Parloir sauvage en soutien aux prisonnièr·es du CRA de Lyon-Saint-Exupéry

L’État continue à enfermer et mettre en danger la vie des prisonnièr·es malgré les nombreux témoignages des personnes enfermées en CRA, les mobilisations importantes de la Marche des solidarités partout en France en octobre 2020 et la manifestation pour la fermeture des centres de rétention du 28 novembre dernier à Lyon.

Soutenons les luttes des personnes enfermées et exigeons la fermeture des centres de rétention, la fin de l’enfermement et des expulsions !

Deux jours avant l’Acte 4 des Sans-Papiers, rendez vous le mercredi 16 décembre 2020, devant le CRA de Lyon Saint Exupéry pour répondre à l’appel des prisonnièr·es et montrer notre solidarité !

Les CRA sont des prisons où l’État enferme les personnes qu’il considère comme irrégulières sur le territoire français parce qu’elles n’ont pas les « bons » papiers. L’objectif officiel de l’État, par l’intermédiaire de la PAF (police aux frontières), est de maintenir ces personnes enfermées pour organiser leur expulsion. Les prisonnièr·es peuvent être emprisonné·es jusqu’à 90 jours au cours desquels iels subissent des violences physiques et psychologiques. Les violences policières, tortures, insultes et humiliations sont quotidiennes. A cela se rajoute la possibilité pour l’État de les condamner à de la prison ferme pour toutes sortes de prétextes : notamment le fait de résister à la déportation, ou en ce moment par exemple, le fait de refuser de faire un test covid.

Début novembre, des personnes enfermées au CRA de Lyon ont été testées positives au covid 19. Les prisonnièr•es ont entamé une grève de la faim pour exiger leur libération immédiate.

Actuellement, beaucoup de frontières sont fermées. Quand l’expulsion n’est pas possible, les CRA montrent leur vrai visage : l’État continue de faire payer aux sans papiers leur présence en les maintenant enfermé·es, mettant leur vie en péril en temps d’épidémie mondiale.

La gestion criminelle de la crise sanitaire s’ajoute aux conditions de détention habituelles (insalubrité, promiscuité, nourriture infecte, justice répressive, manque de soins, déni du droit de visite, violences policières en toute impunité…).

Dans le contexte général de stigmatisation et de criminalisation des personnes étrangères, l’État fait le choix de durcir davantage ses politiques racistes et carcérales. Le CRA continue de se remplir. L’Etat français fait pression sur d’autres gouvernements pour expulser toujours plus et assoir sa violence néo-colonialiste, assumant un chantage aux visas notamment pour l’Algérie, la Tunisie et le Maroc.

L’ouverture de plusieurs nouveaux CRA est programmée. À Lyon, la construction d’un deuxième centre de rétention a commencé depuis plusieurs mois à quelques centaines de mètres du CRA actuel, sur un terrain appartenant à Vinci. Le budget estimé est de 12,5 millions d’euros, sa surface de 3200 m2, et sa capacité d’enfermement de 140 places. D’autres entreprises privées collaborent avec l’État et travaillent à maintenir le système des CRA tout en se faisant du fric. À Lyon, le marché de la construction du nouveau CRA a été attribué à Eiffage, assisté par l’entreprise ICAMO, qui s’y connait déjà en construction de taules vu qu’elle a géré des chantiers pour d’autres prisons notamment à Saint-Quentin Fallavier.

En soutien aux luttes des personnes sans papiers enfermées et isolées, mobilisons-nous pour la fermeture définitive des centres de rétention et contre la construction du deuxième CRA de Lyon !

Régularisation de tous·tes les sans papiers !

Ni expulsions, ni prisons,

Virus ou pas, à bas les CRA !

 

Rdv le mercredi 16 décembre à 18 heures devant le CRA de Lyon, rue du Royaume-Uni à Colombier-Saugnieu.

 

Rassemblement déclaré en préfecture, organisé par le Genepi Lyon et le collectif Lyon anticra.

« on compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. » Témoignage de X, prisonnier au CRA de Lyon (14/11/20)

Bonjour messieurs-dames. Je m’appelle X. Je suis au centre de rétention de Lyon. En fait je vous appelle pour que vous m’aidiez. Si vous voulez rentrer faire un reportage ici. Écoutez la police comment elle parle ! Écoutez avec nous en live ! [la police amène une nouvelle personne atteinte du covid alors qu’ils sont déjà quatre dans la chambre. on entend des cris. « – non, pas de nouvelle personne ! le gars il est positif ! – t’es positif aussi ! – moi je suis positif?! moi il me restait deux jours pour sortir. il me restait deux jours, je voulais pas être malade !! – toi t’es déjà malade! t’es déjà malade mon pauvre ! – oui je suis malade ! je voulais pas être malade ! – toi mets ton masque déjà ! –  j’accepte pas lui dans ma chambre ! on est déjà quatre personnes ! – on a pas dit qu’il allait dans ta chambre. – il est là, alors ?! sans matelas ?! »].

Ils voulaient ramener une cinquième personne avec nous. Vous avez bien entendu ? Ils voulaient amener une cinquième personne avec nous ici. On est quatre, ils voulaient ramener une cinquième. Vous avez bien écouté ? Et là y’a une autre personne positive, ça veut dire on est plus de 40 personnes positives. Vous avez bien écouté ? On est positifs et ils ramènent un autre positif avec nous. Ça veut dire nous si on est bien aujourd’hui, on est pas malades, ils ramènent un autre avec nous qui est malade, ils nous ramènent la maladie. Il a pas de matelas il a rien. Ils sont ramenés comme ça, sans matelas sans couverture sans rien. – Dis-le ! ils t’ont ramené! Parle! [il passe le téléphone]. « Ils m’ont ramené, ils m’ont dit vous êtes positif, ils m’ont ramené ici. Tout le monde qui est positif il est ramené ici. – On t’a ramené ton matelas ? Tes habits ? – Ils vont les chercher ». Ils sont partis ils ont ramené le monsieur avec rien. Ni matelas ni rien. « Ils t’ont frappé ou pas ? – Ils m’ont frappé, ils m’ont mis au mitard. » Ils ont ramené le monsieur ils l’ont frappé, hier ils l’ont ramené au mitard et ils l’ont amené ici aujourd’hui.

– mais pourquoi ils l’ont frappé ?
Ils l’ont frappé parce qu’il voulait pas venir à l’isolement. Il a dit « il y a beaucoup de gens là-bas, moi je pars pas là-bas, ramenez-moi de l’autre côté. Ils ont pas de chambres vides ». Il a dit « amenez-moi avec une ou deux personnes ». Ils l’ont amené avec cinq personnes. On est cinq personnes dans la chambre.

– Ils ont mis tous les gens qui ont le covid ensemble c’est ça?
oui c’est ça. Hier y’a une personne elle a cramé son matelas. y’a eu le feu et tout, ils sont venus, ils ont ramené le monsieur au mitard. ils l’ont frappé. parce que ils épuisent tellement les gens, tellement la police parle mal, tout le monde parle mal, y’a pas d’avions, on est 120 personnes dans le centre. y’a quelqu’un qui a une opération de l’épaule, ils veulent pas le laisser sortir pour opérer. Moi j’ai trois gamins français, ma femme française, je travaille en CDI, j’ai des fiches de paye. Ils voulaient pas me libérer, ils me ramènent à l’isolement. Ils parlent pas avec nous. « mets ton masque sinon tu parles pas avec nous ! ».Et là, on était quarante, maintenant y’a quarante et une personnes positives. Y’a tous les jours 4 personnes, 4 personnes, 4 personnes. […]

– est-ce que vous avez des masques, du produit pour les mains… ?
ils ont donné des masques pour une semaine ! un masque pour une semaine. Si tu acceptes pas tu vas au mitard.

– et les policiers, les gens qui font le ménage, ils ont des protections ?
ils font le ménage une fois tous les trois jours, pas tous les jours. parce qu’ils ont peur. les policiers quand ils viennent ici y’en a qui viennent en tenue normale et y’en a qui viennent en tenue blanche. y’a des femmes de ménage qui mettent la tenue blanche.

– tu disais que les policiers ils vous jetaient les sacs de nourriture ?
oui, ils jettent les sacs par terre. le policier il vient, il prend pas le sac dans la main. ils disent « on a pas le droit de donner le café la main dans la main ». donc y’a pas le goûter et y’a pas le café le matin. et le sac de repas, ils jettent le sac, des fois y’a la sauce dedans et tout. quand ils jettent le sac, le sac je le récupère, plein de sauce dedans. tu vois ?! comme des chiens, on est comme des chiens. y’a quelqu’un hier il voulait se suicider. il a pris la lame il voulait se charcler. il voulait pas partir au mitard. il a charclé son corps. avec la lame. il a une opération, il voulait aller à l’hôpital. son épaule. toujours il pleure, la nuit, il pleure la nuit, il pleure la nuit. il arrive pas, il parle avec la police à six heures du matin, elle a dit « va niquer ta mère, va dormir ». l’autre il a répondu, ils sont venus à trois personnes, ils l’ont frappé.

– et le médecin il dit quoi ?
Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement.

– il dit rien par rapport au fait que vous pouvez pas respecter les distances sociales et tout ?
il dit rien, il dit rien, y’a pas un mètre de distance, il vient, il voit devant lui, quand il vient on met la pression on crie et tout.

– et les gens de Forum ils font quoi, ils sont au courant aussi non ?
oui ils sont au courant ! mais c’est tous ensemble. ils travaillent ensemble. la police c’est les copains de Forum. la dernière fois, devant moi il a dit à la police « moi je préfère [inaudible] vous, parce vous travaillez avec moi tous les jours ici. y’a des gens qui partent chez eux, y’a des gens qui sont libérés. je m’en bats les couilles des gens. ». il a dit ça J., devant moi.

– il a dit quoi ? j’ai pas compris.
il a dit à la police « moi quand j’ai quelqu’un pour réclamer un truc ou quoi je m’en bats les couilles. il a dit à la police « moi je réclame pas pour vous parce que vous êtes mes collègues. vous travaillez avec moi dans le centre ». après il m’a dit, « moi je vais pas casser les couilles toujours avec la police, la police travaille avec moi tous les jours. » Il a dit ça devant moi. Il s’appelle monsieur J. à Forum. Il travaille avec la police, il fait rien avec nous. Quand on l’appelle avec le numéro de Forum, il voit mon numéro il répond pas. La police elle m’a dit « c’est moi la loi, c’est moi qui décide. je te soule ta vie », il a dit ça.

– il a dit quoi ?
il a dit « c’est moi la loi. si tu suis pas les règles, si tu me casses les couilles, je te mets la misère » il m’a dit. « je te casse ta vie » il m’a dit.

– « je te casse ta vie » ?
ouais il m’a dit « je te casse ta vie ». Il m’a dit ça. « Respecte-nous » j’ai dit, on est pas des chiens, on est pas des animaux. Donne moi le sac dans la main ou bien pose-le. Au moins ramène une chaise, mets-la devant la porte, mets les trucs sur la chaise. Et nous on récupère sur la chaise. Il m’a dit « tu parles pas comme ça avec moi !! c’est moi la loi !! t’as compris ce que je t’ai dit !!? c’est moi la loi !!! tu fais ce que je décide moi sinon tu vas partir au mitard ! je te soule ta vie, je te renvoie chez toi ». Il m’a dit comme ça, « les arabes de merde », et tout. j’ai dit moi mes amis français je meurs pour eux. Les Français, c’est tous des copains à moi. il y a un Français, depuis que je suis prison, au centre, il m’envoie de l’argent. il est venu il m’a amené des cigarettes. y’a un autre Français, mon copain, il part tous les jours chez ma femme il ramène des trucs pour les enfants. J’ai dit « les Français c’est mon copains, pourquoi tu dis les Arabes, les Français et tout ? C’est un mot raciste là c’est pas bien. » Moi je meurs pour les Français. Ma femme c’est une Française. Mes enfants c’est des Français. Ma mère est française. Moi je veux devenir français.

– et est-ce qu’il y a des expulsions en ce moment ?
non y’a pas d’avions, les avions c’est fermé. les gens sont ramenés, sortent, y’a aucun pays qui accepte les avions.

– et y’a quand même des gens qui arrivent au centre ?
y’a des gens qui arrivent tous les jours au CRA. ils ramènent tous les jours des gens au CRA. ils peuvent ramener le corona de l’extérieur, le ramener ici. comme la dernière fois, à cause d’un monsieur qui est rentré sans test, il a ramené le corona de l’extérieur, il l’a ramené ici, on a tous ici le corona.

– tu veux rajouter quelque chose ?
oui, s’il vous plaît, aidez-nous. aidez-nous s’il vous plaît. on compte sur vous pour fermer ce centre, c’est catastrophe. on est trop touchés. comme la France on est trop touchés par le coronavirus. j’ai pas envie de mourir ici, j’ai mes enfants. s’il vous plaît s’il vous plaît s’il vous plaît. […]

Et ils ont ramené une famille complète. Un père, une mère, et un gamin de l’âge de 12 ans miskine, il est là.

– une famille? ils sont là en ce moment ?
ils sont là ils sont dans le centre. explique-moi, ils ont fait quoi pour être là enfermés ?! Un gamin de l’âge de 12 ans. Son père il est d’un côté et sa mère elle est de l’autre côté, côté femmes, avec son fils.

« Parce que nous on est là, on est dans la réalité du virus, le virus il circule, on est la dedans et personne ne nous aide, personne ne fait rien pour nous aider ». Témoignage de D. enfermé au CRA de Lyon Saint-Exupéry (10.11.2020)

Salut, comment ça se passe à l’intérieur pour toi  ?

Pour dire la vérité, ici il y a des problèmes très graves, on a déjà 13, 1Liberté pour tou.tes les prisonnier.es !4 cas de positifs au Coronavirus, peut-être qu’il y en a d’autres, mais on sait pas encore, parce qu’il y a beaucoup de monde qui fait pas le test. On a peur de savoir qui a le corona, et  il y a personne qui fait rien. On n’a pas beaucoup de protection, on n’a pas d’hydrogel, on a un masque pour une semaine, c’est le masque jetable qui dure trois, quatre heures je crois, nous on l’utilise pendant une semaine. Je sais pas, là on fait la grève de la faim. On essaye de parler, mais on est toujours agressé par les agents parce qu’eux ils ne veulent pas qu’on fasse des dénonciations comme quoi on a peur d’être ici par rapport au virus.

Vous êtes combien en ce moment à peu près ?

A peu près, on est plus de 90 personnes.

Et il se passe quoi avec les personnes testées positives au virus ?

Il les on pris et ils les ont juste mis dans une autre partie, c’est des containers je crois ou des trucs comme ça, comme isolés, mais je sais s’ils ont un truc de spécial, c’est juste un isolement, comme une garde à vue.

Et comment il réagit le médecin ?

Hier, moi j’ai demandé tout seul de faire le test parce que j’avais peur. Mon collègue de chambre aussi il a demanndé. Mais après ils nous demandent pas toujours de le faire , je sais pas qui pourrait venir nous demander de faire le test. Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible.

Et tu disais que ça fait combien de temps que la grève de la faim a commencé ?

Ça fait une semaine.

Et c’est quoi la réaction de la police et de Forum réfugié ?

Ils ne réagissent pas. Ils s’en foutent. C’est pas leur problème. Ils ne font rien. Ils ne font rien pour nous libérer.

Tu voulais adresser un message aux médias et aux associations ?

Moi c’est sur que je veux adresser un message aux médias, aux parlementaires, à tout le monde qui peut entendre ce message. Parce que nous on est là, on est dans la réalité du virus, le virus il circule, on est la dedans et personne ne nous aide, personne ne fait rien pour nous aider. En plus, il y a toujours des va-et-vient de personnes qui arrivent à l’intérieur, et ça c’est pas possible. On a déjà 14 cas de virus et ça va augmenter, c’est sûr que ça va augmenter.

Tu veux rajouter quelque chose ?

Faîtes quelque chose pour nous. On peut pas rester. On risque, on est trop dans le risque, trop de personnes qui sont malades. On peut pas rester là, c’est pas possible de rester là dans ces conditions comme ça.

« voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions ». Témoignage de X, prisonnier au CRA de Lyon

Je raconte en détail depuis le début. Ils m’ont emmené à l’isolement à cause du monsieur qu’ils disent qu’il a le corona, il est positif. ce monsieur il est venu de prison. il a passé une semaine avec moi dans le centre, avec tout le monde. et là du coup ce monsieur il a une grippe ou quoi. après il est parti faire le test. ils disent qu’il faut mettre ce monsieur à l’isolement. ils font exprès de me mettre avec lui pour me mettre aussi à l’isolement.

ils m’ont emmené à l’isolement hier, j’ai demandé le matin des cigarettes comme tout le monde. j’ai donné 20 euros au guichet pour qu’ils m’achètent un paquet. ça coûte 10,40 euros, j’ai pas de monnaie j’ai donné 20 euros. du coup après quand ils m’ont emmené à l’isolement j’ai parlé à la personne, « j’ai besoin de cigarettes ». normalement à 11 heures ils emmènent les cigarettes. j’ai appelé à 11 heures, midi, midi trente… il vient pas. Le gars il fait exprès pour que je fume pas. moi je suis en colère, je dis « comment, ils m’emmènent quelqu’un qui a le virus corona, il habite avec moi, après ils m’emmènent à l’isolement, il n’y a aucune protection dans cette chambre… ». Voilà. Et quand ils m’ont emmené les cigarettes, j’ai vu la monnaie, il m’a rendu que 5 euros. 5 euros et un paquet. J’ai dit « comment ça se fait, normalement c’est 10,40 euros ». Là il m’a dit « Ferme ta gueule », je sais pas quoi. Il m’a parlé méchamment. J’ai dit « on s’en fout », j’ai fumé une cigarette. Et là ils sont partis.

Après j’ai appelé pour mes vêtements. ils sont venus avec tout, les masques, les protections. ils sont entrés dans ma chambre, ils m’ont fait tomber par terre. ils ont cassé la puce de mon téléphone. moi j’ai rien compris. Pourquoi ils ont fait ça ? j’ai rien compris. après quand j’ai pensé dans ma tête je me suis dis c’est à cause de la préfecture. j’ai la pression sur moi pour que je fasse un test. parce que ce jour-là quand on m’a demandé de faire un test j’ai refusé (1). et voilà. et  quand ils sont partis j’ai cassé la poignée de la porte et j’ai bloqué la porte à l’intérieur et j’ai dormi. j’ai dit je vais faire la grève de la faim, on s’en fout, l’essentiel c’est que ça se passe pas encore. et ils sont revenus, à 10 personnes, comme si ils avaient trouvé un terroriste ou quoi. ils sont entrés dans ma chambre, par terre, avec les bottes, ils me frappent… c’est pas la peine. J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent.

après ils m’ont emmené au mitard. parce que j’ai cassé cette poignée, ils m’ont foutu au mitard. j’ai passé la nuit, ils voulaient me mettre des ceintures sur le lit mais comme le garde du soir il me connaît car ça fait 75 jours que je suis là et j’ai aucun problème, je suis quelqu’un de correct, il leur a dit de me laisser libre. franchement je suis dégoûté. j’ai tapé ma tête sur la vitre incassable. je l’ai cassée. ils ont fait des photos comme quoi je suis un voyou. c’est toujours moi la victime et c’est toujours moi le voyou. demain normalement j’ai le tribunal. ils m’ont dit non tu vas pas voir le tribunal, dans trois ou quatre jours tu vas voir directement le procureur il t’envoie directement au tribunal. normalement moi demain matin c’est fini, 75 jours. comme je vais dépasser les 75 jours, après je vais voir le tribunal. c’est un peu bizarre, j’ai rien compris franchement. soit ils appliquent la loi correctement, soit ils l’appliquent pas… mais eux ils sont pas en train d’appliquer la loi.

comme il y a du terrorisme dehors, surtout à cause du Tunisien qui a fait l’attentat à Nice, un terroriste ou je sais pas c’est qui même, moi je paie la facture, parce que je suis Tunisien. Mais moi je dis non, je dis que j’ai rien fait, en France je vis tranquille. Au contraire, je suis professionnel de construction de bâtiment. et là aujourd’hui je paie la facture d’un fou, d’un terroriste. […] ils lâchent les terroristes et ils m’attrapent moi parce que j’ai la nationalité tunisienne.

moi tout ce qui m’inquiète c’est mon fils. quand je réfléchis, j’ai quitté mon fils, j’arrive pas à trouver une solution. je suis depuis dix ans ans en France, j’ai jamais fait de garde à vue. aujourd’hui ça fait 75 jours de prison, pire que la prison, parce que j’ai pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si j’ai pas de carte de séjour. c’est la préfecture qui me donne pas de carte de séjour. c’est pas ma faute si je suis pas marié avec une Française pour avoir une carte de séjour, je suis marié avec une Italienne, c’est le destin. et là je peux rien changer. moi j’ai pas pensé aux papiers. J’ai pas cherché les moyens pour faire un mariage blanc et avoir des papiers, je cherche une femme pour avoir une famille.

voilà comment on traite les gens. on est isolés. c’est vrai qu’il y a des caméras mais dans les chambres il y en a pas. dans les chambres il y a que des agressions, ils parlent méchamment. Bon c’est pas tous, franchement. y’a des policiers qui comprennent. mais y’a des policiers qui travaillent avec la préfecture. Comme m’a dit un civil, « le préfet il gagne 30 000 euros, tu peux rien lui faire. Il peut t’envoyer même sans test en Tunisie ». Je me suis dit bah voilà, c’est pas la fin du monde. si je rentre, je rentre. je prends la mer et je reviens au moins en Italie, je vais voir ma femme et mon fils. j’ai pas le choix. j’ai travaillé 10 ans en France, je mérite pas ça moi. si j’ai un casier judiciaire sale ou si je suis un voyou ou quoi que ce soit, oui. mais là, j’ai des fiches de payes, je cotise chaque mois, j’ai eu aucune aide depuis que je suis venu sur le territoire français. ils m’ont pas payé la formation. et là aujourd’hui je suis professionnel.

moi je sais bien que la loi française est pas comme ça. j’ai un enfant, je connais bien la loi, c’est pour ça que j’attends, je vais me présenter devant un juge, je vais parler avec lui. si il me comprend il va me libérer, si il applique la loi … je sais pas d’après quelle loi c’est, je suis contre cette loi. comment un père de famille peut être emmené en prison parce qu’il rentre pas chez lui. si ils veulent m’expulser, j’ai l’Italie, j’ai mes papiers en Italie. pourquoi ils m’emmènent pas en Italie ? Normalement je devrais aller avec ma femme en Italie, pas en Tunisie. Parce qu’ils sont en colère contre les terroristes tunisiens ou je sais pas quoi… Mais c’est pas ma faute, le terrorisme. c’est partout le terrorisme ! même en Tunisie on a des terroristes.

dans ma chambre il y a un gars ils disent qu’il est positif et il est toujours avec moi. ça veut dire quoi ? ils veulent m’emmener le virus ? j’ai rien compris franchement. on est deux personnes victimes d’une autre personne qui a fait le test, elle est positive et elle est toujours avec nous. il y a des personnes positives qui sont à l’isolement de l’autre côté. et il y a une personne positive qu’ils ont emmenée avec nous. ça se voit, le mec il tousse, il a le corona, c’est vrai. il a la gorge, la respiration, ça va pas… j’ai parlé avec le médecin il m’a dit bon on n’est pas sûr, on attend 7 jours après on va voir si il l’a ou il l’a pas. mais c’est quoi ça ? moi je prends le risque d’être là avec quelqu’un peut-être il l’a, peut-être il l’a pas. et après moi je vais être victime de qui ? de lui ! victime de la loi française ! c’est pas la loi française, c’est la loi administrative de la préfecture. Ils m’ont dit « le préfet il est responsable ». comment il a le pouvoir ce préfet qu’il m’emmène le corona, il détruit ma vie ? Mon travail ils m’appellent ils m’envoient des messages chaque jour, « viens travailler ». moi pendant le confinement quand toute la France ils étaient chez eux moi je travaillais sur le chantier. et maintenant ils m’emmènent ici.

c’est pas la peine, je raconte ma vie… de toute façon moi je vois que c’est le destin. même ma femme elle a dit, « tu demandes, on va y aller en Italie. Y’a pas beaucoup de travail mais ça va aller. » Mon fils chaque jour il m’appelle, « papa tu viens quand ? ». ça me fait mal. y’a une loi qui protège les enfants aussi en France, mais ils l’appliquent pas. […]

moi de quoi j’ai besoin? De ma femme, de mon fils, de ma vie tranquille. Soit riche, soit pauvre, on s’en fout, l’essentiel c’est qu’il y a une loi qui me protège moi, ma femme et mon fils.

 

(1) il souhaite refuser le test car légalement c’est une condition préalable à l’expulsion. Refuser le test est un moyen d’éviter l’expulsion. Mais le refus de test est considéré comme un refus d’embarquer, et donc passible de prison ferme.

Grève de la faim au CRA de Lyon ! Les prisonniers dénoncent leur situation alors que 11 personnes ont été testées positives au Covid-19. Témoignage

Bonjour. Moi je m’appelle X. ça fait 25 jours que je suis au centre de rétention de Lyon-Saint-Exupéry. le truc là, ça va être mal tous les jours. Les gens qui ont attrapé le coronavirus ici, déjà y’a 11 personnes positives. Et aujourd’hui ce matin on s’est réveillés, ils ont amené deux personnes en isolement. Ils ont dormi à côté de nous et tout. Et là on demande le droit à parler avec la police, parler avec les gens, lancer à l’extérieur comme quoi il y a le coronavirus ici. Y’a pas de moyens sanitaires, rien, et la liberté, rien. Le policier il m’a dit nous on s’en fout. Il m’a dit « moi je travaille, mon travail ici 8 heures, après je pars je m’en bats les couilles de ce qu’il se passe ici ». La grève de la faim, ça fait trois jours, y’a personne qui est venu nous voir, y’a personne qui a parlé sur nous, ya personne qui a… du tout.

y’a quelqu’un, mon copain, il a mal au dos, ça fait quatre jours, je sais pas combien de temps. y’a personne qui l’a cherché. y’a mon copain, il a une opération de l’épaule, avec les papiers de l’hôpital comme quoi il a un rendez-vous pour l’opérer à l’épaule. il voulaient pas le sortir pour opérer.

moi personnellement j’ai trois gamins français, ma femme française, je travaille. je suis en CDI et tout. et là ils me ramènent ici au centre de rétention, ils m’ont pas libéré, je sais pas pourquoi.

Là ça devient compliqué trop trop. y’a des gens ici… moi personnellement si j’avais pas mes enfants je penserais à me suicider ici. y’a beaucoup de gens aussi ici ils pensent à ça. y’a quelqu’un avant-hier il a bu la javel pour se suicider. on l’a sauvé. on l’a pas laissé boire la javel.

ici y’a pas de droits de l’homme, y’a personne qui a parlé sur nous, ils parlent avec nous comme des chiens. on a des habits sales. y’a pas de nettoyage dans la chambre. on est 5 personnes dans une chambre de quatre mètres sur deux. La police vient, elle parle mal, elle dit « ferme ta gueule, ferme ta gueule la pute, ferme ta gueule sale pute ». Ils taillent, ils respectent pas le comportement des gens, ils respectent rien.

Et là ça va compliquer, c’est compliqué. ça fait trois jours qu’on est en grève de la faim, y’a des gens ils sont quatre dans leur chambre. y’a des gens qui sortent pas de leur chambre. On a attendu qu’il y ait des gens de l’extérieur qui nous aident. S’il vous plaît. Et personne ne nous a aidés, à part les journalistes, à part vous, à part les journaux, à part ça y’a personne. Et y’a pas de droits pour voir la famille, y’a pas de visites. On n’a pas de visites, on n’a pas le droit de voir la famille, on n’a pas le droit pour voir les gens de l’extérieur, y’a personne. Et en plus on fait les papiers ici pour faire l’appel, pour appeler l’avocat, ils voulaient pas. La cabine de téléphone, le fixe. Quand y’a des gens ils ont pas de téléphone ici pour appeler l’extérieur ou les gens de leur famille, y’a pas la cabine de fixe. Elle marche pas la cabine. Et voilà, s’il vous plaît, aidez-nous.

On est 127 personnes dans le centre de rétention de Lyon-Saint-Exupéry. Il y a des gens handicapés. Il y a des gens qui ont attrapé le coronavirus depuis une semaine ils sont là ici avec nous. Ils les ont amenés en isolement, ils sont sortis positifs, ils les laissent dans notre chambre, avec nous. Y’a pas le moyens sanitaires. Y’a pas de masques, ils donnent pas de masques. Ils donnent pas les produits sanitaires pour se laver les mains, pour ça y’a rien. Les shampoings ils donnent des tubes, ils donnent des sachets de shampoing, des petits sachets comme ça. tu les mets sur tes cheveux, tu sais pas si t’as mis du shampoing ou si t’as mis de l’eau. En plus on n’a pas de droits de rien. on sent qu’on est… c’est pas la France… c’est la France qui dit liberté égalité fraternité ? Nous on voit pas ça. En vérité on voit pas ça.

L’association, à part Forum le jour quand tu rentres ils te donnent le papier, les règles de là-bas, il dit ramène moi le papier parce que demain tu passes au juge nanana. Après demain, après je sais pas quoi, y’a rien, c’est bon. Ils nous aident pas. Même faire une photocopie on n’a pas le droit.

ça fait quatre jours que je demande un rendez-vous au médecin, y’a pas de place. Ils me disent le médecin accepte que les gens qui sont rentrés aujourd’hui, les nouveaux. Il accepte pas les anciens. J’ai dit moi je suis ancien je suis nouveau c’est pareil ! je suis malade. il me dit non, on n’a pas le droit, on n’a pas ça. J’ai dit je suis malade je tousse, ça fait trois jours j’ai la gorge… les gens qui ont le coronavirus ils étaient avec moi, je suis malade. Ils me donnent pas de rendez-vous, non. Ils me parlent mal, même le médecin ici il parle mal, il me dit on n’a pas ça, on n’a pas ça. Si tu parles mal avec lui il va appeler la police. La police va t’amener à l’isolement.

Les assistantes sociales ici elles font rien. Y’a pas d’assistantes sociales ici du tout. Y’a que Forum pour faire les papiers. Pour envoyer les papiers au juge et c’est tout.

J’ai la toux ça fait trois jours. Ils donnent pas de médicaments. Moi j’ai dit je passe pas chez le médecin mais donne moi juste des sachets pour la toux. Que j’achète moi. Ils me disent non, t’es pas dehors, t’es au centre.

Normalement on a le droit à la visite une demi-heure par jour, chaque personne. Et les policiers ils disent non on fait pas les visites comme ça eux ils travaillent pas beaucoup. Ils disent qu’il y a un papier, du juge je sais pas quoi, qui dit qu’ils ont arrêté les visites. J’ai dit montre nous le papier! montre nous le papier qui interdit les visites, on va regarder. on va lire, moi je lis je crois mes yeux, donne moi le papier, je regarde. si y’a pas de visite ok. si vous me dites le juge a envoyé les papiers comme quoi y’a pas de visites par rapport au covid 19, vous nous montrez pas le papier, comment ça se fait. Il dit « non je te montre pas les papiers ». Tu sais en fait y’a un groupe de la police ils laissent la visite, et l’autre groupe il laisse pas la visite. Un groupe laisse la visite, un groupe il laisse pas. C’est comme ils veulent. ça veut dire si ils sont pas contents y’a pas de visite, si ils sont bien dans leur tête et tout ils laissent la visite.

Je te jure, j’ai trois enfants, je pense à mes enfants ici. mes enfants français, ma femme française. Je pense à eux. sinon je vais être suicidé ici. je suicide ici, je te jure je suicide ici. J’ai pas pu faire de test, ils voulaient pas me ramener au médecin, ils voulaient pas me proposer de test ni rien. Ils veulent pas. j’ai demandé le médecin, ça fait trois jours, ils voulaient pas. si j’ai le coronavirus, je suis déclaré à personne. Les gens qui sont positifs ils sont ramenés de l’isolement après ils sont ramenés avec nous. Nous on a parlé on a dit monsieur ils ont le coronavirus, ils ont dit non non y’a pas de place. Là-bas c’est le quartier des femmes, on peut pas laisser les gens à l’isolement là-bas. Ils ont dit « débrouillez-vous, marchez pas à côté d’eux c’est tout ».

y’a pas d’expulsions en ce moment. Les frontières algériennes, tunisiennes, marocaines : fermées. les frontières fermées. Ici y’a que les gens albanais qui sont expulsés. Mais nous, les frontières sont fermées. J’ai le droit de sortir. j’ai tous les papiers pour sortir. j’ai ma carte de séjour qui est valable. j’ai tout ça. Pourquoi ils nous libèrent pas ? ils te ramènent ici pour ouvrir le centre, pour faire travailler les policiers et pour donner à manger, pour payer les autres pays. parce que c’est les étrangers qui payent les habits, les serviettes, c’est eux qui payent. Eux ici ils disent que si on ferme le centre on va tomber dans la galère ou… les marchandises marchent pas nanana… c’est politique. C’est politique. […]

On va compter sur vous pour le moment. y’a 11 personnes qui sont positives ici. si ils ramènent des gens de l’extérieur, je te jure le centre il va être fermé. Parce qu’ils ont pas le droit de nous garder comme ça. Sur la tête de mes enfants, y’a plein de gens qui sont positifs ici. je te jure. Je jure pas sur la tête de mes enfants pour rien. […]

Marié avec une Française, trois gamins français. Mes enfants, tous français. J’ai des fiches de paye, je travaille dans une usine. Et je suis là. y’a des gens qui ont des papiers et ils sont là. Ils ont fait n’importe quoi, je sais pas qu’est-ce qu’ils cherchent. […]

On fait la grève de la faim depuis trois jours on n’a pas mangé, y’a des gens qui sont tombés dans les pommes et tout.  La police leur a dit va manger va manger, ils ont dit « je préfère la mort je mange pas. » « je préfère la mort. » Ils te taillent, ils te frappent, ils te parlent mal. si tu parles mal, si tu réponds, la police taille mais toi t’as pas le droit de répondre. si tu réponds tu vas à l’isolement. C’est pas tous, même le monde, c’est pas tous méchants, c’est pas tous bien. mais ici 98% des gens de ce centre c’est tout le travail qu’ils font, ils sont méchants avec nous.  imagine, je suis dans mon lit,  je pense à mes enfants, ma femme, pour les voir, pour sortir, pour au moins la visite. y’a un policier le soir il vient me voir il me dit « donne moi ta carte sale pute ».

y’a des copains normalement ils ont une opération. ils doivent être opérés. y’en a un c’est la police qui a cassé son bras. ils ont serré les menottes, il a pas dit au médecin comme quoi c’est la police qui a cassé son bras. et le médecin quand il a fait la radio il a dit « normalement tu vas sortir en urgence pour faire une opération de l’épaule ». après quand il a dit à la police « je vais sortir le monsieur pour faire une opération de l’épaule » la police elle a dit « non on n’a pas le droit d’amener les gens à l’hôpital ».

« J’ai peur, franchement vous me faites peur, je pense il suffit qu’on vous donne quelques droits là, et vous allez commencer à tuer des gens vous ».Témoignage de X., tabassé par la PAF, le 02.11.2020

Salut, comment ça se passe à l’intérieur pour toi ?

Franchement, moi depuis que je suis là, comme je t’avais dit, j’ai fait le Centre de rétention quatre fois dans ma vie, bah celui de Lyon, c’est le pire, les policiers, je veux pas tout mélanger, pas tout le monde, mais les policiers qui ont frappé Mr. Bokoko la dernière fois, ils m’ont frappé avant-hier moi aussi, pour rien, ils m’ont mis en garde à vue 24h, attaché, scotché sur un lit où il y a même pas de matelas, il y a rien, je sais même pas pourquoi, parce que je suis rentré quand ils sont sortis, j’ai rien fait en fait. Il y’a rien, il y avait rien du tout, je suis resté 24 heures. Ils m’ont coupé le chauffage la nuit, ils ont ouvert la fenêtre, il y avait pas de matelas, pas de draps, pas de couverture, rien. Le policier là qui m’a frappé, il fait plus que 45 ans, il est métisse, peut-être Indien, je sais pas, il a une tâche noire sur son front. Lui il n’arrête pas de frapper les gens, surtout dans les chambres.

C’est pas la première fois qu’il frappe des gens, c’est ça ?

Nan, c’est pas la première fois. Hier, il est passé devant moi, il y avait presque 8 personnes à côté de moi. Heureusement, il y avait des civils. Il est passé, j’ai dit aux gens : « Regardez, c’est lui le policier qui frappe tout le monde, il m’a frappé sur la tête, c’est lui qui a frappé Mr. Bokoko la dernière-fois ». Il l’avait démonté. Après, le policier a marché un peu, il s’est retourné et il a dit « écoute, écoute, j’ai entendu que tu m’as dit sale fils de pute ». Alors que j’ai rien dit. J’ai même pas commencé à parler, les 8 personnes à côté de moi elles ont commencé à crier : « Arrête de mentir, on a jamais entendu ça ». Moi j’insulte personne ici, j’ai jamais insulté.

Et Forum Réfugié et le médecin, ils t’ont dit quelque chose ?

Le médecin, il est venu me voir après qu’ils m’ont détaché. Parce que je t’ai dit, ils m’avaient attaché en fait, je frappais derrière la porte, parce que je ne comprenais pas ce que je faisais là, ils m’ont menotté et ils m’ont scotché. Ils m’ont menotté derrière le dos et ils m’ont mis du scotch en haut de mes bras et ils m’ont scotché les pieds en bas, et les jambes. 3 heures après, ils sont revenus, ils m’ont détaché parce que j’avais trop mal aux épaules, elles étaient toutes gonflées, jusqu’à maintenant j’ai mal. Ça veut dire que si je vais voir un vrai médecin maintenant, il va me donner au moins une semaine d’arrêt maladie ou plus, parce que j’ai des cicatrices bleues tout ça, bref. Il y a une chose que je n’ai pas comprise, parce que Mme. Elodie, elle, c’est la cheffe de Forum, elle était là quand ils m’ont pris pour rien et j’ai rien fait. Mais attends, je finis d’abord au mitard. Dès qu’ils m’ont détaché, le médecin est venu me voir 10 minutes après. Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais  il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là,  et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. Et Mme Elodie, elle, la cheffe là, moi je voulais bien que ça soit elle qui prenne la plainte, je sais pas, elle a assisté, je voulais bien que ça soit elle qui prenne la plainte, elle était comme un témoin quand ils m’ont pris pour rien. J’ai rien fait, j’ai pas insulté, rien. Les gens qui les insultent, je vois, ils sont là, tous les jours : « nique ta mère », mais les policiers ils les amènent pas. Et moi, j’ai rien fait, ils m’ont amené 24h dans le froid.

Pourquoi tu penses qu’ils t’ont fait ça à toi ?

Bah parce que c’est lui le flic contre qui j’ai témoigné [en septembre]. C’est lui qui m’a frappé. Ça se voit comment il est, comment il parle, je suis désolé de dire ça, mais il m’a pris les couilles et il m’a pincé, j’ai jamais vu ça de ma vie, et quand j’ai bougé, il m’a pris ma tête contre le mur, je sais pas, contre un coin, il y a une cicatrice, et en fait, il a eu peur quand il a vu qu’il y avait un peu de sang et tout ça, et à partir de là, dès qu’il a vu que j’ai saigné un peu, je l’ai plus vu, il a disparu. Je l’ai juste vu hier soir, il est venu dans notre truc, j’ai dit « regardez, c’est lui qui frappe tout le monde, pourquoi tu frappes tout le monde ? ». Il a marché un peu […] avec son collègue, et puis il s’est retourné et il a dit « Ecoute, écoute, Mr. X, j’ai entendu que tu as dis sale fils de pute ». Moi, j’ai pas parlé, les gens ont dit « arrête, arrête, il a pas dit, on a jamais entendu qu’il a dit ça ». Après, je suis allé voir les civils, ils m’ont dit, « oui, on a entendu pas mal de choses à propos de lui [du flic] ». La vérité, lui, la dernière fois, il a failli tuer le mec, il l’a défoncé,  il a mis son pied sur son cou, il arrivait plus à respirer, comme moi avant-hier, j’arrivais plus à respirer, parce qu’ils m’ont trop attaché, ils m’ont trop scotché, j’arrivais plus à respirer. Je bougeais trop, je me suis fait mal.

 

Tu veux parler un peu de la situation dans le CRA avec le nouveau confinement ?

Ça change rien. Il y a plus de visites, ça c’est normal. Je te dis, depuis qu’il m’a frappé, je vais plus à la cantine, je vais plus manger. Franchement, je vais pas à la cuisine. Sinon, dans le CRA, il y a 80 personnes. C’est tout dégueulasse. Ils ont libéré deux Algériens.

Mais vous avez pas d’informations précises ?

Nan. Il y a 80 personnes. Les 20 plus anciens,  ceux qui ont passé le plus de temps, il y a moi et un autre gars qu’ils ont emmené en GAV, parce qu’il a refusé un test. Il y a deux mecs on sait pas où ils sont, leurs parents ils appellent, mais on sait pas où ils sont.

Tu veux rajouter quelque chose ?

Franchement, on comprend rien. L’équipe de nuit, il y en a deux ou trois c’est des racistes pire que lui je pense. Hier, il y en a un, il m’a poussé dans la chambre… Parce qu’avant-hier, en fait, quand j’étais en GAV, il y avait une caméra. Il m’a dit quoi ? « J’ai envie de te défoncer, vas-y j’ai envie de t’éclater la gueule, dommage je peux pas faire ça ». C’est un gros avec un crâne rasé. Hier, dans la chambre, il me dit « T’attends quoi pour faire une autre carte ». Je lui dis « Bah, demande à tes collègues ». Il me dit, « Toi, tu fermes ta gueule ». je lui ai  dit « nan, moi je ferme pas ma gueule ». Il est venu, il m’a poussé,  je suis tombé. C’était dans la chambre, hein. Il m’a dit : « Quand je parle, toi tu fermes ta gueule ». J’ai rigolé, ça m’a fait rire, j’ai dit, « j’ai peur, franchement vous me faîtes peur, je pense il suffit qu’on vous donne quelques droits là, et vous allez commencer à tuer des gens vous ». C’est un truc de fou. Il y a deux équipes, en fait. Dans celle de la nuit là, il y en a quelques uns, ils sont dégueulasses, c’est des dégueulasses, ils ouvrent la porte la nuit, ils prennent ta carte, ils ferment la porte sur la gueule. Quand t’essayes de l’ouvrir, ils poussent, ils disent « ferme ta gueule, sinon je t’éclate la gueule ». Hier, j’essaye d’ouvrir la porte, il a tiré la porte, il m’a poussé, il m’a dit : « Là je peux t’éclater la gueule, mais j’ai pas trop le temps ». Parce qu’il y a pas les caméras dans la chambre en fait. Il me dit : « toi, je vais pas t’oublier ». Mais je fais rien […]. Là, j’arrive pas vraiment à marcher, ni à lever les bras.