enfermé au CRA pendant 3 mois. 

Après son transfert au CRA de Lyon mi-novembre, H a été témoin de l’évacuation du corps d’un détenu qui s’était donné la mort dans le bloc orange (le CRA est divisé en plusieurs zones de détention, appelées « blocs ») . La personne avait avalé des lames de rasoir après s’être vue annoncer un vol pour le lendemain. Elle avait déjà refusé un premier vol auparavant. 

H. nous a aussi parlé d’un autre suicide qui a eu lieu peu avant son arrivée et que les autres prisonnierxs du CRA1 lui ont rapporté : cette fois-ci dans le bloc rouge, une personne s’est pendue dans sa cellule et a été retrouvée par ses co-détenus au réveil. 

Ces morts ont été passées sous silence par l’administration du CRA et par Forum Réfugiés – l’association qui intervient au sein du CRA, censée garantir l’accès aux droits des personnes à l’intérieur.

H. nous dit : « Ca donne la haine. Ils jouent avec la vie des gens, c’est pas normal ». 

Notre ami a la haine, nous aussi on a la haine face à ces morts qui sont loin d’être des faits isolés. Elles sont le point culminant des violences systématiques et systémiques subies par les personnes retenues dans les CRA. Chaque année, de nombreuses tentatives de suicide ont lieu dans les centres de rétention et dans toutes les prisons, sans compter les morts causées par les violences des flics, ou par manque de soins.

(voir le cas de M., tué par les flics au CRA de Vincennes en mai 2023 *1 ). 

Au CRA1 cela fait plusieurs mois que nous n’avons presque plus de contact avec l’intérieur car les cabines téléphoniques sont hors-service depuis le printemps dernier. Nous avons contacté plusieurs fois l’administration du CRA et les salarié.es de Forum Réfugiés, qui nous ont confirmé qu’il n’y avait plus de cabines en fonctionnement au centre et qu’elles ne seraient pas remises en service, soi-disant pour des motifs économiques; or, les cabines téléphoniques ne sont qu’une goutte dans le gouffre économique que sont les CRA *2. Ainsi, même le supposé droit à la communication des personnes à l’intérieur n’est pas respecté.

Cela constitue une entrave aux « droits fondamentaux«  des personnes incarcérées, qui doivent pouvoir contacter leurs proches à l’extérieur.

Aux CRA de Lyon, les détenu.es n’ont pas accès à leur téléphone personnel, et n’ont pas non plus droit à des téléphones avec caméra. Cela rend difficile (voire impossible) la diffusion de toute forme d’information sur ce qui se passe à l’intérieur du CRA, dont les images sont rares, sauf à risquer la répression des flics comme l’a fait Anis en prenant des photos en cachette *3 ou à arriver par surprise avec une équipe médiatique lorsqu’on est député.e ou sénateur.ice, malgré la résistance des flics *4.

Pourtant, les récents événements nous prouvent encore une fois que la possibilité de communiquer avec l’extérieur est primordiale et nécessaire pour que les violences subies au CRA ne soient pas tues.

Si ces informations ne nous parviennent que trois mois après les faits, c’est bien le résultat d’une volonté institutionnelle de taire la violence du système carcéral et d’empêcher toute résistance. Que ce soit en divisant les prisonnierxs entre elleux par « bloc », en les isolant de l’extérieur en construisant les CRA dans les zones aéroportuaires loin des centres villes, ou en s’attaquant à leurs moyens de communication avec l’extérieur (comme ici, au CRA 1 de Lyon), la machine à expulser met tout en oeuvre pour empêcher la vérité de sortir.

Le CRA est un lieu fermé qui invisibilise les violences : sans H. nous n’aurions jamais appris la mort de ces deux prisonnierxs anonymes. Cela nous pousse forcément à nous poser avec inquiétude la question du nombre réel de morts chaque année au sein des CRA.

Nous avons appelé Forum Réfugiés qui a commencé par nier toute tentative de suicide ou mort survenue au CRA. Nous avons insisté et iels ont fini par évoquer très rapidement une personne qui s’était donné la mort en novembre 2023. Iels nient catégoriquement qu’une deuxième personne se soit suicidée au CRA en 2023. 

Pourtant, H. est formel : il y a bien eu au moins deux suicides au CRA 1 dans les derniers mois de 2023. 

Les CRA, pourtant centraux dans la loi Darmanin et indispensables à sa mise en pratique, ne sont presque jamais évoqués et restent aujourd’hui très peu connus. Des ouvertures de nouveaux centres ainsi que l’augmentation du nombre de places sont prévues dans les prochains mois et les prochaines années, ce qui est particulièrement alarmant au vu de ce qu’on constate dans les CRA déjà existants. Il est urgent de mettre fin à cette entreprise raciste et meurtrière, et de fermer tous les centres de rétention

Nous pensons à ces deux personnes assassinées par la machine à enfermer et à expulser, et à toutes les autres victimes, ainsi qu’à leurs familles, leurs proches, leurs ami.es.

A bas les CRA !

Le collectif Lyon Anticra

1: https://abaslescra.noblogs.org/vengeance-pour-m-tue-par-les-flics-au-cra-de-vincennes-chronologie-dune-mobilisation-et-de-sa-repression/#more-3691

2 : voir ici l’analyse économique de la rétention par un salarié de la Cimade https://www.lacimade.org/publication/une-analyse-economique-de-la-retention-administrative-jean-saglio/

3 : voir témoignage Anis https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-anis-prisonnier-au-cra-2-de-lyon-saint-exupery/

4: https://www.mediapart.fr/journal/france/081123/retention-des-sans-papiers-derriere-les-barbeles-du-cra-du-futur

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