Flyers d’auto-défense juridique pour les personnes sans-papiers

Nous avons rédigé avec le collectif CSP69 des flyers d’auto-défense face aux contrôles et arrestations par les forces de l’ordre. Ces flyers sont à destination des personnes n’ayant pas les bons papiers selon l’État français. Ces conseils sont basés sur des retours d’expérience, chaque situation est singulière.

N’hésitez pas à nous envoyer d’autres retours d’expériences afin que nous puissions améliorer ces flyers.

Ces flyers parlent de :

Stratégies possibles pour éviter les contrôles

– Stratégies possibles pendant un contrôle

– Retenue administrative ou garde-à-vue d’une personne sans-papiers: vos droits

– Les suites possibles d’une arrestation et les recours

– Le placement en centre de rétention administrative (CRA)

– Papiers à garder si vous risquez de vous retrouver au CRA

Voici le lien pour télécharger les versions françaises, anglaises et italiennes :

FR – Flyers Auto-défense et conseils contre la répression

EN – Flyers Auto-défense et conseils contre les arrestations

IT – Flyers Auto-défense et conseils contre la répression

D’autres traductions sont à venir (espagnole, italien, arabe, etc.)

Témoignage de Anis, prisonnier au CRA 2 de Lyon-Saint-Exupéry


Anis est au CRA 2 de Lyon-Saint-Exupéry depuis fin octobre 2023. Il vit en France depuis 42 ans. Ce texte est la transcription d’un témoignage audio du 15 décembre 2023. Anis y parle notamment des conditions de vie dans le CRA, des violences policières, de la complicité des médecins et de Forum Réfugiés, de l’insalubrité des bâtiments et du non-respect du droit des détenu·es à communiquer via les cabines téléphoniques, ainsi que des nombreuses démarches qu’il a entreprises auprès de la justice et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour faire respecter ses droits. Force à lui.

– Est-ce que tu veux raconter la situation dans le CRA en ce moment ? Comment ça se passe pour toi et pour les autres ?

– Oui je peux raconter la situation au CRA. Sachant que j’étais déjà là pendant 2 mois cet été, à Lyon. Il me semble que c’était le 18 août, dans le bloc 41 où j’étais, les personnes ont mis le feu. Après j’ai été transféré à Nîmes. Moi je suis arrivé le 18 au soir [à Nîmes], et le 20 il y a eu le feu aussi là-bas, suite à une panne d’électricité. Après, vu que j’étais déjà cet été ici [au CRA de Lyon], il m’était arrivé un problème avec un policier. Il est monté un peu dans les tours donc j’avais porté plainte contre lui. J’avais aussi porté plainte contre un docteur de l’ordre des médecins.

– Ca c’était en août, à Lyon ?

– Oui. C’est le 20 juillet qu’il y a eu l’altercation avec le policier, en fait… gratuitement. Ce qu’il s’était passé c’est que le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté2 s’était déjà rendu, il me semble vers le mois d’avril ou de mai ou de juin, au centre de rétention de Lyon, et il avait fait un rapport par rapport à ça. Donc moi je leur avais aussi apporté un témoignage qui avait été fait le 8 août, et eux ils m’avaient répondu par lettre, non, par mail, le 23 octobre il me semble.

– Tu veux nous dire ce qu’ils t’ont répondu ?

– Je peux te lire le courrier. Juste je le cherche… Là je leur ai réécrit une lettre y’a pas longtemps. Voilà, alors la lettre elle est là. En fait j’étais passée par une amie, j’avais envoyé le mail avec Forum sur sa boîte mail, ce qui fait que quand ils ont répondu ils l’ont envoyé chez elle, et elle me l’a transféré sur ma boîte ici. Donc je te lis :

« Madame,

Je fais suite à votre courrier électronique du 8 août dernier par lequel vous alertez le contrôleur général des lieux de privation de liberté sur la situation de Monsieur Anis, retenu au centre de rétention administrative de Lyon au cours de l’été 2023. J’ai pris connaissance de ce signalement avec attention et je vous prie de bien vouloir excuser le délai au terme duquel j’y donne suite. Le témoignage de Monsieur fait pleinement écho au constat recueilli par mes services lors de la première mission de contrôle de ce centre par le CGLPL, du 13 au 17 mars dernier. Les graves atteintes au droit constatées lors de la visite de cet établissement et de 3 autres centres de rétention administrative à la même date au Mensil-Amelot, à Metz et à Sète ont donné lieu à la publication de recommandations dites « urgentes » au journal officiel du 22 juin 2023. La première ministre, ainsi que le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Santé, en ont été destinataires. Le CGLPL estime en effet, à l’issue de ces visites, qu’il y a urgence à modifier profondément l’approche actuelle en matière de prise en charge des étrangers placés en CRA. Sans une volonté résolue d’assurer le respect des principes qui régissent en droit français le recours à la rétention administrative, sans une élévation des standards concernant les conditions de rétention, et sans une professionnalisation accrue des fonctionnaires en charge de la mise en œuvre de ces mesures, les atteintes sévères à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes retenues se poursuivront. Les pratiques d’isolement et de contention observées au CRA de Lyon ont spécifiquement fait l’objet de la recommandation suivante : « Il doit être mis fin sans délai aux mesures d’isolement et de contention prises à l’encontre de personnes retenues, aucune disposition législative ne permettant le recours à de telles mesures en dehors du cadre des soins sans consentement strictement défini par le code de la santé publique »3. Le témoignage de Monsieur a ainsi particulièrement retenu mon attention. Il en sera tenu compte dans le cadre du suivi des recommandations du CGLPL auprès des autorités locales et nationales. Je prends acte que l’intéressé a déposé plainte pour des faits de violence dont il se dit victime de la part de plusieurs policiers survenus au mois de juillet dernier. En application de la convention suite à notre restitution, je transfère le témoignage de Monsieur au Défenseur des Droits pour compétence. L’une des missions de cette autorité est en effet de veiller au respect des règles déontologiques applicables aux professionnels de la sécurité. J’encourage s’il le souhaite Monsieur à lui transmettre également son témoignage ainsi que toutes les pièces utiles à la compréhension de ses difficultés et des démarches qu’il a entreprises pour les dénoncer : certificats médicaux, réponses des autorités saisies, etc.

En vous remerciant de m’avoir alerté sur cette situation, je vous prie de bien vouloir agréer l’assurance de mes sentiments les meilleurs. »

Donc ça c’est la lettre que j’ai reçue le 23 octobre. Et là le 30 novembre j’ai réécrit au CGLPL en mettant comme objet les conditions de vie au CRA. Tu veux que je la lise ?

– Oui vas-y.

– « Madame-Monsieur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté,

Par la présente, je tiens à attirer votre attention sur les conditions de vie inhumaines au centre de rétention administrative de Lyon-Satolas. Ce sont certains policiers d’une même équipe qui abusent de l’autorité, qui font preuve de violences verbales envers les retenus, qui les bousculent afin de les provoquer pour une confrontation physique. Ces policiers sont couverts par leur hiérarchie au sein du CRA.

De plus, le service médical du centre est par conséquent complice des violences physiques et verbales sur les retenus en ne leur délivrant pas de certificat de constatation médicale. Il est essentiel de garantir la sécurité et la dignité ainsi que le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes retenues. Je vous demande également de faire en sorte que les violences policières soient condamnées et que les retenus se sentent en sécurité en les informant de leur droit de porter plainte en cas d’abus.

Je tiens à vous faire part que les lieux de vie sont insalubres. Les chambres n’ont pas de fenêtres, ce qui expose les retenus, en particulier pendant des périodes de mauvais temps, au froid ainsi qu’à l’humidité, ce qui peut aggraver leur état de santé déjà fragile. Les douches ne sont pas nettoyées quotidiennement ce qui engendre des moisissures, de la crasse au sol. Certains retenus sont restés durant des mois sans pouvoir faire leur toilette du fait qu’il n’y avait pas d’eau à la douche. Concernant les cabines téléphoniques des blocs, beaucoup sont hors service. J’ai saisi le Juge des libertés4 concernant la violation de mon droit de communiquer. Mais le brigadier-chef en la personne de monsieur Jassume Pas* se permet de mentir au juge des libertés en affirmant que toutes les cabines des six blocs sont fonctionnelles alors qu’elles ne le sont pas. Je vous prie de venir constater l’état des cabines téléphoniques ce qui prive les retenus de leur seul moyen de communication avec leurs proches, les autorités consulaires, les avocats, Médecins Sans Frontières, le Défenseur des droits ou le CGLPL.

Les retenus sont également confrontés à signer des papiers en langue française sans que cela soit accompagné d’une traduction ou d’un interprète au sein du CRA 2 lors des décisions rendues par les diverses juridictions : le JLD, le tribunal administratif et la cour d’appel administrative, ainsi que les demandes d’asile, ce qui ne leur permet pas de comprendre les refus ou les verdicts afin de constituer réellement leur défense.

Enfin, concernant les visites, il y a quatre cabines prévues à cet effet, mais seule une reste ouverte, pour 30 minutes. Le CRA 2 englobe les personnes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est une région assez vaste. Les distances parcourues par certaines familles sont de 2 voir 3 heures de route rien que pour l’aller. Les 30 minutes sont insuffisantes. Cette restriction empêche les retenus de maintenir des liens familiaux essentiels pour leur bien-être émotionnel. Je vous exhorte, en tant que Contrôleur des lieux de privation de liberté, à prendre des mesures urgentes afin de remédier à ces conditions inhumaines. Veuillez agréer mes sincères salutations. »
Donc ça c’est la dernière lettre que j’a dû écrire au mois de novembre.

– Ok, bah tu t’es chauffé hein!

– Haha. Bah le problème c’est que ça fait 42 ans que je suis en France, j’ai fait toutes mes études en France, toute ma scolarité et tout… donc après, voilà quoi.

– Est-ce que du coup les flics ils savent que tu écris ces lettres-là ? Ça passe par eux ou ils savent pas ?

– Bah en fait si, ils voient que j’écris des lettres. Mais en sachant qu’ils nous interdisent les stylos. La semaine dernière ils m’ont pris mes quatre stylos. Donc voilà après il faut que j’arrive à retrouver des stylos, et là c’est vrai que ça fait depuis une semaine à peu près que j’ai pas de stylos pour ré-écrire.


– Et par exemple, à Forum Réfugiés c’est quelque chose qu’ils vous proposent, des stylos, des moments pour écrire ou des trucs comme ça ?

– Bah ils ont interdiction de nous fournir des stylos parce qu’ils disent que ça pourrait être une arme, être dangereux, mais pour moi c’est simplement pour pas qu’on écrive quoi.

– Tu peux utiliser des stylos là-bas ou même pas, ils veulent même pas faire ça ? Quand tu vas voir Forum ?

– Le problème c’est que nous on a accès pendant 1 heure à une zone qui s’appelle la « ZAC » et dans cette zone-là on a accès à Forum, on a accès à la bagagerie (ça veut dire que il y a nos habits, des choses comme ça), et le service médical, mais en 1 heure on peut pas écrire quoi que ce soit, parce qu’on est à peu près une vingtaine de retenus pour chaque bloc. Les personnes de Forum souvent sont [inaudible] mais vu que chacun a des problèmes administratifs, ça va être quoi, on va discuter 5 minutes, 10 minutes, et après quelqu’un va commencer à frapper à la porte et tout ça quoi. Donc non c’est pas là-bas qu’on peut se poser et qu’on peut écrire des lettres comme ça quoi.


– Et du coup pour un peu comprendre comment ça se passe la ZAC, c’est une heure pour chaque bloc ou une heure et tous les blocs sont ensemble ?


– Non, c’est une heure pour chaque bloc. Nous on va y aller de 14h à 15h après de 15h à 16h il y a un autre bloc, de 16h à 17h encore un autre et il y en a aussi le matin de 9h à 10h, et de 10h à 11h.

– Et donc du coup toi tu vois jamais les gens d’autres blocs ? 

– Non, c’est vraiment rare très rare… Donc après j’ai écrit aussi une lettre où j’avais déposé plainte le 30 juillet auprès du Procureur de la République concernant les violences. Je peux te lire mon dépôt de plainte. J’avais écrit :

« 
Madame Monsieur le Procureur de la République,



J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur les faits suivants :

Le lundi 24 juillet lors de l’appel pour se rendre au réfectoire afin de prendre notre petit déjeuner, j’ai récupéré mon linge à la buanderie. Entre 7h20 et 7h35 j’engage une discussion concernant mon linge qui a été oublié dans la machine à laver deux jours auparavant. Sans aucune insulte de ma part, le policier aux frontières dont le RIO5 est le 116 1216 me frappe à plusieurs reprises sur mes cervicales. Dès lors le policier dont le RIO est le 134 7696 dit à plusieurs reprises “attention aux caméras”, et il cesse de me porter des coups. J’ai été menotté sans résistance. Des douleurs apparaissent.

Je suis transporté dans la salle d’isolement dépourvue de caméras. J’ai été fouillé et menacé par le policier 134 7696. J’ai demandé à plusieurs reprises à être consulté par le médecin ou des pompiers afin de constater les coups de poings reçus ainsi que les douleurs aux cervicales, aux épaules. Vers 8h30, sept policiers entrent dans la cellule afin de m’attacher les chevilles ainsi que les poignets au lit malgré les douleurs exprimées.

Vers 11h30, étant toujours attaché au lit, une personne se présentant en tant qu’infirmière et dont je n’ai pas pu voir le visage de fait que mon cou était bloqué à droite. L’infirmière n’est jamais parvenue à mon chevet dont le lit se trouve à 3 mètres de la porte, les caméras du couloir d’isolement le prouveront. J’ai réitéré auprès de l’infirmière ma demande de voir le docteur Bessedic ou des pompiers afin d’avoir une minerve que seul le médecin peut prescrire. Je lui ai dit avoir une douleur de 7/10 au niveau des cervicales jusqu’à l’épaule, que la position avec les bras écartés attachés au lit amplifiait ma douleur. Vers 13h30 j’ai demandé à pouvoir accéder aux toilettes. Après l’accord du responsable, je suis détaché. Je leur fais remarquer que je n’ai pas eu de repas ainsi que le petit-déjeuner du matin. Le sachet de repas avait été mis devant la porte à l’extérieur. Donc après avoir réglé mon repas j’ai été encore attaché au lit malgré mon insistance verbale qui exprimait ma douleur, les bras écartés. J’ai été attaché durant 8 heures jusqu’à ce qu’une sangle lâche, sinon je ne sais pas combien de temps aurait duré ce calvaire. J’ai subi 26 heures d’isolement jusqu’au mardi 25/07/2023 où j’ai réintégré le bloc 4.

Le mardi 25/07/2023 lors de l’accès à la ZAC et dans cette même zone je lui ai fait remarquer qu’il ne gardait pas son sang-froid et que heureusement qu’il n’est pas armé car une bavure de sa part aurait pu, peut-être, avoir lieu. Il me répond que me concernant il m’aurait tiré une balle dans le dos.

Le mercredi 26 juillet je suis transporté à l’hôpital pour une radio de l’abdomen alors que je lui fais remarquer que j’ai des douleurs aux épaules et aux cervicales. Il me montre l’ordonnance qui stipule une radio de l’abdomen, le médecin Bessedic m’a prescrit une ordonnance sans me consulter. Le radiologue après avoir consulté le service médical du CRA me dit qu’ils ne veulent pas changer l’ordonnance, que ce sera bien une ordonnance de l’abdomen, malgré que je leur dis que je n’ai rien avalé. Le jeudi 27 juillet, le docteur Bessedic me reçoit et je lui annonce mes douleurs aux épaules ainsi qu’aux cervicales. Il a prescrit une échographie de la zone.

En conséquence, par ses motifs, je désire porter plaindre contre ce policier pour violences physiques. Je précise que pratiquement toutes les zones sont couvertes de caméras de protection sauf la salle d’isolement. Je vous prie de considérer cette lettre comme un dépôt de plainte.

Dans l’attente des suites que vous donnerez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Madame Monsieur le Procureur de la République, l’expression de ma haute considération. 
Fait pour valoir ce que de droit. »

Donc ça c’est ce que j’avais écrit. Parce que, en fait, qu’est-ce qu’il se passe ici au CRA ? les médecins ils sont vraiment pas là pour nous écouter. Moi quand j’ai été attaché… Parce qu’il y avait d’autres personnes auparavant qui avaient été attachées, mais ils restaient attachés jour et nuit ! Et en fait l’après midi quand ils m’ont re-attaché, j’avais trop trop mal parce que j’avais aussi les pieds attachés avec une sangle de chaque côté. Et en fait en faisant des va-et-vient avec ma cheville gauche, je suis arrivé à desserrer la sangle. Je suis arrivé à desserrer la sangle et à partir de là moi si tu veux je leur ai dit comme quoi il y avait la capsule en métal… je leur ai fait simplement croire que je l’avais avalée mais c’était pour qu’en fait on me ramène au docteur et après au docteur je lui aurais dit la vérité. Je lui aurais dit : « Docteur en fait j’avais rien avalé du tout, c’est simplement que j’ai reçu des coups là, là, là, là ». Donc les policiers, eux ils ont falsifié contre moi. Ils ont mis comme quoi j’étais en garde-à-vue alors que je n’étais pas en garde-à-vue, j’étais bien à l’isolement. Et en mettant comme quoi j’étais en garde-à-vue, la garde-à-vue elle est en dehors du CRA donc pour le docteur je suis plus au CRA, je suis à l’extérieur du CRA. Donc ils ont menti par rapport à ça. Donc c’est pour ça, là, sur l’autre lettre que j’ai écrit au CGLPL, j’ai mis comme quoi le service médical en fait il est complice de tout ça parce que il fait pas son travail.

Après j’avais écrit une lettre à l’ordre des médecins mais je pense pas que je l’ai fait ressortir.
 Sinon j’avais saisi plusieurs fois le Juge des Libertés concernant l’annulation du droit d’accès au téléphone. Mais vu que les responsables ici, les chefs et tout ça, ils mentent en disant comme quoi tout marche alors qu’il y avait des modules qui n’avaient même pas de combinés… Donc comment il peut ne pas y avoir de combinés et que ça marche même ? C’est pas possible…


– Bah oui, nous parfois on essaye d’appeler les cabines et la plupart elles répondent pas…



– Oui parce que en fait vous ça va sonner, mais ici ça sonnera pas.

– Parfois ça sonne même pas. Et dans le CRA 1, il y a plus de cabines aussi.


– Mais là encore l’autre jour vous avez eu de la chance, c’est parce que j’avais saisi le juge des libertés quand je suis rentré au CRA par rapport [aux cabines]. Parce-qu’en fait, l’OFII6 ne vendait plus de téléphone portable. Si tu veux je peux aussi te décrire la lettre que j’avais écrite au Juge des Libertés ?


– Ouais ! Parce que l’OFII vend des téléphones portables sans caméra c’est ça ?

– Oui tout à fait. Il y a une affiche que j’avais fait prendre en photo par Forum qui dit que depuis le 26 octobre ils ne peuvent plus vendre de téléphones portables du fait que la société ne fabriquait plus ce téléphone-là, ou quelque chose comme ça.

– Ah oui ok… ça coûtait combien les téléphones ?


– Alors ils coûtent 25 euros avec la carte SIM Lyca, et 10 euros de recharge. Mais ce qu’il se passe c’est que comme on peut pas enregistrer les cartes SIM, au bout d’un mois la carte SIM elle est morte quoi…


Là si tu veux je peux te lire ceci. C’était concernant l’annulation du droit d’accès au téléphone :

« Cher Monsieur le Juge des Libertés,


Par cette présente je tiens à vous signaler que lors de ma rétention à partir du 28 octobre, j’ai pris acte du rappel de mes droits concernant la mise à disposition des cabines téléphoniques en zone de rétention du bloc 7.

En effet à mon arrivée au bloc 7, où j’ai été affecté, il y a 2 postes téléphoniques, un dans le couloir ainsi qu’un autre dans la cour. Celui situé dans la cour est démuni du module d’écoute. Celui situé dans le couloir ne sonne pas lorsque ma famille appelle en composant le numéro suivant. Celui situé en zone commune, nous n’y avons pas accès.

Je tiens également à vous signaler qu’il n’est plus possible d’acheter de téléphone portable auprès de l’OFII.

Concernant mon téléphone personnel qui est muni d’une caméra, je n’ai eu le droit d’y accéder qu’une seule fois lors de l’accès à la ZAC de 14 à 15 heures, afin d’en extraire mes contacts, le dimanche 29 octobre pendant 30 minutes seulement et communiquer les numéros ci-dessus qui finalement ne marchent pas. Je n’ai pas le droit d’accéder à mon téléphone personnel qui est rangé dans le coffre-fort du CRA. Mon père est actuellement hospitalisé à l’hôpital de Saint-Etienne suite à des problèmes de santé. Celui-ci est âgé de 77 ans. J’ai besoin d’être en contact avec lui afin d’être informé de sa situation médicale à chaque instant. De ce fait, je ne peux être contacté ni contacter mes enfants, mes amis, l’avocat, ainsi que Médecins Sans Frontières pour mes problèmes cardiaques, le Défenseur des Droits et le CGLPL. Ma famille et mes amis doivent être inquiets de ne pas pouvoir me joindre. Je vous prie de constater mes dires concernant les postes défectueux, hors service.

Dans l’attente, je vous prie d’accepter Madame-Monsieur le Juge des Libertés, l’expression de mes sincères salutations. »

Par rapport à ça, les juges ils ont voulu me voir. Parce que c’est un droit en fait. Si tu veux je peux te dire ce que la juge a dit. Donc moi je les saisis, je leur explique que les deux cabines [ne fonctionnent pas]… Et ce qui s’est passé, c’est que moi j’avais écrit cette lettre, je l’avais passée à Forum. Et Forum, Julien, le chef, n’a pas fait passer ma lettre ni la photo qui disait que l’OFII ne vendait plus de téléphone portable. Alors que je leur avais donnée. Et Forum je sentais qu’en fait ils disaient : « non mais ça sert à rien de les saisir, on va téléphoner directement à la direction pour qu’ils réparent ». Je lui dis : « mais si maintenant tu saisis la direction et qu’ils les réparent ça sert à quoi que je saisisse le juge ? Ça va servir à rien du tout si demain ils les réparent ! ». Donc j’ai senti, après je lui ai dit comme quoi j’allais écrire à son supérieur par rapport à ça. Il a eu son supérieur qui lui a dit « non ben, saisissez le Juge des Libertés ». Il a saisi le juge des libertés sans mettre ma lettre et sans mettre la photo où l’OFII met comme quoi ils ne vendent plus de téléphones portables pour l’instant. Donc là, la juge a écrit :

« Monsieur a eu la parole en dernier, il explique que les cabines présentent d’importants dysfonctionnements, qu’il n’est pas possible d’acheter de téléphone portable auprès de l’OFII, qu’il n’a pu utiliser son téléphone personnel qu’une seule fois pendant 30 minutes pour son arrivée, celui-ci étant désormais rangé dans le coffre du Centre. Monsieur expose que les trois cabines mises à disposition dans le bloc où il est retenu ne sont pas opérationnelles, l’une étant démunie du module d’écoute, l’autre ne sonnant pas quand sa famille appelle ; à partir du 26 octobre, qu’il n’y a plus de vente de téléphone par l’OFII en raison d’un épuisement des stocks, et qu’après son arrivée au centre il n’a pu accéder qu’une seule fois à son téléphone personnel le 29 octobre.

La somme de ces difficultés fait selon lui obstacle à l’exercice de son droit de communiquer avec les personnes de son choix, une telle violation lui faisant nécessairement grief, ce d’autant qu’il a besoin d’entrer en contact avec sa famille pour avoir des nouvelles de son père, malade, et de ses enfants, mais aussi de prendre contact avec d’autres intervenants pour le suivi de sa situation médicale et administrative.

Si Monsieur justifie par le biais d’une photographie non contestée par l’autorité administrative que l’OFII n’est plus en mesure de vendre des téléphones aux retenus faute de marchandises téléphoniques, force est en revanche de constater qu’il n’apporte pas la preuve des dysfonctionnements qu’il invoque concernant les deux cabines téléphoniques publiques installées dans le bloc où il est placé. Le courrier qu’il communique sur ce point est en effet dépourvu de toute valeur probante s’agissant d’un écrit dont il est lui-même l’auteur. Or, en première instance, à la demande du conseil de l’autorité administrative, le CREP du centre de rétention administratif au sein duquel monsieur est placé, pris en la personne de Jassume Pas*, brigadier-chef, a envoyé un courriel au greffe le 7 novembre à 8h42 au terme duquel il certifie que tous les téléphones des zones de vie du centre de rétention administratif sont à ce jour fonctionnels, et précise qu’au jour de la requête de Monsieur, soit le 4 novembre, ils étaient également en état de marche. (Là c’était un très gros mensonge.) Il ajoute encore que les retenus ont accès à ces téléphones et peuvent aussi, à leur demande, avoir la possibilité de consulter leur propre smartphone pour récupérer des contacts si besoin en bagagerie. Il s’avère, de ce message électronique, que les deux téléphones publics libres d’accès dans les zones de vie du bloc 7 du centre de rétention où il est placé, doivent être considérées comme en état de fonctionnement à défaut d’éléments contraires.

Il est, certes, indéniable que l’impossibilité temporaire de pouvoir acheter des téléphones auprès de l’OFII a pour effet de restreindre l’accès de Monsieur aux moyens de communication permettant d’entrer en contact avec toute personne de son choix, et pour autant Monsieur ne démontre pas se trouver dans l’impossibilité de téléphoner à ses proches et donc d’exercer le droit de communiquer consacré par l’article R744-16 du CESEDA, eu égard à la présence de deux cabines précitées et à la faculté de demander à consulter son téléphone personnel. En l’état, il est faux de considérer que l’exigeant est en incapacité d’exercice du droit de communiquer, qui est respecté, ce qui conduit par confirmation de l’ordonnance de référé au rejet de la demande de main levée formée par Monsieur. »

Donc en fait pour eux, il aurait fallu que je prenne en photo la cabine, pour leur faire voir qu’elle ne peut pas marcher si il y a pas de module. L’avocat du préfet, il s’est levé deux secondes, il a dit « Monsieur il parle mais il n’apporte pas de preuves ». Et il s’est rassis.

– Parce que tu étais à une audience, tu vas vu le JLD exprès pour ça ?

– Oui, parce que j’avais fait appel. Là ce que je t’ai lu c’est quand j’ai fait appel de ça. En gros ils disent que c’est au requérant de ramener la preuve. Et moi je leur avais dit en première instance : « comment vous voulez que je ramène la preuve si j’ai pas de téléphone avec appareil photo ? ». Et la juge c’est pas elle qui va se déplacer pour constater ça, d’autant plus que le brigadier-chef a fait un rapport en disant que toutes les cabines de tous les blocs marchaient, alors que c’est vraiment un mensonge.

– Je sais, on essaie d’appeler souvent et ça marche pas. Et je sais qu’il y a la CIMADE aussi qui voulait faire un communiqué dessus, je sais pas où ça en est.

– Là ils ont remis des téléphones en vente il y a à peu près une semaine. Mais bon après la plupart des retenus ils ont pas beaucoup d’argent, des choses comme ça. 


– Nous on avait parlé avec quelqu’un de la CIMADE qui nous avait expliqué que le commandant de police du CRA lui avait fait faire une visite du CRA et qu’il avait constaté que les cabines ne marchaient pas, et qu’ils voulaient faire un communiqué public là-dessus.

– Après ça dépend quand est-ce qu’ils sont venus… Moi je suis rentré le 28 octobre. Mais après j’étais là aussi cet été, toutes les cabines ne marchaient pas. À chaque fois qu’ils m’ont ramené dans un bloc j’ai toujours saisi le Juge des libertés par rapport à ce droit. La première fois, cet été, l’avocate du préfet a dit comme quoi j’étais entré avec une somme d’argent assez conséquente et que je pouvais acheter un téléphone portable si j’avais vraiment besoin de téléphoner. Et voilà. Mais sinon… En fait la plupart des retenus ils pourraient sortir s’ils connaissaient ce droit-là.

*Nom modifié par nos soins à la demande de l’intéressé.

1 Les CRA sont organisés en plusieurs bâtiments appelés « blocs ».

2 CGLPL dans la suite du témoignage.

4 Le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) est l’un des magistrats qui intervient quand les droits d’une personne sont en jeu. Il statue notamment sur la légalité des décisions de placement en rétention administrative.

5 Numéro d’identification individuel des agents.

6 Office Français de l’immigration et de l’intégration, dont des représentant·es sont présent·es dans les CRA soi-disant pour « l’accompagnement » des personnes détenues.

 

Cantine de Rentrée de Lyon AntiCRA

Nous devons lutter contre les CRA* !

Si vous souhaitez nous soutenir, nous rencontrer, rejoindre le collectif, ou simplement en apprendre davantage sur les CRA, venez partager un repas collectif à prix libre le vendredi 29 septembre de 19h à minuit, place Mazagran !

À bas les CRA, à bas les frontières, soutien à tous·tes les prisonnièr·es !

 

*Les centres de rétention administrative (CRA) sont des prisons ou l’État enferme les personnes sans-papiers. Il y en a 2 à Lyon, et 25 en tout France. 50 000 personnes y sont enfermées chaque année, dans des conditions inhumaines, sans aucun droit. Augmenter toujours plus l’enfermement et la répression des personnes sans-papiers fait partie des objectifs de l’État français raciste, et notamment du ministre de l’intérieur Darmanin et son projet de loi anti immigration.

Lyon Anticra à Lyon Info Migrations le jeudi 29 juin

Le collectif Lyon Anti-Cra sera présent pour la dernière rencontre de l’année du cycle Lyon Info Migrations consacrée à la répression des personnes migrant.es
  • Qu’est-ce qu’un centre de rétention administrative ? 
  • Comment ça se passe quand on est à l’intérieur ? 
  • Que peut-on faire pour soutenir une personne depuis l’extérieur ?
Venez nombreux.se.s 
 
JEUDI 29 JUIN à 18h30 
au Casse Dalle, 221 rue de Créqui, Lyon 3
Ce cycle de rencontres prévoit à chaque séance l’écoute d’un collectif et de témoignages, puis un temps convivial d’appropriation et de partage des connaissances, pour ça on compte sur vous! 
pensez bien à apporter à manger pour partager !
 
La rencontre sera suivie d’une fête proposée par les habitant.es du Casse-Dalle à partir de 21h.
>>> pour être sûr que tout le monde ait un siège, veuillez vous inscrire ici
 
 
On compte sur vous pour partager avec tout votre collectif et toute personne qui pourrait-être intéressée ! (Surtout les personnes concernées,  pour qu’elles soient informées…)
 
Via Facebook  ou le site de Terre d’ancrages 

MISE À JOUR SUR LES JOURNÉES DE PROTESTATION DU CPR DE CORSO BRUNELLESCHI

[ Nous relayons ici des articles traduit depuis le site « nocprtorino.noblogs.org » ]


🔥Dans la soirée du samedi 4 février, une révolte a éclaté à l’intérieur du CPR du corso Brunelleschi, qui a été durement réprimée par les CRS et des gaz lacrymogènes. Trois zones ont été touchées et un incendie s’est déclaré dans les cantines.


La protestation a commencé en raison des conditions de détention ignoble et des tortures que l’organisme gestionnaire ORS Italia, avec le soutien de la préfecture de police, pratique quotidiennement.
De l’intérieur, ils nous disent que la nourriture est pourrie et contient des psychotropes, que les cellules n’ont pas de chauffage, qu’il n’y a pas d’eau chaude et que les sections sont pleines de detritus.
Les matons administrent quotidiennement des psychotropes de manière forcé et frappent les détenus. Ils nous parlent également d’une salle utilisée specialment pour les passagges à tabac.


Le groupe solidaire qui s’est rendu devant les murs du CPR dans la soirée du samedi 4, a pu entendre les cris des détenus, l’odeur des gaz lacrymogènes tirés par les CRS à l’intérieur et la fumée de l’incendie. Ils ont également pu voir trois ambulances s’éloigner sur la rue Monginevro. Dans la soirée, quelqu’un de l’intérieur nous a raconté que trois personnes avaient été transférées à l’hôpital et que des tabassages violents avaient été menés pour réprimer l’émeute. Certaines personnes ont été laissées sur le sol, blessées, sans assistance.


💥 Pour ne pas laisser seuls ceux qui se trouvent à l’intérieur, en fin d’après-midi du dimanche 5 février, un groupe de militants solidaires s’est réuni sur la pelouse du Corso Brunelleschi pour faire un parloir sauvage en solidarité avec les détenus et les insurgés.
Pendant ce moment, quelques personnes sont montées sur le toit de la zone blanche en criant « liberté » . Nous avons entendu des coups et des cris de protestation. Plusieurs feux ont été allumés et les pompiers sont entrés dans l’établissement.
Malgré le blocage des communications imposé par la direction pendant le parloir sauvage, un appel a percé les murs. Les détenus en révolte nous ont parlé des tortures qu’ils subissent quotidiennement et ils nous ont raconté ce qui se passe à l’intérieur, notamment l’entrée de quelques camionnette de police dans les zones d’émeutes. Apres quoi, les solidaires ont pu sentir à nouveau les gaz lacrymogènes. Dans la soirée, nous avons appris que l’incendie a rendu inhabitable 3 zones sur 4, les gens ont dormi dehors sans couvertures ni matelas et surveillés par des flics. Certaines personnes gravement blessées par la police n’ont pas reçu d’aide.

De l’intérieur s’exprime une forte demande pour briser le mur du silence qui entoure la détention administrative et faire connaître à l’extérieur la violence dont les détenus sont victimes au quotidien.
Ces jours-ci, le mur du silence a étè brisé grâce à la détermination des détenus qui ont continué à lancer des appels de solidarité malgré la tentative évidente de la direction du CPR d’isoler les détenus et de couper, avec le blocage des cabines, tout appel vers l’extérieur.
Toujours en solidarité avec les détenus et les révoltés.

FEU AUX CPR !
LIBERTÉ POUR TOUTE. S

AGGIORNAMENTO DELLE GIORNATE DI PROTESTA DAL CPR DI CORSO BRUNELLESCHI del 4 e 5 Febbraio

Tentative de suicide au CRA de Lyon-Saint-Exupéry : Témoignage d’un co-détenu

[TW : suicide]
Le 26 décembre dernier, un prisonnier au CRA de Lyon-Saint-Exupéry a tenté de se suicider. C’est dans ce contexte, qu’un co-détenu choqué qui le pensait décédé a souhaité témoigner.
Si nous n’avions aucune nouvelle de la victime au moment du témoignage, nous avons par la suite obtenu des informations selon lesquelles il aurait été hospitalisé et serait toujours en vie. Nous n’avons pas pu le contacter et nous ne savons ni où il est, ni comment il va.
Ne sachant pas sa volonté concernant la médiatisation de sa tentative de suicide, nous avons longuement hésité à publier ce témoignage. Après réflexion, nous choisissons de le faire, pour ne pas invisibiliser le parole de Samy, son co-détenu, qui témoigne ici. Les tentatives de suicide récurrentes, l’absence totale d’informations pour les prisonnier-es et le mépris auquel iels font face lorsqu’iels essayent d’en avoir : tout cela fait partie des violences carcérales et nuit à la santé mentale des détenu-es.

*
– Est-ce que tu peux nous réexpliquer ce qu’il s’est passé, ce que t’as vu ? 
Avant qu’il fasse ça, l’autre jour il m’a dit « demain je vais trouver une solution ». Je lui ai dit c’est quoi ta solution ? Il m’a dit « j’en peux plus ça fait neuf jours que je mange pas, je fais une grève de la faim ». Il m’a dit « j’sais pas demain je vais trouver une solution ». Je lui ai dit « avec qui ? »  Il m’a dit « avec la police, avec tout », il m’a dit « demain je vais trouver une solution je reste pas comme ça, je vais trouver des solutions ». et il a fait ça tu vois. il a  fait la corde.
*
Il faisait une grève de la faim c’est ça ? 
Ouais il a fait une grève de faim ça fait neuf jours il a pas mangé. et après il a fait ça. 
*
– Et il t’avait dit pourquoi il faisait une grève de la faim ? 
Il m’a dit « j’sais pas j’ai envie de rentrer au bled mais ils veulent pas me ramener au bled j’sais pas, ils veulent pas me libérer ici ils m’ont mis direct en prison direct ». Ils ont ramené lui ici, il vient pas de dehors tu vois. Il a fait deux mois trois mois de prison après ils ont ramené lui direct de prison direct au CRA tu vois. Il m’a dit « j’en peux plus je sais pas je sais pas j’en peux plus c’est ça ma vie jusqu’a quand je vais rester comme ca? » je lui ai dit « moi aussi je suis comme toi » tu vois. Il me demande du feu je dis à lui « viens manger avec nous et je te donne du feu » tu vois, parce que c’est interdit j’ai un briquet je dis à lui « je sais pas viens manger fais un truc » lui non il boit que des cafés, que des cafés tu vois il fume des cigarettes, il boit pas il mange pas, rien, il fume que des cigarettes.
*
– À la fin de sa grève de la faim il t’a dit « demain je vais trouver une solution avec la police » c’est ça ? 
Moi j’avais pas pensé à une solution comme ça je sais pas normal je pensais il va trouver une solution ça veut dire avec les policiers, avec sa femme, avec sa famille mais j’ai pas pensé ça tu vois.
*
–  Qu‘est-ce qu’il s’est passé le lendemain? 
A 11h presque à 11h55 ils sont venus les policiers ils ont dit « le repas le repas!« , nous on est partis le repas, moi je suis sorti la dernière personne tu vois. Y a un policier je le connais, je dis « madame en fait lui là ça fait neuf jours il a pas mangé il a fait une grève de faim, va voir les policiers civils ». Elle m’a dit « ouais ouais ouais ouais je vais parler avec lui ». Elle elle est partie pour parler avec lui, après elle a laissé lui dans la chambre tu vois je suis parti moi avec le policier, si tu vois les caméras tu vas voir ça tout ça, j’suis parti avec le policier lui il est resté tout seul dans le bloc. Lui il est resté tout seul dans le bloc nous on est partis manger presque on l’a laissé trente minutes, trente minutes. Quand on est revenus on est rentrés je l’ai vu le mec je sais pas on dirait dans un film, je sais pas avec le fil il est attaché, je sais pas je pense là c’est un truc grave, je sais pas qu’est ce je dois faire là je sais pas j’en peux plus je te jure j’y crois pas là.
*
–  Du coup quand t’es rentré dans la chambre
Ah ouais je rentrais on est rentrés tous on l’a sorti nous on l’a emmené à l’infirmerie tu vois, pas les policiers. Nous on a coupé la corde on a coupé tout on est partis, on court tu vois.
*
-Toi tu étais dans la chambre en face ? 
En face de lui.
*
– Et quand t’es rentré dans sa chambre..? 
Non nous on est rentrés dans le bloc tu vois on a fini de manger mais on est tous on est rentrés comme ça là, je vais aller dans ma chambre, l’autre il va aller dans sa chambre, tu vois chacun dans sa chambre. Moi j’ai vu le mec je sais pas tu vois tout le monde « ohh !!! ». Je sais pas ça me choque, avec le fil avec le truc là le fil noir tu vois le truc de baskets, à coté de la fenêtre il a fait ça, dans la chambre, il voulait fermer sa chambre avec… il avait un grand fil tu vois il voulait fermer la porte ou je sais pas, il a fait ça. 
*
– Et ça tu te souviens de y a combien de temps c’était ? 
Ca fait là… treize jours ou quinze jours un truc comme ça.
*
– C’était en décembre ? 
Ouais ouais c’était y a deux semaines un truc comme ça.
*
– Et quand vous l’avez trouvé, qu’est ce que vous avez fait vous ? 
Moi, je sais pas, je vois la tete après tous ils disent « allah akbar allah akbar » tous on sait il est mort tu vois parce que ça se voit. Il est pas par terre il est pas je sais pas assis tu vois il est attaché comme ça avec le fil ses pieds ils touchent pas par terre tu vois. ça fait trente minutes il est tout bleu il est gonflé il est gonflé tu vois ses joues comme ça bleu, tout bleu, lui tout froid y a plein de bave dans sa bouche, dans son nez tu vois, ça me choque ça me choque ça me choque j’ai jamais vu ça dans ma vie moi je sais pas, je sais pas je comprends pas.
*
– Et après tu m’as dit vous l’avez emmené à l’infirmerie c’est ça ? 
Ouais ouais ouais on dit « allah akbar allah akbar » on est tous je pense quatre cinq, on a porté lui, on court avec, on le porte, on va courir jusqu’à l’infirmerie, à l’infirmerie on dit « appelle pompiers appelle pompiers appelle pompiers !!!«  la police ils ont sorti moi ils ont ramené moi direct dans l‘isolement. ils ont ramené moi dans une chambre tout seul je sais pas pourquoi, j’étais là « j’ai rien fait j’ai rien fait pourquoi je suis puni comme ça? » ils ont dit « monsieur attends attends, attends un peu », ils ont gardé moi, moi je comprends pas qu’est ce qu’il s’est passé tu vois qu’est ce qu’il va se passer avec lui tu vois, parce que moi quand je l’ai ramené je l’ai laissé  l’infirmerie tu vois. et ils ont pris moi ils  m’ont pas retourné dans mon bloc, direct ils ont gardé moi à l’isolement, dans une cellule tout seul tu vois.
*
 – Ils t’ont amené à l’isolement après ? 
Ouais, tout seul, ils ont ramené moi, moi je suis tout seul là bas, dans une chambre je sais pas un mètre carré je suis tout seul, je suis là « pourquoi, pourquoi? », je pétais les plombs, pourquoi pourquoi, ils ont dit « calme-toi calme-toi reste là bas ». je suis resté presque deux heures là-bas. je tape la porte je tape la porte, je l’insultais, je l’insulte, je dis « j’ai rien fait, j’ai rien fait de mal, pourquoi j’suis ici, le mec il est mort pourquoi tu me gardes ici, j’ai rien fait! » je tape la porte je tape la porte je tape la porte. et après dans deux heures ils sont venus ils ont ouvert la porte ils ont dit « calme-toi, ton pote il est parti à l’hopital, avec des policiers, il est pas mort »,  je dis « dis ça pour quelqu’un d’autre qu’il est pas mort, pas pour moi«  tu vois.
*
– Les policiers et les infirmiers ce qu’ils disent c’est qu’il est pas mort c’est ça ? 
Ouais c’est ce qu’il disent mais je sais moi, je sais, tu crois il est pas mort? mais je sais il est mort, je suis sûr. Je suis sûr, ça fait trente minutes il est attaché avec le fil il est pas mort ? il respire pas, son coeur il bat pas, je sais pas, il est mort il est mort !
*
– et Forum Réfugiés par exemple ils disent quoi, ils disent pareil que la police ? 
Ouais, moi j’étais là « arrête de mentir ! », ils veulent pas moi tu vois parce que moi direct dans son visage ils disent qu’ils savent je sais pas quoi il est pas mort, il m’a dit « non non toi comment tu sais toi, t’es dieu toi ? », je dis à lui « starfoullah c’est pas bien, je sais il est mort il est mort il est mort« . comment il est pas mort ? ça fait trente minutes il est attaché avec le fil comment il est pas mort ? tu vois ? je suis contre ça moi, j’sais pas j’en peux plus, après ça même j’ai voulu changer de bloc ils ont dit non, on n’a pas le droit, mais j’sais pas, ils veulent rien. 
*
– Et lui toutes ses affaires elles sont encore au bloc ? est-ce qu’il a laissé quelque chose ? 
Ouais, ouais affaires vêtements il a des trucs ici, il a un document il a tout. 
*
– Toutes ses affaires elles sont restées au CRA ? 
Ouais ouais ouais ouais ouais. Le papier, la police ils demandent ça ils m’ont dit « fais voir ça tu vas pas garder ça », je dis à lui et pourquoi si il est pas mort ? pourquoi tu veux récupérer ça alors ? 
Je lui dis, « demande à lui commant il à fait, machin, tu demmandes pas à moi ». Il m’a dit « il est pas mort », alors demmande à lui, parle avec lui. Lui il va t’expliquer si tu m’as dis il est pas mort. Pourquoi tu me demandes comment il a fait qu’est-ce qu’il a fait ; il est rentré ou machin nanani, nanana. Bah si lui il est pas mort, t’as dit il est pas mort, demande à lui il va t’expliquer comment ça se fait, comment il a fait, tu vois ?
*
Du coup il a laissé une lettre c’est ca ?
Ouais pour sa femme, pour sa vie, pour la vie tu vois … Il a dit, je sais pas, les gens ils sont (?) entre nous. Il a écrit ca avant qu’il meure, le jour. Je vois lui comment il écrit il écrit, il m’a demandé un stylo, il marque, il marque, il marque. Il mange pas il fume, il allume une clope, il fume, il fume, il fume … Moi ça me fait trop mal au coeur, je ramène lui la salle, la salle tu vois. J’lui dis à lui « viens manger avec nous », il vient mais son plateau il le touche pas, il le touche pas … J’lui dis « fais moi plaisir mange une pomme, mange une banane ». Il m’a dit, « j’ai pas d’appétit tu vois, je peux pas manger ». Lui j’sais pas il a écrit ça après j’ai pris ca dans sa chambre tu vois.
Direct, direct je l’ai porté mais il est trop lourd, trop lourd, trop lourd, ça se voit bien qu’il est mort, il respire plus, moi quand je touche son cœur, je mets mon visage à coté de son visage, et il respire pas. Il est mort. Il est mort. Ca fait 10 jours, il demande au policier si je sais pas il parle avec eux, il lui dit « soit vous envoyez moi au bled ou si non pourquoi je suis ici, j’ai mon passeport, j’ai tout, mais pourquoi je suis pas libéré ! ou pourquoi je suis pas envoyé au bled, pourquoi tu m’gardes ici, pourquoi ? » Et personne il a écouté lui. Personne, personne, personne … On dirait, je sais pas, un oiseau il est mort, ou j’sais pas une ptite bête, ou j’sais pas il est mort, j’sais pas, pas une personne comme nous. Moi ça me fait trop mal au coeur.
*
– Et du coup comment tu vas toi ?
Moi je suis pas bien moi, j’suis pas bien. Ouais en plus j’ai le jugement le 60, heu le 19. J’sais pas … j’sais pas j’ai envie de faire un truc, j’sais pas moi … j’suis contre ca. Mais pourquoi j’suis enfermé, j’ai pas de laisser-passer, j’sais pas c’est pas la première fois. Même pourquoi ils me libèrent pas ? Pourquoi ils me gardent ici ? Moi c’est pas ma place ici. Tout le monde il t’cherche la merde. J’sais pas le policier tout à l’heure j’ai pas mangé à midi parce que j’ai fais un retard de 2 minutes. J’étais à la douche,  ils ont appelé « le repas, le repas, le repas ». Tous ils sont sortis moi j’sais pas, j’ai dit « dans 2 minutes j’arrive ». Ils ont dit « non il y a pas dans 2 minutes, attends jusqu’à 19h ». J’ai pas mangé toute la journée. J’sais pas j’ai rien fait, j’ai pas envie d’insulter eux, parce qu’ils vont me ramener à l’isolement. Tout seul ni matelas ni rien. J’sais pas j’en peux plus, j’te mens pas j’en peux plus, on vit comme des animaux ici, tu vois. Pire, pire que les animaux. Comme les animaux tu parles, tu ouvres ta bouche ils te ramènent à l’isolement, tu vois. J’sais pas, ils t’insultent, « sale esclave », j’sais pas « sale bledard », j’sais pas j’en peux plus moi. Y a pas que avec moi comme ça, avec tout le monde ils sont comme ca.
Je te mens pas la dernière fois ils ont fais exprès, 90 jours, 90 jours. Moi j’fais 60 jours, y a pas de laisser-passer, oui j’suis d’accord. Pourquoi j’suis ici ils ont rajouté moi 15 jours, à 75 jours y a pas de laisser-passer, 90 jours y a pas d’laisser-passer … Après j’suis sorti d’ici à 21h, ils ont fait exprès, j’trouve pas ni tram, ni bus, ni rien … J’ai marché à pied jusqu’à la gare. J’sais pas, j’sais pas, j’suis fatigué moi. J’te mens pas j’suis pas bien, même dans ma tête même partout. Je dors pas la nuit, je dors mal, j’sais pas, personne ne t’écoute. J’ai plein de souci, j’ai plein de problèmes. Je sais pas je comprends rien. Je comprends pas ma vie. Des fois j’me dis, pourquoi je vis comme ça, jusqu’a quand ? Tu vois. Mais je sais pas. … Des fois je me dis, ca va aller, ca va aller, ca va aller. Tous ils sont … ils disent ça va aller mais après jusqu’à quand, tu vois …
Moi j’suis pas contre la France, j’aime la France c’est pour ça j’ai pas quitté la France. J’ais l’interdiction de 3 ans mais j’peux pas quitter la France j’ai ma femme, elle est francaise, je l’aime. J’suis trop bien avec elle, j’ai pas de famille. Moi j’suis pas violent, moi, j’aime la France. Je sais pas, j’ai envie de rester ici, j’ai envie de vivre ici. Pourquoi les gens ils volent, ils font les trucs, les gens ils font les violences. J’sais pas ils sont dangereux, ils sont dehors. Mais les gens ils sont bien j’sais pas et pour les papiers, pour l’interdiction, y sont … Je sais pas on est la on est enfermés, on a rien fait. Les gens, les vendeurs, ils vendent du shit, puis l’autre il est voleur, l’autre il fait les violences, l’autre je sais pas, ils sont dehors. Nous ont fait rien, je sais pas, on est enfermé la, j’suis enfermé … 
Je sais pas, j’en peux plus j’te mens pas. J’te mens pas, j’en peux plus. J’ai pensé j’ai envie de faire comme lui, mais j’sais pas … J’suis au bout, j’suis au bout, j’suis au bout … J’suis au bout, je sais pas j’ai envie de sortir. La je sais pas le 20 janvier, heu le 19 si ils me libèrent j’sais pas ca me fait trop du bien. J’ai envie d’me reposer, j’ai envie de rentrer chez mon cousin, à l’aise. Je sais pas j’ai pas envie de parler avec les gens, j’ai envie de voir un psychologue, j’ai envie de faire les démarches. Je sais pas j’ai envie d’me reposer, reposer, reposer. Tout le monde il parle ici, il dort pas ni la nuit ni la journée. Je sais pas j’suis fatigué, j’suis fatigué, j’suis fatigué.
Normalement j’suis pas comme ca, normalement j’suis bien, je travaille. J’suis bien dans ma vie j’ai 25 ans tu vois. Mais non, moi j’suis ici, j’suis enfermé, je vois rien, j’écoute rien. Même ma femme elle a perdu sa carte d’identité elle peut pas venir me voir. Tu vois elle pleure tout les jours. Elle me dit « tu m’as laissée toute seule ». Moi je dis « c’est pas à cause de moi, moi j’ai rien fait regarde ». Mais je sais pas …
J’en peux plus, j’en peux plus, y’en a marre, y’en a marre. Y a pas que moi, y a tout le monde ici.
*
-Par rapport à ce qui s’est passé, tu sais si on pourrait faire quelque chose à l’extérieur ? 
J’espère, j’espère, j’espère .. J’espère parce qu’en fait c’est pas un centre ça, c’est pire que la prison, moi je préfère la prison c’est mieux qu’ici, ouai je te mens pas, je te mens pas. Ya rien. Je t’ai dit j’ai fait le retard de deux minutes, ils ont dit « non ! non ! ferme ta gueule » ils ont fermé la porte comme ça devant mon visage, ils sont partis, tous ils ont mangé et ya que moi, j’ai pas mangé, j’sais pas j’ai le traitement là, ici tous les  jours ils me donnent le traitement, tous les jours je dors, tous les jours je suis fatigué, à cause le traitement ils me donnent, j’reste là et je fais rien, j’sais pas toute la journée je dors. Moi je mange pas ça dehors, j’ai dis là je mange ça mais je sais pas j‘ai menti mais je mange pas ça. Même le toubib il m’a dit « nan je sais que tu prends pas ça dehors mais moi je te donne ça » il m’a dit ça ; si il faut on demande le médecin, le toubib, toi et moi. Il m’a dit « je sais que tu manges pas ça dehors mais je te donne ça » tu vois.
*
-Et c’est quoi comme traitement, tu sais ? 
Ils me donnent quatre pregabaline, attends je vais te lire, regarde je prends quoi toute la journée : je prends 4 pregabaline, je prend 4 diazepam, je prend 2 tramadol. C’est fort hein ?! Ca, ça .. euh j’sais pas c’est un truc je sais pas ça te rend plus euh .. c’est plus que la drogue tu vois. J’sais pas toute la journée comme ça dans ma tête je suis fatigué, tout le temps, le corps il est fatigué, je mange pas bien, je sais pas j‘ai perdu plein de kilos, j’sais pas, j’sais pas, j’ai mal à la tête, je dors pas la nuit, tous les jours je fais des cauchemars, je fais des rêves je sais pas je comprends pas ma vie, j’ai dit « putain ! jusqu’a quand ? » Je sors, ça va aller, ça va commencer comme ça. Moi je sors je reste en France, je suis ici je sors pas d’ici, moi j’aime la France je sors pas d’ici, même j’ai une interdiction, je reste ici moi, je suis pas violent je suis pas .. je rentre pas, pourquoi je quitte la France ? Je quitte pas la France, je reste ici. Tu vois, ils me donnent les traitements, ils me donnent ça, il me donnent ça, ils me donnent ça … Après toute la journée je dors. J’étais endormi tout à l’heure, j’ai fait ma douche et ils ont appelé pour le repas moi j’ai dit « dans deux minutes j’arrive, j’arrive madame ! » elle dit « allez allez on a pas le temps » elle a fermé la porte elle m’a dit « attends jusqu’à 19h ». J’attends jusqu’à 19h. Mais moi jsais pas, j’sais pas, même un chat il peut pas attendre jusqu’à 19h, là j’ai trop trop faim, j’ai trop trop trop faim j’ai trop faim tu vois. Ils ont mangé, ils sont allés dans la salle, on mange pas dans le bloc, tu vois, on mange dans la salle. Elle, elle a appelé, ils sont sortis tous, moi j’ai dit je fais un retard de même pas deux minutes, elle m’a dit « nan monsieur j’ai fermé la porte » elle m’a dit « monsieur [nom] attends jusqu’a 19h ». J’sais pas, j’sais pas, j’suis un plastique moi ?? J’sais pas ‘fin, j’en peux plus je te mens pas, j’aimerai bien ils me libérent le 19. Parce que moi j’sais pas ya plein de potes ils sont sortis en 60 jours tu vois. J’aimerais bien je sors, j’aimerais bien, j’sais pas j’ai envie de me reposer, j’ai envie d’aller à la montagne tout seul ! J’sais pas j’ai envie de vider tout, j’ai envie de parler avec moi-même, j’ai envie, je sais pas  j’sais pas j’ai trop mal à la tête, trop mal mal mal mal. J’ai la tête, j’ai le cerveau tout le temps il travaille, 24h sur 24, la nuit, il travaille tout le temps il travaille tout le temps, pour ma femme, pour ma famille, pour moi, pour qu’est ce que je fais, pour tout, pourquoi moi je vis, qu’est ce que je vais faire, j’sais pas plein de trucs, plein plein plein de trucs. J’sais pas jusqu’a quand, ça va finir quand ça ? Tu vois, j’ai envie de faire du sport, j’ai envie de faire machin et machin, quand je sors j’ai envie de m’occuper de ma femme, je reste avec elle, je vais avec ma fille tu vois, j’ai une petite fille, j’ai envie de rester avec eux. J’ai envie de.. je vais bien, j’sais pas j’ai envie de faire les problèmes. J’sais pas, j’arrive pas j’arrive pas. Ils nous laissent pas tranquilles, j’sais pas ils me voient, j’sais pas, on dirait j’suis un diable moi, j’ai rien fait, ils me ramènent ici parce que j’ai pas de papiers.
*
-Tu m’as dit que c’était pas le première fois que tu étais envoyé en centre de rétention ? 
A Hendaye, la première fois c’était à Hendaye, tu connais ? Hendaye j’ai fait là bas un mois. Appelleles demande si tu veux. Après, après je suis chez moi, ils ont ramené moi ici à Grenoble, alors à Lyon ici j’ai fait trois mois. Cette fois là, presque déjà un mois et demi, tu vois.
*
-D’accord, et tu m’as dit que t’aimerais bien voir un psychologue c’est ça ?
Ouais j’aimerais bien, j’aimerais bien je parle avec lui toute la journée, je vide tout. Quand j’écoute personne il parle, j’ai pas envie d’écouter les gens, ils parlent, mais personne personne personne … J’ai envie de voir ma femme, mon psychologue c’est tout. Elle me manque trop ma femme tu vois, je sais pas j’ai envie de dormir avec elle, j’ai envie de voir un psychologue, comme ma mère, j’ai jamais vu, j‘ai que l’amour tu vois. Ya que avec elle, tu vois, même avec ma famille, j’ai pas de famille, j’ai rien, je veux être avec elle je l’aime trop tu vois. J’ai envie de voir un psychologue, je sais pas j’ai pas envie de parler avec les gens, j’ai trop mal à la tête, j’sais pas même la télé là je regarde la télé mais je peux pas me concentrer avec la télé, je regarde la télé mais je suis dans le vide j’suis ailleurs tu vois mes yeux dans la télé mais moi j’suis ailleurs tu vois. J’arrive pas à me concentrer avec la télé, ça fait presque .. ça fait deux ans je suis comme ça. Tu vois je mets un film, tout le monde ils sont concentrés avec le film, moi je regarde des films comme ça mais … mais dans le vide tu vois. J’suis pas là, j’suis ailleurs, j’suis ailleurs dans un autre monde avec les cachets et avec machin donc je sais pas … j’sais pas ! Je sais pas ce que je dois faire je sais pas. Dieu il va décider c’est lui tu vois je fais ma prière, moi, tout le temps, j’suis à l’heure, je fais ma prière, je suis tranquille, mais je sais pas Dieu il … il va me faire quoi, lui, d’ici tu vois. Moi j’ai confiance en lui, j’sais pas lui il va décider pour tout mais je sais pas jusqu’à quand, je te jure, je te mens pas, je te mens pas je te mens pas, j’en peux plus. J’ai envie de sortir, j’ai envie de voir un psychologue, je sais pas, j’ai envie de rester solo tu vois, j’ai envie de calme, le calme tu vois, j’en peux plus qu’est-ce que j’ai fait dans ma vie, qu’est ce que je sais pas qu’est ce qu’ils ont fait de moi. La police ils ont fait trop de mal à moi ici en France, ils ont tapé moi, ils ont cassé mes mains, ils ont tapé moi tapé moi, jamais de la vie, jsais pas, ils ont tapé moi comme ça tu vois. La police ils me tapent, déjà la vie elle m’a tapé, j’ai rien, je sais pas, je souffre, des fois je dors pas la nuit. En plus ça, en plus centre, en plus j’sais pas en plus plein de trucs .. en plus je sais pas des fois … j’suis fatigué j’arrive plus parler, je te jure,  j’ai envie de parler, plein de trucs mais j’arrive plus, j’arrive plus parler tu vois.
Je sais pas qu’est ce que je vais faire c’est tout. Moi j’ai peur de personne, marque mon nom marque mon prénom, je suis avec vous, eux je sais pas qu’est ce qu’ils vont faire, moi j’ai le jugement le 19, je sais pas, je sais pas moi qu’est ce que je vais faire. Si ils me libèrent ça ça serait trop bien tu vois. J‘ai envie de reposer, j’ai envie de prendre rendez vous avec l’assistant social, je veux faire un avocat, je vais faire les démarches, j’ai envie de faire plein de trucs tu vois. C’est tout à part ça je sors pas d’ici. Même eux ils me disent monsieur t’as 7 jours et tu quittes la France, je dis d’accord, je reste ici je quitte pas la France, j’aime la France moi, j’aime la France je reste ici, je te mens pas.
*
-Est ce qu’il y a d’autres personnes qui sont au courant que il y a un personne qui s’est suicidée dans le CRA ou pas ? 
Oui ils sont pas contents, même eux, ils sont pas contents, ils ont dit « on brûle le centre ! on brûle le centre » moi je veux pas faire ça, moi je dors, si quelqu’un il fait ça moi je dors la nuit, je sais pas, je meurs avec eux, moi? Tu vois, je suis contre ça, tout le monde ils sont pas contents, ils sont pas contents tout le monde, ils sont pas contents ils sont pas contents.
Mon pote il est là à côté de moi, il parle pas français. il est choqué, il est trop choqué. Il est trop choqué, il a vu le mec, comment il est mort… Tu vois on est tous… on est pas bien tu vois. C’est tout. Je sais pas moi… Je vois que le grillage, j’vois rien moi, même le ciel je le vois pas.
Là j’appelle l’infirmière, j’appelle la police, pour, j’sais pas… je dis « là je suis malade, j’ai mal aux dents, j’sais pas, j’ai envie d’un traitement… » et ils me crachent au nez tu vois. Ils m’insultent, ils me disent va te faire foutre, je sais pas, machin. je sais pas. tout le monde dans le bloc ils sont pas contents. Dans tout le bloc, tout le CRA tu vois, pour lui, ils sont pas contents.
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– les gens ils demandent quoi?
 ils demandent, je sais pas… y’en a ils veulent changer de bloc, l’autre il demande pourquoi il a fait ça, pourquoi, j’sais pas… ça se fait pas lui ce qu’il a fait, moi-même j’peux pas faire ça. même j’en ai marre, même je suis au bout, je peux pas faire ça. mais les gens ils ont dit j’sais pas, tout ça pour les papiers, on est enfermés, tout ça parce qu’on a pas de papiers. tout ça parce qu’on a pas de papiers. les mecs ils sont morts, y’a pas que lui hein. y’a des gens tous les jours ils coupent… l’autre il coupe ses veines, l’autre il déchire j’sais pas, il va couper ses mains, l’autre il va faire un truc, l’autre il a la lame, il va couper le cou… tous les jours plein de trucs ici, tous les jours, tous les jours. Dès que tu parles avec la police ils te ramènent en isolement. c’est ça, c’est que ça.
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– est-ce que tu sais si y’a d’autres personnes qui auraient envie de témoigner?
ouais y’en a tous, ils sont avec moi, t’inquiète. mais en fait il parle pas français lui, il est avec moi dans la chambre, tu vois il m’a dit « viens on fait une solution, viens on fait une bagarre, comme ça ils nous changent de bloc la police tu vois ». j’ai dit à lui « comment? tu veux que toi et moi on va dans un autre bloc? on peut pas… ». on fait un cinéma moi et lui comme quoi on va faire bagarre moi et lui, comme quoi la police il me change moi et lui. parce que je peux pas, sa chambre elle est… jusqu’à maintenant elle est vide tu vois. personne il rentre là bas. personne il rentre, tous ils ont peur. ils ont peur, ils ont peur. comme moi quand j’ouvre la porte, je regarde sa place, je regarde comment je l’ai vu la première fois. je sais pas je dis putain putain putain putain j’comprends rien, j’comprends rien, j’comprends rien. moi je suis trop trop trop trop trop trop choqué. j’ai oublié le problèmes que j’ai. ma femme elle est enceinte, tous les jours elle pleure, elle pleure. puis j’sais pas, moi non plus, j’ai vu ça, mais j’sais pas… j’comprends rien du tout. j’comprends rien du tout, j’te mens pas.
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– merci d’avoir bien voulu faire ce témoignage.
y’a pas de souci, y’a pas de problème, je suis là, tu m’appelles quand tu veux, t’appelles sur le fixe si il faut, tu demandes Samy, j’suis là. je suis avec vous, je suis contre ça moi, j’suis contre ça. moi je vois quelqu’un il va faire ça, je le laisse pas faire ça tu vois. moi je regrette, c’est pour ça, je me dis pourquoi je l’ai pas ramené avec moi dans la salle à manger tu vois, même il mange pas il reste avec nous, si jamais… j’ai pas pensé ça. parce que avant… il m’a dit je vais trouver une solution demain mais… je lui ai dit « c’est quoi une solution », il m’a dit « je vais trouver une solution avec eux » tu vois. mais moi j’ai pas pensé ça! j’ai pas pensé ça. lui il a fait ça… j’ai trop mal au cœur pour lui, ça m’a choqué. ça va pas… je vais rester toute ma vie je pense à lui, j’oublie pas ça de toute ma vie. j’oublie pas ça de toute ma vie. au bled j’ai pas vu ça, partout j’ai pas vu ça. j’ai vu ça au CRA, au centre, à Lyon. j’te mens pas. qu’est-ce que j’ai vu ici… c’est horrible. c’est grave c’est grave c’est grave c’est grave c’est grave.
C’est tout, j’espère qu’ils vont me libérer, j’sais pas. j’en peux plus des prisons, des centres, des prisons, des centres. j’en peux plus de ça. je suis fatigué, j’ai envie de faire une vie… je demande rien tu vois. je demande un travail, je demande juste avec ma femme, je reste tranquille. les gens ils me donnent un travail, je travaille moi! juste je travaille tranquille, ma femme, c’est tout tu vois. je veux que ça, mais je sais pas… on va voir.
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témoignage téléphonique du 5/01/2023.